jeudi 10 août 2006
Dans Ar-Radd Al-Muhkam Al-Matîn, j’ai consigné que l’abstention d’une chose ne prouve pas qu’elle est illicite. Voici ce que j’en disais :
« En l’absence de tout texte stipulant que la chose délaissée est prohibée, l’abstention ne prouve pas à elle seule son caractère illicite. Tout au plus, cela indique que l’abstention est licite. Mais on ne peut nullement déduire sur la base de l’abstention uniquement que la chose délaissée est prohibée car cela doit provenir d’une preuve explicite en ce sens. »
Puis, j’ai découvert que l’Imâm Abû Saʿîd Ibn Lubb avait également mentionné cette règle. Il a en effet répondu à ceux qui détestent la formulation d’invocations après la prière :
« Ceux qui objectent aux invocations consécutives aux prières avancent tout au plus que le salaf ne s’imposait pas cette pratique ainsi décrite. À supposer que cela soit avéré, l’abstention ne permet guère de formuler un jugement à ce sujet, si ce n’est que l’abstention est permise sans la moindre gêne. Mais nul ne peut en déduire le caractère illicite ou détestable de la chose délaissée, et a fortiori lorsque la chose en question a un fondement général établi dans la sharîʿah comme les invocations. »
Ibn Hazm a rapporté dans Al-Muhallâ (vol. 2, page 254) que les Malékites et les Hanafites déclarent détestable l’accomplissement de deux rakʿahs avant la prière du soir (Al-Maghrib) sur la base du rapport d’Ibrâhîm An-Nakhʿî selon lequel Abû Bakr, ʿUmar et ʿUthmân n’accomplissaient pas cette prière. Il a répondu à cela : « Si cela était avéré, cela ne prouverait rien, car ce témoignage ne dit pas que (ces Compagnons) — que Dieu les agrée — ont interdit l’accomplissement de ces deux rakʿahs. »
Il a rapporté aussi : « Ils ont également rapporté que Ibn ʿUmar a dit : "Je n’ai vu personne les accomplir." » Il a répondu à cela : « Si ce récit s’avérait authentique, il ne comporterait pas d’interdiction de les accomplir. Nous ne condamnons pas le délaissement des œuvres surérogatoires, à moins que cela ait fait l’objet d’une interdiction. »
De même, il a dit dans Al-Muhallâ (vol. 2, page 271) à propos de l’accomplissement de deux rakʿahs après la prière de l’après-midi (Al-ʿAsr) : « Quant au hadith de ʿAlî, cela ne prouve rien car il n’y dit rien d’autre que ce qu’il sait, à savoir qu’il n’a jamais vu le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — les accomplir. Cela ne permet pas de se prononcer sur leur caractère interdit ou détestable. Ainsi, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — n’a jamais jeûné un mois entier en dehors du Ramadan, mais cela n’implique pas qu’il soit détestable de jeûner un mois entier volontairement. »
Ces textes disent clairement que l’abstention ne permet pas de se prononcer sur le caractère détestable d’une chose, et encore moins son caractère illicite.
Certains hâbleurs ont rejeté cette règle et nié qu’elle fait partie de la Science des Fondements ; ce faisant ils ont manifesté une ignorance crasse et exhibé des cerveaux malades. Dans la suite, j’apporte les preuves soutenant cette règle.
Premièrement, trois choses prouvent qu’une chose est illicite :
L’abstention ne fait pas partie de ces trois choses et n’implique pas le caractère illicite.
Deuxièmement, Dieu — Exalté soit-Il — dit : « Ce que le Messager vous a apporté prenez-le et ce qu’il vous a défendu abstenez-vous en » [5] Il n’a pas dit : « ce dont il s’est abstenu abstenez-vous en » car l’abstention ne signifie pas l’interdiction.
Troisièmement, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — a dit : « Ce que je vous ai ordonné, accomplissez-en ce que vous pouvez, et ce que je vous ai défendu, écartez-vous en. » [6] Il n’a pas dit : « ce dont je m’abstiens, abstenez-vous en ». Comment l’abstention pourrait-elle donc indiquer l’interdiction ?
Quatrièmement, les savants des fondements ont défini la Sunnah comme étant les paroles du Prophète — paix et bénédictions sur lui —, ses actes et ses approbations. Ils n’ont pas ajouté « ses abstentions », car cela ne constitue pas une preuve.
Cinquièmement, nous avons vu précédemment que le règlement c’est le discours de Dieu. Les savants des fondements ont précisé que : sa preuve réside dans le Coran, la Sunnah, l’unanimité et l’analogie. L’abstention n’en fait pas partie parce qu’elle ne constitue pas une preuve.
Sixièmement, l’abstention admet plusieurs interprétations, hormis l’interdiction. Or, il est une règle dans les fondements stipulant que « ce qui admet plusieurs interprétations n’a plus valeur d’argument ».
Septièmement, l’abstention est une absence d’acte. Or, le néant correspond à la normalité, alors que l’acte est accidentel. La normalité ne constitue pas une preuve, ni linguistiquement ni juridiquement. C’est pourquoi l’abstention n’implique pas la prohibition.
Traduit de l’arabe de Husn At-Tafahhum wad-Dark li-Mas’alat At-Tark de Sheikh ʿAbd Allâh Al-Ghumârî.
[1] Sourate 17, Al-Isrâ’, Le voyage nocturne, verset 32. NdT.
[2] Sourate 4, An-Nisâ’, Les femmes, verset 29. NdT.
[3] Sourate 5, Al-Mâ’idah, La table servie, verset 3. NdT.
[5] Sourate 59, Al-Hashr, L’exode, verset 7. NdT.
[6] Rapporté par Al-Bukhârî, Muslim et Ahmad. NdT.
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