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La liberté de conscience en Islam

mercredi 15 janvier 2003

Question

Jusqu’où va la liberté de conscience en Islam ? Comment répondre à ceux qui soulèvent la question de la sanction de l’apostasie ?

Réponse de la Commission de Fatwâ d’Al-Azhar

L’Islam préserve, garantit et sacralise la liberté de conscience. Il est interdit de spolier cette liberté, et ce, conformément aux textes coraniques explicites à ce sujet : « Nulle contrainte en religion ! Car le bon chemin s’est distingué de l’égarement. » [1] La mission du Messager — paix et bénédiction sur lui — consiste uniquement à transmettre et à expliquer la réalité du Message. C’est ce que proclame explicitement le Coran à cet égard, dans des versets tels que :

 « Et dis à ceux à qui le Livre a été donné, ainsi qu’aux illettrés : ‹Avez-vous embrassé l’Islam ?› S’ils embrassent l’Islam, ils seront bien guidés. Mais, s’ils tournent le dos... Ton devoir n’est que la transmission du message. Dieu, sur Ses Serviteurs, est Clairvoyant. » [2]

 « Obéissez à Dieu, obéissez au Messager, et prenez garde ! Si ensuite vous vous détournez... alors sachez qu’il n’incombe à Notre Messager que de transmettre le message clairement. » [3]

 « S’ils se détournent,... Nous ne t’avons pas envoyé pour assurer leur sauvegarde : tu n’es chargé que de transmettre le message. » [4]

 « Eh bien, rappelle ! Tu n’es qu’un rappeleur, et tu n’es pas un dominateur sur eux. Sauf celui qui tourne le dos et ne croit pas, alors Dieu le châtiera du plus grand châtiment. » [5]

Enfin, cette déclaration péremptoire du Coran qui entérine la divergence des voies suivies et l’abandon de la conscience à une liberté totale et sans entrave : « Dis : ‹Ô vous les dénégateurs ! Je n’adore pas ce que vous adorez. Et vous n’êtes pas adorateurs de ce que j’adore. Je ne suis pas adorateur de ce que vous adorez. Et vous n’êtes pas adorateurs de ce que j’adore. A vous votre religion, et à moi ma religion›. » [6] C’en est ainsi, par une déclaration explicite : Vous, vous êtes libres dans votre choix et moi, je suis libre dans le mien. Y a-t-il plus grande liberté ?

Quant au problème de l’exécution de l’apostat, en tant que sanction pour son apostasie, il faut savoir qu’une telle sanction admet des sanctions similaires dans les diverses législations divines. Toutes les religions prennent des mesures pour se protéger. Ainsi existe-t-il dans le Christianisme la sentence dite d’excommunication. Cette célèbre sanction était appliquée par les papes contre ceux qui se rebellaient contre l’autorité de l’Église, fussent-ils des Empereurs. Mais pourquoi aller si loin, alors que toute organisation, tout parti considère qu’il est de son droit de sanctionner n’importe quel membre qui violerait son engagement au sein du parti. La religion serait-elle plus futile qu’un tel parti ?

Néanmoins, j’ai un autre avis sur la question. Lorsqu’une personne accepte l’Islam pour religion, elle devient dès lors membre de la Communauté musulmane ; elle possède les mêmes droits que les autres Musulmans, et lui incombent les mêmes devoirs que les Musulmans. De cette manière, elle entre avec la Communauté musulmane dans un contrat social qui détermine l’appartenance et l’allégeance — avec tous les droits et devoirs impliqués par ces notions — à l’individu et à la Communauté à laquelle cette personne est désormais rattachée. Par ce contrat social, l’individu devient une partie intégrante du corps de la Communauté telle que décrite par le célèbre hadith : « La métaphore des croyants, dans l’amour, la compassion et la miséricorde qu’ils se témoignent les uns les autres est celle d’un corps unique. Si l’un de ses membres est souffrant, tout le corps tombe malade et devient fiévreux. » Si malgré cela, un membre quelconque de la Communauté s’avise d’apostasier — c’est-à-dire d’abandonner la Communauté dont il faisait partie intégrante et qui lui témoignait de sa loyauté et de sa protection -, il se sera alors rendu responsable de ce qui peut être assimilé à une trahison au niveau politique. Or, la trahison de la patrie est sanctionnée par la peine de mort. Il n’en sera alors pas moins pour la trahison de la religion. L’Islam n’oblige personne à l’embrasser. Mais si on l’accepte librement et par conviction, on doit respecter son engagement, car la religion est à considérer avec sérieux et n’est pas un jeu.

Néanmoins, l’exécution de l’apostat n’a pas été exprimée par un texte coranique et n’est supportée que par un seul hadith. Les juristes ont émis divers avis : les uns s’opposent à l’exécution de l’apostat, les autres invitent à ce qu’on demande à l’apostat de se repentir, pendant un certain nombre de jours selon les uns, pendant un certain nombre de mois selon certains, jusqu’à sa mort naturelle selon d’autres. Ceux qui s’opposent à l’exécution de l’apostat soutiennent en effet que la Communauté ne perdra pas grand chose avec l’apostasie de l’un de ses membres. C’est lui seul qui se perdra dans sa vie d’ici-bas et dans l’au-delà. Le Coran indique qu’il faut négliger le sort de l’apostat, en ce sens que Dieu dédommagera la Communauté de la perte de cet apostat et de ses semblables. Dieu dit en effet : « Ô les Croyants ! Quiconque parmi vous apostasie de sa religion... Dieu fera venir un peuple qu’Il aime et qui L’aime, modeste envers les croyants et fier et puissant envers les mécréants, qui lutte dans le sentier de Dieu, ne craignant le blâme d’aucun blâmeur. Telle est la grâce de Dieu. Il la donne à qui Il veut. Dieu est Immense et Omniscient. » [7] À la lumière de cette directive coranique appelant à négliger le sort de l’apostat, nous voulons indiquer que cela prive en outre les apostats de ce à quoi aspire un grand nombre d’entre eux, à savoir la renommée et la célébrité. Ainsi, la directive coranique à la négligence qu’il faut leur témoigner fait partie de la politique légale, qui les abandonne ainsi dans les vallées de l’oubli, sans personne pour les regretter.

Quant à Salmân Rushdî, son cas n’est plus celui d’une prétendue liberté d’expression. Son cas concerne désormais la liberté de diffamation explicite contre les choses sacrées de la religion, et ce, à travers la calomnie contre le Messager, la raillerie des Mères des Croyants [8] et la description du Message dans son ensemble comme une sorte de conte des Mille et Une Nuits. Contre un tel apostat, doit être prononcée une sentence semblable à celle prononcée contre celui qui trahirait sa patrie. En effet, il a rompu le contrat social qui le reliait en loyauté et en allégeance à la Communauté musulmane. Quant à la liberté d’expression en Islam, son livre d’or est tellement riche que nous n’avons pas la place d’en parler dans la présente fatwâ.

P.-S.

Traduit de l’arabe de la Banque de Fatâwâ du site Islamonline.net. La version originale est consultable sur archive.org.

On pourra également consulter l’article suivant : « Le danger de l’apostasie... et la lutte contre la zizanie ».

Notes

[1Sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, verset 256.

[2Sourate 3 intitulée la Famille d’Amram, Âl ʿImrân, verset 20.

[3Sourate 5 intitulée la Table servie, Al-Mâ’idah, verset 92.

[4Sourate 42 intitulée la Consultation, Ash-Shûrâ, verset 48.

[5Sourate 2 intitulée l’Enveloppante, Al-Ghâshiyah, versets 21 à 24.

[6Sourate 109 intitulée les Dénégateurs, Al-Kâfirûn.

[7Sourate 5 intitulée la Table servie, Al-Mâ’idah, verset 54.

[8Les Mères des Croyants sont les épouses du Prophète.

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