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La zakât, sa philosophie et ses conditions

Les bénéficiaires de la zakât

mercredi 1er mars 2006

Les bénéficiaires de la zakât sont cités dans le verset suivant : « Les aumônes ne sont destinées qu’aux pauvres et aux indigents, à la rétribution des percepteurs, au ralliement des bonnes volontés, à affranchir des nuques (esclaves), à libérer des insolvables, à aider dans la voie de Dieu et à secourir le fils du chemin : autant d’obligations de par Dieu. Dieu est Omniscient et Sage. » [1].

C’est le seul verset dans le Coran qui répertorie les huits catégories de personnes habiles à percevoir la zakât. Toute autre personne en dehors de celles-ci n’est pas en droit de recevoir une part de cet impôt. En témoigne la réponse suivante du Prophète à quelqu’un venu lui demander une part de la zakât : « Dieu s’est réservé le privilège de désigner ceux qui méritent la zakât ; il n’appartient donc à aucun prophète d’enfreindre cette règle. Les ayants droit sont partagés en huit catégories, si tu fais partie de l’une d’elles, une part te revient. ».

Il nous semble utile de dire quelques mots de ces huit catégories.

1 & 2. Les pauvres et les indigents sont deux catégories déshéritées de la fortune, l’une est plus besogneuse que l’autre. Il s’agit de ceux qui n’ont rien, et de ceux qui gagnent leur pain au jour le jour. S’il est vrai que l’Islam n’autorise pas les personnes ayant une fortune modeste à tendre la main, il n’en reste pas moins vrai que certains pauvres s’abstiennent, par amour-propre ou par pudeur, de quémender, ce qui les ferait passer pour des gens aisés. « L’ignorant penserait qu’ils ont suffisance tant ils restent décents, mais tu les reconnais à leur trait distinctif » [2], dit le Coran à leur sujet.

Cependant, si trompé par l’apparence l’on donne la zakât à une personne aisée, elle sera valable car, au chapitre des bonnes actions, c’est l’intention qui compte.

Retenons au passage que l’homme aisé est celui qui a un surplus d’argent après avoir effectué toutes les dépenses réclamées par son foyer.

3. Aux percepteurs. Ce sont les agents nommés par l’État pour collecter les impôts. Ils ont droit à une rétribution, même s’ils sont riches.

4. Au ralliement des bonnes volontés. Ce sont :

  1. les païens qu’on encourage à embrasser l’Islam ;

  2. les nouveaux prosélytes pour raffermir leur foi ;
  3. les chefs des tribus antagonistes pour cesser leur avanie contre les Musulmans.

Ces trois catégories recevaient une part de la zakât durant la vie du Prophète. Mais, ʿUmar appuyé par ʿUthmân et ʿAlî, suggéra à Abû Bakr — alors Calife — de cesser le versement de cette gratification, arguant que l’Islam n’a pas besoin d’être embrassé moyennant une rétribution quelconque.

Cependant, certains juristes contemporains recommandent le versement d’une somme d’argent mensuelle, au nouveau prosélyte démuni, en vue de raffermir sa foi.

5. À affranchir des esclaves. II n’y a plus d’esclaves de nos jours. Cependant, il nous faut enregistrer ce noble geste humanitaire ordonné par le Coran faisant de la nation islamique la première nation dans le monde allouant une part de son budget pour racheter la liberté des esclaves.

C’est, en effet, la première fois dans les annales de l’histoire qu’un gouvernement décrète, il y a quatorze siècles de cela, une pareille loi humaine. L’Islam a ainsi le mérite d’avoir devancé, dans ce domaine, tous les régimes politiques et les doctrines philosophiques des autres peuples.

6. À libérer des insolvables. II s’agit des personnes qui ont contracté une dette et qui n’arrivent pas, malgré leur bonne volonté, à la solder. II y a trois sortes de personnes insolvables :

  1. Ceux qui contractent une dette pour mettre en train leurs propres affaires ;

  2. Ceux qui contractent une dette dans l’intention d’assister un Musulman trouvé dans la détresse, par exemple, en payant à sa place une rançon ; ou s’endettent pour participer à la construction d’une mosquée ou d’un hôpital ; ou enfin pour rétablir la concorde.

  3. Ceux qui contractent une dette puis meurent sans la solder, et dont les biens laissés en héritage ne suffisent pas à la régler.

Dans ce cas, c’est le gouvernement qui doit liquider cette dette selon l’opinion de la majorité des Imams, opinion fondée sur la parole du Prophète : « Les biens laissés par un mort appartiennent aux héritiers, quant aux dettes, c’est à moi de les régler ».

Ajoutons qu’il s’agit des dettes à court terme, et non à long terme.

7. Dans la voie de Dieu. Il s’agit de toute action faite pour mériter la grâce de Dieu, y compris le soutien de l’effort de guerre.

D’après Abû Hanîfah, Mâlik et Ash-Shafiʿî, cette expression se rapporte à la solde des militaires et des volontaires, alors qu’Ibn Hanbal l’étend à l’aide financière offerte à celui qui désire accomplir le pèlerinage, mais ne possède pas l’argent que nécessite son voyage jusqu’à La Mecque. Cependant, certains juristes critiquent l’opinion d’Ibn Hanbal, alléguant que le pèlerinage ne doit être accompli que par celui qui en a les moyens.

Quant à l’Imâm Fakhr Ad-Dîn Ar-Râzî, il rapporte d’après certains savants que « la voie de Dieu » comprend toute bonne action, comme les frais d’enterrement d’un mort pauvre, ou pour la restauration d’une mosquée. [3]

Enfin, quelques juristes contemporains étendent ce domaine à l’achat des armes et des munitions de guerre.

8. Le fils du chemin. Cette expression désigne ceux qui vont loin de leur pays et se trouvent, par ce fait, dans la gêne. Ceux-ci ont droit à être assistés d’une part du revenu de la zakât, même s’ils sont réputés riches dans leur patrie.

Pour l’Imam Mâlik, le voyageur qui peut contracter une dette pour effectuer son voyage, ne perçoit rien de la zakât ; alors que la plupart des juristes refusent la contraction de toute dette, puisque le voyageur en difficulté a droit à une part du revenu de la zakât.

Le célèbre juriste shafiʿite An-Nawawî dit dans son ouvrage Al-Majmûʿ (la Somme) : « Nos savants sont d’accord à verser une part du revenu de la zakât à celui qui effectue un voyage pour accomplir le pèlerinage, ou participer à une conquête, ou même pour son agrément. »

Le transfert de la zakât d’une région à une autre

Le Prophète indiqua à Muʿâdh Ibn Jabal les bénéficiaires de la zakât des habitants du Yémen : « Informe les riches qu’ils doivent s’acquitter de la zakât au profit de leurs pauvres. »

Les jurisconsultes comprirent par l’expression « leurs pauvres », que la zakât doit être distribuée aux habitants pauvres du pays même. Or, Muʿâdh tout en se conformant à l’ordre du Prophète, revint avec un excédent qui fut distribué aux émigrés pauvres de Médine, selon les directives de l’Envoyé de Dieu. Ce geste amena donc les jurisconsultes à autoriser le transfert de l’excédent de la zakât d’une région à une autre.

De même, le transfert de la zakât est permis, dans deux cas restreints :

— Quand le contribuable a un proche parent méritant la zakât, mais habite une autre contrée, car il s’agit là d’entretenir un lien de parenté.

— Quand les habitants d’une région sont plus pauvres que celle où la zakât est perçue.

Si le contribuable demeure dans une ville alors que ses biens sont dans une autre, c’est dans cette dernière qu’il devra verser la zakât.

Enfin, si dans une région l’on ne trouve aucune personne appartenant à l’une des huit catégories susmentionnées, on transférera la zakât à la région la plus proche pour y être distribuée à ses habitants démunis.

P.-S.

Ouvrage publié par le Conseil Supérieur des Affaires Islamiques d’Égypte, Al-Ahram Commercial Presses, 1993. Revu et adapté par Islamophile.org.

Notes

[1Sourate 9, At-Tawbah, Le repentir, verset 60. Ndlr.

[2Sourate 2, Al-Baqarah, La génisse, verset 273. Ndlr.

[3De nombreux juristes contemporains rejoignent cette opinion et autorisent le versement de la zakât pour les œuvres qui réalisent l’intérêt général des musulmans. Ndlr.

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