dimanche 22 septembre 2002
Ce titre concis — la valeur du temps — porte en son sein des sens et des thèmes nombreux et étendus contribuant à la discussion. En effet, la valeur du temps (az-zamân) chez les philosophes n’est pas celle que les commerçants lui accordent. De même, le temps prend une valeur différente chez les agriculteurs, les industriels, les militaires, les hommes politiques, les jeunes, les personnes âgées, les étudiants et les savants en sciences islamiques.
Mon discours concerne uniquement la valeur du temps chez les étudiants et les savants en sciences islamiques. J’espère ainsi éveiller et stimuler les énergies des étudiants en sciences islamiques, en ces jours où les énergies se sont endormies, où les aspirations des gens sérieux se sont fânées, au point qu’il est devenu rare de voir des étudiants consummés par le désir d’acquérir la science. Il en a résulté la mort de l’excellence et la propagation de la paresse et l’inertie, ainsi que la faiblesse et le retard, dans les rangs des hommes de science.
Les bienfaits de Dieu envers Ses serviteurs sont innombrables. Il est impossible que les êtres humains les recensent ou qu’ils en prennent conscience dans toute leur réalité et ce, d’une part, en raison de leur nombre, de leur permanence, de l’aisance par laquelle ils nous sont pourvus et la continuité des bienfaits de Dieu, et d’autre part, à cause des différences entre les facultés des gens. Très véridique est la Parole de Dieu — le Très Glorieux : « [...]Et si vous comptiez les bienfaits d’Allah, vous ne sauriez les dénombrer. L’homme est vraiment très injuste, très ingrat ». [1]
Parmi les bienfaits de Dieu, certains sont de l’ordre de piliers fondamentaux et d’autres en sont des branches ramifiées. Pour ce qui est des branches des bienfaits citons : une science profuse, un corps bien pourvu, une fortune abondante, l’attachement aux œuvres de culte surérogatoires — la prière nocturne, la récitation fréquente du Coran ... — la mention de Dieu, l’application minutieuse des traditions de la fitrah (disposition naturelle originelle) liées au visage, aux mains et aux autres membres. Nous pouvons également citer ici les traditions relatives aux œuvres : le fait que les hommes se parfument pour assister à des réunions, se serrer la main en se rencontrant, pénétrer dans la mosquée avec le pied droit, en ressortir avec le pied gauche, écarter les choses nuisibles du chemin, ainsi que les autres valeurs éthiques, les traditions, les œuvres recommandées et certaines obligations. Ces exemples de bienfaits sont des ramifications, et combien nobles sont-elles pour ceux qui en connaissent la valeur.
Les bienfaits fondamentaux sont également nombreux, innombrables. Le premier bienfait fondamental réside dans la foi en Dieu, la foi en ce qu’Il a révélé et le fait d’œuvrer conformément aux Ordres de Dieu — Exalté et Glorifié Soit-Il.
Parmi les bienfaits fondamentaux, citons aussi la bonne santé. Cela englobe une ouïe, une vue, un coeur et des membres sains. La bonne santé constitue le pivot des déplacements de l’homme et une condition essentielle pour que l’individu profite de son existence.
Le bienfait du savoir est un autre bienfait fondamental. Il s’agit d’un grand bienfait dont dépend le raffinement de l’humanité, son bonheur dans l’ici-bas et dans l’au-delà. Le savoir est un bienfait grandiose de tout point de vue : son acquisition en soi est un bienfait, en profiter est un bienfait, en faire profiter autrui est aussi un bienfait, le préserver et le transmettre aux générations futures est un bienfait, le propager parmi les gens est également un bienfait etc.
Il y a de nombreux exemples de bienfaits fondamentaux, mais je ne m’attarderai pas sur leur mention par respect à la valeur du temps.
Parmi les bienfaits fondamentaux — c’est même l’un des bienfaits les plus nobles et les plus précieux — il y a le bienfait du « temps ». Les pages ci-présentes ont été réunies pour en exposer la valeur pour les étudiants et les savants en sciences islamiques.
Le temps constitue l’âge de la vie, le champ de l’existence de l’homme, l’espace où il est, où il profite de son existence et où il fait profiter autrui. Le Noble Coran a souligné la grandeur de ce bienfait parmi les bienfaits fondamentaux. Il a mis en valeur sa prééminence sur les autres bienfaits, et ce, grâce aux nombreux versets montrant la valeur du temps, son rang distingué et l’ampleur de ses conséquences.
Je citerai à cet égard quelques nobles versets. Dieu — Exalté et Glorifié Soit-Il — dit en rappelant ce grand bienfait qu’Il a généreusement accordé à Ses serviteurs : « Allah Qui a crée les cieux et la terre et Qui, du ciel, a fait descendre l’eau ; grâce à laquelle Il a produit des fruits pour vous nourrir. Il a soumis à votre service les vaisseaux qui, par Son ordre, voguent sur la mer. Et Il a soumis à votre service les rivières. * Et pour vous, Il a assujetti le soleil et la lune à une perpétuelle révolution. Et Il vous a assujetti la nuit et le jour. * Il vous a accordé de tout ce que vous Lui avez demandé. Et si vous comptiez les bienfaits d’Allah, vous ne sauriez les dénombrer. L’homme est vraiment très injuste, très ingrat ». [2]
Dieu a ainsi compté la nuit et le jour, qui constituent le temps dont nous parlons, parmi les bienfaits les plus grandioses qu’Il a généreusement accordés à l’humanité. C’est par le temps que ce grand monde passe, depuis le début de sa création jusqu’à sa fin.
Dieu — Exalté et Glorifié Soit-Il — a insisté sur ce bienfait précieux dans un autre verset en disant : « Pour vous, Il a assujetti la nuit et le jour ; le soleil et la lune. Et à Son ordre sont assujetties les étoiles. Voilà bien là des preuves pour des gens qui raisonnent ». [3] A la fin de ce verset que nous venons de citer, Dieu souligne qu’il y a en ces bienfaits des signes et des preuves manifestes pour ceux qui sont pourvus de raison et ceux qui méditent.
Et Il dit — Exalté et Soit-Il : « Nous avons fait de la nuit et du jour deux signes, et Nous avons effacé le signe de la nuit, tandis que Nous avons rendu visible le signe du jour, pour que vous recherchiez des grâces de votre Seigneur, et que vous sachiez le nombre des années et le calcul du temps. Et Nous avons expliqué toute chose d’une manière détaillée ». [4]
Et Il dit — Exalté et Soit-Il : « Parmi Ses merveilles, il y a la nuit et le jour, le soleil et la lune : ne vous prosternez ni devant le soleil, ni devant la lune, mais prosternez-vous devant Dieu qui les a créés, si c’est Lui que vous adorez ». [5]
Dieu a loué Son Être Majestueux en rappelant qu’Il est le Maître du temps, de l’espace, et les moments et lieux divers qu’ils englobent : « Et à Lui tout ce qui réside dans la nuit et le jour. C’est Lui l’Audient, l’Omniscient ». [6]
Dieu, Exalté Soit-Il, a blâmé les mécréants qui ont perdu leur vie et l’on dépensée dans la mécréance. Ils n’ont pas quitté la mécréance au profit de la foi, malgré la longue vie qu’ils ont eue.
Dieu, Exalté Soit-Il, dit : « ...Ne vous avons-Nous pas donné une vie assez longue pour que celui qui réfléchit réfléchisse ? L’avertisseur, cependant, vous était venu. Et bien, goûtez (votre punition). Car pour les injustes, il n’y a pas de secoureur » [7] .
Dieu montre ainsi que le fait d’avoir une longue vie implique le devoir de prendre conscience et de voir avec lucidité. La longue vie est un champ pour la foi et le rappel. Dieu a fait de l’âge, qui est le temps vécu par l’être humain, un argument contre lui, de même que la présence d’un Message et d’un Avertissement constituent un argument contre lui.
Le Hâfidh Ibn Kathîr dit dans l’exégèse de ce noble verset : « Cela veut dire : n’aviez-vous pas eu dans l’ici-bas des vies qui, si vous étiez de ceux qui profitent de la vérité, étaient largement suffisantes pour que vous en profitiez ! Qatâdah dit : Sachez que la longueur de la vie est un argument [contre celui qui la perd] ; nous recherchons refuge auprès de Dieu contre la perte de la foi avec l’âge ».
Al-Bukhârî a rapporté, dans son Sahîh [8] , selon Abû Hurayrah, que Dieu l’agrée, le Messager de Dieu, paix et bénédiction de Dieu sur lui, a dit : « Dieu, Exalté Soit-Il, n’a laissé aucune excuse à une personne dont il a prolongé l’âge jusqu’à soixante ans ». L’Imâm Ahmad a rapporté, dans son Musnad, selon Abû Hurayrah également, le Messager de Dieu, paix et bénédiction de Dieu sur lui, a dit : « Celui à qui Dieu accorde une vie de soixante ans, Il ne lui a laissé aucune excuse ». Cela signifie que Dieu ne lui a laissé aucune excuse à présenter, car Dieu lui a accordé un long surcis à travers cette longue vie.
Outre les versets sus-mentionnés, de nombreux autres versets attirent l’attention sur la grande valeur de ce bienfait fondamental qu’est le temps. Il suffit de savoir que Dieu, Exalté et Glorifié Soit-Il, a juré par le temps sous ses diverses formes, dans Son Noble Livre, dans maints versets, pour montrer la valeur du temps et son importance. Ainsi, Dieu, Glorifié Soit-Il, a-t-Il juré par la nuit, le jour, l’aube, le matin, le crépuscule, le jour montant (ad-duhâ), et le temps (al-ʿasr) : « Par la nuit quand elle enveloppe tous ! * Par le jour quand il éclaire ! » [9] , « Et par la nuit quand elle se retire ! * Et par l’aurore quand elle se découvre ! » [10] , « par la nuit quand elle survient ! * et par l’aube quand elle exhale son souffle ! » [11] , « Non !... Je jure par le crépuscule * et par la nuit et ce qu’elle enveloppe » [12], « Par l’Aube ! * et par les dix nuits ! » [13] , « Par le Jour Montant ! * Et par la nuit quand elle couvre tout ! » [14], « Par le Temps ! * L’homme est certes, en perdition » [15].
Notons que toute chose sur laquelle Dieu a juré par le temps est de la plus grande importance. Il a juré par le temps notamment sur deux questions d’une importance capitale. La première consiste à innocenter le Messager, paix et bénédiction de Dieu sur lui, de la fausse allégation des mécréants qui prétendaient que Dieu avait abandonné le Prophète. La seconde chose c’est de montrer que l’homme sera perdu et périra sauf ceux qui ont cru et qui ont accompli les œuvres pies. Pour ces deux questions, Dieu Exalté Soit-Il, a juré par le temps :
« Par le Jour Montant ! * Et par la nuit quand elle couvre tout ! * Ton Seigneur ne t’a ni abandonné, ni détesté » [16].
« Par al-ʿasr (le temps) ! * L’homme est certes, en perdition, * sauf ceux qui croient et accomplissent les bonnes oeuvres, s’enjoignent mutuellement la vérité et s’enjoignent mutuellement l’endurance » [17].
Le Pontife de la Communauté (Habr Al-Ummah) et l’Interprète du Coran (Turjumân Al-Qur’ân), notre maître ʿAbdullâh Ibn ʿAbbâs, que Dieu les agrée tous deux, dit : al-ʿasr c’est le temps.
L’Imâm Fakhruddîn Ar-Râzî, que Dieu lui fasse miséricorde, dit dans l’éxégèse de Sourate (Al-ʿAsr) de façon synthètique : « Dieu, Exalté et Glorifié Soit-Il, a juré par le Temps à cause des choses surprenantes qu’il recèle en termes d’aisance et de difficulté, bonne santé et maladie, richesse et pauvreté, et aussi parce que rien n’est aussi précieux et cher que l’âge.
Si tu perds mille ans dans des choses futiles, puis tu te repens et le bonheur s’établit pour toi pendant le dernier instant de ta vie, alors tu seras dans le Paradis éternellement. Tu sauras alors que la chose la plus précieuse c’est ta vie à cet instant de bonheur. Le temps fait partie des bienfaits fondamentaux. C’est pour cela que Dieu en a fait un serment solennel et a attiré l’attention sur le fait que la nuit et le jour constituent une opportunité que l’homme perd ! Tu sauras également que le temps est plus noble que le lieu ; c’est pour cela que Dieu a juré par le temps. En effet, le temps est un bienfait parfait sans le moindre défaut, mais celui qui est dans la perte, celui qui est entaché de défauts, c’est l’être humain. » [18]
Ce sont là quelques éléments du Noble Coran indiquant la valeur du temps et montrant qu’il fait partie des bienfaits fondamentaux.
[1] Sourate 14, Ibrâhîm, verset 34.
[2] Sourate 14, Ibrâhîm, versets 32 à 34.
[3] Sourate 16, An-Nahl, verset 12.
[4] Sourate 17, Al-Isrâ’, verset 12.
[5] Sourate Fussilat, verset 37.
[6] Sourate 6, Al-Anʿâm, verset 13.
[7] Sourate Fâtir, verset 37.
[8] Sahîh Al-Bukhârî, Kitâb Ar-Riqâq.
[9] Sourate Al-Layl, versets 1 et 2.
[10] Sourate 74, Al-Muddaththir, versets 33 et 34.
[11] Sourate At-Takwîr, versets 17 et 18.
[12] Sourate Al-Inshiqâq, versets 16 et 17.
[13] Sourate Al-Fajr, versets 1 et 2.
[14] Sourate Ad-Duhâ, versets 1 et 2.
[15] Sourate Al-ʿAsr, versets 1 et 2.
[16] Sourate Ad-Duhâ, versets 1 à 3.
[17] Sourate Al-ʿAsr.
[18] At-Tafsîr Al-Kabîr, appelé Mafâtih Al-Ghayb.
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