dimanche 20 octobre 2002
Pourquoi les femmes doivent-elles être au nombre de deux pour un témoignage alors qu’un homme unique suffit pour le même témoignage ? En clair, pourquoi le témoignage de la femme vaut-il la moitié de celui de l’homme ?
Au nom de Dieu, Clément et Miséricordieux.
Louanges à Dieu, et paix et bénédiction sur Son Messager.
Cher frère en Islam, nous aimerions tout d’abord vous remercier pour votre question et pour la confiance que vous nous accordez. Nous espérons que nos efforts seront au niveau de vos attentes.
Premièrement, vous devez savoir que devant la Loi islamique, les deux sexes ont droit à la même égalité. La justice n’a pas de sexe. D’après le Coran, hommes et femmes reçoivent la même punition pour les crimes tels que le vol (5 : 38 [1]), la fornication (24 : 2 [2]), le meurtre ou les blessures corporelles (5 : 45 [3]).
La femme a droit, juridiquement parlant, à une entité indépendante, aussi bien sur le plan financier que sur les autres plans. Cependant, une question juridique très mal comprise est celle concernant le témoignage. Une croyance, répandue bien qu’erronée, consiste à dire que « la règle » est que le témoignage de la femme vaut la moitié de celui de l’homme.
Dans son livre Markaz Al-Mar’ah fî Al-Hayâh Al-Islâmiyyah (Le Statut de la Femme en Islam), Sheikh Yûsuf Al-Qaradâwî affirme :
« Certaines personnes nourrissent des soupçons et soulèvent des questions concernant la position de l’Islam quant au statut de la femme en tant qu’être humain. L’une de ces questions est la suivante : comment l’Islam considère-t-il que la femme est sur le même pied d’égalité avec l’homme alors que, parallèlement, il privilégie l’homme sur certains points tels que le témoignage légal, l’héritage, le prix du sang, la responsabilité de la famille, le commandement de l’État et autres charges ministérielles ?
La distinction (si jamais on peut l’appeler ainsi) entre l’homme et la femme n’est pas due à une préférence de Dieu, le Très-Haut, pour l’homme ou pour la femme. Aucun des deux n’est plus noble que l’autre ou plus proche de Dieu que l’autre.
En réalité, c’est la piété et la conscience qui sont mesurées pour déterminer qui est plus noble et plus proche de Dieu : « Le plus noble d’entre vous, auprès de Dieu, est le plus pieux. Dieu est certes Omniscient et Grand-Connaisseur. » (sourate 49 intitulée les Appartements, Al-Hujurât, verset 13).
Cependant, la distinction opérée par le verset est simplement conditionnée par les différents devoirs assignés à chacun des deux sexes, en vertu de leurs dispositions naturelles.
Le verset coranique connu sous le nom du « verset de la dette », dans lequel Dieu prescrit la rédaction de lettres de change à titre de mesure préventive, est le suivant : « Ô les croyants ! Quand vous contractez une dette à échéance déterminée, mettez-la en écrit ; et qu’un scribe l’écrive, entre vous, en toute justice ; un scribe n’a pas à refuser d’écrire selon ce que Dieu lui a enseigné ; qu’il écrive donc, et que dicte le débiteur : qu’il craigne Dieu son Seigneur, et se garde d’en rien diminuer. Si le débiteur est gaspilleur ou faible, ou incapable de dicter lui-même, que son représentant dicte alors en toute justice. Faites-en témoigner par deux témoins d’entre vos hommes ; et à défaut de deux hommes, un homme et deux femmes d’entre ceux que vous agréez comme témoins, en sorte que si l’une d’elles s’égare, l’autre puisse lui rappeler. » (sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, verset 282).
Le Coran rend le témoignage de l’homme égal à celui de deux femmes. De plus, la majorité des juristes soutiennent que le témoignage de la femme n’est pas recevable dans le cas de crimes majeurs et dans des affaires faisant intervenir la loi du talion.
Pourtant, la distinction est loin d’être due à une quelconque conviction en une déficience de l’humanité et de l’intégrité de la femme. Cela est plutôt dû à ses dispositions naturelles et à ses inclinations spécifiques qui peuvent exclure son implication dans de telles affaires, alors même que son attention est focalisée sur sa qualité de mère et de maîtresse de maison. Par conséquent, la femme est très susceptible de commettre une erreur d’inattention lorsqu’elle est confrontée à de telles affaires. Pour cette raison, Dieu ordonne aux créanciers, s’ils veulent vérifier le montant de la dette, d’avoir recours au témoignage de deux hommes ou d’un homme et de deux femmes. Le Coran ajoute, afin de lever toute ambiguïté : « en sorte que si l’une d’elles s’égare, l’autre puisse lui rappeler. » (sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, verset 282).
L’exclusion définitive du témoignage de la femme dans les affaires de crimes majeurs, ainsi que dans les affaires requérant l’application du talion, s’explique par le fait qu’on veut protéger la femme et lui éviter les scènes de crimes et de violence contre les personnes, contre l’honneur ou contre les biens. Il est ainsi fréquent de voir une femme fermer les yeux ou fuir de panique devant une scène sanglante ; en conséquence, il devient difficile pour une telle femme de rendre compte de manière fidèle des circonstances du crime.
Néanmoins, pour les juristes, cela implique également que le témoignage de la femme doit être pris en compte dans les cas relevant des compétences de la femme telles que les relations familiales, la menstruation, l’accouchement, et autres affaires dont la connaissance était exclusivement réservée aux femmes au cours des siècles précédents et qui l’est probablement encore. »
Dr Jamâl Badawî, professeur à l’Université Sainte Marie à Halifax, Nova Scotia, Canada, et membre représentatif de la faculté au Département des Études Religieuses et du Management, ajoute :
« La plupart des références coraniques au témoignage ne précisent aucunement le sexe du témoin. Certaines références établissent une égalité complète entre le témoignage de l’homme et celui de la femme.
Une seule référence dans le Coran fait une distinction entre le témoignage masculin et le témoignage féminin. Il est utile de citer cette référence et de l’expliquer dans son propre contexte et dans le contexte des autres références coraniques ayant trait au témoignage :
« Ô les croyants ! Quand vous contractez une dette à échéance déterminée, mettez-la en écrit ; et qu’un scribe l’écrive, entre vous, en toute justice ; un scribe n’a pas à refuser d’écrire selon ce que Dieu lui a enseigné ; qu’il écrive donc, et que dicte le débiteur : qu’il craigne Dieu son Seigneur, et se garde d’en rien diminuer. Si le débiteur est gaspilleur ou faible, ou incapable de dicter lui-même, que son représentant dicte alors en toute justice. Faites-en témoigner par deux témoins d’entre vos hommes ; et à défaut de deux hommes, un homme et deux femmes d’entre ceux que vous agréez comme témoins, en sorte que si l’une d’elles s’égare, l’autre puisse lui rappeler. » (sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, verset 282).
Quelques explications de ce texte semblent nécessaires afin d’éviter les contresens habituels.
a. On ne peut arguer que dans le Coran, il y a une règle générale qui est que le témoignage de la femme vaut la moitié de celui de l’homme. Cette prétendue « règle » est contredite par 24 : 6-9 [4] qui établit explicitement l’égalité entre le témoignage des deux sexes dans l’affaire soulevée par ces versets.
b. Le contexte du verset qui nous concerne est relatif au témoignage dans les transactions financières, qui sont souvent complexes et chargées d’un jargon commercial. Le verset ne fait donc aucune généralisation, ce qui contredirait 24 : 6-9 [4].
c. La raison pour laquelle le nombre de témoins masculins et féminins varie est donnée dans le même passage. Aucune allusion n’est faite quant à l’infériorité ou la supériorité du sexe du témoin par rapport au sexe opposé. L’unique raison formulée par le texte est de corroborer le témoignage de la femme et, ainsi, éviter des erreurs involontaires dans la compréhension de la transaction commerciale. Le terme arabe utilisé dans le verset, tadill, signifie littéralement « s’égare », « s’embrouille », « se trompe ». Mais la femme est-elle la seule à pouvoir se tromper et à avoir besoin de la corroboration de son témoignage ? Absolument pas, et c’est d’ailleurs pour cette raison que dans le cadre de la Loi islamique, la règle générale concernant le témoignage est de produire deux témoins, même s’il s’agit d’hommes.
Une interprétation possible de cette requête relative à un type particulier de témoignage est que dans beaucoup de sociétés, anciennes et actuelles, la femme n’est généralement pas très impliquée ni très expérimentée dans les transactions commerciales. Ainsi, elle n’est pas toujours très compétente dans ce domaine. Par conséquent, la corroboration du témoignage de la femme par une autre femme assure l’exactitude, et de là, la justice. Il serait déraisonnable d’interpréter cette requête comme un reflet de la valeur du témoignage féminin. En effet, il s’agit là de l’unique exception se distinguant dans le texte coranique. C’est également une des raisons pour lesquelles un grand savant comme At-Tabarî ne put trouver aucune preuve dans aucun texte primaire (Coran ou hadith) pour exclure la femme de quelque chose de bien plus important que le témoignage, à savoir : parvenir au poste de juge devant entendre et évaluer les témoignages des autres.
d. Il faut ajouter que, contrairement à des actes purement cultuels qui doivent être réalisés exactement comme nous les a enseignés le Prophète, paix et bénédiction sur lui, le témoignage ne constitue qu’un moyen pour parvenir à une fin, fin consistant en l’établissement d’un des plus grands objectifs de la Loi islamique qui est la justice. En conséquence, il est du devoir du juge honnête d’être guidé par cet objectif lorsqu’il doit évaluer la valeur et la crédibilité d’un témoignage, et ce, indépendamment du sexe du témoin. Le témoignage d’une femme diplômée d’une école de commerce a certainement bien plus de valeur que le témoignage d’une personne illettrée n’ayant aucune formation ni expérience commerciale. »
Et Dieu est Le plus Savant.
Source : la Banque de Fatâwâ du site Islamonline.net. La version originale est consultable sur archive.org.
On pourra également consulter l’article suivant : "Réponse à l’équivoque pesant sur le témoignage de la femme".
[1] Sourate 5 intitulée la Table servie, Al-Mâ’idah :
38. Le voleur et la voleuse, à tous deux coupez la main, en punition de ce qu’ils se sont acquis, et comme châtiment de la part de Dieu. Dieu est Puissant et Sage.
[2] Sourate 24 intitulée la Lumière, An-Nûr :
2. La fornicatrice et le fornicateur, fouettez-les chacun de cent coups de fouet. Et ne soyez point pris de pitié pour eux dans l’exécution de la loi de Dieu - si vous croyez en Dieu et au Jour dernier. Et qu’un groupe de croyants assiste à leur punition.
[3] Sourate 5 intitulée la Table servie, Al-Mâ’idah :
45. Et Nous y avons prescrit pour eux vie pour vie, œil pour œil, nez pour nez, oreille pour oreille, dent pour dent. Les blessures tombent sous la loi du talion. Après, quiconque y renonce par charité, cela lui vaudra une expiation. Et ceux qui ne jugent pas d’après ce que Dieu a fait descendre, ceux-là sont des injustes.
[4] Sourate 24 intitulée la Lumière, An-Nûr :
6. Et quant à ceux qui lancent des accusations contre leurs propres épouses, sans avoir d’autres témoins qu’eux mêmes, le témoignage de l’un d’eux doit être une quadruple attestation par Dieu qu’il est du nombre des véridiques,
7. et la cinquième [attestation] est ‹que la malédiction de Dieu tombe sur lui s’il est du nombre des menteurs›.
8. Et on ne lui infligera pas le châtiment [de la lapidation] si elle atteste quatre fois par Dieu qu’il [son mari] est certainement du nombre des menteurs,
9. et la cinquième [attestation] est que la colère de Dieu soit sur elle, s’il était du nombre des véridiques.
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