mardi 1er octobre 2002
Je voudrais savoir pourquoi l’Islam autorise l’homme à prendre quatre épouses, bien qu’il existe des abus dans l’utilisation de ce droit par certains hommes. Pourquoi le Messager, paix et bénédiction sur lui, a-t-il été autorisé à prendre jusqu’à neuf épouses, alors que les autres hommes de sa Communauté sont limités à quatre ?
Avant l’avènement de l’Islam, les gens épousaient les femmes qui leur plaisaient sans restriction ni condition. On a ainsi mentionné que David - paix sur lui - possédait trois cents femmes (épouses et concubines) et que Salomon en possédait sept cents.
L’Islam, à son avènement, a imposé une limite à cette polygamie, et il y a posé une condition.
En ce qui concerne la limite, l’Islam a fixé le nombre maximum d’épouses à quatre, nombre qui ne peut en aucun cas être dépassé : « Il est permis d’épouser deux, trois ou quatre, parmi les femmes qui vous plaisent » [1]. Lorsqu’un homme, de la tribu de Thaqîf, ayant dix femmes, a embrassé l’Islam, le Messager lui a ordonné de choisir quatre parmi elles, puis de divorcer avec les autres.
La condition, quant à elle, correspond à la confiance qu’a l’homme en sa capacité à être équitable. Si cette condition n’est pas remplie, il lui est interdit d’épouser une autre femme : « mais, si vous craignez de n’être pas justes avec celles-ci, alors une seule » [2].
À ceci s’ajoutent naturellement les autres conditions qui doivent être remplies pour n’importe quel mariage : la capacité à entretenir le ménage et la capacité à remplir les devoirs conjugaux.
L’Islam a autorisé la polygamie parce qu’il est une religion réaliste, qui ne plane pas dans des idéaux utopiques, délaissant les problèmes de la vie quotidienne sans remède possible. Le deuxième mariage peut en effet résoudre des problèmes chez l’homme dont l’épouse ne peut avoir d’enfants, ou dont l’épouse a des règles trop longues, alors que lui-même a un puissant instinct sexuel, ou encore celui dont la femme est atteinte d’une maladie chronique mais qui veut rester avec elle, ne souhaitant pas le divorce, etc. Le deuxième mariage peut également résoudre des problèmes chez la veuve qui n’espère pas se remarier avec un jeune homme célibataire. Il en est de même pour la jeune femme divorcée, surtout si elle possède un ou plusieurs enfants. Le deuxième mariage peut enfin résoudre des problèmes au niveau de la société dans son ensemble. C’est le cas lorsque le nombre de femmes aptes au mariage est supérieur au nombre d’hommes aptes au mariage. Cette situation apparaît régulièrement, et est d’autant plus accentuée après les guerres par exemple.
Que pouvons-nous donc faire du surplus de femmes ? Trois possibilités s’offrent à nous :
Pour ce qui est de la mauvaise utilisation de cette permission ou de ce droit, combien de droits sont mal utilisés, et dont la pratique est abusive, sans que cela ne conduise à leur abolition ni à leur annulation ?
Le droit au premier mariage lui-même connaît de nombreux abus, devons-nous donc l’abolir ? Le droit à la liberté, quand bien même serait-il mal utilisé, devons-nous l’abolir ? Le droit de vote, quand bien même serait-il mal utilisé, devons-nous l’abolir ? Le pouvoir, quel qu’il soit, peut être mal utilisé. Devons-nous l’abolir et vivre dans l’anarchie ?
Plutôt que d’appeler à abolir la polygamie, il vaut mieux poser des restrictions à son utilisation, et punir ceux qui abusent de ce droit, dans la mesure du possible.
Pourquoi le Messager - paix et bénédiction sur lui - a-t-il conservé neuf épouses, alors qu’il limitait les autres Musulmans à quatre épouses, maximum autorisé pour la polygamie, si bien que le Prophète, paix et bénédiction sur lui, ordonnait à celui qui se convertissait à l’Islam, en ayant dix épouses par exemple, d’en choisir quatre et de se séparer des autres ?
Nous répondons comme suit. En lui accordant ce droit, Dieu le Très-Haut a privilégié Son Messager - paix et bénédiction sur lui - pour une raison et une sagesse connues. En effet, les épouses du Prophète ont des commandements spécifiques et des particularités qui ne concernent pas les autres femmes de la Communauté. Ainsi, parmi ces commandements spécifiques, il leur est interdit de se remarier avec quiconque après le Messager de Dieu — paix et bénédiction sur lui — conformément à ce que dit le Très-Haut : « Vous ne devez pas faire de la peine au Messager de Dieu, ni jamais vous marier avec ses épouses après lui ; ce serait, auprès de Dieu, un énorme péché. » [3]
Or, toute femme divorcée a le droit de se remarier avec n’importe quel Musulman après son divorce. Dieu le Très-Haut les a donc honorées en leur permettant de rester les épouses de Son Prophète. Il s’agit d’une exception et d’une particularité qui ne concernent qu’elles. Parallèlement, le Prophète ne pouvait plus épouser d’autres femmes, ni les quitter pour en épouser d’autres. Leur nombre devait rester tel quel. A ce sujet, le Très-Haut s’adresse à Son Prophète — paix et bénédiction sur lui : « Il ne t’est plus permis désormais de prendre d’autres femmes, ni de changer d’épouses, même si leur beauté te plaît ; - à l’exception de ce que possède ta dextre. Et Dieu observe toute chose. » [4]
De plus, lorsque les épouses du Messager — paix et bénédiction sur lui — ont réclamé une augmentation de leurs revenus pour l’entretien de leur ménage et une amélioration de leur niveau de vie, Dieu — Exalté soit-Il — lui a ordonné de leur donner le choix entre Dieu, Son Messager et la Demeure dernière avec ce que cela implique de privations matérielles et de vie ascétique d’une part et entre un divorce sans préjudice et une séparation convenable d’autre part. Toutes ont préféré Dieu, Son Messager et la Demeure dernière. Ainsi, le Très-Haut dit : « Ô Prophète ! Dis à tes épouses : ‹Si c’est la vie présente que vous désirez et sa parure, alors venez ! Je vous donnerai les moyens d’en jouir et vous libérerai par un divorce sans préjudice. Mais si c’est Dieu que vous voulez et Son Messager ainsi que la Demeure dernière, Dieu a préparé pour les bienfaisantes parmi vous une énorme récompense. » [5]
Si toutes ont choisi Dieu, Son Messager et la Demeure dernière et ont accepté une vie sobre et ascétique avec le Noble Prophète, laquelle d’entre elles le Messager va-t-il quitter ? Gardons à l’esprit que la séparation avec l’une d’elles serait une punition sévère à son encontre, alors qu’elle n’aurait rien commis qui appelât la punition ? Elle serait de surcroît privée de sa qualité de Mère des Croyants.
Pour cette raison, Dieu a accordé cet honneur aux neuf épouses du Prophète, qui ont choisi de vivre avec ce dernier, malgré les rudes conditions de vie et l’insuffisance des ressources. Cette vie était tellement dure que le croissant de lune pouvait apparaître puis réapparaître sans qu’un seul feu ne soit allumé dans les appartements prophétiques. Le Prophète et ses épouses ne subsistaient que sur des dattes et de l’eau.
En ce qui concerne la sagesse à la base du mariage avec ces neuf femmes, il faut savoir qu’elle est connue d’office de toute personne ayant étudié la biographie du Prophète. En effet, chacun de ces mariages a une histoire relatant les raisons pour lesquelles le Prophète l’a contracté. De plus, il était licite à cette époque de se marier autant de fois qu’on le souhaitait. Le présent texte ne nous permet pas d’entrer dans le détail de ces mariages, mais nous allons donner quelques indications qui suffiront pour l’instant.
On sait que le Prophète - paix et bénédiction sur lui - a passé sa jeunesse et une partie de sa vieillesse, jusqu’à cinquante ans, avec une seule femme, plus âgée que lui de quinze ans. Il l’avait épousée alors qu’elle-même avait déjà connu le mariage. Elle possédait en outre des enfants d’autres maris. Malgré cela, ils vécurent tous deux dans le bonheur le plus complet. Après la mort cette première épouse, le Prophète ressentait toujours pour elle de l’amour, en disait du bien, s’égayait à son souvenir. Cela lui valut d’ailleurs la jalousie de sa jeune épouse ʿÂ’ishah, alors que la première épouse était dans sa tombe.
La première femme que le Prophète épousa après son veuvage était Sawdah Bint Zamʿah. C’était une femme âgée, qui ne se distinguait ni par la jeunesse ni par la beauté. Le Prophète voulu ensuite faire honneur au plus proche de ses Compagnons, Abû Bakr, en épousant sa fille, malgré sa jeunesse. La belle-alliance avec le chef d’une tribu était alors considérée chez les Arabes comme une forme d’honneur et de distinction. Ainsi, le Prophète lui demanda la main de ʿÂ’ishah, alors qu’elle n’était pas encore en âge de se marier. Aussi, ne consomma-t-elle son mariage qu’après des années.
Le Noble Prophète — paix et bénédiction sur lui — épousa ensuite Hafsah Bint ʿUmar, la fille du deuxième homme le plus proche du Prophète après Abû Bakr. ʿUmar avait préalablement proposé la main de sa fille à chacun de ses deux amis, Abû Bakr et ʿUthmân, qui ne lui donnèrent pas de réponse. Le Prophète — paix et bénédiction sur lui — l’épousa alors, honorant et distinguant ainsi ʿUmar, comme il l’avait fait auparavant avec Abû Bakr, que Dieu les agrée tous deux.
Ainsi, les quatre Compagnons les plus proches du Prophète — paix et bénédiction sur lui — remportèrent le lien de la belle-alliance avec lui. Entre Abû Bakr, ʿUmar, ʿUthmân et ʿAlî, les uns lui marièrent leur fille, les autres épousèrent les siennes (ʿUthmân et ʿAlî).
Le Prophète épousé également Umm Salamah, après le martyre de son mari à Uhud. Elle faisait partie des Emigrées (muhâjirât) dans le Sentier de Dieu et de celles qui donnèrent beaucoup pour l’Islam. Le Prophète voulut donc la consoler au sujet de son mari, en lui faisant une place parmi ses épouses. Lorsqu’il demanda sa main, elle s’excusa, prétextant son âge avancé et la charge de ses enfants. Le Prophète lui répondit : « L’âge avancé auquel tu es parvenue, j’y suis parvenu moi aussi et tes enfants sont aussi les miens. »
Il y a ensuite Safiyyah Bint Huyay, dont le père est Huyay Ibn Akhtab, le célèbre chef juif qui coalisa les tribus païennes contre le Messager de Dieu et qui l’affronta au cours de plusieurs batailles. Le père de Safiyyah était mort, sa famille avait péri. Le Messager - paix et bénédiction sur lui - ne voulu pas l’abandonner à l’un de ses Compagnons. Il l’honora et l’épousa, afin de la réconforter dans sa détresse, et lui faire oublier son malheur.
Il y a également Umm Habîbah : Ramlah, fille de Abû Sufyân Ibn Harb, qui était le chef de la tribu de Quraysh et le commandant de l’armée qurayshite à la bataille de Uhud contre le Prophète, et à la bataille des Coalisés. Umm Habîbah s’était convertie à l’Islam et avait émigré en Abyssinie avec son époux. Ce dernier céda alors à la débauche : il finit par délaisser son épouse et apostasier, que Dieu nous en préserve. Le Messager voulut alors la consoler de ce malheur dont son mari l’avait frappé. Il envoya donc un message au Négus dans lequel il lui confia la mission d’annoncer leurs fiançailles puis de contracter leur mariage, malgré les grandes distances qui les séparaient. Le Prophète offrit à Umm Habîbah une dot de quatre mille dirhams. Lorsque la nouvelle du mariage de Muhammad et de Umm Habîbah parvint au père de cette dernière, Abû Sufyân, celui-ci dit, fier de cette alliance : « Il est l’homme par excellence, on ne peut lui faire courber l’échine ».
Il y a aussi Zaynab Bint Jahsh, dont Dieu a relaté l’histoire et les motifs de son mariage avec le Prophète dans le Coran. Ce mariage est venu en fait annuler l’interdiction pré-islamique qui empêchait des parents adoptifs d’épouser l’ex-conjoint de leur enfant adoptif. Cette interdiction était alors répandue chez les Arabes. Elle résultait de l’importance accordée à l’adoption. Le Très-Haut révèla alors au sujet des enfants adoptés : « Appelez-les du nom de leurs pères : c’est plus équitable devant Dieu. » [6]
Dieu ordonna alors à Son Prophète d’épouser l’ex-femme de son fils adoptif, malgré la difficulté qu’éprouvait le Prophète à agir de la sorte, et le bouleversement que cela allait susciter dans la société. Le Très-Haut dit : « Quand tu disais à celui que Dieu avait comblé de bienfaits, tout comme toi-même l’avais comblé : ‹Garde pour toi ton épouse et crains Dieu›, et tu cachais en ton âme ce que Dieu allait rendre public. Tu craignais les gens, et c’est Dieu qui est plus digne de ta crainte. Puis quand Zayd eût cessé toute relation avec elle, Nous te la fîmes épouser, afin qu’il n’y ait aucun empêchement pour les Croyants d’épouser les femmes de leurs fils adoptifs, quand ceux-ci cessent toute relation avec elles. Le Commandement de Dieu doit être exécuté. » [7]
C’est la même chose pour toutes les épouses. Chacune d’elles a son histoire, et chaque mariage comporte une sagesse. Entre autres sagesses, on peut citer le raffermissement des liens entre les tribus arabes grâce à la belle-alliance. Toutes ces femmes, exceptée ʿÂ’ishah, avaient déjà connu le mariage et n’étaient pas réputées pour une beauté extraordinaire. Si le Prophète — paix et bénédictions sur lui — avait voulu épouser les plus belles vierges d’Arabie, leurs familles n’auraient pas hésité à se rapprocher de lui de cette manière. Mais lui cherchait par chaque mariage à résoudre un problème ou à panser une plaie. Que la paix et la bénédiction de Dieu soient sur lui.
Traduit de l’arabe du site Islamonline.net. La version originale est consultable sur archive.org.
[1] Sourate 4, Les Femmes, An-Nisâ’, verset 3.
[2] Sourate 4, Les Femmes, An-Nisâ’, verset 3.
[3] Sourate 33, Les Coalisés, Al-Ahzâb, verset 53.
[4] Sourate 33, Les Coalisés, Al-Ahzâb, verset 52.
[5] Sourate 33, Les Coalisés, Al-Ahzâb, versets 28 et 29.
[6] Sourate 33, Les Coalisés, Al-Ahzâb, verset 5.
[7] Sourate 33, Les Coalisés, Al-Ahzâb, verset 37.
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