dimanche 19 janvier 2003
On peut lire dans Nahj Al-Balâghah que le Commandeur des Croyants ʿAlî Ibn Abî Tâlib — que Dieu l’agrée — dit : « La femme est entièrement un mal. Et le pire mal qui est en elle est qu’elle est indispensable. » Comment expliquez-vous cette parole ? Cette opinion reflète-t-elle la position de l’Islam vis-à-vis de la femme ? Je souhaiterais avoir des éclaircissements sur la question.
Merci.
Louanges à Dieu et paix et bénédiction sur le Messager de Dieu.
Il y a deux vérités qu’il nous faut admettre d’une manière claire et limpide.
La première est que l’avis de l’Islam sur une question donnée n’est déterminé que par la Parole de Dieu — Exalté soit-Il — et celle de Son Messager — paix et bénédiction sur lui. Les paroles autres que celles-ci peuvent être admises ou récusées. Seuls le Noble Coran et l’Authentique Sunnah prophétique sont des sources infaillibles. Ce qui peut faillir en revanche, c’est la compréhension qu’on peut en avoir, soit des deux, soit de l’une d’eux.
La seconde est qu’il est bien connu chez les critiques et les investigateurs qu’une partie de ce qui a été rapporté au sujet de ʿAlî — que Dieu l’agrée — dans Nahj Al-Balâghah est fausse. Il existe pour cela des arguments et des preuves. Nul doute également que dans le Nahj, il existe des discours et des paroles dont le critique ou même le lecteur averti ressent qu’ils ne correspondent pas à l’époque de l’Imâm [1] dans les idées qu’ils véhiculent ou le style qu’ils adoptent.
A partir de là, on ne peut pas s’appuyer sur tout ce qui a été rapporté dans le Nahj, en considérant qu’il représente les paroles de ʿAlî. En effet, il est établi dans les sciences islamiques que l’attribution d’une parole à un individu donné n’est valide que si les conditions de transmission authentique, ininterrompue et dénuée de toute anomalie sont vérifiées. Mais mes cheveux se sont dressés sur ma tête... Où est donc la chaîne de narration ininterrompue qui remonte jusqu’à ʿAlî, pour pouvoir affirmer que c’est bien lui qui a dit cette parole ?
Supposons même que cette parole, attribuée à ʿAlî, ait été rapportée selon une chaîne de transmission authentique et ininterrompue, grâce à des narrateurs honnêtes et à la mémoire fidèle. Dans ce cas, cette parole ne peut être que récusée, en ce sens qu’elle contredit explicitement les fondements et les textes islamiques. Ces derniers constituent en effet la preuve éclatante qui récuse toute parole qui leur est contraire, la chaîne de transmission de cette parole fût-elle claire comme le jour.
Mais comment ʿAlî Ibn Abî Tâlib pourrait-il prononcer une telle parole alors qu’il lit dans le Livre de Dieu ce qui entérine l’égalité entre la femme et l’homme au niveau de leur création, au niveau des responsabilités religieuses qui leur incombent et au niveau de la rétribution qui leur sera faite ? « Ô hommes ! Craignez votre Seigneur qui vous a créés d’un seul être, et a créé de celui-ci son conjoint, et qui de ces deux-là a fait répandre (sur la terre) beaucoup d’hommes et de femmes. » (sourate 4 intitulée les Femmes, An-Nisâ’, verset 1) ; « Les Musulmans et les Musulmanes, croyants et croyantes, obéissants et obéissantes, loyaux et loyales, endurants et endurantes, craignants et craignantes, donneurs et donneuses d’aumônes, jeûneurs et jeûneuses, gardiens de leur chasteté et gardiennes, invocateurs souvent de Dieu et invocatrices : Dieu a préparé pour eux un pardon et une énorme récompense. » (sourate 33 intitulée les Coalisés, Al-Ahzâb, verset 35) ; « Leur Seigneur les a alors exaucés (disant) : ‹En vérité, Je ne laisse pas perdre le bien que quiconque parmi vous a fait, homme ou femme, car vous êtes les uns des autres. » (sourate 3 intitulée la Famille d’Amram, Âl ʿImrân, verset 195).
Le Coran dit également au sujet des épouses : « elles sont un vêtement pour vous et vous êtes un vêtement pour elles » (sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, verset 187) ; « Et parmi Ses signes Il a créé de vous, pour vous, des épouses pour que vous viviez en tranquillité avec elles et Il a placé entre vous de l’amour et de la miséricorde. Il y a en cela des preuves pour des gens qui réfléchissent. » (sourate 30 intitulée les Byzantins, Ar-Rûm, verset 21). Par ailleurs, le Messager — paix et bénédiction sur lui — dit : « Très certainement, les femmes sont des sœurs germaines pour les hommes. ». Il dit également : « La vie d’ici-bas est un bien. Et le meilleur de ces biens est la femme vertueuse. » (rapporté par Muslim, An-Nasâ’î et Ibn Mâjah). Il dit également : « Le fils d’Adam trouve son bonheur dans trois éléments : la femme vertueuse, la maison honorable et l’embarcation profitable. » (rapporté par Ahmad avec une chaîne de narration authentique). Le Prophète dit également : « Quiconque se voit octroyer de la part de Dieu d’une femme vertueuse doit savoir que Dieu l’a aidé à accomplir la moitié de sa religion. Qu’il craigne alors Dieu pour l’accomplissement de la moitié restante. » (rapporté par At-Tabarânî et Al-Hâkim qui ajouta : « Chaîne de narration authentique. »). Il dit également : « Quatre choses, si quelqu’un se les voit octroyer, c’est comme si on lui octroyait le bien d’ici-bas et de l’au-delà. Et parmi ces quatre choses, il cita l’épouse vertueuse qui ne trompe pas son mari à travers son corps à elle ou ses biens à lui. » (rapporté par At-Tabarânî dans Al-Kabîr et dans Al-Awsat ; dans l’un des deux ouvrages, la chaîne de narration est bonne ; rapporté également par Al-Mundhirî dans At-Targhîb). Le Prophète dit encore au sujet de lui-même : « J’aime, dans votre monde d’ici-bas, les femmes et le parfum. Mais la fraîcheur de mon œil [2] se trouve dans la prière. »
Comment donc ʿAlî — que Dieu l’agrée — pourrait-il s’opposer à tout cela et à d’autres versets et hadiths encore, en déclarant que la femme est entièrement un mal ? Nous pourrions également — si cette parole a réellement été prononcée par ʿAlî — lui demander ce qu’il pense de son épouse, la mère des petits-enfants du Prophète, Al-Hasan et Al-Husayn, les deux suzerains des jeunes gens du Paradis, ce qu’il pense de Fâtimah, la suzeraine des femmes — que Dieu l’agrée. L’Imâm ʿAlî accepterait-il et les Musulmans accepteraient-ils de sa part qu’il dise d’elle qu’elle est entièrement un mal ? !
La nature primordiale (Fitrah) de la femme ne diffère en rien de la nature primordiale de l’homme. Les deux natures sont susceptibles au bien et au mal, à la guidance et à l’errance, exactement comme le rappelle le Très Haut : « Et par l’âme et Celui qui l’a harmonieusement façonnée ; et lui a alors inspiré son immoralité, de même que sa piété ! A réussi, certes celui qui la purifie. Et est perdu, certes, celui qui la corrompt. » (sourate 91 intitulée le Soleil, Ash-Shams, versets 7 à 10). Comment peut-on imaginer que la femme soit entièrement un mal, alors qu’elle demeure indispensable ? Comment Dieu pourrait-il créer un mal absolu puis y conduirait les gens par le fouet du besoin et de la nécessité ?
Celui qui médite la Création verra que le bien est le fondement et la règle. Et le mal qu’on peut percevoir n’est que partiel et relatif ; il est en outre immergé dans le bien total, général et absolu. En réalité, ce mal partiel et relatif est une nécessité appelée par le bien lui-même. C’est pour cette raison que le Prophète — paix et bénédiction sur lui — invoquait son Seigneur en disant : « Et le mal ne vient pas de Toi. » Dans le Coran, on trouve : « Le bien est en Ta main et Tu es Omnipotent. » (sourate 3 intitulée la Famille d’Amram, Âl ʿImrân, verset 26).
Il reste néanmoins un point à souligner qui a été suscité par un hadith. Il s’agit de l’avertissement lancé contre la séduction des femmes. Le Prophète dit en effet : « Je n’ai laissé derrière moi aucune tentation plus préjudiciable aux hommes que les femmes. » (rapporté par Al-Bukhârî).
Je dis que l’avertissement de se laisser tenter par une chose ne signifie pas que la chose en question soit entièrement un mal. Cela signifie simplement que cette chose exerce une influence tellement forte sur l’être humain qu’elle fait craindre que ce dernier en soit plus préoccupé que par Dieu et l’au-delà.
C’est dans cet esprit que Dieu nous a averti de la tentation suscitée par les richesses et la descendance, et ce, dans le plus grand verset du Livre de Dieu : « Vos biens et vos enfants ne sont qu’une tentation, alors qu’auprès de Dieu est une énorme récompense. » (sourate 64 intitulée La Grande perte, At-Taghâbun, verset 15) ; « Ô vous qui avez cru ! Que ni vos biens ni vos enfants ne vous distraient du rappel de Dieu. Et quiconque fait cela... alors ceux-là seront les perdants. » (sourate 63 intitulée les Hypocrites, Al-Munâfiqûn, verset 9). Ainsi, Dieu avertit de la tentation suscitée par les richesses alors qu’il désigne les richesses par le mot « bien » dans maints versets du Coran. Il avertit également de la tentation suscitée par la descendance alors qu’Il considère cette descendance comme un bienfait prodigué par Dieu à qui Il veut de Ses Serviteurs : « Il fait don de filles à qui Il veut, et don de garçons à qui Il veut » (sourate 42 intitulée la Consultation, Ash-Shûrâ, verset 49). Il affirme également que cette descendance est une grâce dont il gratifie Ses Serviteurs, grâce semblable aux autres bonnes choses qu’Il leur octroie : « Dieu vous a fait à partir de vous-mêmes des conjoints, et de vos conjoints Il vous a donné des enfants et des petits-enfants. Et Il vous a attribué de bonnes choses. » (sourate 16 intitulée les Abeilles, An-Nahl, verset 72).
Ainsi, l’avertissement de la tentation suscitée par les femmes est identique à l’avertissement de la tentation suscitée par les richesses et la descendance. Cela ne signifie pas que tous ces bienfaits sont un mal, entièrement un mal ! Dieu prévient simplement de ne pas s’y attacher à tel point qu’on en devient entièrement dépendant, ce qui détourne assurément de Dieu. Nul ne contestera que la plupart des hommes faiblit devant le charme de la femme, son attirance et sa séduction. Ceci est d’autant plus vrai lorsque la femme se fait excitante et provocante car, dans ce chapitre, elle surpasse les hommes en créativité.
Pour cette raison, il était nécessaire d’appeler les hommes à prendre garde de ce danger, afin qu’ils ne répondissent pas à leurs instincts et à leur ardent désir sexuel. A notre époque, nous remarquons que la tentation suscitée par la femme a atteint son paroxysme, a atteint un niveau qui a dépassé les niveaux de toutes les époques antérieures, et qui a dépassé l’imagination des gens de ces époques. Les destructeurs utilisent aujourd’hui la femme en tant que pioche pour détruire toutes les vertus et les valeurs héritées depuis des siècles, et ce, au nom du développement et du progrès. La femme musulmane doit prendre garde à ces complots et estimer la valeur de sa personne pour qu’elle ne devienne pas un outil de destruction entre les mains des forces anti-islamiques. La femme musulmane doit revenir à ce sur quoi étaient les femmes de la Communauté lorsque celle-ci était sous son meilleur jour : la fille bien élevée, l’épouse vertueuse, la mère honorable, la femme excellente qui œuvre pour le bien de sa religion et de sa Communauté. C’est ainsi qu’elle décrochera le double succès [3] et qu’elle atteindra le bonheur dans les deux demeures [4].
Et Dieu est le plus Savant.
Traduit de la Banque de Fatâwâ du site Islamonline.net. La version originale est consultable sur archive.org.
[1] ʿAlî est souvent surnommé l’Imâm par les Musulmans.
[2] L’expression « Qurrah Al-ʿAyn » (la fraîcheur de l’œil) est une expression idiomatique arabe signifiant ce que l’on aime par-dessus tout et qui fait parvenir au bonheur le plus complet.
[3] Le double succès désigne ici le succès dans la vie d’ici-bas et dans l’au-delà.
[4] Les deux demeures désignent ici la vie d’ici-bas et celle de l’au-delà.
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