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Le mariage officieux et ses conséquences

vendredi 2 décembre 2005

Question

Nous entendons parfois que le mariage officieux est valide et qu’il entraîne toutes les conséquences habituelles du mariage et parfois nous entendons que le mariage officieux est une forme de fornication et non pas un mariage valide. Cette question fait-elle l’objet de divergences entre les juristes ? L’enregistrement du mariage auprès des instances officielles est-il une condition sine qua non de la validité du mariage ?

Réponse de Sheikh Husâm Ad-Dîn Mûsâ ʿAfânah

On entend souvent par mariage officieux (zawâj ʿurfî) tout mariage remplissant les piliers et les conditions exigées par la religion sans être enregistré par un document officiel, comme une déclaration auprès du tribunal islamique. Il arrive parfois qu’une reconnaissance de mariage faisant office de contrat soit signée en présence du walî et des témoins. C’est dans ce sens que cette expression est employée habituellement par les auteurs traitant des affaires de mariage et de statut personnel.

Cependant, certaines personnes emploient l’expression « mariage officieux » pour désigner un arrangement passé entre un jeune homme et une jeune femme ; celui-ci demanderait par exemple à cette dernière : « Acceptes-tu de m’épouser ? » Et celle-ci de répondre : « J’accepte d’être ton épouse. » Puis ils rédigent une sorte de contrat avec ou sans le concours d’un avocat. Les arrangements de ce type se sont répandus dans de nombreux pays et commencent à faire leur apparition chez nous également.

Il va sans dire que les arrangements appartenant à cette seconde catégories sont nuls et non avenus, et que de tels arrangements ne peuvent guère être considérés comme un mariage valide au regard de la religion ; il s’agit bel et bien de fornication — que Dieu, Exalté soit-Il, nous en préserve —. Les dispositions tombant dans la première catégorie sont quant à elles valides islamiquement, et c’est même cette forme qui prévalait parmi les musulmans dans le passé avant qu’il ne rentre dans les us d’enregistrer le mariage par un document officiel et que les lois de statut personnel rendent l’enregistrement du mariage obligatoire.

Il ne fait pas de doute que le mariage se déroulait dans le passé sans document et sans enregistrement, comme le rappelle le Sheikh de l’Islam Ibn Taymiyah — que Dieu lui fasse miséricorde — : « Les Compagnons — que Dieu les agrée — n’avaient pas pour habitude d’inscrire les mariages car il n’était pas courant de se marier avec un arriéré de dot. Ils versaient l’intégralité de la dot initialement, et s’il leur arrivait de recourir à un arriéré, (son montant) était connu. Par la suite, lorsque l’arriéré de dot est devenu une pratique courante et l’oubli faisant son œuvre au fil du temps, les gens ont pris l’habitude d’enregistrer l’arriéré et ce document est devenu par la même occasion une preuve du mariage et que la femme est bien l’épouse (de son mari). » [1]

Toutefois, l’enregistrement du mariage est devenu indispensable, et que nul ne suggère de revenir à la pratique de nos prédécesseurs consistant à ne pas enregistrer les mariages. En effet, il n’y a aucune comparaison possible entre nous et nos prédécesseurs. Beaucoup de gens n’ont plus aucune conscience, la piété est devenue rare et la piété scrupuleuse a presque totalement disparue à notre époque. C’est pourquoi j’insiste sur la nécessité d’enregistrer le mariage à l’aide d’un document officiel. Je reste convaincu que celui qui se marie officieusement ou marie sa fille de cette manière commet un péché au regard de la loi islamique, bien que le mariage officieux remplissant les critères de validité du mariage islamique soit valide islamiquement. Car il a beau être valide, il n’en est pas moins illicite, à l’image de celui qui accomplit le pèlerinage avec de l’argent illicite : son pèlerinage est valide mais en l’accomplissant de cette manière il commet un péché au regard de la loi islamique.

L’Imâm An-Nawawî dit : « Si un individu accomplit le pèlerinage à l’aide d’un argent illicite, ou à l’aide d’une monture volée, il commet un péché, bien que son pèlerinage soit valide et suffisant à notre avis. Cette opinion est aussi celle d’Abû Hanifah, de Mâlik et d’Al-ʿAbdurî et c’est celle adoptée par la plupart des juristes. » [2] De même, la prière sur une terre arrachée par la force est valide, bien que l’oppresseur commette un péché en y priant. L’Imâm An-Nawawî dit : « La prière sur une terre arrachée par la force est jugée illicite à l’unanimité, bien qu’elle demeure valide selon nous et selon la majorité des juristes et des spécialistes des fondements. » [3]

Il est notoirement connu que la rédaction et l’enregistrement des contrats, de quelque type qu’ils soient, sont ordonnés par la loi islamique, notamment à notre époque où beaucoup de gens ne sont plus dignes de confiance, avec une baisse de la religiosité et de la piété et la propagation de la convoitise et de l’avidité. Se reposer sur le facteur de la confiance mutuelle ne fournit plus de garantie car les cœurs des gens et leurs états sont changeants.

Dieu — Exalté soit-Il — a ordonné d’enregistrer les dettes dans Sa Parole : « Ô les croyants ! Quand vous contractez une dette à échéance déterminée, mettez-la en écrit ; et qu’un scribe l’écrive, entre vous, en toute justice ; [...] Ne vous lassez pas d’écrire la dette, ainsi que son terme, qu’elle soit petite ou grande : c’est plus équitable auprès d’Allah, et plus droit pour le témoignage, et plus susceptible d’écarter les doutes. » [4] Il s’agit d’un commandement divin concernant la monnaie sonnante et trébuchante car les écrits préservent les droits. À plus forte raison, nous devons recourir aux écrits pour la préservation de l’honneur et des filiations.

À cela s’ajoute le fait qu’il est obligatoire que les gens respectent la loi relative au statut personnel, car l’obéissance à la loi procède de l’obéissance à celui qui détient le commandement (waliyy al-amr) dans le convenable, d’autant que cela réalise l’intérêt général et protège les droits des individus, notamment les droits des femmes et des enfants.

Il est en effet de notoriété publique que les musulmans se réfèrent dans nos pays aux tribunaux islamiques dans les affaires relatives au statut personnel telles que le mariage, le divorce et l’héritage, et que la loi régissant le statut personnel découle de la législation islamique. Il est donc obligatoire de la respecter. Al-Bukharî et Muslim rapportent en effet que le Messager — paix et bénédictions sur lui — dit : « L’obéissance n’est due que dans le convenable. » Ils rapportent également d’après Ibn ʿUmar — que Dieu l’agrée ainsi que son père — que le Prophète — paix et bénédictions sur lui — dit : « L’écoute et l’obéissance est un droit (du souverain) tant qu’il n’ordonne pas une transgression ; s’il ordonne une transgression alors point d’écoute ni d’obéissance. »

À ceux qui édictent des fatwas préconisant de ne pas enregistrer le mariage officiellement et y incitent les gens, je voudrais rappeler quelques conséquences du mariage officieux :

L’époux peut nier s’être marié, que deviendraient alors l’épouse et les enfants ?

Il est en effet connu que, dans certaines législations, la loi de statut personnel interdit aux tribunaux de recevoir les plaintes relatives au mariage ou de reconnaître ledit mariage sauf à produire un document officiel le prouvant. Telle est la position suivie par les tribunaux égyptiens depuis 1931 E.C., conformément à l’article 99 du règlement des tribunaux islamiques, amendé par la loi n° 78 de l’année 1951 E.C. Notons en passant que la Maison Égyptienne de la Fatwa a jugé en date du 1/2/1957 que l’alinéa défendant aux tribunaux de recevoir les plaintes relatives au mariage ou de reconnaître ledit mariage sauf à produire un document officiel le prouvant ne fait pas du document officiel une condition sine qua non de la validité du mariage, mais plutôt une condition de la recevabilité des plaintes.

De même, dans l’article 92 de la loi de statut personnel koweitienne, on cite : « En cas de contestation du mariage, les plaintes ne sont recevables qu’à condition de produire un document officiel prouvant ledit mariage, ou que la contestation ait été précédée par une reconnaissance du mariage dans d’autres documents officiels. » [5]

Contrairement au mariage enregistré officiellement, il est aisé de contester le mariage non enregistré par un document officiel et, par conséquent, de se délier des obligations financières et morales du mariage. « Le mariage officiel donne lieu à la délivrance par l’État d’un document officiel, contrairement au mariage officieux qui se déroule oralement ou donnerait lieu à l’écriture d’un document officieux. Les juristes contemporains définissent le document officiel comme étant : “un document émis par un fonctionnaire habilité de par sa fonction à l’émettre”. Le document officiel ne peut faire l’objet d’aucune contestation, et ne peut point être attaqué quant à son authenticité ; il permet donc d’authentifier le contrat mariage de manière catégorique. Tandis que le mariage officieux, quand bien même il serait confirmé par la production de témoins ou d’un document officieux, est sujet à contestation et peut être nié. Dr. ʿAbd Al-Fattâh ʿAmr dit : “Le contrat officieux est, comme tout document officieux, exposé à la récusation, à la falsification et à la contestation, alors que le contrat officiel est incontestable.” » [6]

Il arrive aussi que le document officieux se perde ou s’abîme. Qu’en est-il alors des droits de l’épouse et des enfants ? Qu’en est-il aussi du droit de l’épouse à l’héritage en cas de décès de son époux, s’ils sont mariés officieusement ? Combien de drames ont frappé les épouses et les enfants pour défaut d’enregistrement du mariage par un document officiel ?

En conclusion, l’enregistrement du mariage par un document officiel est une obligation islamique ; celui qui ne s’y conforme pas commet un péché, même si l’on considère que le mariage officieux est valide et entraîne toutes les conséquences juridiques (islamiques) du mariage. Il faut s’interdire de préconiser le mariage officieux étant donné les fléaux qu’il entraîne et la mise en péril des droits de l’épouse et des enfants. Je recommande aux parents de ne pas donner leurs filles en mariage officieusement et qu’ils soient extrêmement vigilants à l’établissement d’un mariage valide attesté par un document officiel et enregistré auprès du tribunal islamique.

Et Dieu est le plus savant.

P.-S.

Traduit de l’arabe du site islamonline.net. La version originale est consultable sur archive.org.

Notes

[1Majmûʿ Al-Fatâwâ, de Sheikh Al-Islâm Ibn Taymiyah, volume 32, p. 131.

[2Al-Majmûʿ, volume 6, p. 62.

[3Al-Majmûʿ, volume 3, p. 165.

[4Sourate 2, Al-Baqarah, La génisse, verset 282.

[5Mustajaddât Fiqhiyyah fî Qadâyâ Az-Zawâj wat-Talâq, pp. 145 et 146.

[6Mustajaddât Fiqhiyyah fî Qadâyâ Az-Zawâj wat-Talâq, p. 132.

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