vendredi 15 septembre 2000
Le dernier Sultan de la dynastie ayyoubide, As-Sâlîh, avait constitué une armée d’esclaves achetés comme mercenaires, connus sous le nom de Mamelouks. La plupart de ces Mamelouks étaient turcs et afghans. Leurs pays d’origines furent frappés par les vagues d’invasion mongoles qui semèrent le chaos et le trouble dans les peuples musulmans. De nombreux enfants perdus furent capturés par les marchands d’esclaves. Les Sultans ayyoubides achetèrent beaucoup de ces enfants et formèrent une élite, bien éduquée, bien entraînée. Lorsque la dynastie ayyoubide s’affaiblit, l’un des Mamelouks prit le relais et dirigea l’Égypte et la Syrie. Ce Mamelouk en question est Sayf Ad-Dîn Qutuz. Arrivé au pouvoir, il devait faire face aux Mongols qui après avoir détruit le califat à Bagdad, ils massacrèrent une grande partie du peuple musulman local et se dirigèrent vers les villes syriennes comme Alep, Hims et Damas.
Les Mongols profitèrent de la situation agonisante de la dynastie ayyoubide et envoyèrent des émissaires menacer Qutuz avec la guerre s’il ne cédait pas pacifiquement ce qui restait du sultanat (Égypte et Palestine). Qutuz refusa. L’un des savants les plus éminents de l’islam, surnommé le sultan des savants, Al-ʿIzz Ibn ʿAbd As-Salâm, dit à Qutuz d’utiliser les biens de l’élite gouvernant le sultanat pour bâtir une armée puissante. Qutuz se soumit à la proposition du sultan des savants et appela le peuple Égyptien à faire la guerre sainte (Jihâd) contre les Mongols.
Il prépara une armée, commandée par l’élite des officiers Mamelouks et essentiellement constituée de paysans Égyptiens et des Syriens qui ont fui après l’invasion mongole. L’affront eut lieu au Nord de la Palestine. Dans la bataille décisive de ʿAyn Jâlût, l’armée musulmane fut victorieuse des troupes mongoles dont le commandant, Kitbûgha, fut tué. Ce fut la première défaite des Mongoles qui se retirèrent alors du reste de la Syrie. Ainsi, Qutuz devint le Sultan d’Égypte et de Syrie.
Le califat islamique a toujours été perçu comme un symbole de l’union de la communauté musulmane. Suite à la destruction du califat abbasside à Bagdad et la défaite des mongoles à ʿAyn Jâlût, le 2e sultan Mamelouk, Adh-Dhâhir Baybars invita la famille abbasside à s’installer au Caire. Ce mouvement fut accompagné par l’émigration de nombreux savants de l’Est vers l’Égypte et parfois vers la Syrie. En parallèle à ce flux de savants venant de l’Est, un autre flux s’ajouta, mais cette fois venant de l’Ouest. De nombreux émirats andalous furent sous un règne chrétien entre 1236 et 1261, par conséquent des Ecoles islamiques à Qurtuba (Cordoba), Qartâjah (Cartagena), Ishbiliyya (Seville) et Balansiyya (Valencia) furent détruites. L’Égypte, première puissance islamique de l’époque, attira les flux de savants fuyant l’occident.
Sous le règne fatimide, la renommée d’Al-Azhar était encore limitée. D’une part, de nombreux musulmans portaient un regard péjoratif sur les Fatimides et, d’autre part, les écoles islamiques de Bagdad constituaient d’excellents centres d’enseignement islamiques, où l’on comptait des savants du calibre de Abû Hâmid Al-Ghazâli (appelé également l’Argument de l’islam), Abû Ishâq Al-Isfarâ’înî, Al-Juwaini, Abû Bakr Al-Baqilânî.
Sous le règne des Ayyoubides, l’enseignement sunnite fut établi à l’université d’Al-Azhar et la construction de nombreuses écoles islamiques en Égypte empêcha Al-Azhar de monopoliser l’enseignement. Il était vu comme l’une des nombreuses Ecoles islamiques existant en Égypte, Iraq, Syrie ou Andalousie sans autre distinction.
Sous le règne du second sultan Mamelouk, et grâce aux efforts du vice Sultan ʿIzz Ad-Dîn Aydmer, Al-Azhar connut une véritable renaissance et devint le centre intellectuel et religieux le plus brillant du monde musulman. Aydmer vivait dans un palais près d’Al-Azhar. Il proposa à Baybars un projet de restauration et d’agrandissement de la mosquée. Le Sultan apprécia cette idée et fournit à Aydmer les fonds nécessaires pour la remettre à neuf. De nombreux princes Mamelouks apportèrent leur soutien financier à ce projet. La prière du vendredi fut dirigée de nouveau à Al-Azhar. Il encouragea les savants les plus brillants à y enseigner. Grâce aux efforts soutenus d’Aydmer et au flux des savants venus de tous le monde musulman, la mosquée-université atteignit le paroxysme de sa gloire.
Al-Azhar devint alors le premier centre pour les études islamiques. Il accueillit des étudiants Égyptiens, Syriens, mais aussi des Maghrébins, des Persans et Érythréens. Pendant le mois de Ramadân, les traditions du prophète - paix et bénédictions sur lui - compilées par l’Imâm Al-Bukhâri étaient enseignées à la mosquée. Assistaient à ces séances les princes Mamelouks. La Mosquée devint le centre d’information publique si bien que les déclarations du Sultan Mamelouk étaient faites à la mosquée.
Les Mamelouks dotèrent l’illustre université d’une administration. Ils choisirent un prince Mamelouk pour la diriger. Il occupa le poste de Nadhir Al-Azhar (i.e. le recteur d’Al-Azhar). Al-Azhar devint également un lieu du rassemblement du peuple chaque fois qu’un événement important survenait. Aux temps des pénuries, les Égyptiens s’y réunissaient soit pour écouter les ordres du sultan soit pour participer aux invocations des savants.
Al-Azhar fut rénové à plusieurs reprises sous le règne Mamelouk. Le premier projet de rénovation fut mené par ʿIzz Ad-Dîn Aydmer, soutenu financièrement par les princes Mamelouks pour développer la mosquée.
En 1302, un tremblement de terre frappa l’Égypte et la Syrie. De sérieux dommages furent enregistrés dans de nombreuses mosquées du Caire. Les princes Mamelouks et le sultan An-Nâsir Muhammad Ibn Qalawûn se sont partagés la reconstruction des mosquées. Chaque prince avait à sa charge la reconstruction d’une mosquée. Al-Azhar fut reconstruit par le prince Salart.
En 1325, le juge Najm Ad-Dîn As-S’ardi rénova les bâtiments d’Al-Azhar à ses propres frais. En 1360, sous le règne du Sultan Hasan Ibn Muhammad Ibn Qalawûn, de nombreuses parties furent rénovées sous la direction du prince At-Tawâshi Bashîr Al-Jamdar. Il agrandit Al-Azhar en construisant de nouveaux bâtiments pour l’éducation des orphelins et un restaurant gratuit pour les étudiants pauvres d’Al-Azhar.
En 1424, le minaret d’Al-Azhar devait être reconstruit. Le Sultan Adh-Dhâhir Barqûq démolit l’ancien minaret et construisit un nouveau minaret, qui existe encore aujourd’hui.
Entre 1468 et 1496, l’Égypte était gouvernée par le Sultan Al-Ashraf Qaytbay. Ce Sultan prit un soin exceptionnel d’Al-Azhar au point de se déguiser en étudiant maghrébin pour inspecter discrètement l’enseignement à Al-Azhar. Qaytbay construisit plusieurs portes à Al-Azhar, un minaret et des containers d’eau.
Les Sultans Mamelouks bâtirent de nombreuses écoles autour d’Al-Azhar afin d’accueillir les effectifs croissants des étudiants azharites.
École Taybarsiyya : Construite par le chef de l’armée le Prince ʿAlâ’ Ad-Dîn Taybars al-Khazindârî en 1310. Elle était dédiée à l’enseignement de la jurisprudence shafiite.
École Aqub-ghawiyya : Construite par le Prince ʿAlâ’ Ad-Dîn Aqub-gha en 1340, à la place du palais du prince Aydmer. On y étudiait la jurisprudence shafiite et hanbalite.
École Jawhariyya : Construite par le Prince Jawhar Al-Qanqibâ’î en 1441.
Sous le règne malûk, la plupart des savants les plus renommés enseignèrent à la mosquée et université d’Al-Azhar ou du moins la visitèrent. L’intérêt premier accordé à Al-Azhar par les princes Mamelouks lui permit de devenir le premier centre intellectuel musulman. À cette époque, l’enseignement y était clairement défini.
Parmi les savants qui enseignèrent sous le règne
des Mamelouks, on cite :
L’idée de délivrer des certificats aux étudiants d’Al-Azhar commença sous les Mamelouks. Le mot arabe Ijâzah signifie "autorisation" et renvoie à l’habilitation d’un étudiant par un savant reconnu. Trois types de Ijâzah furent délivrés à Al-Azhar. Le premier : Ijâzat Al-Futyâ wat-Tadrîs permettait à son détenteur d’enseigner la jurisprudence dans une école islamique en Égypte, voire à Al-Azhar. Le deuxième : Ijâzah bi ʿIrâdat Al-Kutub, témoignant à son détenteur de sa parfaite mémorisation et maîtrise des ouvrages de référence. Enfin, Ijâzah bil-Marwiyât ʿalâ Al-Istidʿâ’ât, attestation délivrée par un savant distingué d’Al-Azhar à un savant vivant à l’extérieur de l’Égypte, après une analyse détaillée de ses écrits.
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