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L’incontinence urinaire ouvre droit à des dérogations

samedi 3 juin 2006

Question

La question concerne une personne sujette à des fuites urinaires, notamment en hiver, indépendamment de sa volonté. Cela étant, est-ce que ses ablutions sont rompues ? Doit-elle purifier ses vêtements à chaque fois qu’ils sont souillés par l’urine ?

Réponse de Sheikh Hasanein Mohammad Makhlûf

L’émission d’urine, ne serait-ce qu’une goutte, rompt les ablutions, en vertu du hadith d’Abû Hurayrah selon lequel le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — dit : « Dieu n’accepte point la prière de quiconque entre vous a émis (quelque excrément) jusqu’à ce qu’il fasse ses ablutions mineures. » [1] Seulement, si cette émission perdure et se poursuit sans que l’individu ne puisse l’arrêter — symptômes désignés par l’expression « incontinence urinaire » [2] —, cela est considéré comme une excuse ouvrant droit à des dérogations estimées à leur juste valeur, en vertu des règles stipulant que « les nécessités lèvent les interdits » et que « la difficulté entraîne des facilités ».

Le verdict concernant toute personne subissant ce genre d’épreuve — comme des diarrhées, des gaz incontrôlés, des hémorragies nasales chroniques, ou encore une plaie qui ne cesse de saigner — se rapporte au verdict concernant la femme souffrant de métrorragie. On parle de métrorragie pour une femme dont les saignements durent moins que la durée minimale des menstruations (pour toute femme normalement constituée), ou excédent la durée maximale des lochies, ou excédent à la fois la durée minimale et maximale des menstrues et des lochies dont elle est coutumière, ou en cas de saignements de la femme enceinte ou ménopausée. À ce sujet, les Hanafites sont d’avis que la femme souffrant de métrorragie effectue ses ablutions une fois pour chaque période de prière [3] et non pas pour chaque prière, fût-elle prescrite ou surérogatoire, et qu’elle peut effectuer avec ces ablutions autant de prières qu’elle souhaite, prescrites ou surérogatoires, dans l’intervalle de temps en question. Ses ablutions s’annulent automatiquement à la fin de l’intervalle de temps, selon Abû Hanîfah et Muhammad [4], et elle est tenue de renouveler ses ablutions pour l’intervalle de temps suivant. Il en est de même pour l’incontinence urinaire et les maladies similaires.

Pour tenir compte de cette condition initialement, on exige que sa durée couvre entièrement un intervalle de temps de prière, si bien qu’elle ne s’interrompt pas pendant une durée suffisante pour l’accomplissement des ablutions mineures et de la prière. Les courtes interruptions ne sont pas prises en compte. Ensuite, on mesure sa permanence et sa continuité par son occurrence ne serait-ce qu’une fois dans chaque intervalle de prière. On ne considère pas que cette condition s’est interrompue à moins que l’interruption dure un intervalle de prière entier.

En ce qui concerne les vêtements souillés dans ces conditions, on dit qu’il n’est pas obligatoire de les laver car les petites quantités d’impureté sont pardonnables. À cet effet, on évalue le peu de quantité d’impureté liquide au volume du creux de la paume, auquel on assimile les grandes quantités en cas de nécessité et parce que l’émission (involontaire) ne rompt pas les ablutions et n’est donc pas considérée comme impure. On dit aussi qu’il faut laver le surplus d’impureté — par rapport au minimum pardonnable — si cela est utile, c’est-à-dire si cela ne se répète pas à chaque fois, sinon on a affaire à une excuse permanente. Ceci correspond à l’opinion retenue par les savants Hanafites et celle jugée correcte par l’auteur des Badâ’iʿ [5]. Ibn Qudâmah le Hanbalite dit dans Ash-Sharh Al-Kabîr ʿAlâ Matn Al-Muqniʿ : « La femme atteinte de métrorragie doit laver son sexe et le bander. Puis, elle effectue les ablutions pour chaque intervalle de prière durant lequel elle accomplit autant de prières qu’elle veut. Il en est de même pour les gens souffrant d’incontinence urinaire, d’épanchement permanent de sécrétions séminales (translucides), de gaz permanents, des blessés dont les plaies ne cessent de saigner, ou les personnes souffrant d’hémorragies nasales chroniques. Il est permis à ces gens de regrouper les prières, de rattraper les prières manquées, et d’accomplir des prières surérogatoires jusqu’à la fin de l’intervalle de prière courant. Si la personne a effectué les ablutions avant l’échéance de la prière [6] et qu’elle est sujette à quelque émission, ses ablutions se rompent. Si elle a effectué les ablutions après l’échéance de la prière, les émissions involontaires survenues ultérieurement ne sont pas prises en considération et sont sans effet sur les ablutions. » Extrait abrégé.

D’après Al-Majmûʿ et Sharh Al-Minhâj, les Shâfiʿites sont d’avis que : « La prise en compte de l’excuse dépend de sa continuité la plupart du temps. En cas de métrorragie et des maladies assimilées, il convient de laver l’impureté, de bander l’emplacement après le lavage, de renouveler les ablutions pour chaque prière prescrite après la mise en place du bandage et ce, pendant l’intervalle de temps imparti pour la prière et non avant — car il s’agit d’une purification nécessaire liée au temps comme les ablutions sèches —, de s’empresser d’accomplir la prière après les ablutions, sauf à réaliser un intérêt en rapport avec la prière comme le fait d’attendre la congrégation. L’individu peut ainsi accomplir la prière prescrite, les prières surérogatoires antérieures et postérieures. Il ne peut pas accomplir une autre prière prescrite sans renouveler ses ablutions. Ni les ablutions ni les prières ne s’annulent si quelque émission survient. » Extrait abrégé.

Deux opinions existent au sein l’école malékite, comme cela est rapporté dans les commentaires de Matn Khalîl. La première stipule que l’excuse ne rompt pas les ablutions et n’annule pas la prière, mais il est souhaitable pour toute personne souffrant de cette condition de renouveler les ablutions pour chaque prière, sauf si le froid lui porte préjudice. La seconde, rendue célèbre par Ibn Rushd, stipule que les ablutions ne sont pas rompues et la prière n’est pas annulée si ladite condition dure pendant la moitié du temps de la prière au minimum, mais il est préférable de renouveler les ablutions si cette condition dure la moitié du temps imparti pour la prière ou sa plupart mais pas sa totalité. Les ablutions sont rompues selon cette opinion si ladite condition dure moins de la moitié du temps imparti pour la prière, auquel cas la personne concernée renouvelle ses ablutions pour chaque prière. » Fin de citation.

Les Dhâhirites et Ibn Hazm, d’après Al-Muhallâ, sont d’avis que celui qui souffre d’incontinence urinaire, désigné par Ibn Hazm par le terme Mustankih, doit laver l’emplacement souillé autant que faire se peut, sans gêne excessive. Les ablutions doivent être renouvelées pour toute prière, fût-elle prescrite ou surérogatoire. Autrement dit, la personne concernée doit effectuer les ablutions pour la prière prescrite et les renouveler pour la prière surérogatoire. Elle n’a rien de spécial à faire si quelque émission survient pendant la prière, ni entre les ablutions et la prière. Il convient également de faire en sorte que les ablutions et la prière se suivent de près autant que faire se peut. Extrait cité de manière abrégée.

On en retient que la majorité des juristes opèrent une analogie entre les gens souffrant de ce genre de condition et la femme atteinte de métrorragie à cause de l’existence de textes la concernant. Les Hanafites et les Hanbalites avancent que la femme atteinte de métrorragie doit renouveler ses ablutions pour chaque intervalle de temps imparti pour la prière prescrite. Les Shâfiʿites sont d’avis qu’elle doit renouveler les ablutions pour chaque prière prescrite. Pour leur part, les Malékites ne lui imposent pas les ablutions du tout selon les deux opinions obtenues par analogie et exprimées au sein de leur école sur cette question.

De ce qui précède, il ressort que le simple fait que de l’urine soit émise abondamment comme cela est décrit dans la question n’est pas une excuse ouvrant droit à la dérogation susmentionnée, car cette dérogation n’est accordée que lorsque cette condition perdure et se répète comme nous l’avons rapporté d’après les différentes écoles. Les écoles Hanafites et Hanbalites sont vraisemblablement les plus clémentes vis-à-vis des gens souffrant de telles conditions. Les gens du commun peuvent parfaitement suivre leur opinion même s’ils suivent les opinions d’une autre école habituellement.

P.-S.

Traduit de l’arabe avec l’aimable autorisation de Dâr Al-Iftâ’ en Égypte.

Notes

[1Rapporté par Al-Bukhârî et Muslim. NdT.

[2En arabe, on parle de salas al-bawl. NdT.

[3On entend par là la période ou l’intervalle de temps entre deux adhâns consécutifs (e.g. entre dhuhr et ʿasr.). NdT.

[4Il s’agit d’un disciple célèbre de l’Imâm Abû Hanîfah. NdT.

[5Il s’agit de l’Imâm Abû Bakr Al-Kâsânî. NdT.

[6C’est-à-dire avant l’adhân. NdT.

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