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Abû ʿUbaydah Ibn Al-Jarrâh

lundi 10 juin 2002

Sa silhouette longue et élancée lui donnait un air frappant. Son visage était lumineux et sa barbe clairsemée. Il était agréable à regarder. Sa compagnie était rafraîchissante. Il était extrêmement humble et courtois, voire un peu timide. Néanmoins, dans certaines situations il pouvait devenir sérieux et aussi vif que la lame tranchante d’une épée.

Il était décrit comme le " Amin " ou le gardien loyal de la communauté de Muhammad. Il était connu sous le nom d’Abû ʿUbaydah mais son nom complet était ʿÂmir Ibn ʿAbd Allâh Ibn Al-Jarrâh. ʿAbd Allâh Ibn ʿUmar, un des compagnons du Prophète — paix et bénédictions sur lui — a dit de lui :

" Abû Bakr As-Siddîq, ʿUthmân Ibn ʿAffân et Abû ʿUbaydah Ibn Al-Jarrâh étaient très en vue au sein de la tribu des Quraysh. Ils étaient dotés du meilleur caractère et d’une grande modestie. Quand ils parlaient, ils ne vous décevaient pas, et quand on leur parlait ils ne vous accusaient pas de mentir. "

Abû ʿUbaydah fut l’une des premières personnes à embrasser l’islam. Sa conversion suivit celle d’Abû Bakr un jour après. En réalité, c’est Abû Bakr qui les conduisit lui et Abd Ar-Rahmân Ibn Awf, ʿUthmân Ibn Madhʿûn et Al-Arqam Ibn Abî Al-Arqam, au Prophète — paix et bénédictions sur lui —. Ensemble, ils déclarèrent leur adhésion à la vérité. Ils devinrent ainsi les piliers du formidable édifice de l’islam.

Abû ʿUbaydah survécut aux rudes expériences infligées aux musulmans de La Mecque. Avec eux, il endura les insultes et la violence, la douleur et la chagrin de ces persécutions. Malgré les épreuves, il demeura ferme et constant dans sa croyance en Dieu et en son Prophète — paix et bénédictions sur lui —. Cependant, la plus éprouvante expérience qu’il eut à traverser fut la bataille de Badr.

Abû ʿUbaydah était à l’avant-garde de l’armée musulmane, combattant avec fougue, sans craindre de mourir. Les cavaliers quraysh, méfiants à son égard, se tenaient à distance. Cependant, un homme en particulier s’acharnait à poursuivre Abû ʿUbaydah dans ses déplacements. Abû ʿUbaydah faisait de son mieux pour éviter ce soldat.

En dépit des tentatives désespérées d’Abû ʿUbaydah, l’homme réussit à barrer le chemin d’Abû ʿUbaydah et le contraindre au face à face. Abû ʿUbaydah ne put plus se contenir. Il assena un coup d’épée à son adversaire. Sa tête roula à terre. Il gisait mort.

N’essayez pas d’imaginer qui était cet homme. Comme nous l’avons mentionné plus haut, cette épreuve fut des plus éprouvantes pour Abû ʿUbaydah. Que dire quand on sait que l’homme qu’il a mis à mort était ʿAbd Allâh Ibn Al-Jarrâh, son propre père !

Abû ʿUbaydah ne voulait bien-sûr pas tuer son père mais dans la bataille qui opposait la croyance en Dieu et le polythéisme, le choix à faire était certes perturbant mais évident. Dans un sens, on peut dire qu’il a seulement tué le polythéisme incarné en la personne de son père.

Dieu révéla ces versets coraniques en rapport à cet événement : " Tu n’en trouveras pas, parmi les gens qui croient en Allâh et au Jour dernier, qui prennent pour amis ceux qui s’opposent à Allâh et à Son Messager, fussent-ils leur père, leurs fils, leurs frères ou les gens de leur tribu. Il a prescrit la foi dans leurs cœurs et Il les a aidés de Son secours. Il les fera entrer dans des Jardins sous lesquels coulent les ruisseaux, où ils demeureront éternellement. Allâh les agrée et ils L’agréent. Ceux- là sont le parti d’Allâh. Le parti d’Allâh est celui de ceux qui réussissent. " (Sourate 58 Al-Mujadilah ; verset 22)

La réaction d’Abû ʿUbaydah à Badr, lorsqu’ il fut confronté à son père n’était pas surprenante dans la mesure où il avait affermi sa foi en Dieu, et ainsi atteint un haut degré de dévotion et d’implication pour la oumma de Muhammad auquel beaucoup aspiraient.

Muhammad Ibn Jaʿfar, un compagnon du Prophète — paix et bénédictions sur lui —, rapporta qu’une délégation chrétienne vint faire une requête au Prophète — paix et bénédictions sur lui — :

" Ô Abû-l-Qasim, envoie-nous l’un de tes compagnons, dont tu es satisfait, afin qu’il juge les questions de propriétés sur lesquelles nous sommes en désaccord. Nous avons un grand respect pour vous, les musulmans. "

" Revenez me voir ce soir ", répondit le Prophète — paix et bénédictions sur lui —, " j’enverrai avec vous quelqu’un digne de confiance. "

ʿUmar Ibn Al-Khattâb entendit la réponse du Prophète — paix et bénédictions sur lui —. Il dit plus tard :

" Je suis parti pour la prière du dhohr tôt, espérant correspondre à la description faite par le Prophète — paix et bénédictions sur lui —. Quand il termina la prière, il regarda autour de lui et je me suis levé pour qu’il puisse me voir. Mais il continua à scruter l’assemblée, jusqu’à ce qu’il aperçoive Abû ʿUbaydah Ibn Al-Jarrâh. Il l’appela et lui dit : " Va avec eux et tranche leurs différents au moyen de la vérité. " "

Abû ʿUbaydah était non seulement digne de confiance, mais il faisait également preuve d’une grande droiture dans l’acquittement de ce qui lui était confié. Cette qualité s’est par ailleurs manifestée à de nombreuses occasions.

Un jour, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — détacha un groupe de ses compagnons à la rencontre d’une caravane des Quraysh. Il désigna Abû ʿUbaydah comme amir (chef) du groupe et lui donna un sac de dattes comme seules provisions. Abû ʿUbaydah distribua à chacun de ses hommes une datte par jour. Pour sa part, il suçait cette datte comme un enfant tête le sein de sa mère. Puis il buvait un peu d’eau et cela lui suffisait pour toute la journée.

Le jour de la défaite des musulmans à Uhud, un des moushrikines commença à hurler : " Montrez-moi Muhammad, montrez-moi Muhammad ! " Pour le protéger, Abû ʿUbaydah et neuf autres musulmans encerclèrent le Prophète — paix et bénédictions sur lui — et repoussèrent les assauts des moushrikines.

Au terme de la bataille, les musulmans découvrirent qu’une molaire du Prophète — paix et bénédictions sur lui — était cassée, qu’il était blessé au front, et que deux disques de son bouclier avaient pénétré dans sa joue. Abû Bakr s’avança vers lui avec l’intention d’extraire ces disques mais Abû ʿUbaydah lui dit : " S’il te plaît, laisse-moi m’en occuper. "

Abû ʿUbaydah craignait de faire mal au Prophète — paix et bénédictions sur lui — s’ il tirait les disques avec sa main. Il mordit alors fermement dans l’un des disques afin de l’extraire de sa joue. Il réussit mais durant l’opération une de ses incisives tomba à terre. Il perdit une autre incisive en retirant l’autre disque. Abû Bakr remarqua : " Abû ʿUbaydah est le plus habile des hommes pour casser des incisives ! "

Abû ʿUbaydah continua à s’impliquer entièrement dans tous les événements importants du vivant du Prophète — paix et bénédictions sur lui —. Après la mort du Prophète — paix et bénédictions sur lui —, les compagnons se rassemblèrent à la Saqifah, le lieu de réunion des Banu Sâʿidah pour designer un successeur. Ce jour est d’ailleurs connu dans l’histoire comme le Jour de Saqîfah.

Pendant cette assemblée, ʿUmar Ibn Al-Khattâb s’adressa à Abû ʿUbaydah : " Tends la main et je te ferai mon serment d’allégeance car j’ai entendu le Prophète, paix sur lui, dire : " Chaque oumma a un amin (gardien) et tu es le amin de cette oumma. ". "

" Je ne veux pas mettre ma personne en avant en présence d’un homme à qui le Prophète — paix et bénédictions sur lui — a demandé de nous diriger dans la prière, et qui la mena à bien jusqu’à la mort du Prophète — paix et bénédictions sur lui — ", déclara Abû ʿUbaydah.

Sur ce, il donna la bay’ah (serment de fidélité) à Abû Bakr as-Siddiq. Il continua à être un étroit conseiller d’Abû Bakr et un solide défenseur du bien et de la Vérité.

Abû ʿUbaydah apporta le même soutien au calife ʿUmar Ibn Al-Khattâb. Il lui obéit en toutes occasions sauf une. L’incident se produisit lorsque Abû ʿUbaydah était en Syrie menant l’armée musulmane de victoire en victoire jusqu’à ce que la Syrie entière fut sous contrôle musulman. Le fleuve de l’Euphrate s’étendait à sa droite et l’Asie mineure à sa gauche.

C’est alors que la peste frappa la population syrienne comme jamais auparavant. L’épidémie fut dévastatrice. ʿUmar dépêcha un messager à Abû ʿUbaydah avec une lettre disant : " J’ai besoin de toi de toute urgence. Si ma lettre te parvient de nuit, tu dois partir avant l’aube. Si cette lettre te parvient de jour, tu dois partir avant la tombée de la nuit et revenir ici au plus vite. "

Lorsque Abû ʿUbaydah reçut la lettre de ʿUmar, il dit : " Je sais pourquoi le Prince de Croyants a besoin de moi. Il veut la survie de quelqu’un qui, cependant, n’est pas éternel. "

Aussi répondit-il à ʿUmar : " Je sais que tu as besoin de moi. Mais j’appartiens à une armée de musulmans et je n’ai nulle envie de fuir ce qui les afflige. Je ne veux pas me séparer d’eux jusqu’à ce que la volonté d’Allâh soit faite. Quand tu recevras cette lettre, libère-moi de ton commandement et permets-moi de rester ici. "

Lorsque ʿUmar lut la lettre, ses yeux s’emplirent de larmes. Ceux qui étaient présents lui demandèrent :

" Ô Amir Al-Mu’mineen, Abû ʿUbaydah est-il mort ?
- Non mais la mort est proche ", a-t-il répondu.

L’intuition de ʿUmar était juste. Peu après, l’épidémie frappa Abû ʿUbaydah. Peu avant sa mort, il s’adressa à son armée en ces termes : " Laissez-moi vous donner quelques conseils qui vous aideront à toujours être sur la voie de la rectitude. Priez. Jeûnez le mois de Ramadan. Donnez la Sadaqah. Accomplissez le Hajj et la ʿUmrah. Restez unis et soutenez-vous les uns les autres. Soyez sincères avec vos commandants et ne leur cachez rien. Ne laissez pas le monde vous détruire. Même si les hommes pouvaient vivre mille ans, ils finiraient tous dans l’état où je suis maintenant. Que la paix et la miséricorde de Dieu soient sur vous. "

Puis, Abû ʿUbaydah demanda à Muʿâdh Ibn Jabal : " Ô Muʿâdh, dirige la prière. " Il s’éteignit alors.

Muʿâdh se leva et dit : " Ô gens, vous êtes frappés par la mort d’une personne. Par Allâh, je ne sais si j’ai déjà rencontré un homme aussi sincère, aussi droit, qui se gardait de tout mal. Demandez à Dieu de verser Sa miséricorde sur lui et Dieu sera miséricordieux avec vous. "

P.-S.

Traduit de "Companions of The Prophet", Vol.1, écrit par Abdul Wâhid Hâmid.

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