mardi 13 juin 2006
Les Quraysh redoutaient beaucoup que le Prophète — paix et bénédictions sur lui — émigre à Yathrib. Les musulmans y étaient devenus tellement nombreux qu’ils commencaient à y avoir la main haute, notamment avec l’arrivée des émigrants de la Mecque.
Si le Prophète — paix et bénédictions sur lui — les rejoignait, il n’était pas exclu que les musulmans attaquent la Mecque ou qu’ils coupent la route à son commerce caravanier vers la Syrie. Si les Quraysh le retenaient à la Mecque et l’empêchaient d’émigrer, les musulmans se révolteraient probablement et penseraient attaquer la Mecque en vue de libérer leur prophète. S’ils le tuaient, les Banû Hâshim et les Banû Al-Muttalib se soulèveraient et chercheraient à le venger, ce qui menace d’une guerre civile aux conséquences inconnues...
Les chefs de la Mecque se réunirent donc à Dâr An-Nadwah pour discuter de cette affaire. Ils s’accordèrent unanimement sur l’idée de choisir un jeune homme robuste de chaque tribu à qui ils donneraient une épée tranchante. Tous ensemble ces jeunes élus frapperaient Muhammad comme un seul homme de manière à ce que la vengeance contre un grand nombre de tribus devienne impossible. Dans ce cas, les Banû Hâshim et les Banû Al-Muttalib n’auraient plus qu’à accepter le prix de sang. Les Quraysh pourraient enfin se reposer et la Mecque retrouverait son prestige et son unité.
Par ailleurs, Abû Bakr s’apprêtait à émigrer lorsque le Prophète — paix et bénédictions sur lui — lui dit : « Patience ! J’espère avoir la permission [d’émigrer] prochainement. » Abû Bakr demanda : « L’espères-tu vraiment ? » Le Prophète répondit par l’affirmative. Abû Bakr reporta alors son voyage afin d’accompagner le Prophète — paix et bénédictions sur lui —. De même, il se chargea quatre mois durant de nourrir de feuilles d’acacia deux chamelles qu’il possédait. [1]
Allâh — Exalté soit-Il — informa Son Messager — paix et bénédictions sur lui — du complot que préparaient les Quraysh pour l’assassiner et lui donna l’autorisation d’émigrer. ʿÂ’ishah — qu’Allâh l’agrée — raconte à cet effet : « Pas un jour ne passait sans que le Prophète — paix et bénédictions sur lui — ne vienne rendre visite à Abû Bakr à l’une des deux extrémités du jour. Quand il fut autorisé à émigrer, nous eûmes peur en le voyant arriver à midi. Quand Abû Bakr fut informé de la visite du Prophète, il dit : “Seule une affaire importante pousserait le Prophète — paix et bénédictions sur lui — à venir à cette heure.” Aussitôt que le Prophète le vit, il lui dit : “Fais sortir les gens se trouvant chez toi !” Abû Bakr répondit : “Ô Messager d’Allâh ! Il n’y a que mes deux filles.” Le Prophète lui demanda : “As-tu su qu’il m’a été permis de sortir ?” Abû Bakr répondit : “La compagnie ô Messager d’Allâh !” Le Prophète acquiesça : “La compagnie !” Abû Bakr dit : “Ô Messager d’Allâh, j’ai préparé deux chamelles pour le voyage, prends-en une !” Le Prophète répondit : “Je la prends contre son prix...” » [2]
Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — et Abû Bakr louèrent les services d’un guide chevronné des Banû Ad-Dîl. Sentant qu’ils pouvaient lui faire confiance, ils lui laissèrent leurs chamelles et lui donnèrent rendez-vous dans trois nuits, à la grotte de Thawr. [3]
Par ailleurs, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — ordonna à ʿAlî Ibn Abî Tâlib de se coucher dans son lit et de se couvrir par son manteau. Il lui dit : “ʿAlî, il ne t’arrivera aucun mal.” . Puis, il lui commanda de rester à la Mecque trois jours après son départ afin de retourner en son nom les dépôts à qui de droit.
ʿAlî se coucha donc dans le lit du Prophète — paix et bénédictions sur lui — et on rapporte à cet effet, qu’Allâh — Exalté soit-Il — dit à Gabriel et à Mikaël — paix sur eux — : « J’ai fait de vous des frères, et J’ai fait en sorte que la vie de l’un d’entre vous soit plus longue que celle de l’autre. Qui d’entre vous préfèrerait que la vie de son compagnon soit plus longue que la sienne ? » Les deux choisirent la vie la plus longue. Allâh leur révéla alors : « N’aimeriez-vous pas être comme ʿAlî Ibn Abî Tâlib ?! J’ai fait de lui et de Muhammad des frères, alors il s’est couché dans son lit, sacrifiant ainsi sa vie pour lui et le préférant à sa propre personne. Descendez donc sur terre et protégez-le. » [4]
Gabriel et Mikaël descendirent alors protéger ʿAlî Ibn Abî Tâlib contre les mécréants de la Mecque. [5] Pendant que celui-ci dormait sur le lit du Prophète, les gens regardaient par les fentes de la porte et croyaient que la personne dormant sur le lit était Muhammad Ibn ʿAbd Allâh. Puis le moment venu, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — sortit de chez lui, ramassa une poignée de terre et en versa sur la tête de chacun d’eux en récitant la Parole d’Allâh — Exalté soit-Il — : « et Nous mîmes une barrière devant eux et une barrière derrière eux ; Nous les recouvrîmes d’un voile et voilà qu’ils ne voient point. » [6]
Pendant le dernier tiers de la nuit, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — se rendit chez Abû Bakr — qu’Allâh l’agrée —. Asmâ’ — qu’Allâh l’agrée — raconta à ce sujet : « Lorsque le Prophète — paix et bénédictions sur lui — voulut émigrer vers Médine, j’ai préparé son viatique dans la maison d’Abû Bakr. » Elle poursuivit : « Ne trouvant pas de quoi attacher son viatique et son outre, je dis à Abû Bakr : “Par Allâh, je ne trouve rien pour les attacher si ce n’est ma propre ceinture.” Il dit : “Déchire-la donc en deux et attache-les, une moitié pour l’outre et l’autre pour le viatique.”, ce que je fis. » C’est pour cette raison qu’elle fut appelée Dhât An-Nitâqayn (La femme aux deux ceintures). [7]
Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — et Abû Bakr — qu’Allâh l’agrée — sortirent par une issue à l’arrière de la maison de ce dernier, à destination de la grotte de Thawr où ils demeurèrent trois nuits. Durant cette période, ʿAbd Allâh Ibn Abî Bakr, un jeune homme intelligent et clairvoyant, passait la nuit avec eux et retournait à la Mecque avant l’aube faisant mine d’avoir passé la nuit à la Mecque avec les Quraysh. Chaque fois qu’il avait vent d’un complot ourdi contre eux, il en cernait les tenants et les aboutissants et en informait les deux compagnons à la tombée de la nuit. Sur un autre plan et durant ces trois nuits, ʿÂmir Ibn Fuhayrah, l’esclave affranchi d’Abû Bakr [8] faisait paître sur leurs pas un troupeau de brebis laitières. Quand la nuit tombait, il ramenait le troupeau auprès des deux compagnons afin qu’ils s’abreuvent de leur lait jusqu’à ce qu’il rassemble de nouveau ses brebis vers la fin de la nuit. [9]
Aussitôt que le Prophète — paix et bénédictions sur lui — et son compagnon se réfugièrent dans la grottre, une araignée se hâta de tisser sa toile dissimulant les résidants de la grotte des regards indiscrets. Deux pigeons vinrent également pondre deux œufs à l’entrée de la grotte et un arbre, peu développé jusque-là, poussa de manière importante.
Tout cela eut lieu tandis que les Quraysh cherchaient les deux compagnons sans relâche. Et comment ne le feraient-ils pas vu le danger imminent qui les menaçait au cas où ils ne rattraperaient pas Muhammad et ne l’empêcheraient pas d’atteindre Yathrib ! Les jeunes de Quraysh sortirent donc munis de leurs épées, de leurs bâtons et de leurs matraques cherchant tous azimuts. À proximité de la grotte de Thawr, ils croisèrent un pasteur qu’ils ne manquèrent pas d’interroger. Celui-ci répondit : « Ils pourraient certainement se trouver dans cette grotte, sauf que je n’ai vu personne s’y rendre. » Entendant la réponse du pasteur, Abû Bakr fut pris de sueurs froides et craignit que les quêteurs ne rentrent avec fracas dans la grotte où se trouvait le Prophète — paix et bénédictions sur lui —. S’en remettant à Allâh, il retint alors son souffle et ne fit aucun geste.
Certains Qurayshites décidèrent d’escalader vers la grotte, puis l’un d’entre eux fit demi-tour ; ses compagnons lui demandèrent : « Pourquoi n’as-tu donc pas regardé à l’intérieur de la grotte ? » Il répondit : « À son entrée, il y a une toile d’araignée plus ancienne que la naissance de Muhammad lui-même ! J’ai également vu deux pigeons sauvages à l’entrée et j’en ai conclu qu’il ne pouvait y avoir personne dans la grotte ! »
La crainte s’emparant d’Abû Bakr progressivement, il finit par murmurer : « Si l’un d’entre eux regardait sous ses pieds, il nous verrait ! » Le Prophète répondit : « Que penses-tu de deux hommes dont Allâh est le troisième ? » [10] Le fait de voir un arbre dont les branches bouchaient l’entrée de la grotte acheva de convaincre les Qurayshites que la grotte n’abritait personne, surtout que personne ne pouvait y pénétrer sans casser ces branches. Sur ce, ils s’en allèrent.
Cette situation est parfaitement illustrée dans la Parole d’Allâh — Exalté soit-Il — : « Si vous ne lui portez pas secours, Dieu l’assista quand, banni par les dénégateurs avec un seul compagnon, tous deux se trouvaient dans une grotte. Lors il dit à son compagnon : « Ne sois pas triste : Dieu est avec nous ». Et Dieu fit descendre sur lui Sa sérénité, le conforta d’armées invisibles à vos yeux, et mit à bas la parole des dénégateurs, alors que la Parole de Dieu fut la plus haute. Dieu est Tout-Puissant et Sage. » [11]
Le matin du quatrième jour, le guide ʿAbd Allâh Ibn Urayqit leur apporta leurs montures. Les deux compagnons partirent en compagnie de ʿÂmir Ibn Fuhayrah et du guide dilite [12]. Ce dernier les conduisit au Sud de la Mecque c’est-à-dire par le chemin littoral. [13]
Sur le trajet, le convoi béni passa par deux tentes appartenant à Umm Miʿbad Al-Khuzâʿiyyah, une femme solide dotée d’un caractère fort, qui s’asseyait à l’entrée de sa tente et offrait nourriture et boisson aux passants. Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — lui demanda si elle avait quelque chose à leur offrir. Elle répondit : « Par Allâh, si j’avais la moindre chose, je ne vous refuserais pas l’hospitalité. Mais la chèvre n’a jamais connu le bouc et la sécheresse a été intense cette année. » Voyant une chèvre à côté de la tente, le Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — lui demanda : « Qu’est-ce que cette chèvre, Umm Miʿbad ? » Elle expliqua : « Une chèvre trop fatiguée pour suivre le troupeau. » Il lui demanda : « Donne-t-elle du lait ? » Elle répondit : « Elle est bien trop fatiguée pour ça. » Il lui demanda : « Me permettrais-tu de la traire ? » Elle répondit : « Oh que oui, par mes père et mère, si tu lui trouves quelque chose à traire, trais-la. » Alors, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — passa sa main sur son pis, mentionna le Nom d’Allâh et fit des invocations. Sur ce, le lait gicla du pis de la chèvre qui venait de s’emplir. Le Prophète demanda un grand bol susceptible d’étancher la soif d’un groupe de gens. Il y traya la chèvre jusqu’à ce que la mousse arrive au bord du bol. Il tendit le lait à Umm Miʿbad qui but à satiété, puis le tendit à ses compagnons qui burent à satiété également. Puis il but à son tour et traya de nouveau la chèvre remplissant le bol qu’il laissa à leur hôtesse, après quoi le convoi se remit en route. Peu après, son époux Abû Miʿbad rentra, conduisant devant lui un troupeau de chèvres frêles qui peinaient à aligner les pas. Il s’étonna de trouver du lait : « D’où vient ce lait, alors que la chèvre n’a pas connu le bouc et qu’il n’y a aucune laitière à la maison ? » Elle répondit : « Par Allâh, je n’y suis pas pour grand chose, si ce n’est qu’un saint homme est passé par chez nous, etc. » Il dit : « Par Allâh, je crois bien que c’est l’homme que les Qurayshites recherchent. » [14]
Le convoi béni poursuivit son chemin. À chaque fois qu’ils croisaient quelqu’un, il demandait à Abû Bakr : « Qui est cet homme qui marche devant toi ? » Il répondait : « Il m’indique le chemin. » Si bien qu’on pensait qu’il lui indiquait la route, alors qu’en réalité il le guidait vers le bien. [15]
Lorsque les Qurayshites se rendirent compte du départ du Prophète — paix et bénédictions sur lui —, ils promirent une récompense de cent chameaux à quiconque le tuerait ou le capturerait. À ce sujet, Surâqah Ibn Juʿshum raconta : « Les émissaires des mécréants Qurayshites arrivèrent et annoncèrent une récompense équivalente au prix du sang à quiconque tuerait ou capturerait le Prophète — paix et bénédictions sur lui — et Abû Bakr. Pendant que j’étais assis dans une assemblée de mon clan, les Banû Mudlij, un homme des nôtres entra disant : “Surâqah, je viens d’apercevoir un convoi près du littoral. Je pense qu’il s’agit de Mohammad et de ses compagnons.” » Surâqah poursuivit : « Je sus que c’était eux. Mais je répondis : “Mais non, tu as dû voir untel et untel que nous avons envoyés en éclaireurs.” Je restai assis quelque temps dans l’assemblée, puis me levai et allai à l’intérieur où j’ordonnai à ma servante de sortir mon cheval, en passant par derrière une colline, et de m’y attendre. Puis je saisis ma lance et sortis par l’arrière de la maison, maintenant ma lance baissée jusqu’à ce que j’eus atteint ma monture. J’enfourchai mon cheval et levai ma lance afin qu’elle me donne de l’allant. Au moment où j’étais sur le point de rejoindre le convoi, mon cheval trébucha et je fus désarçonné. Je me levai, saisis mon carquois et tirai au sort pour savoir si je m’en prenais à eux ou non. La réponse fut contraire à mes aspirations. Je remontai à cheval — contrairement à ce qu’indiquait le tirage — et les poursuivis jusqu’à ce que j’entende la récitation du Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — qui ne se retournait point tandis qu’Abû Bakr se retournait fréquemment. Mais les pattes avant de mon cheval s’enlisèrent jusqu’au genoux et je tombai à terre de nouveau. Puis, sur mes ordres, mon cheval se releva. Aussitôt que ses pattes se furent dégagées, et que le cheval se redressa, une fumée éblouissante sortit de l’emplacement de ses pattes. Je tirai au sort de nouveau et le tirage fut de nouveau défavorable. J’appelai le convoi lui signifiant que je voulais la paix, alors ils s’arrêtèrent. Je remontai à cheval et les rejoignis. Vu la manière dont je fus empêché de les rejoindre jusqu’alors, je compris que le Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — allait triompher. Je lui dis : “Ton clan offre le prix du sang en récompense (pour ta capture mort ou vif).” Puis, je les informai des complots ourdis contre eux. Je leur proposai des vivres mais ils ne prirent rien. Ils ne me demandèrent rien, si ce n’est que le Prophète me dit : “Tais notre affaire.” Je lui demandai de m’écrire un sauf-conduit. Alors il ordonna à ʿÂmir Ibn Fuhayrah de le rédiger sur un morceau de cuir tanné, puis le Messager d’Allâh le signa. » [16]
À médine, ayant appris que le Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — avait quitté la Mecque, les musulmans sortaient l’attendre à Al-Harrah [17] tous les matins jusqu’à midi puis rentraient chez eux à cause de la chaleur. Un jour après qu’ils furent retournés chez eux après une longue attente, un Juif, qui était monté sur un bâtiment élevé pour vaquer à quelque affaire, aperçut au loin le Messager d’Allâh et ses compagnons marchant sans relâche. Il cria de toutes ses forces : « Ô Arabes, voici votre chef que vous attendiez ! » Excités par la nouvelle, les musulmans saisirent leurs armes et allèrent à la rencontre du Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — à l’extrémité d’Al-Harrah. Le Prophète vira sur la droite, suivi par les musulmans, et fit halte chez les Banû ʿAmr Ibn ʿAwf. C’était un lundi du mois de Rabî Ier. Abû Bakr se leva à la rencontre des gens tandis que le Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — resta assis en silence. Les Ansarites qui n’avaient jamais rencontré le Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — commencèrent à saluer Abû Bakr laissant le Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — au soleil. Mais Abû Bakr alla vers lui et lui fit de l’ombre avec sa cape. Sur ce, les gens surent qui était le Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui —. Celui-ci demeura chez les Banû ʿAmr Ibn ʿAwf dix nuits et fonda « la mosquée fondée sur la piété », plus connue sous le nom de Mosquée de Qubâ’, où le Messager — paix et bénédictions sur lui — accomplit la prière. [4]
Par ailleurs, ʿAlî Ibn Abî Tâlib retourna les dépôts à qui de droit après le départ du Prophète — paix et bénédictions sur lui —, comme celui-ci le lui avait ordonné. Puis il émigra à son tour vers Médine, marchant la nuit et se mettant à l’abri le jour, quatorze nuits durant. Il arriva enfin les pieds tuméfiés et ensanglantés. Le Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — l’accueillit, le serra dans ses bras et l’embrassa. Voyant ses pieds, ses yeux débordèrent de larmes. Sur ce, il passa ses mains sur les pieds de ʿAlî Ibn Abî Tâlib et versa de l’eau dessus, si bien qu’ils guérirent grâce à la bénédiction reçue au contact des mains du Prophète — paix et bénédictions sur lui —.
Lorsque le Prophète — paix et bénédictions sur lui — décida de quitter Qubâ’ [18], il monta sur sa chamelle, Al-Qaswâ’, et partit à destination de Médine qui sortit au grand complet pour l’accueillir. Tous étaient impatients de le voir et de le contempler. Ils avaient en effet cru en lui et attaché foi (en son message) sans jamais l’avoir vu ni entendu. Ils avaient attendu pendant si longtemps le moment où il émigrerait pour les rejoindre et vivre parmi eux... Et le voici arrivant après qu’Allâh le lui eut permis. Chaque médinois caressait l’espoir d’avoir l’honneur de lui offrir l’hospitalité et d’être à son service...
Le Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — arriva sur sa chamelle qui se dandinait paisiblement. Il avait lâché sa bride et la laissait avancer sans la diriger. Les gens profitaient de ce fait pour saisir le bride de la chamelle disant : « Ô Messager d’Allâh, viens donc au soutien nombreux, au matériel, et à l’invulnérabilité. » Il répondait : « Lâchez-la, elle est commandée. » Alors les gens obtemperaient lâchant la bride promptement. Ainsi le convoi béni passa-t-il tour à tour par la tribu des Banû Sâlim Ibn ʿAwf, par les Banû Bayâdah et par les Banû Sâʿidah. À chaque fois, les tentatives de garder le Prophète se répétaient. Puis il passa par les Banû ʿAdiyy Ibn An-Najjâr qui caressaient l’espoir d’obtenir cet insigne honneur, car ils étaient ses oncles maternels et étaient donc les mieux placés pour le recevoir. Ils dirent : « Viens chez tes oncles maternels, ô Messager d’Allâh... » Il répondit — paix et bénédictions sur lui — : « Laissez-la, car elle est commandée. » Arrivant aux maisons des Banû Mâlik Ibn An-Najjâr, la chamelle s’agenouilla spontanément, avant de se relever, de faire un tête-à-queue et de baraquer. Un homme sortit de la foule, s’empara des bagages du Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — et les emmena dans sa maison. [19] Cet homme n’était autre que Khâlid Ibn Zayd Ibn Kulayb, plus communément appelé Abû Ayyûb Al-Ansârî ; il eut beaucoup de chance du fait que la chamelle avait baraqué près de chez lui. Les Banû Mâlik Ibn An-Najjâr entourèrent le Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — exultant de bonheur parce qu’il allait résider chez eux, chacun l’invitant à venir chez lui. El le Prophète de répondre : « L’homme ne peut que suivre ses bagages... » Ainsi Abû Ayyûb Al-Ansârî gagna-t-il le droit de recevoir le Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — chez lui, le temps que la mosquée et les appartements des Mères des Croyants soient construits.
La chamelle avait baraqué dans un terrain qui servait à faire sécher les dattes. Il appartenait à Suhayl et Sahl, deux orphelins sous la garde de Asʿad Ibn Zurârah. Lorsque sa chamelle baraqua à cet endroit, le Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — dit : « Ici sera notre résidence avec la volonté d’Allâh. » Le Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — demanda aux deux garçons de venir et leur fit une offre pour leur terrain afin d’y construire sa mosquée. Ils répondirent : « Nous préférons plutôt t’en faire don, ô Messager d’Allâh. » Mais le Messager d’Allâh refusa ce don, puis il eut raison de leur insistance et leur acheta le terrain, où il construisit sa mosquée. Le Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — mit la main à l’ouvrage, transportant lui-même les blocs de pierre tout en scandant :
Ces faix ne sont pas comme les faix de Khaybar § Ceux-ci, Seigneur, sont meilleurs et plus purs.
Et aussi :
La rétribution est celle du Jour dernier § Fais donc miséricorde aux Ansâr et aux Émigrés. [4]
On construisit trois appartements pour les Mères des Croyants, un pour Dame ʿÂ’ishah, un pour Dame Sawdah Bint Zamʿah et un pour Dame Umm Habîbah Bint Abî Sufyân — qu’Allâh les agrée —, les femmes que le Prophète — paix et bénédictions sur lui — épousa après le décès de Dame Khadîjah — qu’Allâh l’agrée —. À l’époque, Khawlah Bint Hakîm, l’épouse de ʿUthmân Ibn Madhʿûn, alla voir le Prophète et lui dit : « Ô Messager d’Allâh, ne devrais-tu pas reprendre une épouse ? » Il demanda : « Qui par exemple ? » Elle répondit : « Si tu le souhaites, ce peut être une vierge, et si tu le souhaites, ce peut être une femme ayant déjà été mariée. » Il demanda : « Qui serait la vierge ? » Elle répondit : « La fille de la créature d’Allâh qui t’est la plus chère, ʿÂ’ishah la fille d’Abû Bakr. » Il demanda : « Et la femme ayant déjà été mariée ? » Elle répondit : « Sawdah Bint Zamʿah, elle a cru en toi et a suivi tes enseignements. » Il lui dit : « Va demander leur main de ma part. » [20]
En ce qui concerne Dame ʿÂ’ishah — qu’Allâh l’agrée —, notre maître Jibrîl la montra en songe au Prophète — paix et bénédictions sur lui — sur fond de soie verte et lui dit : « Mohammad, elle sera ton épouse ici-bas et dans l’au-delà. » [21] Alors le Prophète — paix et bénédictions sur lui — demanda sa main à son père...
Pour ce qui est de Dame Sawdah Bint Zamʿah — qu’Allâh l’agrée —, Dame Khawlah Bint Hakîm lui rendit visite et lui dit : « Sais-tu quelle manne et quelle bénédiction Allâh t’a octroyée ? » Elle lui demanda : « De quoi s’agit-il ? » Elle répondit : « Le Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — m’a envoyé demander ta main. » Elle répondit : « Je suis d’accord. Rentre en parler à mon père. » Son père dit : « Un homme à la hauteur et noble. Qu’en pense ton amie ? » Elle répondit : « Cela lui plaît. » Sur ce, il lui accorda sa main. [22]
Quant à Dame Umm Habîbah Bint Abî Sufyân — qu’Allâh l’agrée —, son mari était décédé pendant qu’ils étaient en Abyssinie. Alors le Messager — paix et bénédictions sur lui — écrivit au Négus lui demandant sa main. Le Négus convoqua les émigrés (musulmans) et leur annonça : « Le Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — m’a écrit demandant la main d’Umm Habîbah Bint Abî Sufyân. J’ai répondu favorablement à la requête du Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — et, en sus, j’ai versé (à la mariée) une dot de quatre cents dinars. » [23]
Une fois que le Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — se fut installé chez Abû Ayyûb Al-Ansârî et que ʿAbd Allâh Ibn Salâm — l’un des rabbins et des savants juifs — en fut informé, ce dernier se rendit chez le Prophète et lui dit : « Je t’interrogerai sur trois choses que seul un prophète peut connaître... » Il poursuivit : « Quel est le premier signe annonciateur du Jour dernier ? Quelle est la première nourriture consommée par les habitants du Paradis ? Qu’est-ce qui fait qu’un enfant ressemble davantage à son père, ou à ses oncles maternels ? » Le Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — répondit : « Jibrîl m’en informa il y a quelque temps. » ʿAbd Allâh interjecta : « Parmi les anges, celui-ci est l’ennemi des Juifs. » Le Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — poursuivit : « Le premier signe annonciateur du Jour dernier est un incendie qui refoulera les gens d’Est en Ouest. La première nourriture consommée par les habitants du Paradis sera une excroissance de foie de baleine [24]. Quant aux traits de l’enfant, lorsque l’homme recouvre la femme et que son eau prévaut, l’enfant lui ressemblera ; si son eau à elle prévaut, il lui ressemblera. » Il répondit : « J’atteste que tu es le Messager d’Allâh. » Puis il ajouta : « Ô Messager d’Allâh, les Juifs sont des gens rusés. S’ils apprennent que j’ai embrassé l’islam avant que tu ne les interroges à mon sujet, ils me calomnieront auprès de toi. » Puis vinrent les Juifs, tandis que ʿAbd Allâh se cacha à l’intérieur de la maison. Le Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — leur demanda : « Quel est le rang de ʿAbd Allâh Ibn Salâm parmi vous ? » Ils répondirent : « Il est le plus savant parmi nous, et le fils de l’homme le plus savant parmi nous. Il est notre fine fleur, et le fils de notre fine fleur. » Le Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — leur demanda : « Que penseriez-vous s’il embrassait l’islam ? » Ils répondirent : « Qu’Allâh l’en préserve... » Sur ce, ʿAbd Allâh sortit et déclara : « J’atteste qu’il n’y a de divinité sinon Allâh et j’atteste que Mohammad est le Messager d’Allâh. » Ils dirent alors : « Il est le plus vil et le fils du plus vil... », et l’insultèrent. [25]
Traduit de l’arabe du livre de Sheikh Yâsîn Rushdî, Fî Rihâb Al-Mustafâ (En Compagnie de l’Élu), disponible en format PDF sur le site Mouassa.org.
[1] Rapporté par Al-Bukhârî dans son Sahîh dans le livre des mandats.
[2] Rapporté par Al-Bukhârî dans son Sahîh dans le livre des ventes.
[3] Rapporté par Al-Bukhârî dans son Sahîh dans le livre des baux.
[4] Conférer Usd Al-Ghâbah d’Ibn Al-Athîr.
[5] Conférer l’exégèse d’At-Tabarî.
[6] Sourate 36, Yâ Sîn, verset 9.
[7] Rapporté par Al-Bukhârî dans son Sahîh dans le livre du jihâd et des biographies.
[8] ʿÂmir Ibn Fuhayrah At-Tamîmî est l’un des premiers convertis à l’islam. Sa conversion à l’islam lui valut maintes tortures par son maître At-Tufayl Ibn ʿAbd Allâh Ibn Sakhbarah, jusqu’à ce que Abû Bakr le rachète et l’affranchisse. Ndlr.
[9] Rapporté par Al-Bukhârî dans son Sahîh dans le livre de l’habillement.
[10] Conférer Hayât Muhammad (La vie de Muhammad).
[11] Sourate 9, At-Tawbah, Le repentir, verset 40.
[12] De la tribu des Banû Ad-Dîl. NdT.
[13] Rapporté par Al-Bukhârî dans son Sahîh dans le livre des baux.
[14] Conférer Zâd Al-Maʿâd d’Ibn Al-Qayyim.
[15] Rapporté par Al-Bukhârî dans son Sahîh dans le livre des mérites.
[16] Rapporté par Ahmad dans son Musnad dans le Musnad des Syriens et par Al-Bukhârî dans son Sahîh dans le livre des mérites.
[17] Al-Harrah est une localité à l’ouest de Médine.
[18] Qubâ’ est une localité dans les environs de Médine.
[19] Conférer la Sîrah d’Ibn Hishâm.
[20] Rapporté par Ahmad dans son Musnad dans le Musnad des Ansâr.
[21] Rapporté par Muslim et At-Tirmidhî avec un énoncé similaire, d’après ʿÂ’ishah — qu’Allâh l’agrée —.
[22] Rapporté par Ahmad dans son Musnad dans la suite du Musnad des Ansâr.
[23] Conférer Al-Istîʿâb d’Ibn ʿAbd Al-Barr.
[24] Le vocable hût désigne couramment les baleines, mais signifie classiquement, et dans certains dialectes du Maghreb, le poisson en général. NdT.
[25] Rapporté par Al-Bukhârî dans son Sahîh dans le livre des récits des Prophètes.
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