mercredi 15 février 2006
La conversion de ʿUmar et son annonce publique suscita la colère des chefs de Quraysh. Ils comprirent alors que le harcèlement qu’ils font endurer à Mohammad et à ses disciples n’empêcherait pas les gens d’embrasser l’islam quite à ce que les nouveaux convertis trouvent refuge auprès de ʿUmar Ibn Al-Khattâb, de Hamzah Ibn ʿAbd Al-Muttalib, ou encore auprès du Négus le roi d’Abyssinie ou de toute personne en mesure de leur offrir sa protection... Ils se réunirent pour décider de leur plan d’action. Ils aboutirent à la conclusion que la politique du supplice et de la persécution n’avait pas porté les fruits escomptés. Au contraire, cette politique augmenta l’attachement des musulmans à leur religion. Ils optèrent donc pour une nouvelle politique, celle du boycott et de la famine. Ils s’accordèrent et se jurèrent mutuellement de mettre les Banû Hâshim au ban de la société : nul ne prendrait épouse parmi eux, nul ne leur donnerait d’épouse, aucun échange commercial ne se fera avec eux, ni vente, ni achat. Ils rédigèrent les termes de cet accord dans un édit qu’ils suspendirent solennellement à l’intérieur de la Kaʿbah pour souligner le caractère obligatoire de cet engagement. Cette initiative eut pour effet de souder les Banû Hâshim et les Banû Al-Muttalib autour d’Abû Tâlib Ibn ʿAbd Al-Muttalib. Ils se retranchèrent avec lui dans son maquis aux environs de la Mecque, sauf Abû Lahab qui s’obstina dans son animosité envers le Prophète — paix et bénédictions sur lui —...
Quraysh resserra l’étau dans l’espoir que Mohammad soit abandonné par les siens, que ce dernier se retrouve isolé, et que son message ne représente plus aucun danger. Cependant, Quraysh ne se contenta pas d’imposer ce blocus. Ses chefs continuèrent à harceler les musulmans par tous les moyens. En vain. Cela ne fit que renforcer l’attachement des musulmans à leur religion ; les proches du Prophète — paix et bénédictions sur lui — l’entourèrent de plus belle pour le protéger, même ceux d’entre eux qui n’avaient pas embrassé l’islam comme Abû Tâlib et d’autres. C’était une lutte pour la survie... Cela n’entrava pas la propagation de l’islam à l’extérieur de la Mecque et ses échos retentirent dans les tribus arabes. Ceci suscita la colère des chefs de Quraysh et souleva des inquiétudes vis-à-vis de leurs relations commerciales avec les tribus à travers la péninsule arabe...
Le boycott fut imposé pendant trois ans environ. Certains habitants de la Mecque, comme Hishâm Ibn ʿAmr, emmenaient clandestinement de la nourriture et de l’eau aux musulmans dans le maquis d’Abû Tâlib. La cohabitation des musulmans avec les non-musulmans parmi les Banû Hâshim et les Banû Al-Muttalib eut un grand impact sur ces derniers. En effet, ils voyaient les musulmans faire leurs ablutions, accomplir la prière, s’entretenir avec leur Seigneur pendant la nuit, s’aimer les uns les autres, montrer de l’affection les uns envers les autres. À cela s’ajoutent les préceptes de l’islam qui prêche en faveur de la réflexion et de l’éveil des consciences, en sus des preuves et des arguments rapportés par les versets démontrant l’unicité de Dieu — Exalté soit-Il —, tant et si bien que cela ébranla l’estime qu’ils avaient pour les idoles, leur révéla l’égarement dans lequel ils étaient et ouvrit leurs cœurs et leur raison à l’islam...
Par ailleurs, ce boycott suscita la curiosité des gens qui affluaient chaque année a la Mecque pour le pèlerinage ou quelque commerce. Ces visiteurs se retrouvaient ainsi dans les marchés de ʿUkâdh, Mijnah et Dhû Al-Majâz et s’interrogeaient au sujet de ces gens qui étaient sur le point de mourir de faim : Quel crime avaient-ils commis pour mériter ce ban, cette inimitié, cette animosité et cette cruauté ?! Ces interrogations suscitèrent la compassion des âmes sensibles envers les musulmans... Les mois sacrés et le pèlerinage étaient des rendez-vous privilégiés durant lesquels les bannis avaient la possibilité de se rendre dans les marchés, de rencontrer les visiteurs de la Mecque et leur exposer les principes de l’islam. Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — les invitait à croire en Dieu sans associés et leur récitait les versets du Coran. Nombre d’entre eux furent convaincus, ce qui poussa les chefs de la Mecque à prendre les devants et à rencontrer les pélerins avant que le Prophète — paix et bénédictions sur lui — ne les rencontre. Ils les mettaient alors en garde contre la magie de son verbe, et affirmaient que son discours était tel un sort qui séparerait l’homme de son père, de son frère, de son épouse et de son clan, et que les événements survenus à la Mecque constituaient une leçon en la matière...
Le ban dura tellement longtemps et les musulmans endurèrent tellement de difficultés de la part de Quraysh — alors qu’ils sont leurs enfants, leurs frères, leurs belles familles et leurs cousins — que certains mecquois regrettèrent l’injustice et la cruauté commises envers ces gens qui étaient sur le point de mourir de faim. Cinq mecquois se réunirent — à savoir Hishâm Ibn ʿAmr, Zuhayr Ibn Umayyah, Al-Mutʿim Ibn ʿAdiyy, Zamʿah Ibn Al-Aswad et Abû Al-Bakhtarî Ibn Hishâm — et se jurèrent d’œuvrer à la destruction de l’édit suspendu à l’intérieur de la Kaʿbah consignant l’accord des chefs mecquois de bannir le Prophète — paix et bénédictions sur lui — et toute personne qui se rangerait de son côté. Ils se rendirent donc à la Kaʿbah ; l’un d’eux s’écria : "Ô gens de la Mecque, allons-nous goûter à la nourriture, porter des vêtements, tandis que les Banû Hâshim sont en train de périr, nul n’achète leur marchandise et nul ne leur en vend ? Par Dieu, je ne resterai point assis tant que cet édit injuste ne sera pas déchiré." Abû Jahl s’écria : "Menteur ! Par Dieu, il ne sera point déchiré !" Les quatre autres s’écrièrent : "Si, il sera déchiré et mis en pièces..." Abû Jahl répondit : "Il s’agit là d’une affaire fomentée pendant la nuit." Sentant qu’il avait affaire à un coup prémédité et que son opposition pouvait entraîner une esclandre, il fit marche-arrière. Al-Mutʿim Ibn ʿAdiyy se leva pour déchirer l’édit, et dut constater que les termites l’avaient dévoré et qu’il n’en restait que la portion où il était écrit « Au nom d’Allâh »... La destruction de l’édit permit aux bannis de redescendre du maquis d’Abû Tâlib et de se rendre de nouveau à le Mecque où ils avaient désormais le droit d’entretenir toutes sortes de transactions avec tout le monde...
Arriva à la Mecque une vingtaine d’hommes Chrétiens ayant entendu les nouvelles du Prophète — paix et bénédictions sur lui — en Abyssinie. Ils le rencontrèrent près de la Kaʿbah, l’interrogèrent et discutèrent avec lui, alors que les Qurayshites étaient dans leurs lieux de rencontre habituels dans les environs de la Kaʿbah. Lorsqu’ils en eurent terminé avec leurs questions, le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — les invita à embrasser l’islam et leur récita les versets du Coran. À l’écoute de sa récitation, les larmes débordèrent de leurs yeux, ils acceptèrent l’appel de Dieu, apportèrent foi en Son Messager, crurent en lui et reconnurent en lui la description annoncée dans leurs livres saints. Lorsqu’ils le quittèrent, Abû Jahl accompagné d’un groupe de Qurayshites les arrêtèrent et les insultèrent, mais ces derniers s’en détournèrent disant : « À nous notre affaire, et à vous la vôtre... »
Ainsi, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — retourna-t-il à la Mecque avec ses disciples. Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — prêcha de nouveau son Message à la Mecque et parmi les tribus qui s’y rendaient pendant les mois sacrés. Malgré le nombre conséquent de ses disciples, les musulmans continuèrent à subir les exactions de Quraysh sans que le Prophète ne puisse les protéger.
Traduit de l’arabe du livre de Sheikh Yâsîn Rushdî, Fî Rihâb Al-Mustafâ (En Compagnie de l’Élu), disponible en format PDF sur le site Mouassa.org.
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