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Al-Qarawiyyîn : de la Mosquée à l’Université

jeudi 26 octobre 2006

La Mosquée Al-Qarawiyyîn vue du ciel

Fès, une ville double

Fès est une ville marocaine se distinguant par ses mosquées, ses marchés, ses places publiques, son architecture et ses traditions. À l’origine, deux villes coexistaient. La première fut fondée en 788 E.C. par l’Émir Idrîs Ibn ʿAbd Allâh Al-Hasanî, fondateur de la dynastie idrisside du Maroc, tandis que la seconde fut fondée par son fils, Idrîs II, vingt ans plus tard. La seconde cité, initialement appelée ʿÂliyah, changea progressivement de nom pour devenir Fès. Au fil des années, les deux villes grossirent, tant au niveau de leur superficie que de leur population et furent donc amenées à fusionner pour ne former qu’une seule ville, l’actuelle Fès. La cité était donc constituée de deux grands quartiers : le quartier des Andalous (en raison d’une communauté andalouse qui y était installée) et le quartier des Kairouanis ou Qarawiyyîn (en raison d’une forte communauté originaire de la ville tunisienne de Kairouan, Qayrawân en arabe). Les habitants de Qayrawân portent le nom arabe de Qayrawâniyyîn. Le quartier éponyme de la ville de Fès s’appelait donc en conséquence, le quartier des Qayrawâniyyîn. Puis, l’usage aidant, on allégea le terme qui devint le quartier des Qarawiyyîn.

La Mosquée des Nobles

En 808, le Roi Idrîs II du Maroc fit de la ville de Fès sa nouvelle capitale et le centre du royaume idrisside. Il y fit construire une nouvelle mosquée qu’il appela la Mosquée Ash-Shurafâ’, la Mosquée des Nobles. L’édifice étant situé dans le quartier des Kairouanis, il porta au final leur nom pour s’appeler Mosquée Al-Qarawiyyîn.

Le IXe siècle fut une ère de prospérité et de stabilité politique pour le Maroc idrisside. Du fait des nombreux immigrants arabo-berbères, sa population augmenta considérablement et Fès, la capitale, devint une grande métropole musulmane. Tout naturellement, la Mosquée Al-Qarawiyyîn devenait de plus en plus petite devant l’afflux de gens qui venaient y prier ou s’instruire.

timah Al-Fihriyyah

Parmi les nombreux immigrants arrivés à Fès, figurait un riche Arabe originaire de Kairouan et s’appelant Muhammad Ibn ʿAbd Allâh Al-Fihrî. Cet homme n’avait que deux filles, Fâtimah et Maryam à qui il s’efforça de donner la meilleure éducation. À sa mort, les deux sœurs se partagèrent sa fortune. Constatant l’étroitesse de la Mosquée Al-Qarawîyyîn, Fâtimah, surnommée Umm Al-Banîn, décida, au nom de son défunt père, de faire usage de son argent de la meilleure manière qui soit : financer la reconstruction et l’agrandissement de la Mosquée. Elle s’employa par ailleurs à acheter des terrains contigus à la Mosquée pour les lui léguer en tant que biens de mainmorte. C’était en 859. Fâtimah Al-Fihriyyah fit ainsi construire une perle architecturale destinée à devenir la Mosquée Al-Qarawiyyîn telle que nous la connaissons aujourd’hui. La Mosquée connut également des agrandissements ultérieurs sous le règne des Zénètes, avec la participation des Omeyyades andalous, puis sous le règne des Almoravides.

Il est à noter que la sœur de Fâtimah, Maryam, animée par la même générosité, en fit de même avec l’autre grande mosquée de la ville de Fès, la Mosquée Al-Ashyâkh, située dans le quartier des Andalous.

Un foyer de savoir

Même si les sources historiques ne permettent pas de dater précisément quand la Mosquée Al-Qarawiyyîn est devenue une Université, il demeure que son statut de grande mosquée impose que les savants qui la fréquentaient y donnaient des cours de religion et de sciences islamiques. Plus tard, en raison de l’importance qu’elle revêtait, tout fut organisé et mis en œuvre pour en faire une institution du savoir à part entière. On fit venir des professeurs et on y inscrivit des étudiants ; on fixa les disciplines enseignées et on en détermina les programmes ; on décerna des licences et on créa des chaires pour les enseignants ; et enfin, on dota la Mosquée d’une riche bibliothèque. Tous les ingrédients de l’Université étaient désormais réunis.

Très vite, une activité scientifique intense s’organisa à Fès autour de la Mosquée Al-Qarawiyyîn, animée par d’éminents savants fasis. Le prestige de Fès et de sa Mosquée ne tarda pas à concurrencer celui d’autres hauts lieux du savoir, à l’instar de Cordoue ou de Bagdad. Cette activité scientifique atteignit son apogée sous le règne des Almoravides, mais surtout sous le règne des Mérinides, qui firent de Fès et d’Al-Qarawiyyîn le joyau de l’Extrême-Occident musulman. C’est ainsi qu’on vit émerger de cette prestigieuse institution des géants de la pensée et de la philosophie islamique. Parmi tant d’autres citons l’historien Ibn Khaldûn, le médecin Ibn Rushd (Averroès), le philosophe Ibn Tufayl ou le mathématicien Ibn Al-Yâsamîn.

Pour atteindre ce résutlat, les sultans successifs du Maroc s’attachèrent à promouvoir la science, en créant un environnement favorable aussi bien aux étudiants en quête de savoir qu’aux professeurs dans l’exercice de leur mission. On fonda ainsi à Fès de nombreuses écoles dotées de bibliothèques et d’internats, afin que les étudiants puissent poursuivre leurs études dans un bien-être maximal. On parlerait aujourd’hui d’un complexe universitaite. Une fois sortis de ces écoles, les étudiants partaient ensuite à Al-Qarawiyyîn poursuivre leur cursus et parfaire leurs connaissances.

Cour intérerieure de la Mosquée

La bibliothèque d’Al-Qarawiyyîn

La bibliothèque d’Al-Qarawiyyîn est l’une des plus grandes bibliothèques du Maroc. Elle fut fondée en 1349 par le Sultan mérinide Abû ʿAnân Al-Marînî qui en fit construire les locaux dans la partie orientale de la cour intérieure de la Mosquée. Elle fut dotée d’un grand nombre d’ouvrages traitant des différents champs de la connaissance. À la fin du XVIe siècle, le Sultan saʿdite Ahmad Al-Mansûr As-Saʿdî déplaça la bibliothèque vers les bâtiments qu’elle occupe aujourd’hui. Comme beaucoup d’autres institutions similaires, l’Université Al-Qarawiyyîn doit son prestige et son influence séculaires en grande partie à cette bibliothèque riche d’ouvrages et de manuscrits, qu’on venait consulter des contrées les plus lointaines.

Parmi les manuscrits les plus rares et les plus célèbres que contient la bibliothèque d’Al-Qarawiyyîn, figurent des extraits du Muwatta’ de l’Imâm Mâlik, rédigés pour le Sultan almoravide Yûsuf Ibn Tâshfîn sur un parchemin en peau de gazelle. On y trouve également un manuscrit de la Sîrah d’Ibn Ishâq, datant de la fin du IXe siècle. C’est le manuscrit le plus ancien de la bibliothèque. On peut également y découvrir le manuscrit original des ʿIbar d’Ibn Khaldûn, que ce dernier avait écrit pour le compte du Sultan Abû Fâris Al-Marînî, et qui fut gracieusement offert à la bibliothèque d’Al-Qarawiyyîn en 1396.

Al-Qarawiyyîn et la société

La Mosquée, les savants, les étudiants, la bibliothèque et les écoles annexes d’Al-Qarawiyyîn étaient entièrement financés par des biens de mainmorte ou habous. C’était la garantie de l’indépendance de la prestigieuse Université. Car les rentes générées par ces biens de mainmorte permettaient d’assurer le logement et la nourriture des étudiants, les salaires des professeurs et des savants, l’entretien des locaux et l’achat de nouveaux livres pour la bibliothèque. En sus de tout cela, le Recteur d’Al-Qarawiyyîn était chargé de dépenser le surplus d’argent dans des projets de bienfaisance et d’aide aux personnes en difficulté.

Al-Qarawiyyîn poursuivit ainsi pendant de nombreux siècles sa mission grâce au peuple au service du peuple.

Toutefois, à l’époque du Protectorat français, la Mosquée Al-Qarawiyyîn et ses savants furent la cible des colonisateurs. Ceux-ci comprirent en effet que cette institution, désignée par le Maréchal Lyautey comme le haut-lieu de l’obscurantisme, en tant que garante de l’Islam au Maroc, ne pouvait que jouer un rôle hostile à leurs intérêts. Mais sitôt les Français partis, l’institution reprit ses droits au sein de la société marocaine, même si certaines parties, influencées tantôt par le colonialisme culturel et tantôt par l’abus de pouvoir, essaient de la museler.

P.-S.

Sources : le site de l’Organisation Islamique pour l’Éducation, les Sciences et la Culture (ISESCO), le site de l’Université Sidi Muhammad Ibn ʿAbd Allâh, Fès, et l’ouvrage de Sheikh ʿAbd Allâh Najîb Sâlim, Manârât Al-Hudâ fî Al-Ard (Les Phares de la guidance sur terre), disponible en ligne sur le site du Ministère koweïtien des Habous et des Affaires islamiques.

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