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ʿAbd Allâh Ibn ʿOmar

vendredi 3 mai 2002

L’armée du Prophète, paix et bénédiction sur lui, forte de son millier de musulmans, s’arrêta à Shaykhan, à mi-chemin entre Médine et Uhud. Le soleil avait entamé sa descente vers l’horizon. Le Prophète, paix et bénédiction sur lui, descendit de son coursier Sakb. Il était habillé pour la bataille. Un turban entourait son casque. Il portait un pectoral sous lequel se trouvait une cotte de maille attachée par la sangle de cuir d’un glaive. Un bouclier protégeait son dos et à son flanc pendait son épée.

Lorsque le soleil fut couché, Bilâl appela à la prière (adhân) et ils prièrent. Le Prophète, paix et bénédiction sur lui, passa une dernière fois ses troupes en revue. C’est alors qu’il remarqua la présence au milieu de ses hommes de huit garçons qui malgré leur jeune âge aspirait à prendre part au combat. Parmi eux Usâmah, le fils de Zayd et ʿAbd Allâh, le fils de ʿOmar [Ibn Al-Khattâb], tous deux âgés de treize ans. Le Prophète, paix et bénédiction sur lui, leur ordonna de retourner immédiatement chez eux. Toutefois deux des garçons montrèrent qu’ils étaient des combattants accomplis et furent autorisés à accompagner l’armée à la bataille de Uhud alors que les autres étaient renvoyés dans leurs foyers.

Dès son plus jeune âge, ʿAbd Allâh Ibn ʿOmar avait fait montre d’acharnement dans sa volonté à être associé aux actes du Prophète, paix et bénédiction sur lui. Il avait adhéré à l’Islam dès l’âge de 10 ans et avait émigré en compagnie de son père et de sa sœur, Hafsah, que Allâh — Exalté soit-Il — soit satisfait d’elle, qui deviendra une des épouses du Prophète, paix et bénédiction sur lui. Avant la bataille de Uhud, il avait déjà été renvoyé pour avoir tenté de participer à la bataille de Badr et ce n’est que pendant la bataille du fossé que lui et Usâmah, tous deux âgés de quinze ans, furent autorisés, ainsi que d’autres jeunes garçons de leur âge, à rejoindre les rangs des hommes, non seulement pour la construction du fossé, mais aussi pour la bataille elle-même.

De l’époque de son émigration jusqu’à sa mort, plus de soixante-dix ans plus tard, ʿAbd Allâh Ibn ʿOmar se distingua comme serviteur de l’Islam et était considéré par les musulmans comme " le Bon, fils du Bon ", selon Abû Musâ Al-Ashari. Il était connu pour son savoir, son humilité, sa générosité, sa piété, sa sincérité, son honnêteté et sa constance dans l’adoration (ʿibâdah).

De son père, ce grand homme illustre, il apprit beaucoup et son père et lui eurent le grand privilège de recevoir l’enseignement du meilleur des enseignants, Muhammad, le Messager de Allâh — Exalté soit-Il —. ʿAbd Allâh observait et analysait toutes les actions et toutes les paroles du prophète, paix et bénédiction su lui, au cours des situations les plus variées. Il mettait alors en pratique ce qu’il avait observé avec une dévotion remarquable. Par exemple, si ʿAbd Allâh voyait le Prophète, paix et bénédiction sur lui, faire sa prière à un endroit particulier, lui-même prierait plus tard à ce même endroit. S’il voyait le prophète, paix et bénédiction sur lui, invoquer Allâh — Exalté soit-Il — debout, il ferait de même. En voyage, lorsqu’il voyait le Prophète, paix et bénédiction sur lui, descendre de sa chamelle à un endroit précis et prier deux rakʿats et si lui-même avait l’occasion de passer à ce même endroit, il s’arrêterait à cette même place prierait deux rakʿats. Un jour, à un endroit de La Mecque, il vit la chamelle du Prophète, paix et bénédiction sur lui, faire deux tours complets avant que ce dernier n’en descende et prie deux rakʿats. Il se pouvait que la chamelle eut fait cela involontairement, mais ʿAbd Allâh Ibn ʿOmar, passant à cet endroit peu après, fit faire deux tours à son chameau avant de le faire s’agenouiller et d’en descendre. Il pria alors deux rakʿats à l’endroit précis où il avait vu faire le Prophète, paix et bénédiction sur lui.

La Mère des Croyants ʿÂïcha, que Allâh — Exalté soit-Il — soit satisfait d’elle, remarqua la dévotion exemplaire de ʿAbd Allâh envers le Prophète, paix et bénédiction sur lui, et dit : " Personne ne marcha sur les pas du Prophète, que Allâh — Exalté soit-Il — le bénisse et lui accorde la paix, aux endroits qu’il illuminait comme ne le fit Ibn ʿOmar ".

En plus de sa stricte observance des actions du Prophète, paix et bénédiction sur lui, ʿAbd Allâh était extrêmement attentif, voire effrayé, lorsqu’il rapportait les paroles du Prophète, paix et bénédiction sur lui. Il ne relatait un hadith que s’il n’était absolument certain de chaque mot. Un de ces contemporains disait :

" Parmi tous les compagnons du Prophète, paix et bénédiction sur lui, aucun ne prenait autant de précaution quant au fait d’ajouter ou de retrancher quoique ce soit aux paroles du Prophète, paix et bénédiction sur lui, que ʿAbd Allâh Ibn ʿOmar. "

Il prenait les mêmes précautions et montrait la même hésitation lorsqu’il prononçait un jugement légal (fatwas). Un jour quelqu’un vint lui demander de rendre un jugement sur un point particulier et ʿAbd Allâh lui dit : " Je n’ai pas assez de connaissance sur ce que tu demandes ". L’homme s’en alla et ʿAbd Allâh frappa dans ses mains de joie et dit : " Le fils de ʿOmar fut interrogé sur quelque chose qu’il ne connaissait pas et il dit : je ne sais pas. "

A cause de cette attitude, il lui répugnait de devenir juge (di) alors qu’il en avait toutes les qualités. La position de juge était l’une des plus importantes de la société musulmane, elle apportait honneur, gloire et même richesse, mais il refusa le poste lorsque le Calife ʿOthmân, que Allâh — Exalté soit-Il — soit satisfait de lui , la lui offrit. Il n’agit pas ainsi parce qu’il sous-estimait l’importance de la fonction de juge, mais parce qu’il avait peur de commettre une erreur de jugement concernant des affaires relatives à l’Islam. ʿOthmân lui demanda de ne pas révéler ses raisons afin de ne pas influencer d’autres compagnons du Prophète, paix et bénédiction su lui, qui accomplissaient leur charge de juge et de jurisconsulte.

Un jour quelqu’un décrivit Abdulah Ibn ʿOmar comme " le frère de la nuit ". Il restait éveillé toute la nuit, priant, implorant Allâh — Exalté soit-Il — et cherchant son pardon, lisant le Coran. Le Prophète avait un jour dit à Hafsah, la sœur de ʿAbd Allâh : " Quel homme béni que ʿAbd Allâh. S’il faisait sa prière la nuit, il serait encore davantage béni ! ".

A partir de ce jour-là, ʿAbd Allâh ne délaissa plus qiyâm al-Layl (le fait d’éveiller la nuit par la prière) qu’il soit chez lui ou en voyage. Dans le silence de la nuit, il invoquait Allâh — Exalté soit-Il —, priait, lisait le Coran et implorait son Seigneur. Tout comme son père, les larmes coulaient de se yeux lorsqu’ils entendaient les versets de mise en garde du Coran. Ubayd Ibn Umayr raconta qu’un jour il récitait les versets suivants à ʿAbd Allâh Ibn ʿOmar :

" Comment seront-ils quand Nous ferons venir de chaque communauté un témoin et que Nous te (Muhammad) ferons venir comme témoin contre ces gens-ci ? * Ce jour-là, ceux qui n’ont pas cru et ont désobéi au Messager, préféreraient que la terre fût nivelée sur eux et ils ne sauront cacher à Allâh aucune parole." (Coran 4 : 41-42)

ʿAbd Allâh cria tant et tant que sa barbe ruissela de larmes. Un jour encore, il était assis avec certains de ses plus proches amis et il lisait : "Malheur aux fraudeurs, qui, lorsqu’ils font mesurer pour eux-mêmes exigent la pleine mesure, et qui, lorsque eux-mêmes mesurent ou pèsent pour les autres, [leur] causent perte. Ceux-là ne pensent-ils pas qu’ils seront ressuscités, en un jour terrible, le jour où les gens se tiendront debout devant le Seigneur de l’Univers ? " (Sourate Al-Mutaffifîn ( Coran 83 :1-6), à ces paroles il ne cessa de répéter "le jour où les gens se tiendront devant le Seigneur de l’Univers " encore et encore, pleurant jusqu’à en défaillir.

La piété, la simplicité et la générosité combinées faisaient de ʿAbd Allâh une personne hautement estimée par ses compagnons et ceux qui vinrent après eux. Il donnait avec générosité et n’hésitait pas à partager ses richesses même si lui-même devait par la suite être dans le besoin. Il fut un commerçant prospère et honnête toute sa vie. Il recevait en plus de cela un traitement généreux de Bayt-al-Mal qu’il dépensait souvent en aumône pour les pauvres et les nécessiteux. Ayyûb Ibn Wa’il Ar-Rasi raconta une histoire relative à sa générosité :

Un jour ʿOmar reçut 4 000 dirhams et une couverture blanche. Le lendemain Ayyûb le vit acheter de la nourriture pour son chameau à crédit. Ayyub se rendit auprès de la famille de ʿAbd Allâh et leur demanda :

"Abu Abdur-Rahmân (i.e. ʿAbd Allâh Ibn ʿOmar) n’a-t-il pas reçu hier 4000 dirhams et une couverture ?

— Oui, en effet, répondirent-ils,

— Mais je l’ai vu aujourd’hui au souk (marché) en train d’acheter de la nourriture pour son chameau et il n’avait pas d’argent pour la payer.

— Parce qu’avant que la nuit ne soit tombée hier, il avait déjà tout partagé. Ensuite il prit la couverture sur ses épaules et sortit. Lorsqu’il revint, il ne l’avait plus. Nous lui demandâmes ce qu’il en avait fait et il nous dit qu’il l’avait donnée à un pauvre, expliquèrent-ils."

ʿAbd Allâh Ibn ʿOmar encourageait les gens à nourrir et à aider les pauvres et les nécessiteux. Souvent lorsqu’il mangeait, des orphelins et des pauvres mangeaient avec lui. Il grondait ses enfants d’avoir recherché les riches et ignoré les pauvres. Un jour, il leur dit : " Vous invitez les riches et délaissez les pauvres. "

Pour ʿAbd Allâh, la richesse était une servante et non une maîtresse. Elle était un moyen pour acquérir ce qui était nécessaire à vivre et non pas pour s’offrir du luxe. Son ascétisme et sa simplicité de vie l’aidait beaucoup à conserver cette attitude. Un jour, un de ses bons amis de Khorasân lui rapporta un habit fait d’une étoffe fine et élégante :

" J’ai ramené cette tunique pour toi, dit-il, afin qu’elle rafraîchisse tes yeux. Enlève donc ces vêtements grossiers que tu portes et mets cette ravissante tunique !

— Montre-la moi, lui dit ʿAbd Allâh et en la touchant, il demanda : Est-ce de la soie ?

— Non, du coton, répondit son ami."

Pendant un moment, ʿAbd Allâh fut content. Puis, de sa main droite, il repoussa la tunique et dit :

"Non, j’ai peur pour moi-même. Je crains que cela ne me rende arrogant et vantard. Et Allâh — Exalté soit-Il — n’aime pas les vantards arrogants ! "

Maymûn Ibn Mahrân raconta l’anecdote suivante : " J’entrai dans la maison d’Ibn ʿOmar. Je regardai tout ce qu’il y avait dedans, son lit, sa couverture, son tapis et tout le reste et l’estimai à 100 dirhams à peine. "

Et cela non pas parce que ʿAbd Allâh Ibn ʿOmar était pauvre. En fait, il était riche. Et cela non pas parce qu’il était avare, au contraire, il n’était que générosité et largesse.

P.-S.

Traduit de "Companions of The Prophet", Vol. 1, de Abdul Wâhid Hâmid.

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