Question
Quelles sont les règles relatives au retour des salutations en islam ?
Réponse de Sheikh ʿAtiyyah Saqr
Dieu — Exalté soit-Il — dit : « Quand donc vous entrez dans des maisons, adressez-vous mutuellement des salutations venant d’Allah, bénies et agréables. » [1] ; « N’entrez pas dans des maisons autres que les vôtres avant de demander la permission et de saluer leurs habitants. » [2] ; « Si on vous fait une salutation, saluez d’une façon meilleure ; ou bien rendez-la à l’identique. » [3] ; « T’est-il parvenu le récit des honorables visiteurs d’Abraham ? Quand ils entrèrent chez lui et dirent : "Paix !", il leur dit : "Paix, visiteurs inconnus". » [4]
- L’échange de salutations avec autrui est une coutume ancienne et répond à certains protocoles dont on peut prendre connaissance en détails dans mon ouvrage, Mawsûʿat Al-Usrah (Encyclopédie de la Famille), volume II. Le recours à l’expression "paix" est une formulation très ancienne, que Dieu a instituée pour notre père Adam — paix sur lui -, comme en témoigne le hadîth rapporté par Al-Bukhârî et Muslim où le Prophète — paix et bénédictions sur lui — dit : "Allâh — Exalté soit-Il — créa Adam tel quel, grand de soixante brasses. Lorsqu’il le créa, Il lui dit : "Va saluer ce groupe d’anges assis là-bas et écoute la manière dont ils te salueront en retour, ce sera là ta salutation et celle de ta descendance." Il leur dit donc : "As-salâmu ʿalaykum, Que la paix soit sur vous" ; ils répondirent : "As-salâmu ʿalayka wa-rahmatullâh, Que la paix soit sur toi ainsi que la Miséricorde d’Allâh" ; ils rajoutèrent ainsi à la salutation d’Adam "la Miséricorde d’Allâh"". De même, les versets coraniques susmentionnés montrent que la paix est la formule de salutation employée par les habitants du Paradis entre eux, et c’est aussi la formule de salutation que les anges leur adressent.
Le quatrième verset indique que les anges ont salué notre seigneur Abraham — paix sur lui — et qu’il a retourné les salutations. Le premier verset fonde et impose l’usage de la "paix" comme formule de salutation en islam. Le deuxième verset interdit de faire preuve de laxisme et de sous-estimer la pratique des salutations. Enfin, le troisième ordonne de retourner les salutations à celui qui en prend l’initiative et incite à répondre par une meilleure formule que celle reçue.
- Nulle personne raisonnable ne peut douter un instant que les salutations par la formule de paix contribuent à répandre la concorde, la sécurité et l’amour entre les gens. C’est pourquoi Dieu — Exalté soit-Il — en a fait la formule de salutation employée par les habitants du Paradis entre eux, et employée par les anges à leur endroit, après que Dieu Lui-même les aura salué à leur entrée au Paradis ; le Très-Haut dit : « Leur salutation le jour où ils Le rencontreront sera "paix" » [5] ; « Entrez-y en paix et en sécurité » [6] ; « De chaque porte, les Anges entreront auprès d’eux : "Paix sur vous, pour ce que vous avez enduré ! Comme est bonne votre demeure finale !" » [7] ; « Leur invocation y sera "Gloire à Toi, Ô Allah", et leur salutation : "Paix !" » [8] C’est pour cette raison que le Prophète — paix et bénédictions sur lui — nous y incita dans nombre de hadîths dont celui rapporté par Muslim : "Vous n’entrerez point au Paradis tant que vous n’aurez pas la foi, et vous n’aurez point la foi tant que vous ne vous aimerez pas les uns les autres. Voudriez-vous que je vous indique une chose, si vous la mettez en pratique, vous vous aimeriez les uns les autres ? Répandez les salutations de paix entre vous." De même, Al-Bukhârî et Muslim rapportent qu’un homme demanda au Prophète — paix et bénédictions sur lui — : "En Islam, quelles sont les meilleures choses à faire ?" Il lui répondit : "Tu donnes à manger et tu salues les gens, ceux que tu connais et ceux que tu ne connais pas."
- La formule minimale de salutation est "As-salâmu ʿalayk, Que la paix soit sur toi", pour celui qui prend l’intiative de saluer. Néanmoins, il est recommandé d’ajouter "wa rahmatullâhi wa-barakâtuh, ainsi que la Miséricorde de Dieu et Ses Bénédictions". Il est également recommandé de décliner cette formule au pluriel en disant : "As-salâmu ʿalaykum, Que la paix soit sur vous", en vertu de la parole du Très-Haut : « Si l’on vous adresse des salutations, répondez par une meilleure formule, ou retournez-la à l’identique. » [3] La rétribution des salutations minimales est de dix bonnes actions, et chaque ajout rapporte dix bonnes actions supplémentaires, en vertu du hadîth rapporté par Abû Dâwûd et At-Tirmidhî avec une bonne chaîne de transmission. Il est par ailleurs détestable de prendre l’initiative de saluer en disant : "ʿalaykas-salâm, Sur toi la paix" car il s’agit de la salutation qu’on adresse aux morts, comme cela est rapporté de manière authentique par At-Tirmidhî. Les juristes font état d’autres détails que l’on peut lire à loisir dans les Adhkâr d’An-Nawawî.
- Si prendre l’initiative de saluer est une pratique instituée et demandée, quelle est la signification de l’injonction ? Cela exprime-t-il une obligation ou seulement une recommandation ? Les savants sont d’avis que prendre l’initiative de saluer est une recommandation pour laquelle l’intéressé est rétribué mais dont l’abandon ne lui vaut pas de sanction. En revanche, la réponse à la salutation est obligatoire : s’en acquitter appelle une rétribution et son délaissement appelle une sanction. Si l’initiative de saluer vient d’un groupe de gens, il suffit que l’un d’eux s’en acquitte pour le groupe, bien qu’il soit préférable que chacun d’eux salue. À la réception des salutations, il est obligatoire de les retourner et il suffit qu’un individu dans le groupe s’en acquitte, bien qu’il soit là encore préférable que chaque membre du groupe les retourne. Cela est fondé sur le hadîth rapporté par Abû Dâwûd : « Il suffit pour un groupe de gens assis que l’un d’eux réponde » et sur le hadîth rapporté par Al-Bukhârî et Muslim, selon ʿÂ’ishah — que Dieu l’agrée : « Le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — m’a dit : “Voici Gabriel te transmettant le salut (la paix).” J’ai répondu : "Que la paix soit sur lui ainsi que la Miséricorde de Dieu et Ses Bénédictions." »
- Bien que les salutations soient instituées par Dieu, certaines situations font exception à cette règle :
- Lorsque la personne saluée est en train de faire ses besoins, ou qu’elle se trouve dans la salle de bains, il est détestable de lui adresser des salutations. Si elles sont quand même formulées, il n’est pas nécessaire de répondre à de telles salutations : cela est même détestable.
- Celui qui dort ou est en train de somnoler ne doit pas non plus être salué.
- Idem concernant l’orant qui accomplit sa prière ou le muezzin qui lance l’appel à la prière. Il est illicite pour l’orant de répondre à la deuxième personne ("que la paix soit sur vous") ; s’il le fait, cela invalide sa prière. Toutefois, sa prière n’est pas invalidée s’il répond à la troisième personne ("que la paix soit sur lui"). Il est néanmoins préférable de répondre par un geste et non par la parole, et il n’y a pas de grief à ce qu’il réponde après la prière. Enfin, il n’est pas détestable pour le muezzin de retourner les salutations, car une courte interruption n’invalide pas l’appel à la prière.
- Si celui qui reçoit les salutations est en train de manger et a la bouche pleine, on ne lui adresse pas de salutations. Si celles-ci sont quand même formulées, il n’est pas nécessaire d’y répondre, bien que la réponse soit néanmoins recommandée. Mais si cette personne est à table mais n’a pas la bouche pleine, alors il n’y a pas de mal à la saluer, et dans ce cas, la réponse est obligatoire. Il en est de même lors des transactions : les salutations sont recommandées et la réponse obligatoire.
- Saluer les gens pendant qu’ils écoutent le sermon du vendredi est détestable car ils se doivent d’être attentifs au sermon. Si, malgré tout, quelqu’un salue, lui répondre n’est pas obligatoire. Si l’on adopte l’avis stipulant que l’écoute du sermon est seulement recommandée mais non obligatoire, alors il suffit que l’une des personnes présentes lui réponde.
- Il est également détestable de saluer un individu occupé à réciter le Coran. Si, malgré tout, on le salue, alors selon l’opinion la plus correcte, il est dans l’obligation de répondre, puis il poursuit sa récitation ; il ne suffit pas de répondre par un geste comme cela fut affirmé. Dans cette catégorie, il y a aussi celui qui est absorbé par les invocations. Il est détestable de le saluer, à l’instar également de la personne faisant la talbiyah pendant le pèlerinage.
- Concernant la femme étrangère, si elle est d’une beauté telle que l’on puisse craindre d’être séduit, alors l’homme ne doit pas la saluer. S’il le fait, elle ne doit pas répondre. De son côté, elle ne doit pas prendre l’initiative de le saluer. Si, néanmoins, elle le salue, il n’est pas nécessaire de lui répondre, et s’il le fait, cela est jugé détestable en ce qui le concerne. Si la femme est âgée, si bien que l’on ne craint pas d’être séduit, alors elle peut saluer un homme seul, et ce dernier est tenu de lui répondre. Si l’on est en présence d’un groupe de femmes, un homme seul peut les saluer. Et s’il s’agit d’un groupe d’hommes, ils peuvent saluer une femme seule, du moment que dans toutes ces situations on ne craint pas la séduction. [9]
- Concernant le débauché connu pour sa compromission dans les actes blâmables, aussi longtemps qu’il ne se sera pas repenti, on ne lui adresse pas de salutations et on ne lui répond pas non plus, comme nous l’avons vu précédemment.
- La formule de salutation islamique ne doit pas non plus être adressée au non-musulman, cela étant jugé illicite ou détestable, comme nous l’avons mentionné précédemment aussi. [10]
Un poète résuma les exceptions aux salutations disant :
radd us-salâmi wâjibun illâ ʿalâ
man bisalâtin aw bi’aklin shughilâ
aw shurbin aw qirâ’atin aw adʿiyatin
aw dhikran wa fî khutbatin aw talbiyatan
aw sallama at-tiflu aw is-sakrânu
aw shâbbatun yukhshâ bihâ iftitânu
aw fâsiqun aw nâʿisun aw nâ’imu
aw hâlat ul-jimâʿi aw tahâkumi
aw kâna fî hammâmin aw majnûnâ
fawâhidun min baʿdihi ʿishrûnâ
Enfin, il est recommandé de saluer, lorsque l’on rentre chez soi, même si personne n’est présent. On dira alors : « as-salâmu ʿalaynâ wa ʿalâ ʿibâdillâh is-sâlihîn, as-salâmu ʿalaykom ahl al-bayti wa rahmatollâhi wa barakâtoh » (« Que la paix soit sur nous et sur les serviteurs pieux d’Allâh, que la paix soit sur vous gens de la demeure ainsi que la miséricorde de Dieu et Ses bénédictions »), et ce, en vertu des deux versets cités en préambule de la réponse, et à la lumière du hadîth bon et authentique rapporté par At-Tirmidhî, d’après Anas : « Le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — me dit : “Fiston, lorsque tu rentres auprès des tiens, salue-les, la bénédiction vous couvrira, toi et les tiens.” »
Quiconque souhaiterait en savoir plus au sujet des salutations peut se reporter à l’ouvrage de l’Imâm An-Nawawî intitulé Al-Adhkâr Al-Muntakhabah Min Kalâm Sayyid Al-Abrâr (Anthologie d’évocations parmi les paroles du maître des preux.)
Notes
[1] Sourate 24, An-Nûr, La Lumière, verset 61.
[2] Sourate 24, An-Nûr, La Lumière, verset 27.
[3] Sourate 4, An-Nisâ, Les Femmes, verset 86.
[4] Sourate 51, Adh-Dhâriyât, Les Éparpilleurs, versets 24 et 25.
[5] Sourate 33, Al-Ahzâb, Les Coalisés, verset 44.
[6] Sourate 14, Al-Hijr, verset 4.
[7] Sourate 13, Ar-Raʿd, Le Tonnerre, versets 23 et 24.
[8] Sourate 10, Yûnus, Jonas, verset 10.
[9] Pour un autre avis concernant la salutation entre personnes de sexe opposé, on pourra se référer à l’article suivant : "Saluer les femmes".