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Défense du dogme et de la loi de l’Islam contre les atteintes des orientalistes
Section : Développement de la loi

De la prohibition du vin

lundi 9 juin 2003

A travers le discours que tient Goldziher au sujet du développement de la loi, on est enclin à croire que l’Islam s’est divisé en deux écoles à propos du vin, une école qui l’interdisait catégoriquement et une autre plus conciliante qui permettait de le consommer.

Nous répondons : Le fondateur de cette École juridique que s’illusionne le très malin orientaliste est sans doute le juriste grandiose Abû Nawwâs [1] ! !

Qui, parmi les juristes musulmans, a dit que le vin est licite ? ! Sa prohibition est établie par le Livre, la Sunnah et le consensus des Musulmans…

Nul Musulman, qu’il soit ancien ou contemporain, n’a dit que l’ivrogne devait être épargné et que la sanction légale n’avait pas à être appliquée contre lui, à moins de connaître la substance par laquelle il s’enivra. Tous disent que l’ivrogne doit être fouetté, même s’il s’est enivré au lait.

Quiconque prétend que le vin est licite devient un apostat…

Il y a certains points que nous aimerions néanmoins clarifier :

  1. Il existe divers types de boissons sucrées obtenues en pressant des fruits, ou en les macérant dans l’eau comme les figues, le raisin sec, les grenades ou les dattes. Ces boissons portent communément le nom de nabîdh. Il s’agit d’une dénomination correcte du point de vue linguistique, et elle était largement utilisée chez les Anciens…

    Ces boissons sont considérées comme licites par l’ensemble des Musulmans. Jusqu’à aujourd’hui et partout dans le monde, les Musulmans les boivent sans aucun grief, même si elles portent le nom de nabîdh.

    Goldziher cherche à brouiller le vrai et le faux en affirmant que de nombreux ascètes et de lecteurs du Coran buvaient le nabîdh - insinuant qu’il s’agissait de vin -, voulant, par ces propos, faire croire qu’il existait une École islamique qui considérait le vin comme licite. Un vrai menteur !

  2. Pour faire croire que le vin est licite chez certains Musulmans, Goldziher s’est appuyé sur un récit, sans valeur aucune, qui indique que certains soldats musulmans, lors de la guerre contre les Byzantins, burent du vin, et que l’un d’eux, lorsqu’il se présenta pour être puni, se défendit en citant un verset du Coran. Abû ʿUbaydah envoya alors un message à ʿUmar Ibn Al-Khattâb dans lequel il lui racontait l’affaire et lui demandait son avis. Ce récit, d’un point de vue juridique, est nul, du point de vue de sa chaîne de narration, est insignifiant, et du point de vue de l’argumentation de notre orientaliste, est frauduleux, car - à travers la trame du récit - il ne dessert pas ses objectifs. Pire, cet orientaliste a tronqué une partie du récit contenant la réponse à ses prétentions.

    Le récit tel que l’a corrigé le Docteur Muhammad Yûsuf Mûsâ est le suivant :

    « Le récit qu’on trouve à ce sujet dans le livre Usd Al-Ghâbah est textuellement le suivant : « ʿAbd Ar-Razzâq mentionna qu’Ibn Jurayj dit : « On m’a informé qu’Abû ʿUbaydah, au Shâm, découvrit que Abû Jandal Ibn Suhayl, Dirâr Ibn Al-Khattâb et Abû Al-Azwar - tous des Compagnons du Prophète - burent du vin.

    Abû Jandal dit alors : « Ce n’est pas un péché pour ceux qui ont la foi et font de bonnes œuvres en ce qu’ils ont consommé pourvu qu’ils soient pieux, qu’ils croient et qu’ils fassent de bonnes œuvres ; puis qui continuent d’être pieux et de croire et qui demeurent pieux et bienfaisants. Car Dieu aime les bienfaisants. » [2]

    Abû ʿUbaydah écrivit à ʿUmar : « Abû Jandal m’a opposé ce verset. »

    ʿUmar lui répondit : « Celui qui a embelli le péché aux yeux de Abû Jandal est le même que celui qui lui a embelli sa protestation par ce verset. Punis-les. » Abû Al-Azwar dit alors : « Laissez-nous rencontrer l’ennemi demain. Si nous sommes tués, telle sera notre destinée. Et si nous revenons sains et saufs alors punissez-nous. Abû Al-Azwar, Dirâr et Abû Jandal rencontrèrent alors l’ennemi. Abû Al-Azwar tomba martyr et les deux autres furent punis. » »

    Tel est le texte du récit. Il devient dès lors manifeste que l’auteur n’a pas été fidèle dans sa retranscription, en tronquant la fin du récit qui établit que l’excuse trouvée par Abû Jandal n’a pas été acceptée par ʿUmar, car ne concordant pas avec la religion !

    Abû Hanîfah a dit - ses propres disciples ayant refusé son opinion - que le vin définitivement interdit, qu’il soit enivrant ou non, est celui tiré du raisin et des dattes, et que les autres types de nabîdh ne sont illicites que s’ils conduisent à l’ivresse. Quant aux quantités qui ne conduisent pas jusqu’à l’ivresse, elles ne sont pas considérées comme du vin.

    Cette opinion est viciée, et les Hanafites eux-mêmes ont émis des avis juridiques opposés.

    Tous les savants musulmans, sans exception, ont récusé cette opinion.

Goldziher a discuté la question du vin en Islam en émettant des propos bourrés de mensonge et de falsification de la réalité. Il attribue en outre aux juristes le soin d’avoir contrefait des hadiths appuyant leurs opinions respectives sur la question.

Il donne de tout le sujet une image complètement déformée.

A la lumière des explications que nous venons de donner, nous lisons à la page 54 :

« De très bonne heure se manifestèrent sur ce point certaines tendances d’opposition. Déjà quelques Compagnons du Prophète en Syrie, dont le plus connu est Abû-Djandal, et que le Qorân n’avait point empêchés de faire usage du vin, justifiaient cette licence par ce verset (5 v. 94) : « Pour ceux qui croient et qui font de bonnes œuvres, il n’y a aucun péché dans ce qu’ils consomment, pourvu qu’ils aient confiance en Dieu, qu’ils croient et qu’ils fassent de bonnes œuvres » [2]. A la vérité, le sévère khalife ʿOmar les fit fouetter pour cette exégèse libérale.

A un ordre d’idées essentiellement différent se rattache ce phénomène, que les théologiens de l’Orient emploient leur ingéniosité à exclure par voie d’interprétation la prohibition des autres boissons fortes, qu’une conception plus rigoriste avait logiquement incluse dans celle du vin. D’une part, on s’efforce de faire prévaloir la conclusion qu’à l’exception du vin il n’est pas défendu en soi d’user des boissons, mais seulement de s’enivrer. On invente même là-dessus des traditions, dont l’une, par exemple au nom de ʿAïcha, fait dire au Prophète : « Vous pouvez boire, mais ne vous grisez point » [3]. Sous l’égide de tels documents, des dévots mêmes ne se contentèrent point d’eau pure, et les rigoristes eurent beaucoup de peine à démontrer que « ce qui, pris en grande quantité, cause l’ivresse, est interdit même dans la plus infime proportion » [4]. Puis il y eut une école théologique répandue qui, s’en tenant à la lettre, ne regarda comme interdit que le vin (khamr), par conséquent le vin de vigne. Les autres boissons fermentées sont simplement du charâb (breuvage) ou nabîdh, et non du « vin » ; on put ainsi accorder des lettres de franchise au vin de pommes, de dattes, etc., et ouvrir au croyant une large porte par laquelle - en supposant toujours, bien entendu, que l’usage de la boisson n’allât pas jusqu’à l’ivresse - mainte concession fut faite à la « soif » par la voie lexicographique. Même un pieux khalife comme l’était ʿOmar II a déclaré, rapporte-t-on, que le nabîdh est permis [5]. Un khalife ʿabbâside qui n’aurait pas voulu se mettre en contradiction avec la loi s’enquiert auprès d’un qâdî, avec beaucoup de sollicitude, de ce qu’il pense du nabîdh. Et comme l’on ne pouvait, pour des raisons de sociabilité, se priver de telles boissons, la controverse juridique sur la question du vin offrait aussi de l’intérêt pour la société cultivée, spécialement parce qu’elle fut souvent mise en corrélation avec des sujets philologiques et de bel esprit.

Dans les réunions esthétiques que le khalife Al-Muʿtasim tenait à sa cour, un des thèmes favoris dont la fleur de la plus haute société, qui s’y rassemblait, aimait à s’entretenir, consistait à traiter de l’onomastique du vin dans la langue arabe classique et des rapports de la prohibition du vin avec cette onomastique. Nous ne croyons pas nous tromper en supposant que ce n’est pas une conception rigoureuse de ces rapports qui prévalait dans les discussions des beaux esprits de Baghdâd. On y exprimait même des avis qui représentaient l’opposition la plus radicale contre la prohibition religieuse, et qui vont jusqu’à railler les dévots qui s’en faisaient les champions. On cite un poème attribué à Dhû-l-Rumma, dans lequel ils sont traités sans ambages de « brigands que l’on appelle lecteurs du Qorân » (humu-l-lusûsu wa-hum yudʿawan qurrâ’â) [6]. Et un autre poète a dit : « Qui veut interdire l’eau des nuages lorsqu’y est mêlée celle des vignes ? En vérité, je répugne à l’aggravation que nous imposent les légistes, et l’opinion d’Ibn-Masʿûd me plaît » [6].

La subtilité des théologiens de Kûfa engagea, dès le IIe siècle, la théorie dans la voie tracée par Ibn-Masʿûd. Si l’on ne put aller jusqu’à permettre « l’eau des vignes », on créa, pour mettre en repos la conscience des hommes vis-à-vis de la légalité, des facilités de toutes sortes, dont même des gens bien pensants usèrent à cœur joie. »

L’insistance de cet orientaliste à vouloir nous faire croire qu’il existe une École juridique islamique rendant le vin licite ou essayant tout du moins de le rendre tel, est une chose bien minable.

Dire que l’Islam ou que la loi islamique adopte une position conciliante face à cette question est un mensonge sur notre réalité religieuse. C’est comme si l’on disait que le Christianisme actuel était conciliant avec la question de la Trinité !

Je ne manque pas à cet égard de raconter qu’un jour, un alcoolique ou un ivrogne quelconque avait voulu polémiquer avec moi au sujet de la prohibition du vin. Il me dit : Dieu ne l’a pas rigoureusement interdit ; Il a seulement dit à son sujet : « Une abomination, œuvre du Diable. Écartez-vous en ! » [7]

Or s’en écarter ne signifie pas que ce soit catégoriquement interdit ! !

Je lui répondis : Dieu dit : « Écartez-vous de la souillure des idoles et écartez-vous des paroles mensongères. » [8]

Et Il dit : « Ceux qui s’écartent des péchés les plus graves ainsi que des turpitudes. » [9]

Comment peut-on dès lors comprendre que le terme « s’écarter » indique seulement une légère interdiction ? !

Nous nous sommes permis de mentionner ces sottises car elles jaillissent d’une même source que les propos de certains orientalistes.

Mais laissons maintenant de côté le développement de la loi, que l’auteur a décrit avec tant de hideur, puis jetons un œil à ce qu’il a écrit au sujet du développement dogmatique.

P.-S.

Traduit de l’arabe aux éditions Nahdat Misr, 1988.

Notes

[1Abû Nawwâs est un poète de l’époque abbasside, dont les poèmes grivois chantent son amour pour le vin. Al-Ghazâlî est bien entendu ironique. NdT

[2Sourate 5 intitulée la Table servie, Al-Mâ’idah, verset 93.

[3Mensonge… Cela n’a pas été dit par le Messager de Dieu. Ce qui a été rapporté par Ahmad, c’est : « Buvez dans tout récipient, mais ne buvez pas de boissons enivrantes. »

[4Hadith authentique, rapporté par Ahmad, At-Tirmidhî, Abû Dâwûd, An-Nasâ’î et Ibn Mâjah.

[5Le nabîdh licite que consommait ʿUmar Ibn ʿAbd Al-ʿAzîz est celui que nous avons précédemment expliqué. Il ne s’agit pas de celui qui est fermenté comme se l’illusionne cet orientaliste. ʿUmar est bien trop grand pour consommer du vin. Nul n’a prétendu cela à son sujet.

[6Les paroles des poètes alcooliques n’ont aucune valeur scientifique. Leur médisance contre les lecteurs du Coran et les prédicateurs a une origine parfaitement compréhensible et elle est un honneur pour ceux qui œuvrent au service de la religion : ce n’est nullement un rabaissement de leur position.

[7Sourate 5 intitulée la Table servie, Al-Mâ’idah, verset 90.

[8Sourate 22 intitulée le Pèlerinage, Al-Hajj, verset 30.

[9Sourate 42 intitulée la Consultation, Ash-Shûrâ, verset 37.

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