mercredi 9 juillet 2003
Nous vous soumettons un problème pour lequel nous souhaitons que vous nous donniez la solution.
Nous sommes trois frères, l’aîné ayant quatorze ans. Notre père est décédé du vivant de son père, c’est-à-dire du vivant de notre grand-père. Ce dernier est décédé par la suite. Nos oncles paternels se sont partagé l’intégralité de l’héritage laissé par notre grand-père ; ils ne nous ont rien laissé, ni peu ni beaucoup, nous affirmant que d’après la jurisprudence islamique, si le fils meurt du vivant de son père, alors ses enfants ne récupèrent pas sa part dans l’héritage laissé par le grand-père. En conséquence de cela, nous n’avons rien reçu de l’héritage de notre grand-père. Nos oncles ont récupéré la part du lion, malgré le fait qu’ils sont des gens aisés et que nous sommes des orphelins démunis. Notre pauvre mère doit désormais travailler dur pour nous garantir notre subsistance et nous assurer une bonne éducation. Nos oncles ne nous pourvoient en rien et ne cherchent pas à nous aider. Ce que nous ont dit nos oncles est-il vrai, à savoir que la législation islamique ne nous accorde pas de part dans l’héritage de notre grand-père, bien que nous soyons ses petits-enfants, et que notre soutien matériel retombe entièrement sur le dos de notre mère ? Nous souhaiterions avoir une réponse complète qui pansera nos plaies et qui nous donnera la solution légale à ce problème.
Signé : Les petits démunis
Il s’agit là du problème du fils qui meurt du vivant de son père, alors que lui-même a des enfants et une descendance. Lorsque le grand-père meurt par la suite, les oncles et les tantes paternels héritent de leur père, alors que les petits-enfants n’héritent rien du tout.
En réalité, du point de vue du droit successoral, cela est parfaitement légal : les petits-enfants n’héritent pas de leur grand-père du moment que les enfants de ce dernier sont encore vivants. Le droit successoral s’érige en effet sur des règles précises : ainsi les parents les plus proches excluent les parents plus éloignés dans l’ordre des successibles. Ici, le père meurt alors qu’il a des enfants et des petits-enfants. Dans ce cas, les enfants héritent alors que les petits-enfants n’héritent pas car les enfants sont placés avant les petits-enfants dans l’ordre successoral. Les premiers sont des parents de premier degré alors que les seconds sont des parents de deuxième degré. [1]
De même, si une personne décède alors qu’elle a des frères germains et des frères consanguins, alors les frères germains héritent alors que les frères consanguins n’héritent pas. Pourquoi ? Parce que les frères germains sont plus proches du défunt : ils ont en commun avec lui un père et une mère, alors que les frères consanguins n’ont en commun avec le défunt que le père. Le parent le plus proche passe donc en premier dans l’ordre successoral et exclut ceux qui sont après lui.
En conséquence, dans le cas qui nous est présenté, les petits-enfants n’héritent pas de leur grand père, car leurs oncles les excluent. Mais cela signifie-t-il que les petits-enfants sortent les mains vides de la succession ? À ce niveau, notre législation fournit plusieurs solutions au problème :
La loi impose une telle mesure au grand-père, car nombre de grands-pères ne se souciaient pas de ce détail et ne cédaient rien à leurs petits-enfants. Les juristes se sont donc efforcés avec succès de trouver une solution à ce problème : ils ont ainsi penché vers l’obligation de la rédaction du testament, de la manière sus-mentionnée.
Il n’est pas permis à l’oncle d’être aisé et riche et de laisser ses nièces ou ses neveux dans la gêne et le dénuement. Il ne lui est pas permis de laisser leur mère travailler comme une bête de somme pour leur assurer leur subsistance, alors qu’il est un homme fortuné. Cela est illicite d’après la législation islamique. Et c’est en cela qu’elle se distingue des autres droits.
Feu le Docteur Muhammad Yûsuf Mûsâ nous a rapporté une belle histoire qui s’est déroulée lorsqu’il est parti en France pour poursuivre ses études. Il nous a dit : « Nous habitions dans une maison et nous avions pour domestique une jeune femme dont le visage laissait apparaître qu’elle était une femme honorable, sage et raisonnée. Nous avons demandé des précisions à son sujet. On nous a répondu alors que son oncle était le millionnaire, untel, fils d’untel. Je demandai : « Pourquoi ne lui verse-t-il pas une pension ? Ne peut-elle pas déposer plainte auprès du tribunal ? » On me répondit : « Ici, il n’y a pas de telle loi qui obligerait un oncle à subvenir aux besoins de sa nièce. Vous, Musulmans, disposez-vous d’une telle loi ? » Je rétorquai : « Bien sûr. Un homme comme celui-ci est tenu de subvenir aux besoins de sa nièce. Et si elle porte son affaire devant la justice, elle recevra gain de cause et le juge obligera l’oncle de lui verser une pension. » La jeune Française me dit alors : « Si une telle loi existait chez nous, vous ne verriez aucune femme sortir de chez elle pour gagner aussi durement sa vie. Car nous y sommes obligées. Si nous ne travaillons pas, nous mourrons certainement de faim. » »
La loi sur la pension obligatoire est, par conséquent, une spécificité islamique. Et ces pauvres petits enfants peuvent dès aujourd’hui, si leurs oncles refusent de subvenir à leurs besoins, déposer plainte auprès de la justice qui leur fera regagner leurs droits.
Et Dieu est le plus Savant.
Traduit depuis le site Islamonline.net. La version originale est consultable sur archive.org.
[1] A titre indicatif, le lecteur pourra consulter les dispositions du droits successoral français sur sos-net.
[2] Le salaf désigne les pieux prédécesseurs et plus particulièrement les trois premières générations de musulmans.
[3] Sourate 2, la Vache, Al-Baqarah, verset 180
[4] Sourate 4, les Femmes, An-Nisâ’, verset 8.
[5] On qualifie de mahram tout proche avec qui l’on ne peut définitivement jamais se marier comme les père, mère, frères et sœurs etc. (cf le verset 23 de sourate An-Nisâ’ pour une liste exhaustive.) Le pluriel est mahârim.
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