mardi 17 juillet 2001
Malgré cela, notre communauté fut éprouvée - autrefois et aujourd’hui - par un groupe faible en effectif, faible en outillage et compétence, au savoir très limité et à la langue manifestement longue. Ils ont prétendu que nous n’avons nullement besoin de la Sounnah, que le Coran nous permet de nous passer d’elle et qu’il est, seul, la source de toute la religion en termes de croyances, lois, concepts et valeurs, éthique et bonnes manières.
Ils se sont basés dans ce qu’ils prétendent - à la manière de toute personne soutenant une innovation ou un égarement - sur des arguments spécieux qu’ils ont pris pour des preuves alors qu’elles sont réfutées par les preuves des savants dont la terre ne désemplit pas.
Ceux qui prétendent être les gens du Coran et ses défenseurs s’appuient sur ce qui suit :
Ces accusations spécieuses ne résistent guère à l’analyse scientifique et sont toutes réfutées.
Pour ce qui est de Sa Parole - Exalte Soit-Il : " Et Nous avons fait descendre sur toi le Livre, comme un exposé explicite de toute chose[...] " [16 :89], ce que l’on entend ici par cette " totalité " ou " exhaustivité " c’est que [le Coran] renferme tous les fondements et bases sur lesquels est bâti l’édifice de la religion en termes de Credo et de législation. Parmi ses fondements : le Messager explicite et élucide ce qui lui est révélé. En d’autres termes, la Sunnah explicite le Coran : "Et vers toi, Nous avons fait descendre le Coran, pour que tu exposes clairement aux gens ce qu’ on a révélé pour eux et afin qu’ ils réfléchissent".
Nul parmi les prédécesseurs ni les contemporains a compris que l’exposé explicite du coran est un exposé détaillé. Comment peut-il en être autrement, tandis que la première œuvre de culte, la première obligation quotidienne, le plus grand rite en Islam - la prière - n’est nullement détaillée dans le Coran : ni le nombre de prières, ni leurs horaires, ni le nombre d’unités [rakʿât], ni leurs modalités, ni leurs détails, ni leurs conditions et piliers. Tout cela est connu par la Sunnah, et fait partie de ce qui est connu par nécessité dans la religion [maʿlûmun min ad-dîni bid-darûrah].
Sa Parole - Exalté Soit-Il : " En vérité c’est Nous qui avons révélé le Coran, et c’est Nous qui en sommes gardien" prouve la préservation du Coran en lui-même, et prouve ipso facto la préservation de la Sunnah qui explicite le Coran car la préservation de l’objet explicité inclut et exige la préservation de ce qui l’expose et explicite, et cela est une partie intégrante de la préservation comme l’a montré l’Imâm Ash-Shâtibî qu’Allâh l’agrée.
La préservation a deux composantes : d’une part, une composante matérielle qui est la préservation des mots, des expressions qui ne sont ni oubliés, ni supprimés ni changés, et d’autre part, une composante sémantique, qui est la préservation du sens qui n’est ni falsifié, ni défiguré ni altéré.
Allâh ne S’est pas chargé de garder tous les Livres Sacrés précédents. Il a confié cette responsabilité aux gens qui les ont reçus mais ils ont failli à ce devoir. Ces livres ont donc subi deux types de falsification : une falsification de la lettre qui n’est autre que le changement des termes ou la substitution de mots à la place d’autres ou leur suppression, et d’autre part, une falsification du sens par des interprétations qui éloignent de ce qu’Allâh - Exalté soit-Il - a voulu.
Quant au Coran, Allâh l’a préservé de ces deux falsifications : l’explication et l’exposé prophétique dans la Sounnah est une partie intégrante de la présevation du Livre par Allâh - Exalté Soit-Il - et une attestation de la véridicité de Sa Promesse à ce sujet : " À Nous, ensuite incombera son explication " [75 :19]
L’étude scientifique de l’Histoire prouve aux musulmans la véridicité de ce fait : Allâh - Exalté Soit-Il - a préservé la Sunnah de Son prophète de même qu’il a gardé son noble Livre. Il y eut à chaque époque des gardiens éveillés qui ont porté l’étendard de la mission prophétique et l’héritage du Message. Ils les ont transmis à la postérité comme des flambeaux lumineux, des signes de guidance, en témoignant de la véridicité de cette prophétie du Prophète Elu et cette bonne annonce qu’il fit : "Porteront cette science les justes de chaque génération. Ils en écarteront les falsifications des exagérateurs, l’usurpation des prévaricateurs et l’interprétation des ignorants".
Il est vrai que le Prophète - paix et bénédiction d’Allâh sur lui - n’a pas assigné à la Sunnah des scribes pour l’inscrire comme cela était le cas pour le Coran. Il a même interdit, au début, d’inscrire autre chose que le Coran afin que les énergies se dirigent vers l’inscription du Coran par manque de scribes, par manque de matériel d’écriture, par sa diversité et sa difficulté et également de crainte que le Coran ne se mélange avec d’autres écrits. Toutefois, il a fait écrire des choses importantes pour qu’elles soient transmises comme les manuscrits sur les aumônes, des diyât et d’autres. Il a également autorisé certains compagnons d’inscrire ses dires comme ʿAbdullâh Ibn ʿAmr et d’autres.
En outre, il a incité à transmettre les hadiths avec précision et loyauté à celui qui ne les a pas entendus. Cela est indiqué dans un hadith largement connu : " Qu’Allâh honore une personne qui a entendu ma parole, l’a comprise et l’a transmise comme il l’a écoutée. Il se peut qu’une personne à qui cela est transmis soit plus douée que celui qui l’a entendue " et dans une version : "il se peut qu’une personne porte le savoir à une personne plus savante qu’elle".
Les chercheurs spécialisés ont acquis la certitude que l’inscription de la Sunnah n’a pas commencé au début du 2e siècle hégirien comme le prétendent certains. L’inscription de la Sunnah a connu des phases : elle a commencé du vivant du prophète puis s’est développée du temps des compagnons, puis au cours des générations qui les ont suivis, comme le prouvent les études scientifiques objectives.
Il est certain que des gens ont menti volontairement sur le compte du Messager d’Allâh, paix et bénédictions d’Allâh sur lui - pour diverses raisons. Ils ont mérité par ce geste leur place au sein de l’Enfer. Nulle surprise en cela, il y a même des gens qui ont menti sur le compte d’Allâh et certains ont prétendu avoir reçu une révélation alors que rien ne leur a été révélé ! Mais il est certain que les savants de la Ummah et les experts de la Sunnah ont fait face à ces charlatans en dévoilant leur oeuvre malfaisante, et en faisant éclater au grand jour leurs propos falsifiés.
On dit à l’Imâm ʿAbdullâh Ibn al-Mubarak : " Que faire de ces hadiths sont forgés ? " Il dit : "Vivent pour eux les grands experts !" Manifestement, les grands savants et les critiques ont voué leurs vies pour lutter contre les hadiths forgés, les poursuivant tels des experts en quête des faux billets circulant dans les marchés. Il se peut qu’ils se répandent chez quelques gens du commun, transmis d’une main à l’autre. Il se peut qu’ils se soustraient aux regards éveillés dans un moment d’inattention. Mais, très vite, ils finissent par être détectés et leur falsification et tricherie sont alors dévoilées.
Les savants du Hadith ont établi des règles rigoureuses. Ils ont érigé des phares de guidance et ont fondé les sciences du Hadith et de sa terminologie. Ils ont mis des conditions pour l’acceptation un hadith que nous avons déjà évoquées. Nulle autre communauté n’a fait cela pour préserver le patrimoine de son prophète et le protéger contre la perte et la falsification.
Certains ont prétendu que les hadiths authentiques se sont mélangés avec les hadiths faibles si bien que tout s’est emmêlé. Ce n’est qu’une affirmation gratuite de ceux qui n’ont pas sondé les océans de cette noble science, ceux qui n’en ont pas exploré les profondeurs, ceux qui ne se sont pas penchés sur les efforts colossaux fournis par des esprits très doués, par des talents raffinés et extraordinaires qui ont offert leurs vies pour défendre, clarifier et servir le Hadith. Ils ont ainsi fondé les Sciences des Hommes [ʿIlm ar-Rijâl], des Classes [at-Tabaqât], les Biographies des gens de confiance, des gens agréés en matière de narration, les faibles, les critiqués [majrûhîn]. Ils ont composé pour cela près de quatre-vingt-dix sciences connues sous le titre global de Sciences du Hadith. Ces sciences sont pour le Hadith ce que les "Fondements" (al-usûl) sont pour la jurisprudence (al-fiqh). Ils ont donc distingué les hadiths authentiques du reste et ont accordé une grande importance aux hadiths traitant des commandements légaux et des lois. Ils ont également composé des ouvrages traitant des hadiths faibles et des hadiths controuvés (forgés). Ils en ont fait de même avec ʿIlal al-hadîth (les défauts du Hadith) et leurs critiques.
L’Histoire n’a jamais enregistré pour une communauté la sauvegarde et la préservation du patrimoine de son Prophète comme pour cette communauté dont le message scelle les missions prophétiques. Le fait qu’il y ait des hadiths controuvés ne légitime aucunement le fait de jeter tous les hadiths dans la corbeille. Une personne douée de sens demanderait-elle la suppression de toute vraie monnaie et son interdiction dans les transactions, ou l’annulation de sa valeur, parce que certains tricheurs ont usé de faux billets et les ont propagé chez quelques gens inattentifs ?!
De plus, ceux qui prétendent délaisser la Sunnah et ne retenir que le Coran contredisent, en tout premier lieu et de façon fort explicite, le Coran lui-même. Le Coran a ordonné d’obéir au Prophète, en juxtaposant l’obéissance au Prophète à celle d’Allâh, et ce dans plusieurs nobles versets. Citons donc quelque-uns de ces versets ordonnant l’obéissance au Prophète en même temps que l’obéissance à Allâh :
" Obéissez à Allah, obéissez au Messager, et prenez garde ! Si ensuite vous vous détournez... alors sachez qu’ il n’ incombe à Notre messager que de transmettre le message clairement. " [5 :92]
"Ô vous qui croyez ! Obéissez à Allah et à Son messager et ne vous détournez pas de lui quand vous l’ entendez " [8 :20]
"Ô les croyants ! Obéissez à Allah, et obéissez au Messager et à ceux d’entre vous qui détiennent le commandement. Puis, si vous vous disputez en quoi que ce soit, renvoyez-l’objet de votre dispute à Allah et au Messager, si vous croyez en Allah et au Jour dernier. Ce sera bien mieux et de meilleure interprétation " [4 :59]
Si l’obéissance au Prophète signifiait se conformer au Coran uniquement, le fait de juxtaposer l’ordre d’obéir au Messager à l’ordre d’obéir à Allâh n’aurait aucun sens. Or la juxtaposition nécessite la différence [entre les objets juxtaposés]. L’ordre d’obéir à Allâh ainsi qu’à son prophète apparaît dans de nombreux versets signifiant qu’il s’agit là de deux obéissances distinctes. Le savantissime Ibn Al-Quayyim a tenu des propos précieux au sujet du verset de sourate An-Nisâ’ que nous avons mentionnés [4 :59].
La vérité qui ne fait aucun doute est que la majeure partie des lois - autour desquelles gravitent la jurisprudence dans les diverses écoles juridiques reconnues - sont établies par la Sunnah. Quiconque consulte les livres de jurisprudence s’en rend compte de façon très manifeste ! Et si nous supprimions les traditions prophétiques, ce qui en découle et ce qui en a été déduit dans notre patrimoine juridique, il ne nous resterait plus grand chose en matière de jurisprudence !!
C’est pour cela qu’une étude analytique de la Sunnah - qui est la preuve qui occupe le second rang après le Coran - se trouve dans tous les livres des Fondements du Fiqh et dans toutes les écoles juridiques reconnues. Dans cette étude analytique fouillée, sont traités l’autorité religieuse de la Sunnah, ses preuves, les conditions de son acceptation, ses implications, ses branches et d’autres thèmes que nul étudiant n’ignore.
Comme je l’ai dit, ceci s’applique à toutes les écoles juridiques, de l’école d ’Abû Dâwûd et Ibn Hazm Adh-Dhâhirî jusqu’à Abû Hanîfah et ses disciples connus sous le nom de l’école de l’opinion dans l’Histoire de la jurisprudence islamique.
Traduit de l’arabe du site qaradawi.net
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