dimanche 7 octobre 2001
Nous présentons succintement le noble Imâm, célèbre sous le nom "Al-Imâm Al-Aʿdham" (le plus grand Imâm), Abû Hanîfah, qu’Allâh l’agrée, l’un des quatre pôles de la jurisprudence.
Le noble compagnon du Prophète, paix et bénédiction d’Allâh sur lui, ʿAbd Allâh Ibn Masʿûd s’installa dans la ville de Kufa après sa construction sous le Califat de notre maître ʿOmar Ibn Al-Khattâb, qu’Allâh l’agrée, en l’an 17 A.H. Il était qu’Allâh l’agrée un vaste océan de science. Il enseigna aux gens la religion et la compréhension de la loi islamique. Notre maître ʿAbd Allâh Ibn Masʿud fut grandement influencé par la méthodologie de notre maîtreʿOmar Ibn Al-Khattâb dans la recherche, la déduction subtile des lois, l’Ijtihâd par l’opinion dans l’absence d’un texte du Coran et la Sunnah, avec une grande rigueur dans l’authentification du Hadîth. Parmi les plus remarquables des disciples d’Ibn Masʿud, qu’Allah l’agrée, nous pouvons citer des juristes brillants comme ʿUbaydah Ibn Qays As-Salmâni, ʿAlqama Ibn Qays An-Nakhaʿî au sujet duquel son sheikh, Ibn Masʿud dit : " je ne connais une chose sans que ʿAlqamah la connaisse ". De même nous pouvons citer Shurayh Al-Kindi qui présida la Justice à Kufa sous le Califat de ʿOmar, et occupa cette fonction pendant 62 ans. Une génération qui n’a pas connu Ibn Masʿud, leur succéda. Ils se sont dévoués pour porter le dépôt de la science et l’honorer en apprenant des compagnons d’Ibn Masʿud et ses disciples. Parmi les personnes les plus saillantes dans cette génération nous comptons Ibrâhîm Ibn Yazîd An-Nakhaʿî, l’illustre juriste de l’Iraq, également très savant en matière du Hadîth. Ibrâhîm An-Nakhaʿî eut de nombreux disciples dont Hammâd Ibn Sulaymân qui lui succéda dans son cercle de science. Ce dernier était un Imâm Mujtahid, enseignant la jurisprudence dans un vaste cercle de science où s’agenouillait l’Imâm Abû Hanîfah An-Nuʿmân. L’Imâm Abû Hanîfah surpassa ses collègues et son étoile brilla du vivant de son sheikh. Il lui succéda à la tête de l’enseignement du Fiqh et dirigea l’école de l’opinion. De nombreux étudiants et disciples l’ont entoure, parmi eux, se distinguèrent des gens aussi doues et dévoues que Abû Yûsuf, Muhammad et Zufar, qui ont œuvré pour la formalisation de l’école juridique hanafite.
La ville de Kûfa accueillit la naissance d’An-Nuʿmân Ibn Thâbit Ibn An-Nuʿmân, connu par Abû Hanîfah, en 80 A.H. (699 E.C.). À cette époque, Kûfa était un foyer de science, riche en cercle d’enseignement de Fiqh (jurisprudence), Hadîth, lectionnaires et langues. Les mosquées étaient alors pleines d’Imâms entourés de disciples et étudiants assoiffés de science et d’étude. C’est là que l’Imâm Abû Hanîfah a passé la majeure partie de sa vie, d’abord pour apprendre, puis pour répandre la science. Depuis sa plus tendre enfance, après avoir mémorisé le Noble Coran, il partait s’agenouiller dans ces cercles de sciences. Toutefois, il était préoccupé par le commerce avec son père. Mais lorsque le juriste ʿÂmir Ash-Shaʿbî vit en lui les signes de l’intelligence et la vivacité de l’esprit, il lui recommanda d’assister aux assemblées des savants et de se dépenser dans l’étude. Le jeune Imâm Abû Hanîfah donna une suite favorable à ce conseil et dirigea ses efforts et son énergie vers les cercles de science. Il rapporta le Hadîth, étudia la langue et la littérature, se versa dans la science du Kalâm où son astre brilla au point de débattre avec les apôtres des différentes sectes et de réfuter de fausses croyances en matière de Credo. Puis, il se dirigea vers le Fiqh et accompagna Hammâd Ibn Abî Sulaymân pendant dix-huit ans.
L’Imâm Abû Hanîfah accomplissait le pèlerinage fréquemment ; on dit qu’il fit 55 pèlerinages. Ces voyages répétitifs vers les lieux saints lui permirent de rencontrer de grands juristes et mémorisateurs du Hadîth (Huffâdh) et de puiser dans leur savoir. Parmi les Successeurs (tabiʿîne) qu’il rencontra citons ʿÂmir Ash-Shaʿbî (m. 103 A.H., 721 E.C.), ʿIkrimah mawlâ Ibn ʿIbbâs (m. 105 A.H., 723 E.C.), Nâfiʿ mawlâ Ibn ʿOmar (m. 117 A.H., 735 E.C.), Zayd Ibn ʿAlî Zayn Al-ʿÂbidîn (m. 122 A.H., 740 E.C.). Certains historiens comptent 4 mille sheikhs pour Abû Hanîfah, et selon certains récits, il aurait connu certains rares compagnons qui auraient vécu jusqu’à la fin du premier siècle hégirien, ce qui élèverait le rang de l’Imâm à celui de Successeur. Toutefois, si cela est vrai, il n’avait pas alors l’âge de recevoir une quelconque science d’eux, et il est connu qu’il était préoccupé au début par le commerce.
Après la mort de son sheikh, Hammâd Ibn Abî Sulaymân, la direction du cercle de Fiqh finit entre les mains de l’Imâm Abû Hanîfah qui était alors un quadragénaire. Les étudiants l’ont alors entouré pour puiser dans sa science abondante et son Fiqh. Il avait une approche d’enseignement toute originale. Face à une question juridique, il ne donnait pas la réponse directement, il exposait la question à ses disciples pour que chacun propose une solution argumentée. Puis, l’Imâm commentait les propos de ses élèves, en rectifiant ce qui mérite de l’être, puis au terme de cette discussion sondant les facettes du problème et les pistes de réponse, le professeur pédagogue et ses élèves arrivaient à une solution juridique. L’Imâm Abû Hanîfah entourait ses élèves de ses soins. Il dépensa même de son argent pour ses élèves, notamment son fidèle disciple Abû Yûsuf pour lui faciliter la recherche de science et lui épargner des difficultés financières qui constituaient un frein dans ses études. Abû Yûsuf (m. 182 A.H., 797 E.C.) dit : " Il me supporta financièrement ainsi que mes enfants pendant vingt ans. Et si je lui dis : je n’ai vu plus généreux que toi, il me répondait : qu’aurais-tu dit si tu avais vu Hammâd (i.e. le sheikh de Abû Hanîfah), je n’ai vu d’homme réunissant les nobles qualités comme lui ". Il gagnait sa vie par le commerce. Il avait à Kûfa un commerce de soie, géré par son partenaire. Cela lui permit de gagner sa vie honorablement et de se consacrer à la science et l’enseignement.
La naissance de l’école juridique de l’Imâm Abû Hanîfah marqua l’avénement de l’école de l’opinion. Les fondements du madhab (école juridique) se sont établis de son vivant. Il les synthétisa en disant : " Je prends le Livre d’Allâh lorsqu’il contient la réponse, sinon, je prends la Sunnah du messager d’Allâh, paix et bénédiction d’Allâh sur lui, si je ne trouve pas dans la Sunnah, je prends l’opinion de ceux que je veux parmi ces compagnons, et je laisse celles de qui je veux, je ne laisse leur opinion au profit de celle d’autres personnes, et lorsque l’on en vient à l’opinion d’Ibrâhîm, Ash-Shaʿbî, Al-Huss, Ibn Sîrîn ou Saʿîd Ibn Al-Musayyab, alors je recours à l’Ijtihâd comme ils l’ont fait". En cela, l’Imâm Abû Hanîfah s’accorde avec tous les juristes et Imâms du Fiqh sur le devoir de recourir au Coran et la Sunnah pour puiser les jugements légaux. Mais l’Imâm Abû Hanîfah s’est distingué par son Ijtihâd et sa méthode de déduction des jugements légaux, qui consiste à ne pas en rester à l’apparence, mais plutôt de plonger dans les profondeurs du sens des textes, leurs buts et finalités. Le fait que le noble Imâm soit connu pour le recours fréquent à l’opinion et l’analogie ne signifie aucunement qu’il délaissait les narrations et les traditions du Prophète, ou que sa marchandise en science du Hadith était peu de chose. La vérité est que l’Imâm Abû Hanîfah avait des critères stricts d’acceptation des narrations, traduisant un grand souci d’authentification. C’est cette stricte rigueur que s’est imposé l’imâm Abû Hanîfah qui fit qu’il a exploré en profondeur ce qui, selon ses critères, était authentique et qu’il recourra à l’analogie dans la nécessité en se référant à la base authentique qu’il a agrée. Le génie de l’Imâm se manifesta dans les questions qui lui ont été posées, mais l’Imâm déploya sa science et son intelligence en supposant des hypothèses, en imaginant des cas de figures qui ne s’étaient pas produits, puis il les étudiait en profondeur et exposait les jugements légaux relatifs. On appelle cela " Al-Fiqh At-Taqdîrî ", le Fiqh Hypothétique, et l’on dit qu’Abû Hanîfah en est le pionnier. Il a été rapporté que l’Imâm a posé soixante milles questions juridiques de ce type.
Nous ne connaissons pas de livre de Fiqh écrit par la plume de l’Imâm Abû Hanîfah. Cela n’est pas en contradiction avec le fait qu’il dictait à ses disciples et élèves des opinions juridiques et des verdicts. Contrairement aux écoles juridiques d’autres grands Imâms contemporains à Abû Hanîfah, l’école de l’Imâm ne s’est pas éteinte. Dieu a mis au service de cet Imâm de nombreux disciples, brillants et fidèles, qui ont conservé précieusement et inscrit les opinions juridico-légales de leur sheikh. Parmi les plus célèbres de ces disciples, citons :
Les livres de Muhammad Ibn Al-Hasan Ash-Shaybânî ne nous sont parvenus entièrement. Certains de ses livres comme Al-Mabsût, Az-Ziyâdât, Al-Jâmiʿ As-Saghîr, Al-Jâmiʿ Al-Kabîr sont qualifiés par les savants " Kutub Dhâhir Ar-Riwâyah ", en ce sens qu’ils ont été rapportés par des hommes de confiance et fiables parmi ses élèves ; ils lui sont attribués donc par une large base de transmission. Abû Al-Fadl Al-Marûzî, célèbre sous le nom Al-Hâkim Ash-Shahîd (m. 344 A.H. soit 955 E.C.), a réuni ces livres (Kutub Dhâhir Ar-Riwâyah), après omission des répétitions, dans un ouvrage intitulé Al-Kâfî qui fut commenté et expliqué par Shams Al-A’immah As-Sarkhasî (m. 489 A.H. soit 1090 E.C.) dans Al-Mabsût (l’Etendu). Al-Mabsût, ouvrage encyclopédique imprimé en trente volumes, est compté parmi les livres les plus importants de l’école hanafite, réunissant les paroles des Imâms de cette école, les fondements liés aux questions juridiques, les preuves employées et la nature de l’analogie.
Le Madhab (école juridique) de l’Imâm Abû Hanîfah, que Dieu l’agrée, se répandit dans les terres islamiques notamment avec le rôle clef de Abû Yûsuf, occupant le poste de Grand Juge de la dynastie abbaside. Il devint le madhab officiel de cette dynastie, ainsi que le madhab des seldjoukides et de l’Empire Ottoman. Cette école juridique, l’une des quatre écoles juridiques sunnites prévalantes, est répandue dans la plupart des terres islamiques, avec une présence dominante en Haute-Égypte (alors que la moitié Nord est chaféite), des régions de Syrie et d’Iraq, au Pakistan, en Inde et en Chine.
Dieu a accordé à l’Imâm Abû Hanîfah une longue vie, pleine de piété et de science. Il lui a aussi accordé des disciples brillants qui ont appris son Fiqh et ont répandu son école juridique, comme Abû Yûsuf, Muhammad Ibn Al-Hasan, Zufar, Al-Hasan Ibn Ziyâd... Ses contemporains ont témoigné de ses mérites, sa généreuse science, son excellence en Fiqh si bien qu’An-Nadir Ibn Shumayl dit : " Les gens étaient endormis, négligeant le Fiqh, jusqu’à ce qu’Abû Hanîfah les réveilla par ce qu’il a expliqué et exposé". Il nous suffit le témoignage plein d’admiration et de respect que fit notre Imâm Ash-Shâfiʿî, le soleil des juristes, au sujet de l’Imâm Abû Hanîfah : "En Fiqh, les gens sont des enfants par rapport Abû Hanîfah". Il fut un Imâm plein de scrupule, un emblème de la piété, un noble savant au cœur plein de crainte de Dieu, comme en témoignent tous les livres de biographies islamiques. Nous retiendrons enfin ce mot synthétique et ô combien pertinent de l’ascète, le dévot, Al-Qâdî ʿIyâd : "Abû Hanîfah fut un juriste, connu en jurisprudence, célèbre pour son scrupule, aisé, bienfaisant envers autrui, patient dans l’enseignement de la science de jour comme de nuit, il observait souvent le silence, parlait peu, jusqu’à ce qu’une question traitant du licite ou de l’illicite survienne...". L’Imâm Abû Hanîfah remplit la terre de science dans sa vie bénie et retourna à Dieu le 11 Jumâdah Al-Ûlâ 150 A.H., soit le 14/06/767.
Qu’Allâh déverse Sa Miséricorde sur sa tombe, sur celles des Imâms Mâlik, Ash-Shâfiʿî et Ahmad Ibn Hanbal, ainsi que leurs semblables et tous les musulmans.
References biographiques : Islamonline.net et Abû Hanîfah, Hayatuhu wa ʿAsruh (Abû Hanîfah, sa vie et son époque) de Sheikh Mohammad Abû Zahrah.
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