mardi 21 mai 2002
ʿUmayr Ibn Wahb Al-Jumahi revint sain et sauf de la bataille de Badr, tandis que son fils resta en arrière, prisonnier des musulmans. ʿUmayr craignait que les musulmans ne punissent sévèrement le jeune homme à cause des persécutions qu’il avait lui-même commises à l’égard du Prophète, paix et bénédiction sur lui, et de ses compagnons.
Un matin ʿUmayr se rendit à la mosquée sainte, accomplit le tawâf (circumambulation) autour de la Kaʿbah et invoqua ses idoles. Il y remarqua Safwân Ibn Ummayyah, assis près de la Kaʿbah, il alla vers lui et dit : " Im Sabahan (Bonjour), ô chef des Qurayshites !
- Im Sabahan, Ibn Wahb, répondit Safwân. Parlons un peu. Le temps ne passe que lorsque l’on converse agréablement."
ʿUmayr s’assit à côté de lui. Les deux hommes se mirent à se remémorer Badr, la grande défaite qu’ils y subirent, comptant les prisonniers tombés entre les mains de Muhammad, paix et bénédiction sur lui, et ses compagnons. Ils s’émurent à la pensée de tous ces grands hommes de la tribu des Qurayshites qui périrent par l’épée des musulmans et qui furent enterrés dans la fosse commune de Al-Qalib à Badr.
Safwân Ibn Umayyah secoua sa tête et dit : " Par Dieu, il ne pourra y avoir de meilleurs hommes après ceux-là ! "
" Tu as raison ", déclara ʿUmayr. Puis il resta silencieux quelque temps puis dit : " Par le Dieu de la Kaʿbah, si je n’avais pas de dettes et de famille dont je crains la perte, j’irais chez Muhammad et je le tuerais, mettrais ainsi un terme à sa mission et maîtriserais le mal. " Il continua à voix basse : " Et comme mon fils Wahb est parmi eux, le fait que j’aille à Yathrib n’éveillerait aucun soupçon."
Safwân Ibn Umayyah écouta attentivement les paroles de ʿUmayr et ne voulut pas laisser passer cette occasion, il lui dit :
" ʿUmayr, donne-moi tes dettes et je m’acquitterais de leur montant quel qu’il soit . Pour ta famille, je les considérerais comme ma propre famille et je leur donnerais tout ce dont ils auront besoin. J’ai assez de fortune pour leur garantir une vie confortable.
– D’accord, dit ʿUmayr. Mais garde cette conversation secrète et n’en divulgue rien à personne !
– Qu’il en soit ainsi !" dit Safwân.
ʿUmayr quitta la Mosquée Al-Harâm, le feu de la haine au cœur. Il commença à rassembler ce dont il aurait besoin pour mener à bien sa tâche. Il savait qu’il avait le soutien et la confiance des Qurayshites, qui avaient des membres de leur famille prisonniers à Médine.
Il fit aiguiser son glaive et l’enduisit de poison. On prépara son chameau et on le lui amena. Il monta et chevaucha en direction de Médine, le mal enserrant son cœur.
ʿUmayr atteignit Médine et se rendit directement à la mosquée à la recherche du Prophète, paix et bénédiction sur lui. Il mit pied à terre à côté de la porte de la mosquée et attacha son chameau.
Pendant ce temps, ʿOmar, que Dieu soit satisfait de lui, était assis avec quelques compagnons, que Dieu soit satisfait d’eux, près de la porte de la mosquée, se souvenant de Badr, du nombre de prisonniers et du nombre de Qurayshites tués en cette occasion. Il rappelait aussi les actes d’héroïsme commis par les musulmans, aussi bien par les Muhâjirûn (les Emigrés) que les Ansârs (les Auxiliaires Médinois) et remerciait Dieu de leur avoir octroyé cette victoire éclatante.
A ce moment précis, ʿOmar, que Dieu soit satisfait de lui, se retourna et vit ʿUmayr Ibn Wahb descendre de son chameau et se diriger vers la mosquée en brandissant son glaive. Alarmé, il se leva d’un bond et cria : "Voici ce chien d’ʿUmayr Ibn Wahb, l’ennemi de Dieu. Par Dieu il n’est venu ici que pour commettre quelque mauvaise action. Il a mené les polythéistes contre nous à la Mecque et il a été leur espion avant la bataille de Badr. Allez auprès du messager de Dieu, entourez-le et prévenez-le que ce traître infâme est après lui. "
ʿOmar lui-même, que Dieu soit satisfait de lui, se rendit auprès du Prophète, paix et bénédiction sur lui, et dit : " Ô Messager de Dieu, cet ennemi de Dieu, ʿUmayr Ibn Wahb, est venu ici en brandissant son épée et je pense qu’il est plein de mauvaises intentions.
– Laisse-le entrer, " dit le Prophète, paix et bénédiction sur lui.
ʿOmar, que Dieu soit satisfait de lui, s’approcha d’ʿUmayr, l’attrapa par les pans de son habit, pressa le dos de son glaive contre son cou et l’amena auprès du Prophète, paix et bénédiction sur lui.
Lorsque le Prophète, paix et bénédiction sur lui, vit ʿUmayr ainsi traité, il dit à Omar : " Relâche-le ! "
Puis il se tourna vers ʿUmayr et dit : " Approche. "
ʿUmayr s’approcha et dit :
" Anim Sabahan (salutation des Arabes au temps de la Jahiliyyah).
– Dieu nous a donné un salut bien meilleur que celui-là, ʿUmayr, dit le Prophète, paix et bénédiction sur lui, Dieu nous a donné un salut de paix, c’est le salut des gens du paradis. Pourquoi es-tu venu ? continua le prophète, paix et bénédiction sur lui.
– Je suis venu car j’avais l’intention de te demander de relâcher ton prisonnier, accède donc à ma demande.
– Et à quoi te sert donc ce glaive accroché à ton dos ? demanda le Prophète, paix et bénédiction sur lui. Dis-moi la vérité. Pourquoi es-tu venu ?
– Je ne suis venu que pour récupérer le prisonnier, répondit encore ʿUmayr.
– Non ! Safwân Ibn Umayyah et toi étiez assis près de la Kaʿbah vous remémorant vos compagnons morts et enterrés à Al-Qalib et tu as dit : "si je n’avais ni famille, ni dettes, j’irais tué Muhammad". Safwân alors a repris tes dettes à son compte et a promis de veiller sur ta famille en échange de ton accord pour me tuer. Mais Dieu est une barrière entre vous et vos intentions. "
ʿUmayr resta stupéfait puis dit :
" Je suis témoin que tu es le Messager de Dieu ! Nous avons pris l’habitude de rejeter tous les bienfaits que tu nous as apportés et toute révélation venue de toi. Mais ma conversation avec Safwân Ibn Ummayyah n’a été entendue de personne. Par Dieu, je suis certain que seul Dieu a pu te la faire connaître. Louange à Dieu qui m’a amené à toi, qu’Il me guide vers l’islam. "
Il attesta alors qu’il n’y a de Dieu qu’Allah et que Muhammad est le Messager d’Allah et il devint musulman. Ensuite le Prophète, paix et bénédiction sur lui, dit à ses compagnons : " Apprenez la religion à votre frère. Apprenez-lui le Coran et libérez son prisonnier. "
Les musulmans étaient ravis de la conversion d’ʿUmayr à l’islam. Même ʿOmar, que Dieu soit satisfait de lui, qui un jour avait dit que même un cochon lui était plus cher qu’ʿUmayr Ibn Wahb, vint auprès du Prophète, paix et bénédiction sur lui, et s’écria : " Aujourd’hui, il m’est plus cher que certains de mes propres enfants ! "
ʿUmayr passa beaucoup de temps à approfondir sa connaissance de l’islam et à remplir son cœur de la lumière du Coran. Il passa les journées les plus douces et les plus riches de sa vie à Médine loin de ce qu’il avait connu à la Mecque.
De son côté, à la Mecque, Safwân, plein d’espoir, dit aux Qurayshites : " Je vais bientôt vous donner une bonne nouvelle qui vous fera oublier les événements de Badr. "
Safwân attendit longtemps et au fur et à mesure que le temps passait, son angoisse croissait. Nerveux, il allait et demandait aux voyageurs s’ils avaient des nouvelles d’ʿUmayr Ibn Wahb, mais personne n’était capable de lui donner des nouvelles. Et puis un jour, un cavalier arriva et annonça qu’ʿUmayr était devenu musulman.
La nouvelle atteignit Safwân comme un coup de tonnerre. Il était sûr qu’ʿUmayr ne deviendrait jamais musulman et si lui le devenait, alors tout homme sur terre le deviendrait. " Plus jamais je ne lui parlerais et je ne ferais plus jamais rien pour lui ! " dit-il.
Pendant ce temps, ʿUmayr continuait à travailler d’arrache-pied afin d’acquérir une meilleure compréhension de sa religion et mémoriser ce qu’il pouvait des paroles de Dieu. Quand il sentit qu’il avait atteint un certain niveau d’assurance, il se rendit auprès du Prophète, paix et bénédiction sur lui, et lui dit :
" Ô Messager de Dieu, bien du temps a passé depuis que je tentais d’éteindre la lumière de Dieu et torturait tout ceux qui embrassaient l’islam. Aujourd’hui je voudrais que tu me donnes la permission de me rendre à la Mecque afin d’y inviter les Qurayshites à rejoindre les rangs de Dieu et de Son Messager. S’il l’accepte, tant mieux. S’il s’oppose à moi, je les harcèlerais comme j’avais l’habitude de harceler les compagnons du Prophète. "
Le Prophète, paix et bénédiction dur lui, donna son consentement et ʿUmayr partit pour la Mecque. Il se rendit aussitôt à la maison de Safwân Ibn Umayyah et dit :
" Safwân, tu es l’un des chefs de la Mecque et l’un des hommes les plus intelligents de la tribu de Quraysh. Penses-tu réellement que ces pierres que tu adores et auxquelles tu offres des sacrifices méritent d’être le fondement d’une religion ? Quant à moi je dis qu’il n’y a de Dieu qu’Allah et que Muhammad est le messager d’Allah. "
Bon nombre de Mecquois adhérèrent à l’islam à la suite de l’intervention d’ʿUmayr, sauf Safwân.
Plus tard, durant la libération de La Mecque, Safwân Ibn Umayyah tenta de fuir devant les forces musulmanes. Mais ʿUmayr obtint pour lui la grâce du Prophète — paix et bénédiction sur lui— ; il adhéra lui aussi à l’islam et se distingua par la suite à son service.
Traduit de "Companions of The Prophet", Vol. 1, de Abdul Wâhid Hâmid.
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