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A la Recherche du Salut

samedi 14 avril 2001

Il est établi que cette communauté se divisera en 70 et quelques sectes dont une seule sera sauvée, et Allâh sait mieux ce qui adviendra des autres. A aucun moment de ma vie, je n’ai cessé de méditer sur les divergences au sein de la communauté, essayant d’atteindre la voie claire [al-minhâdj al-wâdih] et le chemin qui aboutit, et cherchant le savoir et la mise en pratique par les œuvres. Je me suis mis en quête de la voie du monde de l’au-delà en m’appuyant sur la guidance des savants, et j’ai assimilé de nombreuses Paroles d’Allâh - Exalté Soit-Il - à la lumière de l’interprétation subtile (ta’wîl) des jurisconsultes. J’ai alors réfléchi sur les états de la communauté et j’ai regardé de près ses différentes écoles de pensée (ou doctrines) (madhhab) et ses propos. J’en ai compris ce qu’il m’a été assigné de comprendre et j’ai vu que leur divergence était une mer profonde dans laquelle se sont noyés de nombreuses personnes, et peu y ont réchappé. Et j’ai vu chaque groupe prétendre que le salut réside dans son imitation et que la ruine est le lot de ceux qui ne le suivront pas.

Puis j’ai vu que les gens appartenaient à diverses catégories. Il y a des gens connaisseurs de la nature de la vie de l’au-delà ; leur rencontre est si difficile et leur présence est tellement précieuse. Il y en a d’autres qui sont ignorants ; s’éloigner d’eux est un grand bienfait. D’autres tentent de ressembler aux savants, mais ils aiment la vie ici-bas et la préfèrent à l’au-delà. Certains ont une part de science ; on les associe à la religion, mais ils ne cherchent pas leur savoir que les honneurs et la supériorité, espérant atteindre les futilités d’ici-bas en se servant de la religion. D’autres encore ont porté une science qu’ils ne comprennent pas. Il y a aussi ceux qui imitent les dévots et s’attachent à faire le bien. Mais on ne trouve rien de profitable auprès d’eux, leur parole ne trouve aucun écho dans le coeur de leur audience et l’on ne peut accorder de crédit à leurs opinions.

D’autres font preuve d’intelligence et de ruse, mais ils sont privés de la crainte révérencielle et de l’observance [d’Allâh]. D’autres suivent leurs passions, s’humilient dans la recherche de la vie ici-bas et ambitionnent le pouvoir. D’autres sont les diables humains (shayâtîn al-ins), ils s’emploient à détourner de la vie de l’au-delà et se ruent sur la vie d’ici-bas, cherchant à en amasser les ornements, avides d’en avoir toujours plus. Ils sont considérés comme vivants, mais en vérité ils sont morts. Pour eux, la vertu est blâmable et la déviance est une vertu.

J’ai alors cherché à m’identifier à l’une de ces catégories mais cela m’a excédé. J’ai donc cherché la guidance des bien-guidés, désireux d’atteindre la droiture et la bonne voie. J’ai cherché la bonne orientation dans le savoir et je me suis livré à de profondes réflexions et de longues méditations. Alors j’ai vu, à la lumière du Livre d’Allâh, de la Sunnah de Son Prophète et l’accord unanime de la communauté que suivre la passion rend aveugle à la bonne voie, égare loin de la vérité et prolonge la durée de l’aveuglement.

J’ai commencé par bannir les passions de mon cœur ; je me suis arrêté sur la divergence de la communauté, recherchant le groupe sauvé et redoutant les viles passions et les groupes voués à la ruine, évitant de m’engager sans certitude et espérant atteindre la voie du salut pour apaiser mon âme. J’ai trouvé par la réunion de la communauté autour du Livre Révélé par Allâh que la voie du salut réside dans l’attachement permanent au Livre d’Allâh, l’accomplissement de Ses prescriptions, Son observance concernant le licite et l’illicite et toutes les limites qu’Il a fixées, le dévouement envers Lui par les actes d’obéissance et l’imitation du Messager d’Allâh paix et bénédiction d’Allâh sur lui. J’ai essayé donc d’acquérir la connaissance des Prescriptions (al-farâ’id) et de la Sunnah auprès des savants connaisseurs des traditions. J’ai vu qu’il y avait concordance mais aussi divergence. J’ai néanmoins vu qu’ils étaient tous unanimes sur le fait que la connaissance des prescriptions divines et de la Sunnah se trouve chez les savants fins connaisseurs d’Allâh et de Ses Ordres, et les juristes oeuvrant pour Son Agrément, respectueux des lois divines et suivant le modèle du Messager d’Allâh paix et bénédiction d’Allâh sur lui, préférant l’au-delà à la vie ici-bas ; ceux-là sont ceux qui s’attachent véritablement à la Loi divine et les traditions des Messagers.

Je me suis mis en quête de ceux qui dans la communauté répondent à cette description pour puiser dans leur science et j’ai vu qu’ils étaient plus que rares. J’ai également découvert que leur science est entièrement négligée [par le reste de la communauté], comme l’a dit le Messager d’Allâh paix et bénédiction d’Allâh sur lui : " L’islam était à son commencement un étranger, et il reviendra l’étranger qu’il a été. Bienheureux sont les étrangers. " Quel ne fut mon désarroi pour la perte des Saints [Awliyâ’] et des Pieux et je craignais que la mort me surprenne dans cet état de confusion face à la divergence de la communauté.

Je me suis empressé de rechercher tout savant dont le savoir m’était indispensable, et je n’ai aucunement réduit ma prudence dans ma quête. Le Très Miséricordieux envers Ses serviteurs m’a fait connaître des gens en qui j’ai trouvé les signes de la piété et qui sont véritablement les étendards de la crainte révérencielle envers Lui, préférant l’au-delà à la vie ici-bas. J’ai vu que leurs enseignements concordaient avec les œuvres des imams de la guidance : ils prodiguent le bon conseil à la communauté, ils n’encouragent jamais à tomber dans la désobéissance, ils ne font pas désespérer de la Miséricorde de Dieu, ils font toujours preuve de patience dans la difficulté et l’adversité, ils sont satisfaits de ce qu’Allâh aura décidé, ils font preuve de gratitude dans l’aisance, ils cherchent à remplir le cœur des gens par l’Amour d’Allâh en rappelant Sa Bonté et Sa Bienfaisance, et appellent les serviteurs d’Allâh au repentir. Ils connaissent la Majesté d’Allâh, la majesté de Son Pouvoir et le Livre et la Sunnah. Ils ont la compréhension profonde de la religion, de ce qu’Il aime et ce qu’Il déteste ; ils s’écartent des innovations et des passions, ils détestent les polémiques et s’éloignent de la médisance dans le dos d’autrui ainsi que de l’injustice. Ils contrarient leurs passions, font un examen de conscience où ils se jugent eux-mêmes, contrôlent leurs sens, observent Dieu dans leur nourriture, leurs habits et tous leurs états. Ils s’écartent de ce qui est équivoque, délaissent les viles plaisirs, puisent avec modération dans le licite, font preuve d’ascétisme et redoutent le Jugement et le Retour. Ils sont préoccupés par eux-mêmes [...], chacun d’eux préoccupé par son propre salut. Ils sont connaisseurs de la nature de l’au-delà, et connaissent les narrations relatives au Jour du Jugement, la généreuse rétribution et le châtiment sévère. Cela les a comblé de tristesse et de soucis permanents, c’est ainsi qu’ils sont préoccupés et ne connaissent pas la joie et les ornements d’ici-bas. Ils ont manifesté une conduite religieuse et ont montré des degrés de piété qu’il n’est pas en mon pouvoir de suivre. J’ai su que la noble conduite religieuse et la vraie piété sont une mer dans laquelle ne peuvent que se noyer mes semblables et qu’un homme comme moi ne peut pas honorer comme il se doit. Leurs mérites étaient clairs à mes yeux, et j’ai vu clairement la valeur de leurs conseils, j’ai su avec certitude que ce sont eux qui marchent sur la voie de l’au-delà et prennent pour modèles les Messagers. Ce sont les chandelles pour celui qui cherche la lumière et les guides de celui qui cherche la bonne voie.

J’ai cherché avec ardeur leur voie en puisant dans leurs précieuses vertus, agréant leurs nobles manières et aimant me conformer à leurs enseignements. Nul ne les vaut à mes yeux et je ne préfère personne à eux. Allâh m’a orienté vers un savoir dont la preuve est manifeste à mes yeux et Il m’a éclairé son bienfait. Je nourris l’espoir que quiconque le reconnaît et s’y attache serait sauvé. Je vis avec certitude que celui qui œuvre en concordance avec ce savoir aura le Secours et celui qui s’en éloigne dévie. Je vis les voiles envelopper le cœur de celui qui l’ignore ou le renie. Je vis l’argument suprême avec celui qui le comprend. Je vis donc qu’il m’était indispensable de faire mien ce savoir ; j’y ai cru en mon for intérieur et je l’ai embrassai dans mon esprit et j’en ai fait le fondement de ma foi. Sur [ce savoir] j’ai édifié mes œuvres et en lui j’ai installé mes états. J’ai invoqué Allâh de m’accorder la gratitude en retour à cette faveur dont Il m’a comblé et de me renforcer dans l’observance de ce qu’Il m’a fait connaître. Cependant, je suis conscient de mon incapacité à accomplir cela comme il se doit et de mon impuissance, et jamais je ne pourrais remercier Allâh comme il se doit.

P.-S.

Notes :

  1. Extrait du livre Al-Wasâyâ, le testament (p27-32) , par l’Imâm Abû ʿAbd Allâh Al-Hârith Ibn Asad Al-Muhâsibî, le célèbre ascète et Soufi - maître d’Al-Junayd Al-Baghdâdî- né à Basora et décédé en 243 A.H. à Baghdâd.
  2. Sheikh ʿAbd Al-Halîm Mahmûd, grand Imâm d’Al-Azhar entre 1973 et 1978, a fait sa thèse de doctorat sur le soufisme de l’Imâm Al-Muhâsibî. Par ailleurs, il est possible de lire avec profit le passage réservé à l’Imâm Al-Muhâsibî dans Hilyat Al-Awliyâ’ (l’Ornement des Saints) d’Abû Nuʿaym, et de se faire une idée de l’oeuvre d’Al-Muhâsibî en lisant Ar-Riʿâyah li huqûqillâh, ou al-Wasâyâ.

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