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Les banques de lait maternel et l’interdiction du mariage entre frères et sœurs de lait

mercredi 21 mai 2003

Question

L’enfant né prématurément peut se voir isolé dans une couveuse artificielle pendant un certain temps, jusqu’à ce que les seins de sa mère se gorgent de lait.
L’enfant poursuit ainsi une étape délicate de son développement, qui lui permet toutefois d’être en mesure d’être nourri au lait. Or, il est bien connu que le meilleur lait qui puisse être dispensé aux bébés est le lait humain.
Certaines fondations ont été créées dans le but d’accueillir les mamans qui allaitent et qui désirent faire don d’un peu de leur lait. Chacune d’elles fait don de la quantité de lait qu’elle désire. Tous ces laits sont ensuite mélangés puis stérilisés afin d’être administrés à ces bébés prématurés qui sont dans uns situation délicate, au cours de laquelle tout autre type de lait peut leur être néfaste. En réalité, on utilise un mélange de laits de dizaines voire de centaines de mamans. Et des dizaines voire des centaines de garçons et de filles nés prématurément sont ainsi nourris à ce mélange de laits. Ainsi, tous ces enfants ne connaissent pas les mamans dont ils ont bu le lait et les mamans ne connaissent pas non plus les enfants qui ont bu de leur lait. Néanmoins, il n’y a pas d’allaitement direct entre la maman donneuse de lait et l’enfant prématuré, de sorte que cet enfant ne tète pas directement le sein de la donneuse de lait.
Tous ces enfants sont-il alors légalement considérés comme des frères de lait ? Les banques de lait doivent-elles être interdites bien qu’elles contribuent à sauver des vies ?
Si ces banques sont licites, qu’est-ce qui justifie leur licéité ? Est-ce le fait qu’il n’y a pas de succion du sein ? Ou bien est-ce le fait qu’il est impossible de retrouver les sœurs de lait, minoritaires dans la société dans laquelle elles vivent ?

Réponse du Docteur Yûsuf ʿAbd Allâh Al-Qaradâwî

Louanges à Dieu et paix et bénédiction sur le Messager de Dieu.

Nul doute que l’objectif pour lequel ont été créées ces banques de lait - telles que décrites dans la question - est un objectif noble que l’Islam soutient. L’Islam invite en effet à assister toute personne faible - quelle que soit la cause de cette faiblesse -, en particulier s’il s’agit comme ici d’enfants nés prématurément, dans une situation extrêmement fragile.

Nul doute également que toute femme qui allaite et qui se porte volontaire pour faire don de son lait en vue de nourrir ces enfants, trouvera pleinement sa récompense auprès de Dieu et nous la remercions vivement. En fait, il est même permis de lui acheter son lait si elle ne désire pas en faire don gratuitement, exactement comme le Coran permet de louer les services d’une nourrice, chose qui fut très pratiquée par les Musulmans.

Nous remercions enfin cette fondation qui s’occupe de collecter ces laits, de les stériliser et de les stocker pour les utiliser ensuite en vue de nourrir ces bébés.

Où se trouve alors l’ennui posé par une telle œuvre caritative ?

L’ennui est que le nourrisson va grandir, avec la permission de Dieu. Il deviendra un jeune homme, membre de cette société, et il voudra épouser une femme, également membre de cette société. Ici, on peut craindre que cette jeune femme ne soit en fait sa sœur de lait, sans qu’il ne soit au courant. Car il ne connaît pas les autres bébés qui avaient été nourris comme lui à ce lait collecté. Pire, il ne connaît en fait même pas les femmes qui avaient fait don de leur lait, et qui se trouveraient être ses mères de lait. Sa mère de lait lui est ainsi interdite en mariage, tout comme lui sont interdites les filles de sa mère de lait, qu’elles soient des filles par le sang ou des filles par le sein. En outre, les sœurs de sa mère de lait lui sont également interdites en mariage car elles sont devenues ses tantes maternelles. Enfin, les belles-filles de sa mère de lait lui sont également interdites en mariage, selon l’opinion de la majorité des juristes, car elles sont les filles de son père de lait, etc.

A ce niveau, il devient donc impératif de nous arrêter pour un moment de réflexion. Nous nous arrêterons en particulier sur les trois points suivants :

  1. Quelle est la signification de l’allaitement par lequel notre Législation interdit le mariage ?
  2. Quelle doit être la quantité de lait absorbé pour que l’interdiction du mariage devienne effective ?
  3. Qu’en est-il en cas de doute sur l’allaitement ?

La signification de l’allaitement

L’allaitement par lequel la Législation interdit le mariage est considéré chez la majorité des juristes - dont les trois Imâms Abû Hanîfah, Mâlik et Ash-Shâfiʿî - comme étant celui au cours duquel du lait parvient dans l’estomac du bébé, que ce soit à travers sa bouche ou autre, par la succion du sein ou autre. Ainsi, est considéré comme de l’allaitement le wajûr qui consiste à verser le lait dans la bouche du bébé. Certains sont même allés jusqu’à considérer le saʿût, qui consiste à verser le lait dans le nez du bébé, comme de l’allaitement. D’autres ont poussé encore plus loin en allant jusqu’à considérer l’injection de lait dans l’anus du bébé au même titre que le wajûr et le saʿût.

L’Imâm Al-Layth Ibn Saʿd, un contemporain et un homologue de l’Imâm Mâlik, s’est opposé à tout cela. Son avis est également celui de l’Ecole littéraliste et est l’une des deux opinions formulées par l’Imâm Ahmad.

L’érudit Ibn Qudâmah a mentionné les deux opinions de Mâlik concernant le wajûr et le saʿût :

  1. L’opinion la plus reconnue pour l’Imâm Mâlik est celle adoptée par la majorité des juristes, selon laquelle l’interdiction du mariage est effective dès qu’il y absorption de lait par le wajûr ou le saʿût. Ils argumentent cela par le fait que le wajûr permet la croissance de l’enfant : il est donc semblable à l’allaitement au sein. Quant au saʿût, c’est parce que l’absorption de liquide par le nez est une manière de rompre le jeûne, tout comme l’absorption par la bouche. Par analogie, le saʿût interdit le mariage comme si l’absorption de lait s’était faite par la bouche.
  2. La deuxième opinion est que le wajûr et le saʿût n’interdisent pas le mariage car ils diffèrent de l’allaitement.

Ibn Qudâmah dit dans Al-Mughnî : « Cette deuxième opinion est celle adoptée par Abû Bakr, Dâwûd et ʿAtâ’ Al-Khurasânî concernant le saʿût, car il ne s’agit pas d’allaitement, et que c’est par l’allaitement que Dieu a interdit le mariage. En outre, dans le saʿût, il n’y a pas de succion du sein. Le saʿût est ainsi similaire à l’infiltration de lait par une blessure par exemple. » L’auteur d’Al-Mughnî a néanmoins préféré la première opinion, à cause du hadith d’Ibn Masʿûd rapporté par Abû Dâwûd : « Nul allaitement que ce qui fortifie les os et qui fait croître la chair. »

En vérité, le hadith sur lequel s’appuie l’auteur d’Al-Mughnî ne justifie nullement son opinion. Bien au contraire, si on analyse ce hadith, on se rend compte qu’il prouve même la fausseté de son opinion. Ce hadith parle en effet de l’allaitement qui interdit le mariage. Et cet allaitement est défini comme étant celui qui fortifie les os et qui fait croître la chair. Ainsi, le hadith dit implicitement que l’allaitement en petite quantité, n’influant donc pas sur la croissance de l’enfant, une ou deux succions par exemple, n’interdit pas le mariage. Car un tel allaitement ne fortifie pas les os et ne fait pas croître la chair. Le hadith dit en réalité que l’interdiction du mariage devient effective seulement lorsque l’allaitement est responsable de la croissance de l’enfant. Et avant tout cela, il faut qu’il y ait déjà allaitement.

L’auteur d’Al-Mughnî dit ensuite au sujet du saʿût : « Par cette méthode, le lait suit le même chemin que l’allaitement au sein. Dans les deux cas, les os se fortifient et la chair croît. Pour cette raison, il faut le considérer comme interdisant le mariage au même titre que l’allaitement. En outre, on peut établir l’analogie avec le fait qu’il est une manière de rompre le jeûne. Il interdit donc le mariage au même titre que l’allaitement dans la bouche du bébé. »

Nous répondons à l’auteur d’Al-Mughnî - que Dieu lui fasse miséricorde : si la raison de l’interdiction du mariage par l’allaitement était due à la croissance de l’enfant, alors il nous faudrait aujourd’hui déclarer que la transfusion sanguine d’une femme vers un enfant rendrait illicite leur mariage éventuel. Car la nutrition par transfusion sanguine est bien plus influente sur la croissance que la nutrition au sein. Or, les lois de la religion ne se fondent pas sur des conjectures. Car la conjecture est le plus mensonger des discours et car la conjecture ne saurait tenir lieu de vérité. Ce que je pense, c’est que le Législateur a fondé l’interdiction du mariage par l’allaitement sur la « maternité nourricière ». Le Très Haut mentionne en effet dans l’énumération des femmes que l’homme ne peut définitivement jamais épouser : « vos mères qui vous ont allaités, vos soeurs de lait » (sourate 4 intitulée les Femmes, An-Nisâ’, verset 23). Cette maternité explicitée par le Coran ne s’accomplit pas uniquement par l’absorption de lait, mais plutôt lorsque l’enfant tète le sein de sa nourrice et que sa joue entre en contact avec le sein. Car c’est alors que se manifeste la splendeur de la tendresse maternelle et l’attachement de l’enfant pour sa mère nourricière. Et à partir de cette maternité, découle la fraternité de lait par exemple. La maternité est la base et tout le reste en découle.

Nous devons donc nous en tenir ici aux termes exacts employés par le Législateur. Tous ces termes parlent du irdâʿ et de la radâʿah (allaitement). La signification de ces termes dans la langue employée par le Coran et la Sunnah est claire et limpide. Il s’agit de l’acte dans lequel la nourrice donne le sein à l’enfant qui le prend dans sa bouche et le tète. Les termes employés par le Coran ne renvoient pas à une absorption quelconque de lait, par n’importe quel moyen.

J’apprécie beaucoup ici la position adoptée par l’Imâm Ibn Hazm. Il s’en est tenu à considérer littéralement les textes, sans chercher à dépasser les limites qu’ils imposent. Et c’est ainsi qu’il a pu dévoiler l’interprétation qui me semble exacte. Il tient à ce sujet des propos d’une telle force de persuasion et d’une telle clarté de l’argumentation que j’aimerais en citer ici quelques extraits.

Il dit : « Quant à l’allaitement qui interdit le mariage, il s’agit de celui au cours duquel le nourrisson tète le sein de la nourrice uniquement avec sa bouche. Dans les cas suivants :

 si l’enfant boit du lait de femme dans un récipient,

 si on lui tire le lait du sein et qu’il le récupère dans sa bouche avant de l’avaler,

 si on lui mélange ce lait avec du pain ou avec une autre nourriture et qu’il en mange,

 si on lui verse ce lait dans la bouche, dans le nez ou dans l’oreille,

 si on lui injecte ce lait,
alors dans tous ces cas, il n’y a pas d’interdiction du mariage, même si l’enfant est ainsi nourri pendant toute sa vie.

La preuve en est le verset suivant : « vos mères qui vous ont allaités, vos sœurs de lait » (sourate 4 intitulée les Femmes, An-Nisâ’, verset 23). De plus, le Messager de Dieu - paix et bénédiction sur lui - dit : « L’allaitement interdit ce qu’interdit la filiation utérine. » Ainsi, Dieu et Son Messager - paix et bénédiction sur lui - n’ont interdit le mariage que lorsqu’il y a allaitement et seulement lorsqu’il y a allaitement. Or, on dit qu’il y allaitement uniquement lorsque la femme dépose son sein dans la bouche du nourrisson et que celui-ci le prend dans sa bouche et le tète. Tout le reste que nous avons évoqué ne porte nullement le nom d’allaitement. Il s’agirait dans ces cas-là de traite du sein, d’alimentation, de boisson, d’ingurgitation, d’injection, de saʿût, etc. Et Dieu n’a pas évoqué ces procédés de nutrition comme interdisant également le mariage. »

Abû Muhammad [1] dit : « Les gens ont divergé à ce sujet. Ainsi, Al-Layth Ibn Saʿd dit : « Le saʿût avec du lait de femme n’interdit pas le mariage. De même, faire absorber à l’enfant du lait de femme dans un remède médical n’interdit pas le mariage non plus. Car il ne s’agit pas d’allaitement. Il y a allaitement lorsque l’enfant tète le sein. » Ceci est la transcription des propos d’Al-Layth ; c’est également notre avis, tout comme c’est l’avis de Abû Sulaymân - Ibn Hazm entend par ce surnom l’Imâm Dâwûd, le fondateur de l’Ecole littéraliste -, et de nos condisciples - c’est-à-dire les disciples de l’Ecole littéraliste. »

Ibn Hazm répond par le hadith suivant à ceux qui se sont opposés à lui : « L’allaitement est dû à la sous-nutrition. » « Ce hadith, dit-il, est un argument en notre faveur. Le Prophète a en effet interdit le mariage s’il y a eu allaitement, allaitement qu’il dit être un remède à la sous-nutrition. Or, en dehors de l’allaitement, il n’a rien interdit du tout concernant le mariage. Par conséquent, il est non avenu d’interdire le mariage par un autre remède à la sous-nutrition tel que l’alimentation, la boisson ou le wajûr sauf s’il s’agit précisément d’allaitement, comme l’a spécifié le Messager de Dieu - paix et bénédiction sur lui [2]. « Et ceux qui transgressent les ordres de Dieu, ceux-là sont les injustes. » [3] » (Al-Muhallâ d’Ibn Hazm, 10/9-11).

Nous voyons ainsi que l’avis auquel le cœur incline est celui qui se fonde sur la lettre des textes qui régissent l’allaitement. Par ailleurs, cet avis se fonde également sur la sagesse qui se trouve derrière l’interdiction du mariage par l’allaitement, cette sagesse étant l’existence d’une fibre maternelle semblable à la fibre maternelle de filiation utérine. Et à partir de cette maternité nourricière, découlent toutes les autres filiations comme la fraternité de lait par exemple. Or, l’inexistence de l’allaitement dans le cas des banques de lait est assurée. Il ne s’agit en fait que du wajûr évoqué par les juristes.

Mais même si nous admettons l’avis de la majorité des juristes, selon lequel l’interdiction du mariage peut être effective sans qu’il n’y ait nécessairement d’allaitement et de succion du sein, alors une autre objection peut être soulevée face une telle interdiction.

Cette objection est que nous ne connaissons pas la femme dont le lait a été absorbé par l’enfant. Nous ne connaissons pas non plus la quantité de lait que l’enfant a absorbée de cette femme. A-t-il absorbé une quantité de lait équivalente à cinq allaitements complets, sachant que cette quantité est celle admise par les Chaféites et les Hambalites pour assurer la croissance de l’enfant, d’après ce qu’indiquent les traditions et ce que retiennent les études critiques ? D’autre part, les directives concernant le lait pur et le lait mélangé sont-elles les mêmes ? Car pour l’Ecole hanafite, et pour Abû Yûsuf en particulier, si les laits de deux femmes se mélangent alors la filiation de l’enfant par allaitement est reportée sur la femme qui a donné la plus grande quantité de lait, du fait que l’influence de ce lait sera plus importante sur la croissance de l’enfant.

Mais il est bien connu que si un doute existe au niveau de l’allaitement, alors l’interdiction du mariage est levée.

L’érudit Ibn Qudâmah dit dans Al-Mughnî : « Si un doute existe concernant le fait de savoir s’il y a eu ou non allaitement, ou si le doute concerne le nombre d’allaitements, alors l’interdiction du mariage est dès lors non avenue. Car à l’origine, il n’y a pas d’interdiction. En conséquence, la conviction ne saurait s’incliner devant le doute. Il en est de même que si l’on doute s’il y a eu ou non divorce ou si l’on a un doute quant au nombre de divorces consécutifs déjà atteints. » (Al-Mughnî maʿ As-Sharh Al-Kabîr, 9/194).

Dans un livre hanafite, Al-Ikhtiyâr, on peut lire : « Une femme introduit le mamelon de son sein dans la bouche du nourrisson. On ne sait pas si du lait a été absorbé par l’enfant ou non. Dans ce cas, il n’y a pas d’interdiction du mariage.

De même, une jeune femme a été allaitée par une femme d’un village donné, et on ne connaît pas qui est cette femme. Un homme de ce même village se présente pour épouser la jeune femme. Cette union est licite car la licéité du mariage est fondée, et ce fondement ne saurait être remis en question par un simple doute.

Les femmes ne devraient pas allaiter tous les enfants, s’il n’y a pas une nécessité qui l’impose. Et si elles le font, elles devraient garder en mémoire cet enfant, ou le noter par écrit afin d’en garder une trace. » (Al-Ikhtiyâr du Hanafite Ibn Mawdûd 3/120 ; cf également Sharh Fath Al-Qadîr d’Ibn Al-Hammâm 3/2-3).

Il est incontestable que dans le cas qui nous préoccupe, il n’y a pas eu d’allaitement. Et même si nous admettons que ce type de nutrition est un allaitement, alors il est imputable à une nécessité. De plus, la notification des donneuses et des bébés est impossible. De surcroît, tous les laits sont mélangés. L’avis vers lequel je penche au niveau de l’allaitement est qu’il faut réduire les causes de l’interdiction du mariage, tout comme je penche pour réduire les causes rendant un divorce effectif. Néanmoins, il existe des personnes qui soutiennent qu’il faut élargir les causes dans les deux domaines.

Conclusion

Nous ne voyons donc rien qui puisse empêcher la création de ces banques de lait, du moment qu’elles ont pour but de réaliser un intérêt général de grande utilité et qu’elles repoussent une nécessité que nous devons précisément repousser. Nous nous sommes fondés dans notre argumentation sur les juristes que nous avons cités et sur les preuves que nous avons avancées puis discutées.

Certaines personnes peuvent nous rétorquer : pourquoi ne pas choisir l’avis le plus précautionneux [4], afin de sortir de toutes ces divergences ? Car la précaution est mère de sûreté, et elle permet de se dégager de toute équivoque.

Je réponds : lorsque l’individu œuvre pour lui-même, alors nul grief contre lui s’il prend toutes ses précautions. Mieux, il peut aller jusqu’à abandonner ce sur quoi il n’y a nul grief contre lui, afin d’éviter ce sur quoi il y aurait grief.

Mais lorsque le problème devient d’ordre général et qu’il touche à l’intérêt public, alors il est préférable pour les juristes de rendre les choses aisées et ne pas les compliquer, sans pour autant aller à l’encontre des textes explicites ou des fondements fixes de la religion. C’est pour cette raison que les juristes ont considéré certains éléments comme rendant obligatoires les allégements. C’est par exemple le cas des calamités d’ordre public au cours desquelles il faut prendre en considération la détresse des gens et leur témoigner de la douceur et de la bienveillance. Cela est d’autant plus vrai à notre époque contemporaine où les gens ont plus que jamais besoin de facilités et de douceur pour les aider à pratiquer leur religion.

Nous devons également signaler qu’à force de préférer systématiquement les solutions les plus précautionneuses aux solutions les plus faciles, les plus bienveillantes et les plus justes, alors on peut finir ainsi par faire des lois religieuses un ensemble de « précautions » qui contredisent l’esprit de facilité et d’indulgence sur lequel se fonde cette religion. Le Messager de Dieu - paix et bénédiction sur lui - dit : « J’ai été envoyé avec la douce religion primordiale. » ; « Vous avez été envoyés pour être indulgents, non pour être embarrassants. »

La voie que nous suivons est donc celle du juste milieu et de la modération entre les plus extrémistes et les plus laxistes. « Et aussi Nous avons fait de vous une communauté du juste milieu. » (sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, verset 143).

Dieu dit la vérité et c’est Lui qui guide vers le droit chemin.

Et Dieu est le plus Savant.

P.-S.

Traduit de l’arabe à partir de la Banque de Fatâwâ du site Islamonline.net. La version originale est consultable sur archive.org.

Notes

[1Abû Muhammad est le surnom d’Ibn Hazm.

[2Ibn Hazm explique ici que le Prophète a interdit le mariage si celui-ci est précédé d’allaitement. Dans un autre hadith, le Prophète précise que l’allaitement est dû à la sous-nutrition. Ibn Hazm, qui est un littéraliste, en déduit qu’étant donné que le Prophète n’a pas interdit le mariage suite à une absorption de lait par un autre procédé que l’allaitement, et étant donné que le Prophète ne parle pas de sous-nutrition concernant ces autres procédés, c’est que l’allaitement est un procédé de nutrition particulier et qu’il faut donc le considérer comme tel. En conséquence, seul ce procédé particulier rend illicite un mariage ultérieur entre le nourrisson et ses proches parentes de lait.

[3Sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, verset 229.

[4L’avis le plus précautionneux est ici celui qui dit que toute absorption de lait maternel est une forme d’allaitement. Autrement dit, c’est la thèse que le Docteur Al-Qaradâwî s’est employé à réfuter depuis le début de cette fatwâ.

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