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La Mosquée de Ahmad Ibn Tûlûn 263 - 265 A.H. (876/877 - 879 E.C.)

lundi 19 mai 2003

Tûlûn était un des esclaves turcs que le gouverneur de Bukhârâ envoya au Calife Al-Ma’mûn. Il resta au service de la cour ʿabbâside jusqu’à ce qu’il soit promu au rang de prince. Son fils, Ahmad, se tourna vers les études scientifiques et littéraires. Il apprit le Coran, la jurisprudence et le Hadîth et surpassa en ce domaine tous ses camarades. Il fut nommé adjoint au gouverneur d’Égypte, Bayakbak, qui avait été nommé par le Calife ʿabbâside, et entra en fonction en 254 A.H. (868 E.C.). Après la mort de Bayakbak, la direction de l’Égypte fut confiée à Amajur, le beau-père d’Ibn Tûlûn, qui maintint ce dernier à son poste. L’autorité d’Ibn Tûlûn fut d’abord limitée à la ville d’Al-Fustât, les taxes foncières étant cependant contrôlées par Ibn Al-Mudabbir. L’influence d’Ahmad Ibn Tûlûn augmenta progressivement jusqu’à ce que l’Égypte entière soit passée sous son contrôle. Il obtint la charge de prélever les taxes foncières et put étendre son pouvoir sur la Syrie et la Cyrénaïque. Ahmad fut enfin le premier Sultan de la dynastie toulounide qui régna de 254 A.H. (868 E.C.) à 292 A.H. (905 E.C.). Ibn Tûlûn mourut en 270 A.H. (884 E.C.). On peut considérer qu’il s’agit d’une des plus grande figures de l’Histoire de l’Égypte musulmane. Lors de son règne, l’Égypte passa du statut de province du Califat ʿabbâside à celui d’Etat indépendant.

Après avoir achevé la construction de son palais au pied du Mont Al-Muqattam ainsi que la place située en face, Ahmad Ibn Tûlûn fit construire une immense mosquée sur un affleurement de roche appelé le Mont Yashkur, en 265 A.H. (879 E.C.). La date d’achèvement de cette mosquée est confirmée par l’inscription gravée sur une plaque de marbre fixée sur un des piliers de la galerie de la Qibla (sanctuaire). Cette mosquée, bien qu’étant la troisième construite en Égypte, est la plus vieille à avoir préservé ses plans d’origine et ses éléments architecturaux. Ceci est dû au fait qu’il ne reste plus rien de la première, la Mosquée de ʿAmr construite en 21 A.H. (642 E.C.) et que la seconde, la Mosquée d’Al-ʿAskar, construite en 169 A.H. (785/786 E.C.), disparut lorsque la ville fut détruite.

La Mosquée d’Ibn Tûlûn a subi plusieurs phases de restauration et de détérioration au même titre que les autres anciennes mosquées. En 470 A.H. (1077 E.C.), Badr Al-Jamâlî, vizir du calife fatimide Al-Mustansir, entreprit des restaurations. On trouve à cet effet une inscription gravée sur une plaque de marbre fixée au dessus d’une des portes d’entrée de la façade nord.

Dans le sanctuaire, Al-Afdal [1] ajouta un mihrâb en stuc à l’un des piliers dont la décoration était du plus bel effet. Deux autres mihrâbs furent installés : le premier durant la période toulounide et le deuxième durant la période fatimide. Les deux mihrâbs se trouvent dans le même sanctuaire.

Les restaurations les plus importantes furent celles entreprises par le Sultan Husâm Ad-Dîn Lâjîn, qui fit construire en 696 A.H. (1296 E.C.) :

 Le dôme au centre de la cour intérieure, remplaçant ainsi celui construit par le calife fatimide Al-ʿAzîz Billâh en 385 A.H. (995 E.C.). Ce dernier avait quant à lui remplacé le dôme d’origine datant de 376 A.H. (986 E.C.),
 Le minaret actuel avec ses cages d’escalier extérieures,
 La chaire actuelle,
 La garniture en marbre et en mosaïque du mihrâb principal,
 Les pendeloques du dôme au-dessus du mihrâb principal,
 De nombreuses fenêtres percées en stuc,
 Un mihrâb en stuc identique à celui d’Al-Afdal et qui fut ajouté sur un pilier à côté du premier.

La fontaine située dans l’extension sud fut construite par Qâyt Bây et restaurée par le Département pour la Préservation des Monuments Arabes. Vers la fin du douzième siècle de l’Hégire (XVIII ème siècle chrétien), la mosquée fut transformée en atelier pour la fabrication de gaines en laine et, au milieu du XIXe siècle, elle fut utilisée comme asile pour les infirmes. Lorsque que le Comité de Conservation des Monuments de l’Art fut établi en 1882, il sortit la mosquée de cette condition honteuse et entama des restaurations. En 1918, le roi Fu’âd Ier dirigea un projet de restauration complète ainsi que la démolition des bâtiments entourant la mosquée. Une somme de 40000 livres égyptiennes fut allouée à cet effet. Cette somme servit à restaurer les éléments qui étaient tombés, rénover les toits et réparer la décoration en stuc.

La mosquée consiste en une cour intérieure d’environ 92 mètres carrés, au milieu de laquelle se trouve un dôme supporté par un tambour octogonal reposant sur une base carrée, avec quatre entrées archées et une fontaine pour les ablutions au centre. Un élément curieux dans cette architecture est la présence d’une cage d’escalier menant au niveau du tambour, construite à l’intérieur du mur nord.

La cour intérieure est entourée de quatre galeries, dont la plus profonde, formée par cinq arcades, est celle du sanctuaire, alors que les autres galeries ne sont constituées que de deux arcades. Les arcades consistent en des voûtes pointues qui reposent sur des piliers rectangulaires, aux coins desquels se trouvent des colonnes de brique. Les quatre couloirs sont couverts de toits en bois moderne qui copient les fragments restants du toit d’origine. Sous le plafond se trouvent les fameuses frises boisées, gravées de versets du Coran en style coufique ancien.

La mosquée mesure 118 mètres de large et 138 mètres de long. Elle est entourée, aux côtés nord, ouest et sud, par trois extensions dont chacune atteint 19 mètres de long. Le tout formant un carré de 162 mètres de côté.

Au centre de l’extension ouest se trouve le minaret qui n’a pas son pareil en Égypte. La cage d’escalier extérieure de ce minaret vient très probablement du minaret d’origine de la mosquée qu’Al-Qudâʿî avait copié sur le minaret de Sâmarrâ’. Le minaret actuel consiste en un étage inférieur de base carrée surmonté par un autre de forme cylindrique. Il est couronné d’un sommet octogonal avec un petit dôme cannelé. La structure mesure au total 40 mètres de haut. La partie inférieure est nue, à l’exception des entrées, tandis que la partie supérieure dispose d’une rangée de fenêtres avec des grilles en stuc aux designs variés et datant de diverses périodes, alternant avec des niches à toit cannelé. Le tout est couronné d’un sommet, comme sur les murs des extensions.

A chaque entrée de la mosquée correspond une entrée au niveau des murs extérieurs des extensions. Celles-ci ouvrent sur les bazars menant aux portes de la mosquée. Une petite entrée, sur le mur de la Qibla, donne sur la Maison de l’Architecture qu’Ibn Tûlûn fit construire du côté est de la mosquée.

Au milieu du mur de la Qibla se trouve le mihrâb principal dont il reste la niche d’origine ainsi que les colonnes de marbre qui le flanquent de chaque côté, de même que la charpente et les écoinçons [2]. Mais la garniture en marbre et en mosaïque est l’œuvre du Sultan Lâjîn. La baie située en face du mihrâb est couverte par un dôme en bois sur le tambour duquel se trouvent des fenêtres en stuc, percées et ornées de vitres colorées. A côté du mihrâb se trouve la chaire qui fut construite par le Sultan Lâjîn. Elle consiste en une structure géométrique en bois dotée de panneaux gravés. C’est une des plus belles chaires que l’on puisse trouver dans les mosquées du Caire. Bien qu’un grand nombre des panneaux aient été remplacés, cette chaire demeure importante puisqu’il s’agit de la troisième plus vieille d’Égypte, la première étant celle de la mosquée du Monastère de Sainte Catherine sur le Mont Sinaï, faite sur ordre d’Al-Afdal Shâhinshâh durant le règne du calife fatimide Al-Âmir en 500 A.H. (1106 E.C.), et la seconde étant celle de la Mosquée d’Al-ʿAtîq, à Qûs, construite sur ordre d’As-Sâlih Talâ’iʿ en 550 A.H. (1155 E.C.).

On peut encore voir la décoration en stuc autour des voûtes et des entrées, sous la frise en bois située sous le toit, et également sur les soffites de quelques voûtes, autour de la cour intérieure. Bien qu’elle ait été en grande partie restaurée, cette mosquée garde toujours son style toulounide inspiré de l’ornement de Sâmarrâ’ à l’instar des soffites en bois gravés, aux entrées.

La Mosquée d’Ibn Tûlûn

P.-S.

Cette présentation s’appuie sur un article du site officiel d’Al-Azhar.

Notes

[1Il s’agit du fils de Badr Al-Jamâlî, cité plus haut

[2Partie triangulaire du mur située entre deux voûtes.

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