samedi 18 mai 2002
Noir, grand et robuste, Muhammad Ibn Maslamah surpassait en taille tous ses contemporains. Il était parmi les compagnons du Prophète — paix et bénédictions sur lui — tel un géant, grand par la taille et grand par les actes
Son prénom - Muhammad - à lui seul est déjà tout un symbole, car il portait déjà ce prénom avant même de se convertir à l’islam. Il fut l’un des premiers habitants de Yathrib à devenir musulman et à suivre les enseignements du grand Prophète — paix et bénédictions sur lui —. Et de fait, le prénom de Muhammad était pratiquement inconnu à l’époque où le Prophète — paix et bénédictions sur lui — commençait à encourager les musulmans à prendre son nom au point que ce dernier devînt le prénom le plus répandu du monde.
Muhammad Ibn Maslamah était un halîf, un allié de la tribu des Aws de Médine et donc n’était pas lui-même arabe. Il devint musulman grâce à Musʿab Ibn ʿUmayr, le premier missionnaire envoyé par le Prophète — paix et bénédictions sur lui — de La Mecque à Médine. Il adhéra à l’islam avant Usayd Ibn Idayr et Saʿd Ibn Muʿâdh, hommes influents de la cité.
Lorsque le Prophète — paix et bénédictions sur lui — arriva à Médine, il opta pour la seule méthode capable de renforcer les liens de fraternité entre les Muhâjirîn (Emigrés) et les Ansâr (Auxiliaires). Il donna à chaque Mujâhir un frère parmi les Ansâr. Cet arrangement permit donc de répondre aux besoins immédiats des Muhâjirîn en leur procurant abri et nourriture et créa une communauté de croyants fortement soudée.
Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — était un fin observateur des caractères et des tempéraments et avait à cœur d’unir dans la fraternité des personnes aux habitudes et aux goûts similaires. Il scella donc une fraternité entre Muhammad Ibn Maslamah et Abû ʿUbaydah Ibn Al-Jarrâh. Comme Abû ʿUbaydah, Muhammad Ibn Maslamah était posé et pensif et avait un grand sens de la fidélité et de la dévotion. Il était brave et résolu dans l’action. C’était un cavalier hors-pair qui mit de nombreux actes héroïques à son actif et se sacrifia de nombreuses fois pour l’islam.
Muhammad Ibn Maslamah prit part à toutes les batailles auprès du Prophète — paix et bénédictions sur lui — sauf à la bataille de Tabûk. À cette occasion, ʿAli et lui furent chargés de protéger Médine. Plus tard, il racontera souvent des scènes de combat à ses dix enfants.
Il y eut de nombreux moments dans la vie de Muhammad Ibn Maslamah qui montrèrent à quel point il était digne d’une grande confiance. Avant le début des hostilités qui aboutirent à la bataille de Uhud, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — et les forces musulmanes fortes d’environ 700 hommes passèrent la nui à ciel ouvert. Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — plaça 50 hommes sous le commandement de Muhammad Ibn Maslamah et le chargea de patrouiller dans le camp toute la nuit. Durant la bataille elle-même, après la désastreuse déroute des musulmans durant laquelle quelque 70 musulmans perdirent la vie et bon nombre durent fuir, un petit groupe de braves fidèles défendirent le Prophète — paix et bénédictions sur lui — jusqu’à ce que l’issue de la bataille ne s’inverse. Muhammad Ibn Maslamah était parmi eux.
Muhammad Ibn Maslamah était prompt à répondre à l’appel à l’action. Un jour il était là, écoutant le Prophète — paix et bénédictions sur lui — parler aux musulmans des intentions de certains chefs juifs de la région.
Aux premiers temps de son installation à Médine, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — avait conclu des pactes avec les juifs stipulant que : " Les juifs qui se rallient d’eux-mêmes à notre communauté devront être protégés des insultes et du harcèlement. Ils auront les mêmes droits que notre peuple à notre assistance … Ils se joindront aux musulmans pour défendre Médine … Ils ne déclareront pas la guerre aux musulmans et ne scelleront pas d’alliance contre eux. "
Certains chefs juifs avaient violé ce pacte en encourageant les Qurayshites et les tribus des alentours de Médine dans leur dessein contre les musulmans. Ils étaient également enclins à semer la discorde entre les gens de Médine afin d’affaiblir l’influence de l’islam.
Après l’éclatante victoire des musulmans sur les Qurayshites, lors de la bataille de Badr, la colère s’empara de l’une des trois principales tribus juives de Médine, les Banû Qaynuqâʿ. Ils lancèrent un défi au Prophète — paix et bénédictions sur lui —. Ils lui dirent : " Ô Muhammad, penses-tu réellement que nous sommes comme ces gens (les Qurayshites) ? Ne t’y trompe pas ! Tu as combattu des gens qui ne connaissaient rien à la guerre et tu les as battus. Quand tu nous combattras, tu sauras que nous sommes des hommes ! "
Ils rompirent le pacte et défièrent le Prophète — paix et bénédictions sur lui — au combat. Or, les Banû Qaynuqâʿ étaient des orfèvres dominant le marché de Médine. Ils ne pouvaient mener ce combat sans l’aide de leurs alliés, les Khazraj. Mais les Khazraj refusèrent de combattre. Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — assiégea les quartiers de Banû Qaynuqâʿ pendant plus de 15 jours. Les Banû Qaynuqâʿ, pusillanimes, finirent par se rendre et demandèrent au Prophète — paix et bénédictions sur lui — de les laisser partir de Médine.
Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — les laissa partir et la tribu, hommes, femmes et enfants, quitta la ville totalement désarmés. Ils durent abandonner leurs armes et leur matériel d’orfèvrerie. Ils s’installèrent à Adhraat en Syrie.
Le départ des Banî Qaynuqâʿ n’amenuisa en rien les sentiments d’animosité des juifs envers le Prophète — paix et bénédictions sur lui — même si les traités de non-agression étaient toujours en vigueur. Kaʿb Ibn Al-Ashraf était l’un de ceux qui haïssaient le plus le Prophète — paix et bénédictions sur lui — et les musulmans et laissait libre cours à sa rage.
Le père de Kaʿb était en fait un arabe qui avait fui Médine après y avoir commis un crime. Dans sa fuite il s’allia aux Banû An-Nadir, une autre tribu juive importante ; il y épousa une jeune femme juive nommée Aqilah Bint Abû-l-Haqiq qui devint la mère de Kaʿb.
Kaʿb était un homme grand et impressionnant. C’était un poète connu ainsi que l’un des hommes les plus riches de la communauté juive. Il vivait dans un palais dans les faubourgs de Médine où il possédait d’immenses palmeraies. Il était considéré comme un chef important des juifs au sein du Hijaz. Il fournissait aide et soutien à de nombreux rabbins juifs.
Kaʿb était ouvertement hostile à l’islam. Il raillait le Prophète — paix et bénédictions sur lui — entachait la réputation des femmes musulmanes dans ses vers et incitait les tribus à l’intérieur et autour de Médine à se soulever contre le Prophète — paix et bénédictions sur lui — et l’islam. Il fut particulièrement affligé lorsque lui parvint la nouvelle de la victoire des troupes musulmanes lors de la bataille de Badr. Lorsqu’il vit l’armée revenir avec des prisonniers qurayshites, des sentiments d’amertume et de rage l’envahirent. Il décida d’entreprendre le long voyage jusqu’à La Mecque pour exprimer ses griefs et convaincre les Qurayshites de se venger. Il se rendit également ailleurs, de tribus en tribus, poussant les hommes à prendre les armes et à se soulever contre le Prophète — paix et bénédictions sur lui —. La nouvelle de ses activités atteignit le Prophète — paix et bénédictions sur lui — qui pria : " Ô Seigneur, délivre-moi du fils de Ashfar, si tu le veux ! "
Kaʿb représentait dorénavant un véritable danger pour le climat de paix et de confiance mutuelle que le Prophète — paix et bénédictions sur lui — avait réussi à faire régner à Médine.
Kaʿb revint à Médine et continua ses attaques verbales envers le Prophète — paix et bénédictions sur lui — et ses calomnies envers les femmes musulmanes. Il refusa, malgré l’avertissement du Prophète — paix et bénédictions sur lui — d’arrêter son ignoble campagne de dénigrement et ses sinistres intrigues. Il n’avait qu’un but : fomenter une révolte contre le Prophète — paix et bénédictions sur lui — et les musulmans de Médine. Kaʿb avait ainsi ouvertement déclarer la guerre au Prophète — paix et bénédictions sur lui —. Il était dangereux et se voulait l’ennemi public pour l’Etat musulman naissant. Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — était exaspéré par cette attitude, aussi dit-il aux musulmans : " Qui va se charger de Kaʿb Ibn Al-Ashraf ? Il a offensé Dieu et Son messager. "
" Moi, je vais m’en charger pour toi, ô Messager de Dieu !" dit Muhammad Ibn Maslamah.
Mais ce n’était pas là une tâche facile. Muhammad Ibn Maslamah, selon les dires de certains, retourna chez lui et resta trois jours sans manger ni boire, passant tout son temps à penser à ce qu’il devait faire. Le Prophète — paix et bénédictions sur lui —, l’apprit, l’appela à lui et lui demanda pourquoi il ne mangeait pas et pourquoi il ne buvait pas. Il répondit : " Ô Messager de Dieu, je me suis engagé envers toi, mais je ne sais si je pourrais tenir mon engagement.
— Ton devoir est d’essayer du mieux que tu peux ! " répondit le Prophète — paix et bénédictions sur lui —.
Muhammad Ibn Maslamah se rendit alors auprès d’autres compagnons du Prophète — paix et bénédictions sur lui — et les informa de ce qu’il s’était engagé à faire. Parmi ces compagnons se trouvait Abû Nailah, un frère de lait de Kaʿb Ibn Al-Ashraf. Ils acceptèrent tous de l’aider et il établit un plan pour mener à bien sa mission. Ils retournèrent alors auprès du Prophète — paix et bénédictions sur lui — pour recueillir son assentiment, car le plan prévoyait d’attirer Kaʿb hors de sa forteresse par quelque ruse. Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — donna son autorisation sur le principe que la guerre implique la ruse.
Muhammad Ibn Maslamah, qui était en fait un neveu de lait de Kaʿb et Abû Nailah se rendirent dans sa résidence. Muhammad Ibn Maslamah fut le premier à parler : " Cet homme (il désignait ainsi le Prophète — paix et bénédictions sur lui —. nous a demandé de faire la sadaqah (l’aumône) et nous n’avons même pas de quoi manger. Il nous opprime avec ses lois et ses interdits et j’ai pensé que je pouvais te demander un prêt.
— Par Dieu, j’ai bien des motifs moi aussi pour lui en vouloir !, confessa Kaʿb.
— Nous l’avons suivi et nous ne voulons pas le quitter avant d’avoir vu comment tout cela se terminera. Nous voudrions te demander de nous prêter une ou deux mesures d’or, continua Muhammad Ibn Maslamah.
— N’est-il pas temps que vous vous rendiez enfin compte du nombre de mensonges vous avez acceptés de lui ? demanda Kaʿb en leur promettant de leur accorder un prêt. Toutefois, il vous faudra me donner une garantie pour ce prêt, ajouta-t-il.
— Quelle garantie veux-tu ?, demandèrent-ils.
— Donnez-moi vos femmes en garantie, suggéra-t-il.
— Comment pourrions-nous te donner nos femmes, en garantie, alors que tu es le plus séduisant des arabes !, rétorquèrent-ils.
— Donnez-moi vos enfants, alors, suggéra Kaʿb.
— Comment pourrions-nous te donner nos enfants, alors qu’ils seraient ridiculisés d’avoir été otages pour une ou deux mesures d’or. Ce serait une honte pour eux. Mais nous pourrions te donner ce qui assure notre protection (à savoir les armes) et tu sais que nous en avons besoin. "
Kaʿb accepta cette suggestion, qu’ils avaient faite afin de l’abuser et de lui faire croire qu’ils étaient venus désarmés. Ils promirent donc de revenir pour lui apporter leurs armes.
Puis ce fut au tour de Abû Nailah de parler." Honte sur toi, Ibn Ashraf. Je suis venu pour te parler et tu ne m’as pas encouragé. " Kaʿb lui demanda de parler et Abû Nailah dit : "La venue de cet homme a été pour nous et nos habitudes arabes une source d’affliction permanente. En un seul coup il a condamné nos habitudes et laissé nos familles dans la faim et les peines. Nos familles et nous-mêmes sommes réellement en difficulté.
— Moi, Ibn Al-Ashraf, dit Kaʿb, par Dieu, je t’ai dit, fils de Salamah, que l’affaire allait se finir comme je l’avais prévu.
— Je souhaiterais que tu puisses nous vendre quelque nourriture et nous te donnerons toutes les garanties que tu veux. Sois bon envers nous. J’ai des amis qui partagent mon point de vue et je vais te les amener pour que tu puisses leur vendre de la nourriture et les traiter avec bonté. Nous viendrons à toi et te donnerons nos boucliers et nos armes en garantie.
— Les armes sont loyales et dignes de confiance, acquiesça Kaʿb. "
Ils le quittèrent alors promettant de revenir et de ramener les garanties pour le prêt. Ils retournèrent auprès du Prophète — paix et bénédictions sur lui — et lui racontèrent leur conversation. Cette nuit-là, Muhammad Ibn Maslamah, Abû Nailah, ʿAbbâd Ibn Bisr, Al-Hârith Ibn Aws et Abû Abasah Ibn Jabr se dirigèrent ensemble vers la maison de Kaʿb. Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — les accompagna un peu et les quitta sur ces mots : " Allez, au nom de Dieu ! " Puis il pria : " Ô Seigneur, aide-les ! " Et le Prophète — paix et bénédictions sur lui — retourna chez lui. C’était une nuit de pleine lune du mois de Rabîʿ Al-Awwal de la troisième année de l’Hégire.
Muhammad Ibn Maslamah et ses quatre compagnons arrivèrent à la maison de Kaʿb. Ils l’appelèrent. Il sortit du lit, mais sa femme le retint et l’avertit : " Tu es un homme en guerre. Les gens en guerre ne sortent pas à cette heure de la nuit.
— Mais ce ne sont que mon neveu Muhammad Ibn Maslamah et mon frère de lait, Abû Nailah, répondit Kaʿb"
Kaʿb descendit, son épée hors du fourreau. Il était fortement parfumé au musc. " Je n’ai jamais senti un aussi bon parfum, dit Muhammad Ibn Maslamah, laisse moi sentir ta tête ! "
Kaʿb accepta et comme Muhammad se penchait sur lui, il lui attrapa la tête et appela les autres à la rescousse pour abattre l’ennemi de Dieu. (Certains détails de l’incident varient quelque peu selon les narrateurs. Certains disent que ce fut Abû Nailah qui donna l’ordre d’abattre Kaʿb et que cela s’était passé après que Kaʿb fut sorti de chez lui et eut marché quelque temps en leur compagnie)
L’élimination de Kaʿb Ibn Al-Ashraf sema la terreur dans le cœur de ceux qui complotaient et fomentaient des intrigues contre le Prophète — paix et bénédictions sur lui — - et ils étaient nombreux à Médine. L’hostilité, telle que Kaʿb l’avait manifestée, certes diminua mais ne cessa pas.
Au début de la quatrième année de l’Hégire, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — se rendit auprès de la tribu juive des Banu An-Nadîr dans les faubourgs de Médine pour leur demander leur aide. Pendant qu’il était chez eux, il se rendit compte qu’il planifiait de le tuer. Il dut alors se résoudre à une action décisive. Les Banu An-Nadîr avaient dépassé les limites. Aussitôt le Prophète — paix et bénédictions sur lui — se rendit au centre de la cité. Il convoqua Muhammad Ibn Maslamah et l’envoya informer les Banu An-Nadîr qu’ils devaient quitter la ville dans les dix jours en raison de leur trahison et que quiconque serait aperçu par la suite dans Médine le paierait de sa vie.
On peut imaginer comment Muhammad Ibn Maslamah s’adressa aux Banu An-Nadîr. Sa haute stature et sa voix claire et forte convainquirent sans détours les Banu An-Nadîr du fait que le Prophète — paix et bénédictions sur lui — pensait chaque mot qu’il avait prononcé et qu’ils auraient à répondre de leurs actes trompeurs. Le fait que le Prophète — paix et bénédictions sur lui — choisit Muhammad Ibn Maslamah pour cette charge est une preuve de sa loyauté, de son courage et de sa détermination.
Les détails de l’expulsion des Banu An-Nadîr de Médine, leur plan pour résister au Prophète — paix et bénédictions sur lui — avec un soutien extérieur, le siège de leur quartier par le Prophète — paix et bénédictions sur lui — leur défaite et enfin leur évacuation vers Khaybar au Nord, sont ici hors de propos. Deux personnes de la tribu des Nadîr se convertirent à l’islam à cette occasion - Yamin Ibn ʿUmayr et Abû Saʿd Ibn Wahb. Ces événements se produisirent exactement un an après l’élimination de Kaʿb Ibn Al-Ashraf.
Tant à l’époque du Prophète — paix et bénédictions sur lui — qu’après, Muhammad Ibn Maslamah était connu pour accomplir jusqu’au bout toutes les tâches qu’on lui confiait et ce, jusque dans les plus fins détails, n’en faisant ni trop ni trop peu. Ce furent donc ces qualités qui firent que notre maître ʿOmar Ibn Al-Khattâb, que Dieu soit satisfait de lui, le choisit comme ministre, comme ami et comme guide.
Lorsque ʿAmr Ibn Al-ʿÂs demanda des renforts durant son expédition en Égypte, ʿOmar, que Dieu soit satisfait de lui, envoya quatre détachements de 1000 hommes chacun. Muhammad Ibn Maslamah, Az-Zubayr Ibn Al-Awwam, Ubadah Ibn as-Samit et Al-Miqdad Ibn Al-Aswad étaient à la tête de ces quatre détachements. ʿOmar, que Dieu soit satisfait de lui, envoya le message suivant à ʿAmr : " Je te rappelle que je t’envoie Muhammad Ibn Maslamah pour qu’il t’aide à distribuer tes richesses. Loge-le et pardonne toute rudesse de sa part envers toi. "
Ibn Maslamah rejoignit ʿAmr à Fustat (une ville située près de l’actuel Caire). Il s’assit à sa table mais ne toucha pas la nourriture. ʿAmr lui demanda : " Est-ce que ʿOmar t’a-t-il défendu de manger de ma nourriture ? "
— Non, répondit Ibn Maslamah, il ne me l’a pas défendu mais il ne m’a pas ordonné d’en manger non plus. "
Il plaça alors une grosse tranche de pain sur la table et la mangea avec du sel. ʿAmr en fut triste et dit : " Que Dieu mette fin à cette époque où nous devons travailler pour Omar Ibn Al-Khattâb ! J’ai été témoin d’une époque où Al-Khattâb et son fils ʿOmar erraient vêtus de haillons qui les couvraient à peine alors que Al-Âs Ibn Wail (le père de ʿAmr) portait du brocard tissé d’or…
— Quant à ton père et celui de ʿOmar, ils sont en enfer, rétorqua Muhammad Ibn Maslamah, car ils n’ont pas adhéré à l’islam. Quant à toi, si Omar ne t’avait pas nommé, tu te serais satisfait de ce que tu retirais des mamelles brebis, continua Muhammad, cherchant visiblement à extirper de l’esprit de ʿAmr toute velléité de se croire supérieur du fait de sa charge de gouverneur d’Égypte.
— Toute réunion doit être conduite sur base de la confiance, dit ʿAmr tentant de faire diversion, mais Muhammad répliqua : " certes, tant qu’Omar sera vivant ".
Il voulait graver dans l’esprit des gens la justice exemplaire de ʿOmar, que Dieu soit satisfait de lui, et de l’enseignement égalitaire de l’islam. Muhammad Ibn Maslamah était un véritable barrage pour tout comportement arrogant et prétentieux.
À une autre occasion, ʿOmar, que Dieu soit satisfait de lui, entendit dire que Saʿd Ibn Abî Waqqâs se faisait construire un palais à Kûfah. ʿOmar, que Dieu soit satisfait de lui, envoya Muhammad Ibn Maslamah s’occuper de l’affaire. En arrivant à Kûfah, Muhammad brûla le palais sans tarder. On ne sait ce qui surprit davantage le peuple : les instructions de ʿOmar, que Dieu soit satisfait de lui, ou l’humiliation de Saʿd Ibn Abî Waqqâs, le célèbre guerrier, conquérant de Qadisiyyah et récompensé par le Prophète — paix et bénédictions sur lui — lui-même pour ses sacrifices durant la bataille de Uhud.
Saʿd ne dit pas un mot. Ceci faisait partie du grand processus d’autocritique et de correction immédiate qui permit à l’islam de se répandre et de reposer sur des bases de justice et de piété.
Muhammad servit fidèlement le successeur de ʿOmar, que Dieu soit satisfait de lui, ʿUthmân Ibn ʿAffân, que Dieu soit satisfait de lui. Lorsque ce dernier fut assassiné et que la guerre civile éclata entre les musulmans, Muhammad Ibn Maslamah n’y participa pas. Il cassa délibérément le glaive qu’il avait toujours utilisé et qui lui avait été donné par le Prophète — paix et bénédictions sur lui — en personne. À l’époque du Prophète — paix et bénédictions sur lui — il était connu comme "le chevalier du Prophète ". En refusant d’utiliser son épée contre les musulmans, il conserva sa réputation intacte.
Par la suite, il fabriqua un glaive en bois. Il le mit dans un fourreau et le pendit au mur. Lorsqu’on lui parlait de lui, il disait : " Je l’ai mis là pour effrayer les gens. " Muhammad Ibn Maslamah mourut à Médine au mois de Safar de la 46ème année de l’Hégire. Il avait soixante-dix ans.
Traduit de "Companions of The Prophet", Vol. 1, de Abdul Wâhid Hâmid.
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