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Exaucer l’adjuration : entre l’obligation et la recommandation

mercredi 6 octobre 2004

Question

Une personne m’a adjuré de faire une certaine chose. J’étais dans l’embarras, car elle m’avait adjuré, mais je n’étais pas enclin à faire ce qu’elle me demandait. Que dois-je faire ?

Réponse du Docteur Husâm Ad-Dîn Ibn Mûsâ ʿAfânah

 [1]

Chez les savants, cette question porte le nom de « l’exaucement de l’adjuration » (ibrâr al-qasam). Il s’agit d’accomplir ce que l’adjurant désire, afin d’exaucer son serment. Cette question est détaillée par les savants de la manière suivante :

  1. Si une personne en adjure une autre d’accomplir une action obligatoire, comme par exemple la prière de midi, alors l’adjuré doit exaucer le serment de l’adjurant. De même, si une personne en adjure une autre de ne pas commettre un péché, alors l’adjuré doit exaucer le serment de l’adjurant.
  2. Si, en revanche, une personne en adjure une autre de délaisser une obligation ou de commettre un péché, alors l’adjuré doit rompre le serment de l’adjurant, car nulle obéissance n’est due sauf dans le bien, en vertu du hadith authentique où le Prophète dit : « Nulle obéissance n’est due dans la désobéissance de Dieu » [2].
  3. Si une personne en adjure une autre de faire une chose licite ou recommandée, alors il est recommandé à l’adjuré, dans ce cas-ci, d’exaucer l’adjuration. Par exemple, si une personne en adjure une autre de venir déjeuner chez elle, alors il est recommandé d’exaucer l’adjuration. Al-Barâ’ Ibn ʿÂzib - que Dieu l’agrée - dit à cet effet : « Le Messager de Dieu - paix et bénédictions sur lui - nous a ordonné sept choses et nous en a interdit sept autres. Il nous a ordonné de rendre visite au malade, de suivre les cortèges funéraires, de prier pour la personne qui éternue, d’exaucer l’adjuration, de secourir l’opprimé, de répondre à l’invitation, et de saluer les gens. Et il nous a interdit de porter des bagues en or, de boire dans de l’argenterie, de prendre place sur des mayâthir - de petits coussins en soie -, de se vêtir de qasiyy - une sorte de soie -, de se vêtir de soie, de damas, ou de brocart » [3].

L’Imâm An-Nawawî écrit :

« L’exaucement de l’adjuration est une sunnah recommandée et avérée. Toutefois, elle n’est recommandée que si elle n’entraîne pas un mal ou un tort. Si c’est le cas, alors la personne adjurée ne doit pas exaucer l’adjuration, en vertu de ce hadith où Abû Bakr - que Dieu l’agrée - était en train d’interpréter un rêve en présence du Messager - paix et bénédictions sur lui. Le Prophète - paix et bénédictions sur lui - lui dit alors : « Tu as vu juste sur certaines choses, mais tu t’es trompé sur d’autres ». Abû Bakr lui répondit : « Je t’adjure, ô Messager de Dieu, de m’en informer ». Et le Prophète de répliquer : « Ne m’adjure pas », refusant de l’en informer ».

Ash-Shawkânî explique par ailleurs que l’exaucement de l’adjuration n’est pas obligatoire : « Dans le hadith d’Al-Barâ’ Ibn ʿÂzib, la mention « exaucer l’adjuration » indiquerait que celle-ci est obligatoire. Mais le fait qu’elle soit associée à des choses consensuellement reconnues comme non obligatoires, comme saluer les gens, montre qu’exaucer l’adjuration n’est pas obligatoire non plus. Par ailleurs, le Prophète n’a pas exaucé l’adjuration de Abû Bakr, même si le contraire est préférable. Le Prophète voulait ainsi montrer le caractère non obligatoire de l’exaucement de l’adjuration ».

Plusieurs hadiths authentiques rapportent en outre que le Messager - paix et bénédictions sur lui - exauçait l’adjuration, comme celui-ci par exemple : « Une fille du Messager de Dieu envoya quelqu’un chercher son père, qui était en compagnie de Usâmah, Saʿd et Ubayy avec le message : « Mon fils est en train de trépasser. Viens ». Le Prophète lui répondit alors par un message dans lequel il la saluait et lui disait : « À Dieu appartient ce qu’Il prend et ce qu’Il donne. Toute chose a, auprès de Dieu, une échéance fixée », lui enjoignant d’être patiente et de s’en remettre à Dieu. Mais elle le rappela une nouvelle fois, l’adjurant de venir. Il se leva alors, et nous nous levâmes avec lui » [4]. Le Prophète - paix et bénédictions sur lui - exauça ainsi l’adjuration de sa fille et se rendit chez elle.

Dans un autre hadith, ʿÂ’ishah - que Dieu l’agrée - dit : « Une femme m’offrit des dattes dans un plateau. J’en mangeai un peu et il en resta un peu. La femme me dit alors : « Je t’adjure de finir le reste ». Le Messager de Dieu - paix et bénédictions sur lui - me dit : « Exauce-là, car le péché est imputable à celui qui fait trahir le serment » » [5].

D’après Ibn Hazm, « Ibn ʿUmar passa devant un homme qui possédait quelques moutons. Il lui demanda : « Me vendrais-tu ton troupeau pour tant et tant ? » L’homme jura qu’il ne le vendrait pas. Ibn ʿUmar s’en alla alors faire ses courses, puis sur le chemin du retour, il passa à nouveau devant l’homme qui lui dit : « Ô Abû ʿAbd Ar-Rahmân, prends-le pour la somme que tu m’as proposée ». Ibn ʿUmar rétorqua : « Tu m’as juré que tu ne me le vendrais pas. Et je ne suis pas celui qui aidera le diable contre toi, en t’amenant à trahir ton serment » » [6]. Ibn ʿUmar exauça ainsi le serment de l’homme.

En conclusion, je dirais concernant la personne qui vous a adjuré de faire une chose donnée, que si cette chose est licite ou permise, alors vous devez exaucer son serment, en vertu des arguments que j’ai exposés. Et si vous ne l’exaucez pas, alors l’adjurant devra expier son serment.

Et Dieu est le plus Savant.

P.-S.

Traduit de l’arabe du site Islamonline.net. La version originale est consultable sur archive.org.

Notes

[1Le Docteur Husâm Ad-Dîn Ibn Mûsâ ʿAfânah est professeur de droit et de fondements de la jurisprudence à l’Université de Jérusalem.

[2Hadith rapporté par Al-Bukhârî et Muslim.

[3Témoignage rapporté par Al-Bukhârî et Muslim ; la citation est tirée de Muslim.

[4Hadith rapporté par Al-Bukhârî.

[5Hadith rapporté par Ahmad ; selon Al-Haythamî, les maillons de la chaîne de narration de ce hadith sont les hommes du Sahîh.

[6Récit rapporté par At-Tabarânî dans Al-Kabîr ; selon Al-Haythamî, les maillons de la chaîne de narration de ce hadith sont les hommes du Sahîh.

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