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Défense du dogme et de la loi de l’Islam contre les atteintes des orientalistes
Section : Les Sectes

La nature des divergences inter-musulmanes

lundi 21 juin 2004

Lorsque nous analysons en profondeur les divergences qui ont éclaté entre les Musulmans, que ces divergences aient été exposées par les langues dans les cercles de polémique ou qu’elles aient été transcrites par le sang sur les champs de bataille, nous découvrons qu’elles étaient à l’origine insignifiantes et inoffensives. Mais de nombreuses complications sont survenues, étendant la portée de la discorde, un peu comme une blessure anodine se transforme en une infection mortelle lorsqu’elle est exposée à la négligence et au côtoiement d’ordures empoisonnées.

Je ne peux - après méditation et en toute objectivité - considérer que les raisons de ces divergences qui ont divisé la Communauté en sectes ennemies sont d’ordre religieux. Ces divergences étaient parfois verbales, quelquefois naturelles, ou portant sur la pensée religieuse, non sur la religion elle-même, portant sur les moyens les mieux accomodés pour servir la religion : quel moyen était le plus efficace et le plus à même de réaliser la finalité de la religion !

Les Musulmans n’ont jamais divergé entre eux sur le fait que la loi fait partie de la religion, autrement dit sur le fait que l’Islam est aussi bien une loi qu’une foi. Ils n’ont pas plus divergé sur le statut de référence juridique suprême que possède le Coran.

Mais qui doit gouverner conformément au Coran ?

Tandis que les Musulmans ont choisi à cette fonction le Compagnon le plus intime du Messager, les Shîʿites estimaient que ʿAlî était plus digne que quiconque pour succéder au Prophète, alors que les Khârijites considéraient pour leur part qu’on pouvait choisir n’importe quel Musulman, de quelque race qu’il fût, et œuvrer avec lui.

Ces divergences peuvent-elles alors être qualifiées de religieuses, touchant à l’essence du dogme et aux préceptes de la loi ? Ou bien ne s’agit-il que d’un conflit politique qui aurait pu être résolu par mille moyens en-dehors de l’épée ?

Les Musulmans n’ont jamais divergé entre eux sur le fait que Dieu est Juste et qu’Il a décidé de récompenser ceux qui Lui obéissent et de punir ceux qui Lui désobéissent, chose dont Il nous informe Lui-même dans Son Noble Livre. Il s’agit pour Lui d’une obligation légale à laquelle nous inclinons et devant laquelle nous nous arrêtons. Puis a éclaté cette dispute stupide entre les Muʿtazilites et les Sunnites : Cette obligation à laquelle Dieu S’est astreint a-t-elle, oui ou non, pour fondement la raison ? Bref, une question farfelue... La dispute est ici - comme au sujet de bien d’autres questions -, une conséquence de l’oisiveté et du désœuvrement. On ne peut donc raisonnablement distinguer des sectes sur le seul critère de ce genre de questionnements.

Nous affirmons alors de manière tranchée qu’il n’existe pas de sectes religieuses, du moins pas dans le sens de ramifications de la Communauté islamique, comme se ramifierait le Nil, au bout de sa course, en branches et en canaux. On parlera plutôt d’écoles de pensée, d’écoles juridiques ou de différences pratiques mineures. Car si nous dépouillons ces divergences des facteurs politiques qui les ont cristallisées ou qui les ont compliquées, il ne reste plus que des choses tout à fait banales.

En ce siècle-ci par exemple [1], s’est établie une merveilleuse concurrence entre trois partis politiques qui se sont partagé la nation anglaise. L’un est au pouvoir, et les deux autres dans l’opposition. Cela signifie-t-il pour autant que la nation anglaise est scindée en trois groupes ? Certainement pas...

Si les circonstances qui ont accompagné le développement de la Communauté islamique avaient été plus heureuses, l’acuité de ces divergences n’auraient pas pu prendre cette ampleur que nous a consignée l’Histoire. Mais malgré toute cette conjoncture défavorable qui a grossi les conflits d’opinion et qui a creusé davantage le fossé existant, il demeure que l’entité de la Communauté a été préservée, grâce, notamment, aux Imâms de l’Islam qui refusèrent d’exclure du cercle de l’Islam les croyants ayant adopté les doctrines muʿtazilite, khârijite ou shîʿite.

Goldziher écrit à la page 158 :

« Dans l’Islâm, on ne peut considérer comme de véritables sectes que les groupes dont les partisans s’écartent de la Sunna, de la forme d’Islâm sanctionnée historiquement, et s’opposent à l’Idjmâʿ dans des questions fondamentales qui ont, pour la totalité des musulmans, une signification primordiale.

Des scissions de ce genre, qui existent encore dans l’organisation actuelle de l’Islâm, remontent à ses périodes les plus anciennes.

Ce ne sont pas, à ce qu’il semble, les questions religieuses, mais celles qui concernent l’organisation politique, qui y tiennent le premier rôle. Il est vrai que les questions politiques, dans une communauté fondée sur la religion, revêtent inévitablement des aspects religieux ; elles prennent la forme d’intérêts religieux qui prêtent à la lutte politique leur propre nuance. »

Il y a dans ces propos des parcelles de vérité... que nous n’hésitons pas à soutenir.

P.-S.

Traduit de l’arabe du livre de Sheikh Muuammad Al-Ghazâlî, Difâʿʿan Al-ʿAqîdah Wash-Sharîʿah didd Matâʿin Al-Mustashriqîn, éditions Nahdat Misr, deuxième édition, janvier 1997.

Notes

[1Sheikh Al-Ghazâlî a rédigé son livre Défense du dogme et de la loi de l’Islam contre les atteintes des orientalistes au début des années 1960. NdT

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