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Le droit d’auteur

lundi 19 février 2007

Question

Les écrivains, ainsi que les développeurs de logiciels, sont souvent confrontés aux questions suivantes :

  1. Est-il permis de protéger un livre par le droit d’auteur, de sorte que la loi interdise la publication de ce livre sans la permission du titulaire des droits d’auteur ?
  2. Doit-on respecter les restrictions imposées par la loi à l’égard d’une œuvre protégée par le droit d’auteur ?
  3. Le titulaire peut-il vendre ses droits d’auteur ?

Réponse de Mufti Taqî ʿUthmânî

Le concept de droit d’auteur est lié à un concept plus vaste encore : la propriété intellectuelle. Autrefois, la notion de propriété s’appliquait uniquement aux objets tangibles. Or, selon la théorie de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une œuvre de l’esprit est le propriétaire de cette œuvre. Ceci signifie qu’une personne est propriétaire à la fois de son œuvre et de son procédé de création. Il est, par conséquent, défendu d’utiliser ce procédé sans la permission de son propriétaire. De même, un auteur détient sur son livre des droits exclusifs de publication et personne n’est autorisé à publier son livre sans son autorisation. Ce droit qui est conféré aux auteurs et inventeurs est nommé « propriété intellectuelle ». Il reste sous-entendu que le titulaire de tels droits peut les vendre au même titre que tout objet tangible. La création de la loi relative au droit d’auteur a eu pour but de garantir ces droits et de fournir à ce type de propriété une protection légale.

Bien évidemment, le concept de propriété intellectuelle sur lequel est fondé le droit d’auteur est un phénomène récent provoqué par le développement rapide de l’industrie et des moyens de communication. Par conséquent, cette notion ne peut être mentionnée expressément ni dans le Saint Coran, ni dans la Sunnah du Prophète — paix et bénédictions sur lui —. Cette nouvelle notion n’étant pas clairement mentionnée dans les sources originelles de la jurisprudence islamique, son acceptabilité ne peut être établie que par inférence à partir des principes généraux de la Sharîʿah. L’application de ces principes à de nouvelles situations suscite toujours différents avis de la part des juristes. Dans ce cas précis, les divergences sont nombreuses. La question de la propriété intellectuelle a également fait l’objet de discussions à notre époque chez les savants musulmans de la Sharîʿah : leurs points de vue sont eux aussi partagés.

Premier avis

Certains savants contemporains n’approuvent pas le concept de propriété intellectuelle, puisque selon eux, la notion de propriété dans la Sharîʿah est restreinte aux objets tangibles. Ce rejet s’appuie sur l’absence de précédent dans le Saint Coran et la Sunnah. De plus, aucune jurisprudence ancienne n’aborde la propriété privée, la vente ou l’achat d’un objet intangible. Ils ajoutent que, en Islam, la connaissance ne peut être considérée comme la propriété d’une personne et on ne peut interdire à autrui d’acquérir cette connaissance. Selon eux, le concept de propriété intellectuelle mène à un monopole de la connaissance, ce qui ne peut en aucun cas être accepté par l’Islam.

Deuxième avis

D’autres savants contemporains considèrent quant à eux que le concept de propriété intellectuelle est acceptable selon la Sharîʿah. Ils affirment en effet qu’aucune disposition du Saint Coran ou de la Sunnah ne restreint expressément la propriété à des objets tangibles. La Sharîʿah accepte et garantit même plusieurs droits intangibles, lesquels ont pu être cédés contre paiement à diverses occasions.

Selon ces savants, le concept de propriété intellectuelle ne restreint nullement l’étendue de la connaissance. En effet, la loi relative au droit d’auteur n’empêche personne de lire un livre ou de faire usage d’une nouvelle œuvre pour son profit personnel. Cette loi empêche cependant l’usage commercial à grande échelle d’une œuvre par une personne autre que son titulaire : c’est en effet la personne qui a fourni un travail intellectuel pour créer cette œuvre qui est la plus en droit d’en tirer profit, à moins qu’elle n’y autorise une autre personne. De même, un écrivain qui a travaillé jours et nuits sur l’écriture d’un livre est la personne qui mérite le plus de recevoir les bénéfices commerciaux de sa publication. Si tout le monde pouvait publier un livre sans la permission de son auteur, cela empiéterait très certainement sur les droits de ce dernier : cette loi vise justement à le protéger d’une telle violation.

Avis de l’auteur

Chaque partie a ses arguments. Je les ai d’ailleurs analysés dans un traité rédigé en arabe intitulé Bayʿ Al-Huqûq et ma préférence s’est portée sur le deuxième avis, admettant ainsi que l’on peut enregistrer les droits d’auteur d’un livre et que ces droits peuvent être cédés contre paiement.

Pour ce qui est des restrictions imposées par la loi, je souhaite ajouter que si dans un pays, une loi interdit la publication d’un livre sans la permission du titulaire des droits d’auteur, tous les citoyens de ce même pays doivent se conformer à cette restriction de par son caractère légal.

Les raisons sont multiples :

Premièrement, la non-observation de cette restriction constitue une violation des droits du titulaire qui, selon le deuxième avis mentionné, sont reconnus par les principes de la Sharîʿah.

Deuxièmement, les savants contemporains ont certes divergé en ce qui concerne le principe de propriété intellectuelle, mais aucune des deux positions susmentionnées ne contredit clairement les injonctions islamiques établies par le Saint Coran et la Sunnah. Ceci étant, un état islamique peut opter pour une des deux positions et, s’il le fait par le biais d’une législation, sa décision devient contraignante même pour les savants qui défendent le point de vue opposé. La Sharîʿah admet en effet que l’État islamique puisse trancher de manière législative tout conflit juridique portant sur des questions non traitées expressément dans le Saint Coran ni dans la Sunnah. Par conséquent, si un état islamique promulgue une loi en faveur de la propriété intellectuelle et que cette loi ne contredit aucune provision du Saint Coran ou de la Sunnah, alors cette loi s’appliquera à tous les citoyens du pays en question. Il est toutefois permis aux détracteurs de la loi d’exposer leurs points de vue sous forme de discussions académiques, mais dans la pratique, il leur est interdit de transgresser la loi.

Troisièmement, même si le gouvernement n’est pas purement islamique, tous ses citoyens sont engagés, à travers un contrat formel ou tacite, à respecter les lois en vigueur dans la mesure où elles ne le forcent pas à agir en violation de la Sharîʿah. Dès lors, si la loi demande à un citoyen de s’abstenir d’un acte permis dans la Sharîʿah (permis, donc non obligatoire), il doit alors s’en abstenir.

Si certains savants rejettent le concept de propriété intellectuelle, ils ne considèrent pas pour autant comme obligatoire de violer les droits reconnus par ce même concept. Ils estiment toutefois qu’il est permis de publier un livre sans la permission de son auteur.

En conclusion, si une loi leur interdit d’accomplir cet acte « permis », ils devront alors s’en abstenir en vertu de leur contrat de citoyenneté. Il est donc nécessaire pour tout citoyen de respecter la loi sur le droit d’auteur, dans la mesure où celle-ci n’impose pas un acte interdit et qu’elle n’empêche pas l’accomplissement d’un acte rendu obligatoire par la Sharîʿah.

P.-S.

Traduit de l’anglais du site beautifulislam.net.

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