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En Compagnie de l’Élu

La grande bataille de Badr

mardi 29 mai 2007

Les Émigrés n’étaient point du genre à vivre au crochet de leur frères Ansârites quand bien même ces derniers avaient-ils partagés avec eux, de gaîté de cœur, leurs maisons et leurs biens, faisant même preuve d’abnégation envers eux. Il était néanmoins indispensable pour eux de trouver un moyen de récupérer les biens et les avoirs qu’ils furent obligés de laisser derrière eux à La Mecque. Pour ce faire, il n’y avait qu’une seule façon, à savoir s’emparer des caravanes commerciales de Quraysh qui passaient non loin de Médine sur la route reliant la Syrie. Par ailleurs, le combat armé contre les tortionnaires qui contraignaient les gens à abjurer leur religion et obstruaient le sentier de Dieu venait d’être institué suite à l’expédition de ʿAbd Allâh Ibn Jahsh au cours de laquelle les Musulmans avaient saisi une caravane de Quraysh. Cet événement eut une influence importante sur la décision d’intercepter la caravane conduite par Abû Sufyân à son retour de Syrie. C’est pourquoi, à l’approche de sa date de retour, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — dépêcha Talhah Ibn ʿUbayd Allâh et Saʿîd Ibn Zayd pour recueillir des renseignements à son sujet. Arrivés à Al-Hawrâ’, ils localisèrent la caravane de Quraysh et s’en retournèrent à Médine de toute urgence pour en informer le Prophète — paix et bénédictions sur lui —. Celui-ci était parti sans attendre leur retour car les nouvelles de la caravane lui étaient parvenues par ailleurs. C’était une caravane importante où tous les notables de Quraysh avaient investi beaucoup d’argent. Il n’était donc pas question de laisser passer cette chance comme cela s’était produit sur le chemin de l’aller en direction de la Syrie. Il invita donc les gens à prendre part à cette expédition. Certains le suivirent et d’autres non.

De son côté, apprenant que le Prophète — paix et bénédictions sur lui — était sorti l’intercepter, Abû Sufyân changea d’itinéraire et emprunta la route littorale. Il força la marche loin de l’itinéraire habituel et dépêcha un émissaire à Quraysh les avisant de voler au secours de leur argent. Arrivé à Quraysh, l’homme fendit sa chemise et hurla de toutes ses forces : « Misère ! Misère ! Votre argent confié à Abû Sufyân a été intercepté par Muhammad et ses compagnons. Au secours ! Au secours ! » Abû Jahl s’empressa de harenguer les Quraysh, ce qui n’était guère nécessaire vu qu’ils avaient tous investi un peu d’argent dans cette caravane. Ils saisirent armes et équipements ; nul homme capable de porter les armes ne resta derrière, à l’exception de Abû Lahab qui se fit remplacer. Entre neuf cents et mille combattants étaient sortis du côté des Polythéistes. De son côté, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — était accompagné de trois cent cinq hommes, dont quatre-vingt-deux Émigrés, soixante et un du clan des Aws et le reste du clan des Khazraj. Ils disposaient de soixante-dix chameaux qu’ils montaient à tour de rôle. Cela se passait le 8 Ramadan de l’an 2 de l’hégire.

Lorsque le Prophète — paix et bénédictions sur lui — apprit que les Quraysh étaient sortis guerroyer, il consulta les gens en sa compagnie. Abû Bakr prit la parole ; ʿUmar s’exprima à son tour. Al-Miqdâd Ibn ʿAmr se leva et dit : « Ô Messager d’Allâh. Poursuis donc l’objectif qu’Allâh t’aura montré, nous sommes avec toi. Par Allâh, nous ne te dirons pas ce que les Enfants d’Israël ont dit à Moïse : "Va donc, toi et ton Seigneur, et combattez tous deux. Nous restons là où nous sommes." Au contraire, nous te dirons : "Va donc, toi et ton Seigneur, et combattez tous deux. Nous combattrons avec vous." » [1] Les gens se turent. Le Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — dit : « Ô gens, désignant les Ansarites, conseillez-moi. » Saʿd Ibn Muʿâdh dit alors : « Il me semble que ta question nous est adressée, ô Messager d’Allâh. » « Oui », confirma-t-il. Saʿd dit : « Nous avons cru en toi et souscrit à ton message. Nous avons attesté que ce que tu as apporté est la vérité et nous nous sommes engagés à t’écouter et à t’obéir. Poursuis donc l’objectif que tu veux, nous sommes avec toi. Par Celui Qui t’a envoyé, si tu partais en direction de cette mer et que tu entreprenais de la traverser nous la traverserions avec toi, sans qu’un seul homme parmi nous ne reste derrière. Nous ne détestons guère d’aller avec toi confronter l’ennemi. Nous sommes patients dans la guerre, sincères lors de l’affrontement. Qu’Allâh fasse que nous te donnions un beau spectacle, mène-nous donc avec la bénédiction d’Allâh. » Le visage resplendissant, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — dit : « Marchez et recevez la bonne nouvelle ! Allâh m’a promis l’une des deux troupes ; c’est comme si je voyais déjà les gens passer à trépas. » [2] Ils marchèrent donc tous jusqu’à ce qu’ils eurent atteint les environs des puits de Badr. Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — envoya en éclaireurs ʿAlî Ibn Abî Tâlib, Az-Zubayr Ibn Al-ʿAwwâm et Saʿd Ibn Abî Waqqâs aux puits de Badr à la tête d’une petite dizaine d’hommes. Ils apprirent que les Quraysh étaient positionnés derrière le mont d’Al-ʿUdwah Al-Quswâ et qu’un jour ils égorgeaient neuf chameaux et que le jour suivant ils en égorgeaient dix pour leur alimentation. Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — en déduisit qu’ils étaient entre neuf cents et mille hommes. Il dit à ses Compagnons : « Voici que La Mecque vous a envoyé le fleuron de ses enfants... »

Le lendemain matin, alors que les Musulmans guettaient le passage de la caravane d’Abû Sufyân, ils apprirent que ce dernier avait dévié son trajet et leur avait échappé et qu’il ne restait dans les alentours que l’armée de Quraysh. Une fois sauvé, lorsque Abû Sufyân sut que les Qurayshites étaient partis livrer bataille, il leur dépêcha un émissaire les invitant à retourner à La Mecque puisque la caravane était arrivée saine et sauve. Abû Jahl se mit en colère et tonna : « Par Allâh, nous ne nous en retournerons pas avant d’aller camper à Badr pendant trois nuits à immoler les chamelles, à donner un banquet où l’on fera couler le vin et où les chanteuses chanteront, afin que les Arabes entendent parler de nous, de notre campagne et de notre armée et que nous soyions craints à jamais... »

Les Qurayshites approuvèrent et se mirent à la recherche d’un emplacement où ils pourraient se préparer pour la bataille. Badr était un endroit historique jouissant d’un prestige particulier chez les Arabes ; si les Qurayshites rentraient à La Mecque sans livrer bataille, les gens penseraient qu’ils avaient craint d’affronter le Prophète — paix et bénédictions sur lui — et ses compagnons, ce qui ne manquerait pas de renforcer la position du Prophète et contribuerait au succès et à la propagation de son Message. Malgré tout, sous l’influence d’Al-Akhnas Ibn Sharîq, les Banû Zuhrah rentrèrent à La Mecque.

De son côté, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — et ses compagnons marchèrent jusqu’à ce qu’ils eurent atteint les puits de Badr ; la pluie avait consolidé les sables et facilité leur marche. Al-Hubâb Ibn Al-Mundhir s’adressa au Prophète : « Ô Messager d’Allâh, ce lieu de campement correspond-il à un choix divin auquel nous devons nous tenir, ou bien est-il gouverné par le stratagème, l’art de la guerre et la ruse ? » Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — dit : « Le stratagème, l’art de la guerre et la ruse. » Al-Hubâb dit : « Ô Messager d’Allâh, si tel est le cas, il ne faudrait pas camper ici. Donne l’ordre de marcher jusqu’au puits le plus proche de l’ennemi, puis construisons un bassin et remplissons-le d’eau, puis enfouissons les autres puits. Ensuite, nous livrerons bataille ; nous pourrons boire à notre soif et notre ennemi en sera privé. » Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — suivit le conseil d’Al-Hubâb, il campa à l’endroit indiqué, on construisit un bassin et une cabane où le Prophète — paix et bénédictions sur lui — pourrait se reposer.

Sur ce, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — donna à ses compagnons la consigne suivante : « Quiconque croise Al-ʿAbbâs qu’il ne le tue pas car il est parti à la guerre contre son gré. Quiconque croise quelqu’un parmi les Banû Hâshim et les Banû Al-Muttalib qu’il le laisse tranquille. » Ce faisant, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — entendait leur rendre le bienfait de l’avoir soutenu et protégé contre les Quraysh, allant même jusqu’à endurer avec lui un embargo de trois ans dans le maquis d’Abû Tâlib.

Lorsque les Qurayshites virent ce que le Prophète — paix et bénédictions sur lui — avait fait et qu’il était accompagné de trois cents hommes seulement, ils caressèrent l’espoir de les éradiquer jusqu’au dernier. Al-Aswad Ibn ʿAbd Al-Asad Al-Makhzûmî sortit précipitamment des rangs qurayshites en direction du bassin que les Musulmans avaient construit en vue de le démolir. Mais Hamzah Ibn ʿAbd Al-Muttalib s’empressa de lui porter un coup qui l’amputa d’une jambe, et aussitôt lui porta le coup de grâce. Dès qu’Al-Aswad fut terrassé, ʿUtbah Ibn Rabîʿah, son frère Shaybah et son fils Al-Walîd Ibn ʿUtbah sortirent des rangs et demandèrent à se battre en duel. Sur ce, de jeunes Ansarites s’avancèrent pour les confronter, mais ʿUtbah objecta : « Nous n’avons que faire de vous, nous en avons après les nôtres. » Puis, ils crièrent : « Muhammad, envoie nous nos égaux parmi les nôtres. » Alors, Hamzah Ibn ʿAbd Al-Muttalib, ʿAlî Ibn Abî Tâlib et ʿUbaydah Ibn Al-Hârith Ibn ʿAbd Al-Muttalib s’avancèrent. Les deux parties se confrontèrent ; Hamzah tua Shaybah, ʿAlî tua Al-Walîd, puis ils aidèrent ʿUbaydah à tuer ʿUtbah.

Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — mit de l’ordre dans les rangs des Musulmans face à l’armée de Quraysh. Lorsqu’il vit le nombre important des Qurayshites comparé au faible nombre de ses hommes, et le peu d’équipement dont ils disposaient comparé aux équipements des Qurayshites, il retourna à sa cabane en compagnie d’Abû Bakr. Il s’orienta vers la Qiblah et pria : « Seigneur, voici Quraysh venue en grande pompe pour tenter de démentir Ton Messager. Seigneur, je Te demande la victoire que Tu m’as promise. Ô Allâh, si ce petit groupe de fidèles venait à périr, nul ne T’adorerait sur terre. » Il continua à implorer son Seigneur levant les mains en direction de la Qiblah tant et si bien que sa cape tomba à terre. Abû Bakr la ramassa et la remit sur ses épaules. Se tenant derrière lui, il dit : « Ô Prophète de Dieu, tu as assez imploré ton Seigneur. Il réalisera ce qu’Il t’a promis. » [3]

Le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — s’assoupit brièvement dans la cabane et s’éveilla disant : « Bonne nouvelle, ô Abû Bakr ! Voici venu le secours de Dieu. » Puis il sortit haranguer les gens disant : « Par Celui Qui detient l’âme de Mohammad, tout homme qui mourra au combat en étant patient, en ayant voué son combat à Dieu et en n’ayant pas tourné le dos à l’ennemi, Dieu l’admettra au paradis... » [4] Sur ce, les Musulmans concentrèrent leurs efforts sur les notables et les chefs de Quraysh afin de les éradiquer, en juste salaire de la torture et de la persécution qu’ils leur avaient fait subir à La Mecque, et pour les avoir chassés de la Mosquée Sacrée et tenté de les détourner de leur religion par la force. Ainsi Bilâl vit-il Umayyah Ibn Khalaf, celui-là même qui lui avait fait goûté la torture sous toutes ses formes à La Mecque ; il s’écria alors : « Umayyah Ibn Khalaf, puissé-je périr s’il s’en sort ! » Il ne cessa de le combattre jusqu’à ce qu’il eut triomphé de lui. De même, Muʿâdh Ibn ʿAmr Ibn Al-Jamûh tua Abû Jahl. Le combat redoubla d’intensité ; les Musulmans scandaient : « Ahadun Ahad » (Dieu est Un ! Dieu est Un !), cette parole éternelle que Bilâl répétait jadis sous la torture. Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — saisit une poignée de sable et se tourna vers Quraysh disant : « Moches soient vos visages ! » Il jeta le sable en leur direction et donna l’ordre à ses compagnons d’attaquer de plus belle.

La victoire fut du côté des Musulmans. Les Qurayshites battirent en retraite laissant derrière eux de nombreux morts parmi leurs chefs et de nombreux prisonniers. Les Musulmans, quant à eux, restèrent à Badr jusqu’à la fin de la journée heureux du secours divin. Puis ils rassemblèrent les morts de Quraysh et creusèrent une fosse où ils les inhumèrent. Debout, le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — dit : « Ô gens de la fosse, ce que votre Seigneur vous avait promis s’est-il avéré vrai ? Car ce que mon Seigneur m’a promis s’est avéré vrai ! » Ses compagnons lui dirent : « Ô Messager de Dieu, t’adresses-tu à des gens qui sont passés à trépas ? » Il répondit : « Vous n’êtes point meilleurs entendeurs de mes paroles qu’ils ne le sont, c’est simplement qu’ils ne sont pas en mesure de répondre. » [5]

Le lendemain matin, le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — ordonna aux gens de remettre tout le butin qui était en leur possession, et qu’on le porte jusqu’à ce qu’il eut décidé de ce qu’on allait en faire, ou que la décision vienne de Dieu.

Le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — chargea ʿAbd Allâh Ibn Rawâhah et Zayd Ibn Hârithah de porter la bonne nouvelle de la victoire aux habitants de Médine. ʿAbd Allâh y arriva par le Nord, tandis que Zayd entra dans la ville par le Sud annonçant la victoire accordée par Dieu aux Musulmans. La joie fut immense, mais était légèrement ternie par un sentiment de tristesse. Il se trouva en effet que les Musulmans venaient d’enterrer Dame Ruqayyah, la fille du Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui —, décédée des suites d’une maladie. Son époux, ʿUthmân Ibn ʿAffân, avait été autorisé par le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — à ne pas prendre part à la bataille de Badr et à rester au chevet de son épouse — que Dieu l’agrée.

Le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — se mit en route pour Medine. Il s’arrêta en cours de route et répartit le butin à égalité de parts entre tous ceux qui avaient participé à la bataille de Badr. Il réserva une part à Talhah Ibn ʿUbayd Allâh et Saʿîd Ibn Zayd qu’il avait envoyés quérir des nouvelles de la caravane d’Abû Sufyân et avait dû partir vers Badr sans les attendre. Il réserva également une part à ʿUthmân Ibn ʿAffân qui était resté au chevet de son épouse Ruqayyah. Le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — réserva à ces trois hommes le même traitement que ceux qui avaient pris part à la bataille et une rétribution équivalente auprès de Dieu. De même, il préserva la part des héritiers des hommes tombés à Badr en martyrs.

Le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — répartit les prisonniers entre ses compagnons et leur dit : « Traitez les prisonniers avec bonté. » Sur le chemin du retour vers Médine, deux prisonniers furent tués. Le premier était An-Nadr Ibn Al-Hârith et le second ʿUqbah Ibn Muʿayt. Les deux figuraient parmi les plus brutaux et les plus cruels tortionnaires de Musulmans à La Mecque.

Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — rentra dans Médine en compagnie des Musulmans, avec un jour d’avance sur les prisonniers. Puis, on emmena les prisonniers. Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — recommanda à ses compagnons qui en avaient la garde de bien les traiter et que chacun fasse preuve de miséricorde envers son prisonnier. Puis il commença à réfléchir au sort qu’il pouvait leur réserver. Devait-il les tuer, ou bien accepter une rançon ? Ils étaient forts et puissants et leurs cœurs débordaient de haine et de rancœur envers les Musulmans, et en particulier après qu’ils les eurent faits prisonniers et tués leurs chefs. S’il les libérait contre le paiement d’une rançon, ils reviendraient faire la guerre aux Musulmans par la suite. S’il ordonnait leur mise à mort, il provoquerait la haine dans le cœur de leurs familles, haine qu’il serait difficile de dissiper. Il décida donc de consulter ses compagnons.

Il commença donc par Abû Bakr qui dit : « Ô Messager d’Allâh, je donnerais pour toi père et mère. Il s’agit de ton peuple dont certains sont pour toi des pères, des enfants, des oncles, des cousins, des frères et d’autres liés par des liens de parenté plus éloignés. Relâche-les gracieusement, qu’Allâh t’accorde de Sa grace, ou accepte une rançon afin que par ce geste Allâh les sauve de l’Enfer, et que la rançon prélevée renforce les Musulmans. En vérité, j’espère qu’Allâh guidera leurs cœurs. » Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — se tut et ne répondit rien. Abû Bakr prit congé et ʿUmar vint. Lorsque le Prophète — paix et bénédictions sur lui — lui demanda son avis, il dit : « Ô Messager d’Allâh. Ce sont les ennemis d’Allâh. Ils t’ont démenti, t’ont combattu et t’ont chassé. Fais trancher leurs cous, car ce sont les têtes de la mécrance et les guides de l’égarement. Par ce geste, Allâh renforcera l’islam et humiliera les polythéistes. » Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — se tut et ne répondit rien. Abû Bakr retourna et n’eut de cesse de demander la miséricorde du Prophète — paix et bénédictions sur lui — et de lui rappeler les liens de parenté et de souhaiter la guidance de ces prisionniers s’il préservait leurs vies. De même, ʿUmar exposa de nouveau son point de vue.

Le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — se leva et s’enferma dans son appartement pendant une heure. Puis il sortit, tandis que les gens discutaient du sort des prisonniers, certains soutenant l’avis d’Abû Bakr et d’autres celui de ʿUmar. Les Musulmans se concertèrent un temps et optèrent finalement pour la rançon, rançon au sujet de laquelle fut révélée la parole de Dieu — Exalté soit-Il — : « Un prophète n’a pas à faire de prisonniers avant d’avoir prévalu sur le terrain. Vous voulez les biens de ce monde mais Dieu veut l’autre pour vous car Dieu est puissant et sage. » [6]

Pendant que les Musulmans discutaient du sort des prisonniers de guerre, un homme ayant échappé à la mort et à la captivité arriva à La Mecque et informa ses habitants de ce qui venait d’arriver à leurs chefs et leaders. Il leur parla des tués, des prisonniers, de l’humiliation et de la défaite. Dans un premier temps, ils restèrent incrédules, puis à mesure qu’elle se confirmait, la nouvelle les terrassa. Abû Lahab en fit une fièvre et mourut une semaine tard.

Après de longues discussions, les Qurayshites décidèrent de verser une rançon pour leurs prisonniers, parmi lesquels figurait Abû Al-ʿÂs Ibn Ar-Rabîʿ, l’époux de Dame Zaynab la fille du Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui —. Les habitants de La Mecque envoyèrent de l’argent pour la libérer leurs prisonniers, tandis que la fidèle épouse musulmane envoya ce qu’elle pouvait pour libérer son époux polythéiste. Elle envoya, entre autres effets, un collier que sa mère, Dame Khadîjah — que Dieu l’agrée —, lui avait offert à l’occasion de son mariage. Lorsqu’on posa la rançon devant le Prophète — paix et bénédictions sur lui —, il vit le collier et fut saisi d’émotion au souvenir de son épouse, Dame Khadîjah — que Dieu l’agrée —. Devant l’émotion visible sur le visage du Prophète — paix et bénédictions sur lui —, ses compagnons décidèrent de libérer le prisonnier gracieusement et de lui remettre la rançon que son épouse avait envoyée, y compris le collier en question. L’époux polythéiste retourna à La Mecque, non sans avoir promis d’autoriser son épouse musulmane à émigrer vers Médine aussitôt qu’il sera arrivé à La Mecque. L’époux tint sa parole et l’épouse musulmane partit pour Médine alors qu’elle était enceinte. Mais un polythéiste mecquois la prit à partie et l’effraya de sa lance, au point qu’elle fit une fausse couche. Puis elle poursuivit son voyage vers Medine où elle rejoignit le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui —.

Quelque temps plus tard, l’époux conduisit une caravane Qurayshite en partance pour la Syrie. La caravane fut saisie par les Musulmans et l’époux prit la fuite. Après la tombée de la nuit, il rentra secrètement dans Médine et se refugia chez sa femme à qui il demanda la protection. Elle l’abrita jusqu’au lendemain matin. Les Musulmans se rendirent à la mosquée pour accomplir la prière de l’aube. Lorsque le Prophète — paix et bénédictions sur lui — eut pris position dans le mihrab et entamé la prière, Dame Zaynab — que Dieu l’agrée — cria depuis les rangées des femmes : « Ô gens, j’ai accordé ma protection à Abû Al-ʿÂs Ibn Ar-Rabîʿ ». Lorsque le Prophète — paix et bénédictions sur lui — eut conclu sa prière, il se tourna vers les gens disant : « Ô gens, avez-vous entendu ce que j’ai entendu ? Par celui Qui détient mon âme, je n’ai point eu vent de cette affaire avant de l’avoir entendue en même temps que vous. La protection des Musulmans est engagée par le moindre d’entre eux. » Puis il alla voir sa fille Zaynab et lui dit : « Offre lui l’hospitalité, mais qu’il ne t’approche point car tu n’es point licite pour lui. » Elle répondit : « Il est venu réclamer son argent. » Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — exposa la question aux membres de l’expédition qui avait intercepté la caravane ; ceux-ci décidèrent de lui restituer les biens capturés. L’époux retourna à La Mecque avec l’argent des Qurayshites. Après qu’il eut retourné les biens à leurs propriétaires respectifs, il demanda à haute voix : « Reste-t-il quelqu’un à rembourser ? » Ils répondirent : « Non, qu’Allâh te rétribue. » Il dit : « Par Allâh, si vous n’alliez pas me soupçonner de traitrise, je serais resté à Médine et me serais converti à l’islam auprès du Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui —. » Puis il partit à toute vitesse vers Medine et se rendit auprès du Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — clamant sa profession de foi musulmane et prêtant allégeance. Il retrouva ainsi son épouse fidèle et patiente, et la famille se regroupa de nouveau dans le cadre de la religion de la tolérance. [7]

P.-S.

Traduit de l’arabe du livre de Sheikh Yâsîn Rushdî, Fî Rihâb Al-Mustafâ (En Compagnie de l’Élu), disponible au format PDF sur le site Mouassa.org.

Notes

[1Rapporté par Ahmad dans le Musnad des Coufis.

[2Conférer la Sîrah d’Ibn Hishâm.

[3Rapporté par Ahmad dans le Musnad des dix, et par Muslim dans le livre du Jihâd et des biographies

[4Conférer la Sirah d’Ibn Hishâm.

[5Rapporté par Ahmad dans la suite du Musnad des Ansâr et par An-Nasâ’î dans le livre des funérailles.

[6Sourate 8, Al-Anfâl, Le butin, verset 67.

[7Conférer Usd Al-Ghâbah d’Ibn Al-Athîr.

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