jeudi 1er novembre 2001
Bien que ces deux sourates du Coran soient des entités séparées et qu’elles soient écrites dans le Mushaf sous deux noms différents, elles sont cependant si profondément reliées l’une à l’autre et leur contenu se ressemble tant qu’on les désigne par un nom commun aux deux : Muʿawwidhatayn (les deux sourates dans lesquelles le refuge auprès d’Allâh est recherché). L’Imâm Al-Bayhaqî dans Dalâ’il An-Nubuwwah a écrit que ces deux sourates ont été révélées ensemble, c’est pourquoi le nom commun aux deux est Muʿawwidhatayn. Nous rédigeons la même introduction pour les deux, car elles discutent et traitent des mêmes thèmes et sujets. Néanmoins, elles seront expliquées et commentées séparément ci-dessous.
Nos maîtres Al-Hasan Al-Basrî, ʿIkrimah, ʿAtâ’ et Jâbir Ibn Zayd disent que ces sourates sont Mecquoises. Une tradition de notre maître ʿAbdullah Ibn ʿAbbas soutient aussi ce point de vue. Pourtant, selon une autre de ses traditions, elles sont Médinoises et ce point de vue est également celui de nos maîtres ʿAbdullâh Ibn Az-Zubayr et Qatâdah. L’une des traditions qui renforcent ce second point de vue est le hadith rapporté par Muslim, At-Tirmidhî, An-Nasâ’î et l’Imâm Ahmad Ibn Hanbal selon notre maître ʿUqbah Ibn ʿÂmir. Il dit que le Saint Prophète (que la paix soit sur lui) lui dit un jour : "Sais-tu quel genre de versets m’ont été révélés ce soir ? -ces versets incomparables sont "Qul aʿûdhu birabb il-falaq" (Je cherche refuge auprès du seigneur du aurore) et "Qul aʿudhu birabb in-nâs" (Je cherche refuge auprès du Seigneur des hommes)."
Ce Hadith sert d’argument pour soutenir que ces sourates sont Médinoises car notre maître ʿUqbah Ibn ʿÂmir a embrassé l’islam à Médine après l’Hégire, comme relaté par Abû Dâwûd et An-Nasâ’î selon le témoignage de ʿUqbah lui-même. D’autres traditions qui renforcent ce point de vue sont celles relatées par Ibn Saʿd, le revivificateur de la sunnah l’Imâm Al-Baghawî, l’Imam An-Nasafî, l’Imâm Al-Bayhaqî, Al-Hâfidh Ibn Hajar, Al-Hâfidh Badruddîn Al-ʿAynî, ʿAbd Ibn Humayd et d’autres disant que ces sourates ont été révélées quand les Juifs avaient lancé un sort contre le Saint Prophète (que la paix soit sur lui) à Médine et qu’il en était tombé malade. Ibn Sa’d a rapporté sous l’autorité d’Al-Wâqidî que ceci est arrivé en l’an 7 après l’hégire. Sur cette base, Sufyân Ibn ʿUyaynah déclare que ces sourates sont médinoises.
Mais comme nous l’avons expliqué dans l’introduction de sourate Al-Ikhlâs, quand il est dit d’une certaine sourate ou d’un certain verset qu’elle ou il a été révélé(e) à telle ou telle occasion, cela ne signifie pas nécessairement qu’elle ou il ait été révélé(e) pour la première fois à cette occasion. Il arrivait parfois qu’une sourate ou un verset ait déjà été révélé(e), puis à l’occasion d’une situation ou d’un incident particulier, l’attention du Saint Prophète était attirée vers elle par Allâh pour une deuxième ou une troisième fois et ainsi de suite. A notre avis, c’est également le cas avec les Muʿawwidhatayn.
Le thème des ces sourates montre explicitement qu’elles ont été révélées à la Mecque pour la première fois quand l’opposition contre le Saint Prophète y était devenue très intense. Plus tard, à Médine, quand des vagues d’opposition ont été provoquées par les hypocrites, Juifs et polythéistes, le Saint Prophète a reçu l’instruction de réciter ces mêmes sourates, comme mentionné dans la tradition d’après notre maître ʿUqbah Ibn ʿÂmir citée précédemment. Puis, quand la sorcellerie a été employée contre lui, et que sa maladie est devenue intense, Gabriel est venu et l’a informé de l’ordre d’Allâh de réciter ces sourates. Ainsi, à notre avis, le point de vue soutenu par les commentateurs qui décrivent ces sourates comme Mecquoises est plus fiable. Ne les considérer que comme exclusivement liées à l’incident de la magie est difficile, car cet incident n’est relié qu’à un verset (verset 113:4), les versets restant de sourate Al-Falaq (Le aurore) et l’ensemble de sourate An-Nâs (Les Hommes) n’ont rien à voir directement avec cet incident.
Les circonstances dans lesquelles ces sourates ont été révélées à la Mecque sont les suivantes. Lorsque le Saint Prophète (que la paix soit sur lui) a commencé à prêcher le message de l’Islam, c’était comme s’il avait provoqué toutes les classes des gens autour de lui. Au fur et à mesure que son message se répandait l’opposition des mécréants de Quraysh devenait de plus en plus forte. Tant qu’ils avaient l’espoir de pouvoir l’empêcher de prêcher son message par la tentation ou par la conclusion d’un marché avec lui, leur hostilité n’était pas très active. Mais une fois que le Saint Prophète les avait déçu, car il se refusait à tout compromis avec eux en matière de foi et, que dans sourate Al-Kâfirûn, il leur est clairement dit : "Je n’adore pas ce que vous adorez et vous n’êtes pas adorateurs de ce que j’adore, à vous votre religion, et à moi la mienne", l’hostilité a atteint ses limites extrêmes.
Plus particulièrement, les familles dont des membres (hommes ou femmes, garçons ou filles) avaient accepté l’Islam, brûlaient d’une rage intérieure contre le Saint Prophète. Ils l’insultaient, tenaient des réunions secrètes pour le tuer en silence dans l’obscurité de la nuit pour que les Banû Hâshim ne puissent découvrir le meurtrier et se venger. Ils employaient la magie et les sorts contre lui pour causer sa mort, ou le faire tomber malade ou le rendre fou. Des démons parmi les hommes et les jinn se répandaient partout pour insuffler quelque malveillance dans les cœurs contre lui et contre le Coran qu’il avait apporté afin de semer le doute à son égard et détourner les gens de lui.
Beaucoup de personnes brûlaient de jalousie à son égard, car ils ne pouvaient tolérer qu’un homme d’une autre famille ou d’un autre clan que le leur prenne de l’importance et leur vole la vedette. Par exemple, Abû Jahl a expliqué lui-même la raison pour laquelle il dépassait toutes les limites dans son hostilité envers lui : "Nous et les Banû ʿAbd Manâf (auquel appartenait le Prophète) étions rivaux : ils nourrissaient certains, nous en nourrissions d’autres ; ils fournissaient des moyens de transport aux gens, nous faisions aussi la même chose ; ils faisaient des dons, nous faisions des dons aussi, et ainsi de suite jusqu’au moment où nous sommes devenus égaux en honneur et en noblesse, ils ont alors déclaré avoir un prophète inspiré par le Ciel. Comment pourrions-nous les concurrencer dans ce domaine ? Par Dieu, nous ne le reconnaîtrons jamais, ni n’attesterons notre foi en lui." (Sîrat Ibn Hishâm, volume I, pp. 337-338).
Telle était la situation quand le Saint Prophète (que la paix soit sur lui) a reçu l’ordre de dire aux gens : "Je cherche refuge auprès du Seigneur de l’aurore, contre le mal de tout ce qu’Il a créé, contre le mal de la nuit tombée, contre le mal des magiciens, hommes et femmes, et contre le mal de l’envieux", et de leur dire : " Je cherche refuge auprès du Seigneur des hommes, le Roi des hommes, et le Dieu des hommes, contre le mal de celui qui égare par ses mauvais conseils, contre celui qui inspire le mal dans le cœur des hommes, qu’il soit un jinn ou un humain." Ceci est similaire à ce que le Prophète Moïse a été amené à dire quand Pharaon a annoncé devant toute sa cour son intention de le tuer : "Je cherche refuge auprès de mon Seigneur et de votre Seigneur contre tout arrogant qui ne croit pas au Jour du Jugement la Résurrection." (Ghâfir:27). Et : "Je prends refuge auprès de mon Seigneur et votre Seigneur de crainte que vous ne m’accabliez." (Ad-Dukhân:20).
A ces deux occasions, ces illustres Prophètes d’Allâh étaient confrontés à des ennemis bien équipés, plein de ressources et de pouvoir. A ces deux occasions, ils ont soutenu fermement leur message de Vérité contre leurs puissants ennemis, alors qu’ils n’avaient pas de pouvoir matériel avec lequel ils pouvaient les combattre. A ces deux occasions, ils n’ont tenu aucun compte des menaces, des plans périlleux et des machinations hostiles de l’ennemi, disant : "Nous prenons refuge auprès du Seigneur de l’univers contre vous". Évidemment, une telle fermeté et une telle ténacité ne peut être montrée que par celui qui a la conviction que le pouvoir de son Seigneur est le pouvoir suprême, que toutes les puissances du monde sont insignifiantes contre Lui, et que nul ne peut causer de mal à celui qui a pris refuge auprès de Lui. Seule une telle personne peut dire : "Je ne cesserai pas de prêcher la vérité. Peu m’importe ce que vous pouvez dire ou faire, car j’ai pris refuge auprès de mon Seigneur et votre Seigneur et Seigneur de tout l’univers".
La discussion ci-dessus suffit pour comprendre pleinement le thème et le contenu de ces deux sourates, mais puisque trois points dans les livres de Hadith et de tafsîr concernant ces sourates ont été discutés, et qu’ils peuvent semer le doute dans les esprits, il est également nécessaire de les clarifier ici.
Premièrement est-il absolument établi que ces deux sourates sont des sourates coraniques ou y-a-t-il un doute à ce sujet ? Cette question s’est posée car dans les traditions relatées d’après d’illustres compagnons tels que notre maître ʿAbdullâh Ibn Masʿud, il a été dit qu’il ne considérait pas que ces deux sourates faisaient partie du Coran et ne les avait pas inscrites dans sa copie du Mushaf. L’Imam Ahmad, Al-Bazzâr, At-Tabarânî, Ibn Mardaweih, Abû Yaʿlâ, ʿAbdullah Ibn Ahmad Ibn Hanbal, Humaydi, Abû Nuʿaym, Ibn Hibbân et d’autres savants des traditions ont rapporté ceci d’après notre maître ʿAbdullâh Ibn Masʿûd avec d’autres chaînes de transmissions et essentiellement d’autorité reconnue. D’après ces traditions, non seulement a-t-il exclu ces sourates du Mushaf mais on a aussi rapporté qu’il disait : "Ne mélangez pas avec le Coran ce qui n’en fait pas partie. Ces deux sourates ne sont pas incluses dans le Coran. Ce n’est qu’un ordre donné au Saint Prophète (que la paix soit sur lui) de chercher refuge auprès de Dieu". Dans certaines traditions, on ajoute qu’il ne récitait pas ces deux sourates pendant la Prière.
Se basant sur ces traditions, les ennemis de l’Islam ont eu l’occasion de semer le doute sur le Coran, disant que ce livre - à Dieu ne plaise - n’est pas exempt de corruption. Car si, selon un compagnon du rang de ʿAbdullah Ibn Masʿud, ces deux sourates étaient un ajout au Coran, d’autres ajouts et soustractions auraient aussi pu avoir lieu. Pour laver le Coran de ces accusations, le Juge Abû Bakr Al-Bâqilâni, le Juge ʿIyâd et d’autres étaient d’avis qu’Ibn Masʿud ne niait en fait pas que les Mu’awwidhatayn soient coraniques mais refusaient simplement de les inscrire dans le Mushaf car, selon lui, seul ce que le Saint Prophète (que la paix soit sur lui) avait autorisé d’inscrire pouvait être inscrit dans le Mushaf, et Ibn Masʿud n’avait pas reçu l’information que le Saint Prophète l’avait permis. Mais cet avis n’est pas correct [1], car selon des preuves reconnues, il est confirmé que Ibn Masʿûd (qu’Allâh soit satisfait de lui) a nié qu’il s’agissait de sourates du Coran. D’autres érudits, par exemple, l’Imâm An-Nawawî, l’Imâm Ibn Hazm et l’Imâm Fakhruddîn Ar-Râzî, considèrent comme un pur mensonge et une tromperie les récits selon lesquels Ibn Mas’ud aurait déclaré une telle chose. Mais rejeter des faits historiques sans preuves solides est non scientifique.
Alors la question est : comment réfuter correctement l’accusation faite à l’encontre du Coran du fait de ces traditions d’Ibn Mas’ud ? Cette question a plusieurs réponses que nous allons apporter à la suite :
Nous avons cité selon Muslim, Ahmad, At-Tirmidhi et An-Nasâ’î, la tradition de notre maître ʿUqbah Ibn ʿÂmir selon laquelle le Saint Prophète lui avait dit à propos de sourate Al-Falaq et de sourate An-Nâs, que ces versets lui avaient été révélés cette nuit-là. Une tradition d’An-Nasâ’î d’après ʿUqbah Ibn ʿÂmir dit que le Saint Prophète (que la paix soit sur lui) récitait ces deux sourates durant la Prière du matin. L’Imam Ahmad rapporte d’autorité reconnue dans son Musnad la tradition d’un Compagnon selon laquelle le Saint Prophète lui disait, "Quand tu fais la Prière, récite ces deux sourates". Dans Musnad Ahmad, Abû Dâwûd et An-Nasâ’î cette tradition de ʿUqbah Ibn ʿÂmir est relatée : "Le Saint Prophète lui dit : " Ne voudrais-tu pas que je t’enseigne deux sourates qui sont parmi les meilleurs sourates que les gens récitent ? " Il dit : "Enseigne les moi, O messager d’Allâh. " Alors, le Saint Prophète lui a enseigné les Muʿawwidhatayn. Puis la Prière a commencé et le Saint Prophète y a encore récité ces deux sourates. Après la Prière, le Saint Prophète est passé près de lui et lui a demandé : "Ô ʿUqbah, comment l’as-tu trouvé ?" Puis, il lui a recommandé : "Quand tu te couches et quand tu te lèves, récite ces deux sourates." ".
Dans Musnad Ahmad, Abû Dâwûd, At-Tirmidhî et An-Nasâ’î, il y a une tradition de ʿUqbah Ibn ʿÂmir, disant que le Saint Prophète l’exhortait à réciter les Mu’awwidhât (c’est à dire Qul Huwa Allâhu ahad et les Mu’awwidhatayn) après chaque Prière. An-Nasâ’î, Ibn Mardaweih et Al-Hâkim ont aussi rapporté cette tradition d’après ʿUqbah Ibn ʿÂmir : "Une fois, le Saint Prophète était sur une monture et je marchais auprès de lui avec ma main placée sur son pied sacré. Je dis : "Aie l’obligeance de m’apprendre sourate Hûd ou sourate Yûsuf. " Il me répondit : "Aux yeux d’Allâh, il n’y a rien de plus bénéfique pour le serviteur que ’Qul aʿûdhu birabb il-falaq’."
Une tradition de ʿAbdullâh Ibn ʿUbayd Al-Juhanî a été rapportée par An-Nasâ’î, Al-Bayhaqî et Ibn Saʿd, disant que le Saint Prophète lui dit : "Ibn ʿUbayd, ne devrais-je pas te dire quels sont les meilleurs moyens par lesquels ceux qui cherchent refuge ont cherché refuge auprès d’Allâh ? " Je dis : "Instruis-moi, Ô Messager d’Allâh. " Il répondit : "Qul aʿûdhu birabb il-falaq" et "Qul aʿûdhu birabb in-nâs" - ces deux sourates". Ibn Mardaweih h a rapporté d’après la Mère des Croyants, Umm Salamah : "Les deux sourates préférées d’Allâh sont "Qul aʿûdhu birabb il-falaq" et "Qul aʿûdhu birabb in-nâs." "
Maintenant la question suivante se pose : qu’est ce qui est à l’origine de la méprise de notre maître ʿAbdullâh Ibn Masʿûd quant à la coranicité de ces deux sourates ? Nous obtenons la réponse en confrontant deux traditions : premièrement, notre maître ʿAbdullâh Ibn Masʿud affirmant que ce n’était qu’une injonction donnée au Saint Prophète enseignant comment chercher refuge auprès d’Allâh ; deuxièmement, la tradition relatée par l’Imâm Al-Bukhârî dans son Sahîh, par l’Imâm Ahmad dans son Musnad, par Al-Hâfidh Abû Bakr Al-Humaydî dans son Musnad, Abû Nuʿaym dans Al-Mustakhraj et par An-Nasai dans ses Sunan, avec différentes chaînes de transmission, selon Zirr Ibn Hubaysh, avec une légère variation dans les termes d’après Ubayy Ibn Kaʿb, qui avait une place particulière parmi les Compagnons du fait de sa connaissance du Coran. Zirr Ibn Hubaysh déclare : " Je dis à Ubayy : Ton frère, ʿAbdullâh Ibn Masʿûd, dit ces choses. qu’en penses-tu ? " Il répondit : "J’ai posé la question au Saint Prophète (que la paix soit sur lui). Il m’a dit : " On m’a dit de dire ’qul’, alors j’ai dit ’qul’. " Donc, nous aussi nous devons dire la même chose que le Saint Prophète." ". Dans cette tradition rapportée par l’Imâm Ahmad, les mots de Ubayy sont : "J’atteste que le Saint Prophète (que la paix soit sur lui) m’a dit que Gabriel (la paix soit sur lui) lui a dit de dire "Qul aʿûdhu birabb il-falaq" alors il l’a récitée à l’identique, puis Gabriel lui a demandé de dire : "Qul aʿûdhu birabb in-nâs", alors il l’a récitée également. Par conséquent, nous aussi nous disons comme le Saint Prophète a dit".
L’étude de ces deux traditions montre que le mot qul (dit) dans ces deux sourates a causé la méprise de ʿAbdullah Ibn Masʿûd selon laquelle le Saint Prophète (que la paix soit sur lui) avait reçut l’ordre de dire : "Aʿûdhu birabb il-falaq" et "A’udhu birabb in-nâs". Mais il n’a pas ressenti le besoin d’interroger le Saint Prophète à ce sujet. Dans l’esprit de Ubbay Ibn Kaʿb, la question s’est posée et il a interrogé le Saint Prophète. Le Saint Prophète a répondu : "Etant donné que Gabriel (la paix soit sur lui) a dit qul, alors je dis moi aussi qul."
Autrement dit, si quelqu’un reçoit un ordre et qu’on lui demande : "Dis, je cherche refuge", il ne va pas répéter l’ordre et dire : "Dis, je cherche refuge", mais plutôt omettre l’injonction "dis" et dire directement : "Je cherche refuge". En revanche, si le messager d’un officier supérieur transmet à quelqu’un le message dans ces mots : "Dis, je cherche refuge", et que cet ordre lui est donné non seulement pour sa propre personne mais également pour être transmis aux autres, il transmettra aux gens les mots du message verbatim et n’aura pas l’autorisation d’omettre une quelconque partie du texte du message.
Ainsi, le fait que ces deux sourates commencent avec le mot "qul" (dis) est une preuve claire qu’il s’agit d’une Parole Divine, que le Saint Prophète (que la paix soit sur lui) devait transmettre verbatim. Ce n’était pas seulement un ordre à son adresse pour sa seule personne. Hormis ces deux sourates, il y a 330 autres versets du Coran qui commencent par le mot qul (dit). La présence de qul dans tous ces versets est une preuve que c’est Parole Divine, que le Saint Prophète devait transmettre verbatim. Dans le cas contraire, si qul avait partout signifié un ordre, le Saint Prophète l’aurait omis et n’aurait dit que ce qu’il avait reçu l’ordre de dire, et il n’aurait pas été consigné dans le Coran, il se serait contenté au contraire de dire ce qu’il avait reçu l’ordre de dire.
A la lumière de ceci, on peut pleinement réaliser combien il est déraisonnable de considérer les Compagnons comme infaillibles et de clamer qu’un Compagnon est diffamé dès qu’on entend décrire un de ses faits ou un de ses dires comme étant une erreur. Ici, on peut clairement voir quelle bévue un Compagnon aussi illustre que ʿAbdullah Ibn Masʿûd a pu commettre à propos de deux sourates du Coran. Si une telle erreur pouvait être commise par un éminent Compagnon comme lui, d’autres pourraient également avoir commis une erreur. On peut étudier cela de manière scientifique et reconnaître comme étant erreur une chose faite ou dite par un Compagnon et dont l’erreur est prouvée. Mais mauvaise serait la personne, qui allant plus loin que de désigner cette erreur commencerait à blâmer et à trouver des défauts aux Compagnons du Saint Prophète d’Allâh. En ce qui concerne les Mu’awwidhatayn, les commentateurs et spécialistes des narrations ont décrit l’opinion de Ibn Masʿûd comme étant fausse, mais personne n’a osé dire qu’en refusant ces deux sourates du Coran, il était devenu, Dieu nous en garde, un mécréant. [1]
Le deuxième problème se posant au sujet de ces deux sourates est que, selon les traditions, de la magie a été pratiquée à l’encontre du Saint Prophète, et qu’il en est tombé malade, et que Gabriel (paix sur lui) lui a donné l’instruction de réciter ces deux sourates pour rompre le charme. Beaucoup de rationalistes des temps anciens et modernes ont émis des doute à ce sujet. Ils disent que si ces traditions sont acceptées, toute la Shari’ah est mise en doute. Car si le Prophète a pu être ensorcelé, et selon ces traditions il l’a été, on ne peut pas savoir ce que les ennemis du Prophète auraient pu l’amener à dire et faire sous l’influence de la magie ; ni ce qui, dans ses enseignements, est de nature Divine et ce qui est le résultat de la Magie. Ils disent en outre que si l’on accepte cela comme vrai, il se peut très bien que le Prophète ait été amené à prêcher son message prophétique par la magie et qu’il ait cru par erreur qu’un ange était venu à lui. Ils ajoutent encore que ces traditions entrent en conflit avec le Coran. Le Coran mentionne les accusations des mécréants qui disaient que le Prophète était ensorcelé (Bani Isra’il:47), mais ces traditions confirment que le Prophète l’accusation selon laquelle le Prophète a subi un sort et a été ensorcelé.
Pour bien étudier la question, il faut d’abord déterminer s’il est établi par des preuves historiques authentiques que le Saint Prophète (que la paix soit sur lui) a effectivement été affecté par la magie, et si c’est le cas, de quelle façon et jusqu’à quel point. Alors il faudra voir si les objections faites contre ce qui est historiquement établi s’y appliquent ou non.
Les premiers lettrés Musulmans étaient très honnêtes et droits, ils n’essayaient pas de modifier l’histoire ou de concilier les faits avec leurs propres idées, concepts ou suppositions. Ils transmettaient intact aux générations suivantes ce qui était confirmé historiquement, et ne se préoccupaient pas de comment le matériel qu’ils fournissaient pourrait être utilisé par ceux qui veulent tirer des conclusions perverses des faits. Si une chose est confirmée par des moyens historiques authentiques, une personne honnête d’esprit ne peut pas nier l’histoire sous prétexte que si il l’acceptait cela conduirait à des conclusions viles selon son opinion. Il ne peut pas non plus, par conjecture ou spéculation, rajouter des éléments ou déformer ce qui est historiquement établi. Au contraire, il doit accepter l’histoire et voir ce qu’elle prouve et ce qu’elle ne prouve pas.
Du point de vue historique, l’incident du Saint Prophète étant affecté par la magie est absolument confirmé, et s’il peut être réfuté par critique scientifique, alors aucun événement historique de ce monde ne peut être prouvé de manière correcte et véritable. Il a été rapporté par Bukhari, Muslim, Nasai, Ibn Majah, Imam Ahmad, Abdur Razzaq, Humaidi, Baihaqi, Tabarani, Ibn Sad, Ibn Mardayah, Ibn Abi Shaibah, Hakim, Abd Ibn Humaid et d’autres traditionalistes sous l’autorité de Hadrat Aishah, Hadrat Zaid Ibn Arqam et Hadrat Abdullah Ibn Abbas, à travers tant de voies différentes que la falsification est hors de question. Bien que chaque tradition elle-même soit un rapport isolé (khabar wahid), nous le présentons ci-dessous comme un événement connecté à partir des détails fournis par les traditions.
Après le traité de paix de Hudaïbiyah quand le Saint Prophète est retourné à Médine, une délégation de Juifs de Khaïbar vint visiter Médine en Muharram, en l’an 7 après l’Hégire et rencontrèrent un célèbre magicien, Labîd Ibn Asam, qui appartenait à la tribu Ansar de Bani Zurayq. Ils lui dirent : "Tu sais comment Muhammad (que la paix et la bénédiction d’Allâh soient sur lui) nous a traité. Nous avons tenté de l’ensorceler mais n’y sommes pas parvenu. Nous venons à toi car tu es un meilleur magicien. Voici trois pièces d’or, accepte-les et jette un sort puissant sur Muhammad". En ces temps, le Saint Prophète avait un garçon Juif comme serviteur. Grâce à lui, ils obtinrent un morceau du peigne du Saint Prophète avec quelques cheveux. La magie fut pratiquée sur ces cheveux et sur la dent du peigne. Selon certaines traditions, la magie fut pratiquée par Labîd Ibn Asam lui-même, selon d’autres ses sœurs étaient plus douées que lui, et il les fit jeter le sort. Quoi qu’il en soit, Labîd plaça le sort dans le bractée d’un dattier mâle et le cacha sous une pierre au fond de Dharwan ou Dhi Arwan, le puits de Bani Zurayq. Le sort pris tout une année pour faire effet sur le Saint Prophète (que la paix soit sur lui).
Dans la deuxième moitié de l’année le Saint Prophète commença à se sentir mal. Les 40 derniers jours furent difficiles pour lui et parmi eux les 3 derniers encore pires. Mais l’effet le plus important était qu’il se dissipait de l’intérieur. Il croyait avoir fait une chose, alors qu’en fait il ne l’avait pas faite : il croyait avoir rendu visite à ses femmes alors qu’il ne l’avait pas fait ; et parfois il pensait avoir vu quelque chose alors qu’il n’avait rien vu. Tous ses effets étaient confinés à sa propre personne, les autres gens ne se rendaient pas compte de l’état dans lequel il était. En tant que Prophète, aucun changement n’avait lieu dans l’exercice de son devoir. Il n’y a aucune tradition disant qu’il aurait pu oublier des versets du Coran à cette époque, ou se tromper en en récitant un, ou qu’un changement ait eu lieu dans les assemblées et dans ses consultations ou ses sermons, ou qu’il ait présenté un discours comme un Révélation alors qu’il ne lui aurait pas été révélé, ou qu’il aurait manqué une prière en croyant l’avoir faite. Dieu nous préserve, si une telle chose était arrivée, cela aurait causér une clameur et toute l’Arabie aurait su qu’un magicien avait dépassé en puissance celui qu’aucun pouvoir n’avait pu dépasser en puissance.
Mais la position de Prophète du Saint Prophète n’en a pas du tout été affectée. Il en était perturbé seulement dans sa vie personnelle. Finalement, un jour qu’il était dans la maison de la Mère des Croyants Aïshah, il pria Allâh de lui redonner pleine santé. A ce moment là, il s’endormit ou s’assoupit et dit au réveil à la Mère des Croyants, Aïshah : "Mon Seigneur m’a dit ce que je Lui avais demandé". La Mère des Croyants, Aïshah, demanda ce que c’était. Il répondit :"Deux hommes (c’est à dire deux anges à aspect humain) vinrent à moi. Un s’est assis près de ma tête et l’autre près de mes pieds. Le premier a demandé : que lui est-il arrivé ? L’autre a répondu : de la magie a été employée contre lui. Le premier a demandé : qui l’a employée ? Il a répondu : Labîd Ibn Asam. Il a demandé : dans quoi est-elle contenue ? Il a répondu : dans un peigne et des cheveux couverts de la bractée d’un dattier mâle. Il a demandé : où est-il ? Il a répondu : sous une pierre au fond de Dhi Arwan (ou Dharwan), le puits de Bani Zurayq. Il a demandé : que devrait être fait à ce sujet ? Il a répondu, le puits devrait être vidé et cela devrait être retiré de sous la pierre. Le Saint Prophète envoya alors notre maître ʿAlî, notre maître ʿAmmâr Ibn Yâsir et notre maître Zubaïr : ils étaient accompagnés par Jubaïr Ibn Iyâs Az-Zurqî (deux hommes de Bani Zurayq). Plus tard, le Saint Prophète arriva également au puits avec certains compagnons. L’eau fut retirée et on retrouva le spathe. Là, ils découvrirent à part le peigne et les cheveux une corde avec 11 nœuds et une figure de cire transpercée d’épingles. Gabriel (paix sur lui) vint et lui dit de réciter les Muʿawwidhatayn. Pendant qu’il récitait, verset après verset, un nœud se défaisait et une épingle sortait à chaque fois, jusqu’à ce que ce qu’au dernier mot, tous les nœuds soient défaits et toutes les épingles enlevées, et il était entièrement libéré du charme. Après cela, il appela Labîd et le questionna. Il avoua et le Saint Prophète le laissa partir, car il ne se vengeait jamais de quiconque lui avait fait du mal. Il refusa même d’en parler aux autres, disant qu’Allâh lui avait redonné la santé et que donc il ne voulait pas inciter les gens contre personne.
Ceci est l’histoire de la magie employée contre le Saint Prophète. Il n’y a rien dedans qui puisse aller entacher son exercice de Prophète. Si toutes sortes de blessures pouvaient lui être infligées, comme lors de la bataille de Uhud, s’il pouvait tomber de son cheval et se blesser comme confirmé par le Hadith, s’il pouvait être piqué par un scorpion comme le mentionnent certaines traditions et que rien de cela ne réfute la protection qu’Allâh lui avait promise dans sa capacité à être Prophète, il pouvait aussi tomber malade dans ses capacités personnelles sous l’emprise d’un charme magique. Qu’un prophète puisse être affecté par la magie est aussi confirmé par le Coran. Dans la sourate Al- A’raf il est dit que quand les magiciens de Pharaon furent confronter à Moise, ils ensorcelèrent les yeux de milliers de personnes qui s’étaient assemblées pour assister à la rencontre (v. 116). Dans la sourate TaHa il est dit que non seulement les gens ordinaires mais aussi le Prophète Moise eurent l’impression que les bâtons et les cordes qu’ils jetaient courraient vers eux comme autant de serpents, ce qui emplit le cœur de Moise d’effroi. Sur ce Allâh lui révéla : "N’ais crainte, tu sortiras victorieux. Jette ton bâton." (vv. 66-69).
Quant à l’objection que ceci confirmerait alors l’accusation des mécréants de la Mecque que le Saint Prophète (que la paix soit sur lui) était un homme ensorcelé, la réponse est que les mécréants ne le disaient pas ensorcelé dans le sens qu’il était tombé malade sous l’effet d’un charme magique jeté par quelqu’un, mais dans le sens qu’un magicien l’aurait, Dieu nous en préserve, rendu fou et lui aurait fait proclamer le message prophétique et raconter aux gens des histoires d’enfer et de paradis dans ce même état de folie. De toute évidence, cette objection ne s’applique pas ici, car l’histoire confirme que le charme magique n’avait affecté que la personne de Muhammad (que la paix soit sur lui) et pas l’état de Prophète de Muhammad (que la paix soit sur lui), qui n’était pas du tout affecté.
Dans ce domaine, il est intéressant de noter que ceux qui considèrent la magie comme une sorte de superstition fondent leur opinion sur le fait qu’on ne peut expliquer scientifiquement l’effet de la magie. Mais il y a de nombreuses choses en ce monde qu’on peut vivre et observer mais dont on ne peut expliquer scientifiquement comment elles arrivent. Si on ne peut pas apporter de telles explications, cela ne signifie pas qu’il faille refuser ces choses qu’on ne peut pas expliquer. La magie, en fait, est un phénomène psychologique qui peut affecter le corps à travers l’esprit, tout comme les choses physiques peuvent affecter l’esprit à travers le corps. La peur, par exemple, est un phénomène psychologique qui affecte le corps : les poils se dressent et le corps frissonne. La magie ne change, en fait, pas la réalité, mais sous son influence, l’esprit et les sens de l’homme ont le sentiment que la réalité a changé. Les bâtons et les cordes que les magiciens ont lancé vers le Prophète Moise, ne sont pas réellement devenus des serpents, mais les yeux de la multitude de personnes étaient à ce point mystifiés que tout le monde crut que c’étaient des serpents ; même les sens du Prophète Moise n’ont pu résister à ce charme magique. De la même façon, dans la Al-Baqarah, verset 102, il est dit qu’à Babylone les gens avaient appris une magie de Hârût et Mârût leur permettant de séparer mari et femme. Ceci aussi était un phénomène psychologique. De toute évidence, si les gens ne la trouvait pas efficace par expérience, ils n’en seraient pas clients. Bien sûr, tout comme la balle du fusil, ou la bombe de l’avion, la magie ne peut avoir d’effet sans la permission d’Allâh, mais ce serait de l’obstination que de nier ce qui est observé par l’homme depuis des milliers d’années.
Un troisième problème se pose en relation avec ces sourates : la récitation des charmes et les amulettes ont-ils une quelconque place en Islam, et ont-ils une quelconque efficacité. Cette question se pose car dans de nombreux hadîths il a été rapporté que le Saint Prophète (que la paix soit sur lui) au moment de se coucher chaque soir, surtout dans la maladie, avait pour habitude de réciter le Mu’awwidhatayn (ou selon d’autres rapports le Mu’awwidhat, soit Qul Huwa-Allâhu Ahad [s. 112] et le Mu’awwidhatayn) trois fois, souffler sur ses mains et ensuite frotter ses mains sur son corps de la tête aux pieds, aussi loin que ses mains pouvaient aller.
Durant sa dernière maladie, quand il n’était plus capable de le faire, la Mère des Croyants Aïshah récitait ces sourates elle-même ou sur son ordre soufflait sur ses mains afin de le bénir et les frottait sur son corps. Des traditions à ce sujet ont été rapportées par Al-Bukhari, Muslim, An-Nasâ’î, Ibn Mâjah, Abû Dâwûd et dans Al-Muwatta’ de l’Imam Malik par des voies authentiques selon la Mère des Croyants Aishah elle-même- et nul ne peut être mieux informé qu’elle de la vie domestique du Saint Prophète.
De ce point de vue, on devrait d’abord comprendre son aspect religieux. Dans le Hadith une longue tradition est relatée selon notre maître Abdullah Ibn ʿAbbâs, à la fin de laquelle il est rapporté que le Saint Prophète a dit : "Les gens de ma Ummah qui entreront au paradis sans jugement seront ceux qui n’auront ni eu recours au traitement par le marquage , ni par enchantement, ni consulté de devins, mais ceux qui ont foi dans leur Seigneur." (Muslim). Selon une tradition rapportée selon Al-Mughîrah Ibn Shuʿbah, le Saint Prophète a dit : "Celui qui s’est fait traiter par le marquage, ou par enchantement s’est éloigné de la confiance d’Allâh."(At-Tirmidhi).
Notre maître ʿAbdullah Ibn Masʿûd a rapporté que le Saint Prophète désapprouvait dix choses dont une était la récitation de charmes et les amulettes, sauf s’il s’agit de réciter les Mu’awwidhatayn ou les Mu’awwidhat. (Abû Dawûd, Ahmad, An-Nasâ’î, Ibn Hibbân, Al-Hakim). Certains hadîths montrent aussi qu’au début, le Saint Prophète avait interdit à la fois la récitation de charme et les amulettes, mais qu’ensuite il les permit à la condition qu’ils ne comportent pas de polythéisme, il faut réciter et souffler au moyen des noms saints d’Allâh ou des mots du Coran. Les mots utilisés doivent être compréhensibles, on doit savoir qu’il n’y a pas de péché en eux, et on ne doit pas complètement se reposer sur la récitation de charmes mais sur la volonté d’Allâh de la rendre bénéfique."
Après l’explication de l’aspect religieux, voyons maintenant ce que le Hadith dit à ce sujet. At-Tabarânî dans As-Saghîr a rapporté une tradition sous l’autorité de notre maître ʿAlî, disant : "Une fois le Saint Prophète fut piqué par un scorpion durant la prière. Quand la prière fut fini, il dit : Dieu maudisse ce scorpion : il n’épargne personne, pas même celui qui prie. Il demanda ensuite de l’eau et du sel, et commença à frotter l’endroit où le scorpion avait piqué avec de l’eau salée en récitant Qul ya ayyuhal-kafirun, Qul Huwa Allûhû ahad, Qul a’udhu bi-Rabbil-falaq et Qul aʿûdhu bi-Rabb’In-Nâs." Ibn ʿAbbâs a aussi rapporté la tradition suivante : "Le Saint Prophète (que la paix soit sur lui) avait l’habitude de réciter cette invocation pour nos maîtres Al-Hasan et Al-Husaïn : Uʿidhukuma bi-kalimat Allâhit-tamati min kulli shaitan-in wa hammatin wa min kulli ʿaynin lâmmâh : "Je vous donne au refuge des mots parfaits d’Allâh, à l’abri de tout démon et de toutecréature mauvaise et de tout mauvais oeil." (Al-Bukhari, Ahmad, At-Tirmidhî, Ibn Mâjah).
Une tradition est rapportée par Muslim, ainsi que dans Al-Muwatta’ [par l’Imâm Mâlik] et par At-Tabarani et Al-Hâkim à propos de ʿUthmân Ibn Al-ʿÂs Ath-Thaqafî, avec une petite variation dans les termes, disant qu’il se plaint au Saint Prophète (que la paix soit sur lui), disant :"Depuis que je suis devenu Musulman, je ressens une douleur dans mon corps, qui me torture". Le Saint Prophète dit :"Mets ta main droite là où tu sens la douleur et récite Bismillah trois fois, et Aʿûdhu billâhi wa qudratihi min sharri ma ajidu wa uhadhiru ("Je cherche refuge auprès d’Allâh et dans Son Pouvoir contre le mal que je trouve et que je crains") sept fois, et frotte ta main". Dans Al-Muwatta’, il y a l’addition : " ʿUthmân Ibn Abî Al-ʿÂs dit : après ceci ma douleur disparut et j’appris la même formule à ceux de ma maison".
Musnad Ahmad et Tahawi contiennent cette tradition d’après Talq Ibn ʿAlî : "J ’ai été piqué par un scorpion en présence du Saint Prophète (que la paix soit sur lui). Le Saint Prophète récita quelque chose et souffla sur moi, et frotta sa main sur la zone atteinte."
Sahîh Muslim contient une tradition d’après Abû Saʿîd Al-Khudri, qui dit :" Une fois, quand le Saint Prophète (que la paix soit sur lui) tomba malade, Gabriel vint et demanda : O Muhammad, es-tu malade ? Le Saint Prophète répondit par l’affirmative. Gabriel dit : "Je te souffle dessus au nom d’Allâh (pour te débarrasser) de toutes choses qui te gênent et du malin de chaque âme et du mauvais œil de tous les envieux. Qu’Allâh te redonne la Santé. Je te souffle dessus en Son nom".
Une tradition similaire est rapportée dans Musnad Ahmad selon ʿUbâdah Ibn As-Sâmit, qui dit : "Le Saint Prophète ne se sentait pas bien. En allant le voir, je l’ai trouvé fort mal. Quand j’y suis retourné le soir, il se portait fort bien. Quand je lui ai demandé comment il s’était remis si vite, il dit : Gabriel est venu et a soufflé des mots sur moi. Alors il récita des mots similaires à ceux rapportés dans le Hadith ci-dessus. Une tradition similaire est relatée selon Aïshah aussi dans Sahih Muslim et Musnad Ahmad. L’Imam Ahmad dans son Musnad a rapporté cette tradition d’après Hafsah, la Mère des Croyants : " Un jour le Saint Prophète (que la paix soit sur lui) vint me rendre visite à la maison et une femme, nommée Shifa, était assise avec moi. Elle avait pour habitude de souffler sur les gens pour les guérir des ampoules. Le Saint Prophète lui dit : Apprends aussi à Hafsah cette formule." L’Imam Ahmad, Abû Dawûd et An-Nasâ’î ont rapporté cette tradition d’après Shifa bint Abdullah elle-même, disant : "Le Saint Prophète m’a dit : tout comme tu as appris à Hafsah à lire et à écrire, apprends lui à souffler pour guérir les ampoules aussi."
Dans Sahih Muslim il y a une tradition d’après ʿAwf Ibn Malik al-Ashjal : "Nous avions pour habitude de souffler pour guérir des maladies. Nous avons demandé au Saint Prophète (que la paix soit sur lui) son opinion à ce sujet. Il dit :" Dites moi quels mots vous utilisez pour souffler sur les gens. Il n’y a pas de mal à souffler tant que ça ne fleure le polythéisme."
Muslim, Musnad Ahmad et Ibn Majah contiennent une tradition d’après Hadrat Jabir Ibn Abdullah, disant : "Le Saint Prophète (que la paix soit sur lui) nous avait interdit de souffler pour guérir des maladies. Alors les gens du clan de ʿAmr Ibn Hazm vinrent et dire : nous avions une formule avec laquelle on soufflait sur les gens pour les guérir des piqûres de scorpions (ou des morsures de serpents). Mais vous nous avez interdit cette pratique. Alors ils récitèrent devant lui les mots qu’ils utilisaient. Sur ce le Saint Prophète dit :" Je n’y vois aucun mal, aussi que celui qui peut faire du bien à son frère, lui fasse du bien".
Une autre tradition d’après Jabir Ibn Abdullah dans Sahih Muslim est : "La famille de Hamz avait une formule pour guérir les morsures de serpents et le Saint Prophète leur a permis de l’utiliser." Ceci est aussi supporté par la tradition d’après Aishah, qui est citée dans Sahih Muslim, Musnad Ahmad, et Ibn Majah : "Le Saint Prophète donna la permission à une famille des Ansar de souffler pour guérir du mal provoqué par la morsure des créatures venimeuses".
Des traditions ressemblant à celles-ci ont été rapportées d’après notre maître Anas par Ahmad, At-Tirmidhi, Muslim et Ibn Majah, disant que le Saint Prophète donna la permission de souffler pour guérir des morsures des créatures venimeuses, la maladie des ampoules et l’effet du mauvais oeil." Musnad Ahmad, At-Tirmidhi, Ibn Majah et Al-Hâkim ont rapporté cette tradition sous l’autorité de notre maître ʿUmaïr, esclave libéré de Abi al-Laham : " Dans les jours pré-islamiques, j’avais une formule avec laquelle je soufflais sur les gens. Je la récitais devant le Saint Prophète, alors il me dit d’en retirer tel et tel mots, et m’autorisa à en souffler le reste".
Dans Al-Muwatta’, notre maître Abû Bakr alla dans la maison de sa fille, la Mère des Croyants Aïshah, et la trouva malade, une femme Juive soufflait sur elle. Il lui dit alors : "Souffle sur elle au moyen du livre d’Allâh." Cela montre que si les gens du Livre utilisent le souffle au moyen des versets de la Torah et de l’évangile, c’est aussi permis.
Quant à savoir si souffler pour guérir des maladies est aussi efficace ou non, la réponse est que le Saint Prophète (que la paix soit sur lui) non seulement n’interdisait à personnes de recourir aux remèdes et aux traitements médicaux mais déclarait même qu’Allâh a crée un remède pour chaque maladie et encourageait ceux qui le suivaient à utiliser ces remèdes. Il donna même aux gens les remèdes pour certaines maladies, comme on peut le voir dans le Hadith cité dans Kitab At-Tib (Livre des Remèdes). Mais le remède ne peut être bénéfique et utile que par l’Ordre et la Permission d’Allâh, sinon si le remède et le traitement médical étaient bénéfiques dans tous les cas, personne ne mourrait dans les hôpitaux.
Si, à part les remèdes et traitements médicaux, la Parole et les noms d’Allâh sont aussi utilisés, ou qu’on se tourne vers Allâh et qu’on l’invoque au moyen de Sa Parole, de Ses Noms ou Attributs, quand aucune assistance médicale n’est disponible, ce ne serait pas contre la raison, sauf pour les matérialistes. Pourtant, il ne faut pas rejeter volontairement un remède ou un traitement quand il est disponible et n’avoir recours qu’aux qu’à la récitation de charmes ; on ne devrait pas non plus gagner sa vie en fabriquant des amulettes.
A cet égard, beaucoup de gens débattent sur une tradition d’après Abû Saʿîd Khudri rapportée dans Bukhari, Muslim, Tirmidhi, Musnad Ahmad, Abû Daud et Ibn Majah, et ceci est supporté aussi par une tradition rapportée par Al-Bukhari selon Ibn ʿAbbâs. Selon cette tradition, le Saint Prophète envoya quelques uns de ses Compagnons dont Abû Saʿîd Al-Khudri en expédition. Ils firent halte en chemin au camp d’une tribu Arabe et demandèrent l’hospitalité aux gens, mais on la leur refusa. A ce moment là le chef de la tribu se fit piquer par un scorpion et les gens vinrent aux voyageurs pour leur demander s’ils avaient un médicament ou une formule avec laquelle ils pourraient guérir leur chef. Abû Said dit : " Oui, nous avons cela, mais comme vous nous avez refusé l’hospitalité, nous ne le traiterons pas à moins que vous nous donniez quelque chose." Ils promirent de leur donner des chèvres (selon certaines traditions, 30 chèvres), et Abû Said alla réciter la sourate Al-Fatihah et frotter sa salive sur l’endroit atteint. Le chef se sentit soulagé de l’effet du poison et les gens de la tribu leur donnèrent les chèvres promises. Mais les Compagnons se dirent : "Ne prenons pas les chèvres avant d’en avoir parlé au Saint prophète", car ils ne savaient pas s’il était permis de recevoir une rétribution pour ce qu’ils avaient faits. Ils vinrent donc auprès du Saint prophète et lui relatèrent ce qu’il s’était passé. Le Saint prophète sourit et leur dit : " Comment saviez-vous que la sourate Al-Fatihah pouvait aussi être utilisée pour guérir de tels maux ? Prenez les chèvres et allouez m’en aussi ma part".
Mais avant d’utiliser ce Hadith en tant que permission de prendre comme métier de délivrer des amulettes et réciter des charmes, il faut garder à l’esprit les conditions dans lesquelles Abû Saʿîd Al-Khudri y eut recours, et pour lesquelles le Saint Prophète non seulement déclara ceci permis mais dit aussi qu’on lui alloue une part afin qu’il n’y ait aucun doute dans l’esprit des Compagnons qu’une telle chose soit permise. Le contexte en Arabie à cette époque, comme maintenant, était que les camps sont situés à des centaines de miles les uns des autres. Il n’y avait pas d’hôtels ou de restaurants ou un voyageur pouvait acheter de la nourriture après quelques jours de voyage. Dans ces conditions il était considéré comme un devoir moral que, lorsqu’un voyageur atteignait un camp, les gens du camp lui offrent l’hospitalité. Un refus de leur part signifiait souvent la mort pour les voyageurs, et ceci était considéré comme très condamnable parmi les Arabes. C’est pourquoi le Saint Prophète (que la paix soit sur lui) autorisa le geste de ses Compagnons. Comme les gens de la tribu leur avaient refusé l’hospitalité, ils refusèrent également de traiter leur chef, et n’acceptèrent de le traiter qu’à la condition qu’ils promettent de leur donner quelque chose en retour. Alors, lorsque l’un d’entre eux avec foi en Dieu récita la sourate Al-Fatihah sur leur chef et qu’il se rétablit, les gens donnèrent le paiement promis et le Saint Prophète permit que le paiement soit accepté comme licite et pur.
Dans Sahîh Al-Bukhari, la tradition rapportée selon ʿAbdullâh Ibn ʿAbbâs sur l’incident contient les mots suivants du Saint Prophète "Au lieu d’avoir agi différemment, mieux vaut que vous ayez récité le Livre d’Allâh et en ayez accepté le paiement". Il dit ceci pour imprimer dans les esprits le fait que la Parole d’Allâh est supérieure à tout enchantement pratique des arts secrets. De plus, le Message de la Parole que le Saint Prophète (que la paix soit sur lui) détenait d’Allâh fut aussi ainsi transmis à la tribu Arabe. Cet incident ne peut être utilisé comme un précédent pour les gens qui, dans les villes, pratiquent les arts secrets et en ont fait leur profession. Ce type de précédent n’existe pas dans la vie et la pratique du Saint prophète (que la paix soit sur lui), de ses Compagnons, de ceux qui les ont suivi ou des premiers Imams.
La dernière chose à noter concernant les Muʿawwidhatayn est la relation entre le début et la fin du Coran. Bien que le Coran ne soit pas arrangé de manière chronologique, le Saint prophète (que la paix soit sur lui) arrangea dans l’ordre présent les versets et sourates révélés durant 23 ans à diverses occasions pour répondre aux besoins et aux situations, non par lui même, mais par l’Ordre d’Allâh Qui les lui révéla. Selon cet ordre, le Coran s’ouvre sur Al-Fatihah et se termine sur le Muʿawwidhatayn. Considérons-les tous les deux.
Au début, après avoir fait les louanges et glorifié Allâh, Qui est le Seigneur des mondes, Le miséricordieux par Essence et par Excellence, Roi du jour de la rétribution, le fidèle dit : " C’est Toi seul que j’adore et c’est de Toi que j’implore l’aide, et l’aide la plus urgente dont j’ai besoin est que Tu me guides sur le Droit Chemin." En réponse à cela, Allâh lui donne le Coran entier pour lui indiquer le droit Chemin, qui se termine ainsi : l’Homme prie vers Allâh, Qui est le Seigneur de l’Aurore, Seigneur des humains, Roi des humains en disant : "Je me mets sous Ta seule protection contre le mal de toutes les créatures et en particulier, contre le mal du démon qui souffle, qu’il appartienne aux jinns ou aux humains, car ce sont les plus grands obstacles à suivre le Droit Chemin". La relation entre le début et la fin ne peut rester cachée de quiconque a de la perspicacité et peut comprendre.
Traduit de l’anglais du site de l’association des étudiants musulmans de l’USC.
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