samedi 18 mars 2006
Je suis amputé de la jambe droite dont il ne me reste que quinze centimètres sous le genou. J’utilise une prothèse à la place du membre amputé. Pendant la prière, je ne peux pas m’asseoir sur la prothèse, alors je la tends vers l’arrière pendant les prosternations et vers l’avant entre deux prosternations consécutives. Je voudrais savoir s’il m’est permis, dans ces conditions, de présider à la prière en congrégation, sachant que je détiens le baccalauréat azharite, que je présidais à la prière congrégationnelle avant mon accident et que l’imam actuel manque de savoir et se trompe dans la récitation du Coran. Je voudrais savoir, concernant les petites ablutions, si je suis tenu d’essuyer ma prothèse ou de laver le moignon de jambe qui me reste ? Pourriez-vous me répondre conformément à l’école de l’Imâm Mâlik ?
Premièrement, le lavage des pieds jusqu’aux chevilles, c’est-à-dire les deux parties osseuses protubérantes au bas de la jambe et au dessus du pied, fait partie des piliers des petites ablutions. Le Très-Haut dit : « Ô vous qui avez cru, lorsque vous vous levez pour accomplir la prière, lavez vos visages, ainsi que vos bras jusqu’aux coudes, essuyez vos têtes, et (lavez) vos pieds jusqu’aux chevilles. » [1] Quiconque se fait amputer du pied une partie qu’il est nécessaire de laver doit laver la partie restante. Si l’emplacement de l’obligation [2] est amputé entièrement, le lavage devient caduc.
Deuxièmement, concernant l’imâmat pendant la prière, si un imam officiel a été assigné par le ministère des affaires religieuses, il doit avoir la priorité et le privilège de l’imâmat. À défaut, l’imam doit être en priorité celui qui récite le mieux le Coran, puis celui qui connaît le mieux la jurisprudence relative à la prière, notamment les facteurs qui la valident ou l’invalident, puis le plus pieux d’entre eux c’est-à-dire celui qui évite les choses douteuses, puis le plus âgé, puis celui qui a le meilleur caractère, puis celui qui a la meilleure lignée, puis celui qui porte les vêtements les plus propres. On entend par celui qui récite le mieux le Coran, celui qui respecte le mieux les règles de la récitation, quand bien même serait-il celui qui en mémorise le moins.
Les Malékites sont d’avis que lorsque plusieurs personnes aptes à l’imâmat sont réunies, il est souhaitable d’avancer en priorité le suzerain ou son représentant, même en présence de plus savant et de plus méritant qu’eux, puis l’imam officiel de la mosquée, puis celui qui connaît le mieux la jurisprudence relative à la prière, puis celui qui connaît le mieux l’art du hadith tant au plan de la transmission que de la mémorisation, puis celui qui maîtrise le mieux la récitation du Coran, puis celui qui surpasse les autres dans le culte, puis celui qui a embrassé l’islam depuis le plus longtemps, puis celui qui a la meilleure lignée, puis celui qui a le meilleur caractère, puis celui qui a les meilleurs habits. En cas d’égalité, on procède à un tirage au sort, à moins que les orants ne co-optent pour l’un d’entre eux auquel cas il s’avance et préside à la prière. Car l’imam doit être pourvu des meilleurs attributs de perfection et exempt des choses blâmables afin que les gens de piété et de vertu ne le détestent pas. Il lui est conjecturalement illicite (yukrah tahrîman) [3] d’être l’imam de gens qui le détestent, ou dont la plupart le déteste, s’ils sont des gens religieux et pieux.
Les Malékites disent également qu’il lui est détestable de faire office d’imam si une minorité le déteste, fût-elle composée de gens sans mérite ni noblesse, et que cela est conjecturalement illicite si la totalité ou la majorité des gens le déteste.
Les Malékites disent aussi qu’il est détestable pour l’amputé, ou celui qui a une main ou un pied paralysé, de faire office d’imam, fût-ce devant une congrégation d’orants souffrant de la même condition que lui, car il ne pose pas le membre atteint par terre. Il en est de même pour toutes les conditions similaires. Il est détestable pour toute personne qui s’en trouve éprouvée de faire office d’imam pour une tierce personne saine et sauve. Les Hanafites avancent qu’il est détestable (yukrah tanzîhan) [4] que le boiteux qui se tient debout sur une partie du pied seulement fasse office d’imam. Les Hanbalites sont du même avis.
Sur ce, nous répondons au questionneur qu’il est préférable et plus digne pour lui de s’abstenir d’officier en tant qu’imam dans sa condition. Il est en effet amputé de la jambe droite et ne peut se lever ni s’asseoir de manière stable et posée, sans éprouver de gêne, a fortiori, lorsque la mosquée possède un imam désigné officiellement. Le questionneur peut néanmoins donner les sermons du vendredi dès lors qu’il détient le baccalauréat azharite et qu’il possède un bon bagage juridique, un bon caractère et un bon capital de popularité. Il peut aussi prodiguer des conseils et enseigner aux jeunes le Coran et la jurisprudence, en vue d’obtenir l’agrément de Dieu et celui des gens.
Enfin, nous implorons Dieu — Exalté soit-Il — de nous accorder le succès et la droiture, ainsi qu’au questionneur et à l’ensemble des musulmans.
Et Dieu — Exalté soit-Il — est le plus savant.
Traduit de l’arabe avec l’aimable autorisation de Dâr Al-Iftâ’ en Égypte. La version originale est consultable sur archive.org.
[1] Sourate 5, Al-Mâ’idah, La table servie, verset 6.
[2] En l’occurrence, le pied. NdT.
[3] Les écoles juridiques classifient les actes sur une échelle allant des plus méritoires aux plus blâmables. L’expression makrûh tahrîman qualifie les actes jugés illicites sur la base de preuves conjecturales fortes, comme les narrations isolées. Sur l’échelle des actes blâmables, les actes conjecturalement illicites arrivent en seconde position après les actes illicites (dont le caractère illicite est établi par des preuves ne souffrant d’aucune incertitude quant à leur transmission et quant à leur signification). Bien que reprise par les différentes écoles juridiques dans une moindre mesure, cette nuance est imputable à l’origine à l’école Hanafite. NdT.
[4] Il s’agit des actes jugés indésirables ou détestables dans la terminologie juridique, mais pour lesquels Dieu n’a pas promis de sanction. Leur statut est plus proche du permis que de l’illicite. NdT.
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