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Khabbâb Ibn Al-Aratt, que Dieu l’agrée

jeudi 7 mars 2002

Une femme du nom de Umm ʿAmmâr de la tribu des Khuzaʿa de la Mecque se rendit un jour au marché aux esclaves. Elle souhaitait y acquérir un jeune homme pour ses corvées ménagères et comptait également utiliser son labeur pour en tirer profit. Alors qu’elle scrutait les visages de ceux qui étaient présentés à la vente, ses yeux se posèrent sur un garçon qui n’avait pas atteint 13 ans. Elle vit qu’il était fort et en bonne santé, son visage montrait des signes évidents d’intelligence. Elle n’hésita pas davantage et l’acheta. Elle paya et s’en alla emmenant sa nouvelle acquisition.

Sur le chemin du retour, Umm ʿAmmâr se tourna vers le garçon et le dialogue suivant s’engagea :

"Comment t’appelles-tu, mon garçon ?
- Khabbâb.
- Quel est le nom de ton père ?
- Al-Arath.
- D’où viens-tu ?
- De Najd.
- Mais alors, tu es arabe !
- Oui, de la tribu des Banû Tamîm.
- Comment es-tu donc tombé entre les mains des vendeurs d’esclaves de La Mecque ?
- Une des tribus arabes a envahi nos terres. Ils ont pris notre bétail et capturé les femmes et les enfants. Je fus de ceux-là. Je suis passé d’une main à l’autre avant d’arriver à La Mecque."

Umm ʿAmmâr plaça le jeune garçon comme apprenti chez un des maréchaux-ferrant de La Mecque afin qu’il y apprenne à fabriquer des sabres. Le jeune garçon apprenait vite et bien. Il devint rapidement un expert de la profession. Lorsqu’il fut assez fort, Umm ʿAmmâr l’établit dans une échoppe lui fournissant tous les outils et tout l’équipement nécessaires à la fabrication des sabres. En peu de temps, il devint célèbre dans toute La Mecque pour son tour de main. De plus, les gens aimaient traiter avec lui à cause de son honnêteté et de son intégrité. Umm ʿAmmâr gagna beaucoup d’argent grâce à lui et exploita ses talents tant qu’elle put.

Malgré sa jeunesse, Khabbâb manifestait une intelligence unique et une grande sagesse. Souvent lorsqu’il avait fini son travail et qu’il se retrouvait seul, il réfléchissait sur l’état de la société arabe, profondément corrompue. Il était consterné par la vaine errance, l’ignorance et la tyrannie qu’il constatait. Il était lui-même une victime de cette tyrannie et il se disait :

- Après ces temps de ténèbres viendra forcément le temps de la lumière.

Et il espérait vivre assez longtemps pour voir les ténèbres se dissiper et voir l’intense lueur éclatante de cette nouvelle lumière.

Khabbâb n’eut pas à attendre longtemps. Il avait le privilège de se trouver à La Mecque lorsque les premiers rayons de la lumière de l’Islam pénétrèrent la cité. Ils émanaient de la bouche de Muhammad Ibn Abdallah, lorsqu’il annonça que personne ne méritait d’être vénéré et adoré si ce n’est le Créateur et Maître de l’univers. Il réclamait la fin de l’injustice et de l’oppression et critiquait avec virulence les pratiques des riches à accumuler des biens au détriment des pauvres et des exclus ; il dénonçait les privilèges aristocratiques et réclamait un nouvel ordre basé sur le respect de la dignité humaine et sur la compassion pour les moins privilégiés tels que les orphelins, les voyageurs et les nécessiteux.

Les enseignements de Muhammad étaient pour Khabbâb une lumière puissante dissipant les ténèbres de l’ignorance. Il se rendit auprès de lui et entendit ses paroles de sa bouche même. Sans plus d’hésitation, il tendit sa main vers le Prophète (paix et bénédiction d’Allah sur lui) en signe d’allégeance et témoigna qu’ "il n’y a de dieu qu’Allah et que Muhammad est Son serviteur et Son messager". Il fut au nombre des dix premiers à embrasser l’Islam.

Khabbâb ne cacha sa conversion à l’Islam à personne. Lorsque Umm ʿAmmâr apprit qu’il était devenu musulman, elle devint rouge de colère. Elle se rendit chez son frère Siba’a ibn Abd Al-ʿUzza, le chef d’une bande de jeunes de la tribu de Khuzaʿa et ensemble ils allèrent chez Khabbâb. Ils le trouvèrent plongé dans son travail. Siba’a s’approcha de lui et dit :

- Nous avons entendu des rumeurs à ton sujet que nous ne pouvons croire.
- Qu’est-ce donc ? répondit Khabbâb.
- On nous a dit que tu avais renié ta religion et que tu suivais cet homme de la tribu des Banû Hâshim.
- Je n’ai pas renié ma religion, dit Khabbâb calmement. Je crois en un Dieu unique, sans aucun associé. Je rejette vos idoles et je crois aussi que Muhammad est le serviteur de Dieu et Son messager.

A peine Khabbâb eut-il fini de parler que Siba’a et sa bande se jetèrent sur lui. Ils le frappèrent à coup de poings et de barres de fer et le battirent jusqu’à ce qu’il tombe à terre, sans connaissance, le sang coulant de ses blessures.

La nouvelle de ce qui s’était passé entre Khabbâb et sa maîtresse se répandit dans toute La Mecque comme une traînée de poudre. Les gens s’étonnaient de l’audace de Khabbâb. Jusqu’à présent ils n’avaient jamais entendu dire qu’un des compagnons de Muhammad eut osé proclamer sa croyance avec autant de franchise et de défi.

L’affaire Khabbâb choqua profondément les dirigeants des Qurayshites. Ils ne s’attendaient pas à ce qu’un maréchal-ferrant appartenant à Umm ʿAmmâr sans clan pour le protéger ni descendants pour le défendre contre les injures, osât défier son autorité, dénoncer ses dieux et rejeter la religion de ses ancêtres. Ils réalisèrent que cette affaire pouvait n’être qu’un début...

Et les Qurayshites ne s’étaient pas trompés dans leurs prédictions. Le courage de Khabbâb impressionna bon nombre de ses compagnons et les incita à l’imiter et à proclamer publiquement leur adhésion à l’Islam. L’un après l’autre, ils commencèrent à annoncer le message de vérité.

Dans le quartier du Haram, près de la Kaʿba, les dirigeants des Qurayshites se réunirent pour discuter du problème que leur posait Muhammad. Parmi eux, Abû Sufyan Ibn Harb, Al-Walid Ibn Al-Mughîra et Abû Jahl Ibn Hishâm. Ils remarquèrent que Muhammad devenait de plus en plus puissant et que le nombre de ses compagnons augmentait de jour en jour, voire d’heure en heure. Ils en étaient malades et ils décidèrent d’y mettre un terme avant que le phénomène n’échappe totalement à leur contrôle. Chaque tribu fut chargée d’attraper des compagnons de Muhammad et de les punir jusqu’à ce qu’ils renient leur foi ou meurent.

Siba’a Ibn Abd Al-ʿUzza et ses gens reçurent l’ordre de punir Khabbâb, à nouveau. Régulièrement, ils l’emmenaient sur une place publique dans la cité au moment où le soleil était au zénith et le sol brûlant. Ils lui enlevaient ses vêtements et l’habillaient d’une armure de fer et le couchaient sur le sol. Dans la chaleur intense, sa peau se desséchait et son corps demeurait inerte. Lorsque toute force l’avait abandonné, ils le défiaient :

- Alors que dis-tu de Muhammad ?
- Il est le serviteur de Dieu et Son messager ; il est venu amenant avec lui la religion de la guidée et de la vérité pour nous sortir des ténèbres et nous mener à la lumière.

Cela les rendait encore plus furieux et ils intensifiaient leurs coups. Ils lui posaient alors des questions sur Al-Lât et Al-ʿUzza et il répondait d’une voix ferme :

- Deux idoles, sourdes et muettes, elles ne peuvent ni faire de mal ni faire de bien.

Aveuglés par la colère, ils prenaient une grosse pierre et la plaçaient sur son dos. La douleur et l’angoisse de Khabbâb ne cessaient de croître mais jamais il ne renia sa foi.

L’inhumanité de Umm ʿAmmâr à l’égard de Khabbâb n’avait rien à envier à celle de son frère. Un jour, elle vit le Prophète (paix et bénédiction d’Allah sur lui) parler à Khabbâb devant son échoppe, ce qui l’enragea. Chaque jour - et ce pendant plusieurs jours - elle se rendit à sa boutique et le punit en plaçant un fer chauffé à blanc sur sa tête. Sa douleur était intolérable et souvent il s’évanouissait.

Khabbâb souffrit longtemps et son seul secours venait de la prière. Il pria pour qu’Umm ʿAmmâr et son frère soient punis. Il fut enfin délivré de la souffrance et de la douleur, lorsque le Prophète (paix et bénédiction d’Allah sur lui) autorisa ses compagnons à émigrer à Médine. Umm ʿAmmâr ne put s’opposer à son départ. Elle-même fut bientôt atteinte d’une terrible maladie, inconnue jusqu’alors. Elle se comportait comme si elle avait été enragée. Les migraines qui la terrassaient étaient atroces et mettaient ses nerfs à rude épreuve. Ses enfants cherchèrent de l’aide partout où ils purent jusqu’à ce qu’on leur dise que le seul remède consistait à lui cautériser la tête. Ce qui fut fait. Le traitement au fer rouge fut plus terrible encore que toutes les migraines dont elle avait eu à souffrir.

A Médine, au milieu des Ansârs généreux et hospitalier, Khabbâb fit l’expérience d’une nouvelle vie paisible et reposante qu’il n’avait pratiquement jamais connue. Il était ravi d’être auprès du Prophète (paix et bénédiction d’Allah sur lui) sans que personne ne le moleste ou ne perturbe son bonheur.

Khabbâb combattit au côté du Prophète (paix et bénédiction d’Allah sur lui) lors de la bataille de Badr. Il participa à la bataille de Uhud où il eut la satisfaction de voir Siba’a Ibn Abd Al-ʿUzza mourir des mains de Hamza Ibn Abd Al-Muttalib, l’oncle du Prophète (paix et bénédiction d’Allah sur lui).

Khabbâb vécut assez longtemps pour être le témoin de la grande expansion de l’Islam sous les Califats de Abû Bakr, ʿOmar, Othmân et ʿAlî (qu’Allah soit satisfait d’eux). Un jour il rendit visite au calife ʿOmar. Ce dernier, bien qu’en audience, se leva et salua Khabbâb avec ces mots :

- Personne ne mérite plus que toi de faire partie de cette assemblée si ce n’est Bilâl.

Il demanda à Khabbâb de raconter les tortures et les persécutions dont il avait été victime. Khabbâb raconta tout en détail, car les souvenirs étaient encore vivaces dans sa mémoire. Ensuite, il montra son dos et même Omar fut horrifié de ce qu’il vit.

Durant la dernière partie de sa vie, Khabbâb fut béni et put jouir d’une telle fortune qu’il n’eut jamais osé en rêver. Et malgré cela, il était connu de tous pour sa générosité. On raconte qu’il avait placé son argent dans un endroit de sa maison que tous les pauvres et nécessiteux connaissaient. Il n’y faisait pas attention et ceux qui en avaient besoin pouvaient venir et en prendre sans lui en demander la permission, sans même l’en avertir.

Et malgré cela, il s’inquiétait des comptes qu’il aurait à rendre à Allah pour l’usage qu’il aurait fait de ses richesses. Un groupe de compagnons racontait, qu’un jour, ils rendirent visite à Khabbâb alors qu’il était malade et qu’il leur dit :

- Quatre-vingt mille dirhams se trouvent à cet endroit. Par Allah, je n’ai jamais fait quoique ce soit pour les mettre en sécurité, je n’ai jamais empêché personne de s’en servir s’il en avait besoin.

Il fondit en larme et quand ils lui demandèrent pourquoi il pleurait, il dit :

- Je pleure parce mes compagnons sont morts sans obtenir une telle récompense en ce bas-monde. J’ai survécu et j’ai acquis ces richesses et je crains que ce ne soit là la seule récompense que j’aurai pour mes actes.

Peu après, il mourut. Le Calife ʿAlî Ibn Abî Tâlib (qu’Allah soit satisfait de lui) au bord de sa tombe dit :

- Que Dieu ait Khabbâb en sa miséricorde ! Il a adhéré à l’Islam de tout son cœur. Il a volontairement participer à l’hégire. Il a vécu en mujahid et Dieu ne prive pas Sa récompense celui qui a accomplit le bien.

P.-S.

  1. Traduit de "Companions of The Prophet", Vol.1, écrit par Abdul Wâhid Hâmid.

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