lundi 2 juillet 2001
Il n’y a aucune divergence entre les écrivains de la sîrah et les savants de la sunnah et l’ensemble des musulmans sur le fait que le Noble Coran reçut de la part du Messager - que les salutations et les bénédictions d’Allâh soient sur lui - et des Compagnons une attention telle qu’il fut préservé dans les mémoires et inscrit sur les parchemins, les planches et les pierres et sur d’autres supports si bien que quand le Prophète décéda, le Coran était préservé et ordonné et il ne lui manquait que d’être réuni en un seul volume (mushaf).
Quant à la sunnah, il en fut autrement bien qu’elle ait été une source législative importante du temps du Prophète. Il n’y a aucun désaccord sur le fait qu’elle ne fut pas officiellement inscrite, contrairement au Coran. Cela s’explique probablement par le fait que le Messager - paix et bénédictions sur lui - vécut 23 ans parmi les Compagnons et que l’inscription de toutes ses paroles, gestes et transactions aurait été extrêmement difficile car cela aurait exigé qu’un grand nombre de Compagnons se consacrent totalement à ce travail ardu. Par ailleurs, il est connu que ceux qui savaient écrire du vivant du Prophète étaient si peu nombreux qu’on pouvait les compter sur les doigts. Et, puisque le Coran est la source principale de législation et le miracle éternel du Messager - paix et bénédictions d’Allâh sur lui, ces scribes devaient donc donner la priorité à son inscription avant toute sunnah afin qu’ils le transmettent à leurs successeurs entièrement rédigé et contrôlé et sans qu’une seule lettre ne manque.
En outre, les Arabes à cause de leur analphabétisme comptaient uniquement sur leur mémoire pour tout ce qu’ils désiraient conserver et préserver. Il leur était donc aisé de se consacrer à la mémorisation de Coran d’autant plus qu’il a été révélé progressivement par groupe de versets et petites sourates, qu’il était facile et motivant pour eux de retenir par coeur. Si la sunnah avait été inscrite au même titre que le Coran, alors qu’elle est vaste et diversifiée et englobe les actions législatives du Prophète et ses paroles depuis le début de sa mission jusqu’à son retour à Son Seigneur, ils auraient été tenus d’apprendre la sunnah en plus du Coran avec ce que cela comporte comme difficulté. En plus, on pouvait craindre que certaines paroles concises et sages du Prophète soient confondues avec le Coran par inadvertance, ce qui constitue un danger pour le Livre d’Allâh ouvrant la voie du doute devant les ennemis de l’islam et une brèche par laquelle ils s’infiltrent et incitent les musulmans à se défaire des commandements de l’islam et se dégager de son autorité. Ces raisons ainsi que tout ce que les savants ont amplement détaillé comme raisons de la non inscription de la sunnah du temps du Prophète expliquent l’interdiction d’écrire la sunnah, interdiction mentionnée dans Sahîh Muslim : selon Abû Saʿîd Al-Khudrî que le Messager d’Allâh - paix et bénédictions sur lui - a dit : "N’inscrivez rien de ma part et que celui qui a écrit de ma part autre chose que le Coran qu’il l’efface"[2].
Ceci n’empêche pas que l’on ait inscrit quelques parties de la sunnah mais de façon non officielle contrairement au Coran. Citons dans ce qui suit des traditions authentiques prouvant que l’écriture de parties de la sunnah eut bien lieu du temps du Prophète. Al-Bukhârî mentionne dans son Sahîh, dans Kitâb Al-ʿIlm (le Livre du Savoir), selon Abû Hurayrah que : "La tribu de Khuzâʿah tuèrent un homme des Banû Layth l’année de la prise de la Mecque, pour venger l’assassinat de l’un des leurs. Quand le Prophète - paix et bénédictions sur lui - en fut prévenu, il enfourcha sa monture et prêcha : Dieu a exclu de la Mecque le meurtre (ou [l’a protégée de]l’Eléphant, un doute de la part de Bukhârî) et y a donné le pouvoir au Messager d’Allâh - paix et bénédictions sur lui - et aux croyants. Cette ville n’a été soumise à personne avant moi et ne sera soumise à personne après moi. Elle m’a été soumise pour une heure de la journée et elle est à cette heure Sacrée, on n’ôte pas ses ronces, on ne coupe pas ses arbres, on n’y ramasse pas les objets trouvés sauf pour en trouver les propriétaires. Que celui dont on a tué un proche choisisse de deux choses l’une : la diyah (le prix du sang) ou que [l’assassin soit] conduit à la famille du mort" Alors un homme du Yémen vint et dit : "Ô Messager d’Allâh, écris cette parole pour moi" Le Messager - paix et bénédictions sur lui - dit : "Ecrivez pour Abû Shâh".[3]
Par ailleurs, il est établi que le Messager d’Allâh - paix et bénédictions sur lui - envoya des courriers aux Rois de son temps et aux Princes de la péninsule arabique pour les inviter à l’islam et qu’il envoyait avec certains chefs d’expéditions des courriers qu’il leur ordonnait de ne lire qu’une fois qu’ils avaient atteint un lieu donné.
Il est également établi que les Compagnons possédaient des parchemins sur lesquels ils inscrivaient une partie de ce qu’ils entendaient de la part du Messager d’Allâh - paix et bénédictions sur lui - comme le parchemin de ʿAmr Ibn Al-ʿÂs qu’il appelait as-sâdiqah ("le [parchemin] véridique"). Ahmad, Al-Bayhaqî dans Al-Mudkhal narrent qu’Abû Hurayrah - qu’Allâh l’agrée - dit : "Personne ne connaît le hadîth du Messager d’Allâh - paix et bénédictions sur lui - mieux que moi exception faite de ʿAbdullâh Ibn ʿAmr car il écrivait et moi je n’écrivais pas." [4] L’écriture de ʿAbdullâh Ibn ʿAmr attira l’attention de certains Compagnons qui lui dirent : "Tu inscris tout ce que le Messager d’Allâh dit. Il se peut que le Messager d’Allâh soit fâché et dise une chose qui ne peut être prise comme une législation à portée générale" Alors ʿAmr alla voir le Messager d’Allâh - paix et bénédictions d’Allâh sur lui - qui lui dit : "Inscris ce que je dis car par Celui Qui détient mon âme il n’y a que la vérité qui sort de ma bouche" [Narré par Ibn ʿAbd Al-Barr dans Jâmiʿ Bayân Al-ʿIlm wa Fadlih 1/76]
Il est établi aussi que ʿAlî - qu’Allâh l’agrée - possédait un parchemin contenant les règles de la diyah pour al-ʿâqilah et autre, tout comme il est établi que le Messager - paix et bénédictions sur lui - a écrit à ses gouverneurs leur indiquant le taux de la zakât pour les chameaux et les moutons.
Les savants ont divergé dans la conciliation des hadîths interdisant l’écriture [de la sunnah] et ceux cités ici indiquant la permission de le faire. La plupart est d’avis que la permission abroge l’interdiction. Certains dirent que l’interdiction est spécifique à ceux qui risquent de se tromper ou de mélanger le Coran et la sunnah alors que la permission est spécifique à ceux qui sont à l’abri de l’erreur. Je pense qu’il n’y a pas d’opposition réelle entre les hadîths interdisant l’inscription et ceux qui l’autorisent si l’on comprend que l’interdiction porte sur l’inscription officielle à l’instar du Coran ; quant à l’autorisation, il s’agit de l’autorisation d’inscrire des textes de la sunnah pour des circonstances spéciales ou la permission aux Compagnons qui inscrivaient la sunnah pour leur usage personnel. L’examen de l’énoncé du hadîth relatif à l’interdiction peut en effet appuyer cette compréhension car il est d’ordre général et adressé à tous les Compagnons. On ne dit pas alors que ceci implique que l’interdiction prévaut étant donné la permission donnée à certaines personnes en particulier, mais nous disons plutôt que l’autorisation du Messager à ʿAbdullâh Ibn ʿAmr d’écrire son parchemin et de continuer à le faire jusqu’au décès du Messager prouve que l’inscription était autorisée aux yeux du Prophète tant qu’il ne s’agissait pas d’une inscription systématique comme pour le Coran. L’autorisation d’inscrire la sunnah est confirmée par la narration citée dans Al-Bukhârî selon Ibn ʿAbbâs que quand les dernières douleurs du Prophète se renforcèrent, il dit : "Apportez-moi de quoi vous écrire un testament après lequel vous ne serez jamais égarés"[5], mais ʿUmar s’y opposa disant que la douleur du Messager - paix et bénédictions sur lui - était devenue trop forte. Ce récit appuie l’opinion selon laquelle l’autorisation avait eu lieu en dernier contrairement à l’opinion de Rashîd Ridâ - qu’Allâh lui fasse miséricorde - qui soutenait que l’autorisation était en vigueur en premier, puis qu’elle fut abrogée par l’interdiction.
Extrait de As-Sunnah wa makânatuhâ fî at-tashrîʿ (La Sunnah et son statut dans la législation).
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