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ʿAbd Allâh Ibn Masʿûd

vendredi 3 mai 2002

Alors qu’il n’était qu’un jeune adolescent, il s’employait à parcourir les pistes montagneuses de La Mecque, loin de tous, pour garder le troupeau d’Uqbah Ibn Muʿayt alors un des chefs Quraïshites. Les gens l’appelaient Ibn Umm ’Abd ce qui signifie "Le fils de la mère d’un serviteur" ; son véritable nom était ʿAbd Allâh tandis que son père s’appelait Masʿûd.

Ce jeune garçon avait aussi été amené à écouter les nouvelles selon lesquelles un Prophète était apparu au sein de son peuple. Toutefois, en raison de son jeune âge et de son métier de berger qui le mettait à l’écart de la société mecquoise, il n’y prêta pas d’attention particulière. Il avait, en effet, coutume de s’en aller dans les montagnes tôt le matin avec le troupeau d’Uqbah et de ne revenir qu’à la tombée de la nuit.

Un jour alors qu’il veillait sur le troupeau, ʿAbd Allâh aperçut deux hommes d’âges moyens et aux allures vertueuses se diriger vers lui. Manifestement, ils semblaient très fatigués. Ils avaient tellemement soif que leurs lèvres et leurs gorges étaient bien sèches. Ils s’approchèrent de lui, le saluèrent et lui dirent :

"Jeune homme, peux-tu traire une de ces brebis pour nous afin que l’on puisse étancher notre soif et reprendre quelques forces ?

— Mais je n’y suis pas autorisé" répliqua le jeune garçon et de poursuivre : Les brebis ne m’appartiennent pas, ma responsabilité ne se limite qu’à leur garde."

Les deux hommes n’ont alors pas cherché à argumenter avec lui, malgré leur forte soif ; ils furent ravis de cette franchise spontanée, et la satisfaction s’exprima sur leurs visages...

Ces deux hommes étaient le Saint-Prophète lui-même et son compagnon Abû Bakr As-Siddîq (que Dieu l’agrée). Ce jour-là, ils étaient ont emprunté les pistes montagneuses de La Mecque pour échapper aux violentes persécutions orchestrées par les Quraïshites.

Le jeune garçon fut impressioné par le Prophète et de son compagnon, et, très vite, il s’attacha à eux. Il ne tarda pas à embrasser l’islam et se proposa d’être au service personnel du Prophète.

Le Prophète accepta et depuis ce jour-là le vaillant ʿAbd Allâh Ibn Masʿûd renonça à la garde des brebis pour désormais se dévouer au service du Prophète béni. Un lien solide est né entre eux.

Ainsi, ʿAbd Allâh devait s’assurer que tous les besoins internes ou externes du foyer du Prophète étaient satisfaits. Il se joignait à lui lors de ses déplacements de même qu’au cours de ses expéditions. Il s’assurait de le réveiller quand il le fallait. En outre, il le couvrait lorsqu’il se lavait, il portait son bâton et son siwak et s’occupait d’autres affaires personnelles du Prophète, paix et bénédiction de Dieu sur lui.

Dans la maison du Prophète, une éducation unique lui fut dispensée. Il vivait sous la guidance du Prophète, il adopta ses manières et le suiva dans toute chose, si bien que l’on dit à son égard : Il est celui qui est le plus proche du caractère du Prophète."

ʿAbd Allâh Ibn Masʿûd fut instruit à "l’école" du Prophète. Il fut le meilleur récitateur du Coran parmi les compagnons du Prophète et le comprenait encore mieux que tous. Par conséquent, il était aussi celui qui avait le plus de connaissance en terme de Législation islamique (Shariʿah). Rien ne peut illustrer cela mieux que le récit de l’homme qui interpella ʿUmar Ibn Al-Khattâb qui se trouvait alors dans la plaine d’Arafat : "Ô Amir al-Mûminîn (Commandeur des Croyants) ! je reviens de Kûfah [cité irakienne] où un homme est en train de retranscrire le Coran en se basant sur sa mémoire."

ʿUmar se fâcha et, tout en fumant de colère, entreprit les cents-pas auprès de son chameau.

"Quelle est l’identité de cet homme ? demanda ʿUmar.

— ʿAbd Allâh Ibn Masʿûd, répondit l’homme."

Alors la colère de Umar s’estompa et il retrouva son calme.

"Malheur à toi, dit-il à l’homme, par Dieu, je ne connais aucun homme qui ne soit aussi doué dans cette matière que lui. Une nuit le Messager de Dieu - Que la Paix soit sur lui - était en train de s’entretenir avec Abû Bakr au sujet de la situation des musulmans, moi-même j’étais avec eux. Lorsque le Prophète décida de partir, nous l’avons aussi raccompagné. Nous avions traversé la mosquée où se trouvait un homme debout en pleine prière que nous n’avions [au départ] pas reconnu. Le Prophète s’était alors arrêté afin de l’écouter puis il se retourna et [nous] dit : "Quiconque désir réciter le Coran dans le même style de splendeur lorsqu’il était en train d’être révélé alors qu’il le récite dans le même style de Ibn Umm ʿAbd."

Après sa prière ʿAbd Allâh s’était assis et commença à faire ses invocations, puis le Prophète - Que la Paix soit sur lui - dit alors : "Implore et tu seras excaucé, implore et tu seras exaucé".

ʿUmar poursuivit : "Je me suis dis que je devais absolument voir ʿAbd Allâh Ibn Masʿûd pour lui annoncer l’heureuse nouvelle que venait de prononcer le Prophète à son sujet, je voulais lui dire que ses invocations étaient exaucées. C’est ce que j’allais faire mais je me suis rendu compte que Abû Bakr m’avait devancé et lui avait annoncé la nouvelle. Par Dieu, je n’ai jamais encore réussi à devancer Abû Bakr lorsqu’il s’agit de réaliser une bonne action."

Ce faisant, ʿAbd Allâh Ibn Masʿûd accumulait tant de connaissances sur le Coran qu’il lui arrivait de dire, "Par Lui, en dehors Duquel il n’y a nul Dieu, aucun parmi les versets révélés du livre de Dieu ne me sont connus sans que je sache le lieu et les circonstances dans lesquelles leurs révélations s’étaient prononcées. Par Dieu, si je m’aperçois qu’il existe une seule personne qui puisse en connaître davantage sur le livre de Dieu, de toutes mes forces je ferai en sorte de ne pas la lâcher." ʿAbd Allâh n’exagérait pas dans ce qu’il dit de lui-même.

Une fois au cours d’une de ses grandes sorties en tant que Calife, ʿUmar Ibn Al-Khattâb croisa une caravane que l’obscurité de la nuit empêchait de distinguer convenablement. ʿUmar ordonna à l’un de ses membres de saluer la caravane et il se trouvait que ʿAbd Allâh Ibn Masʿûd en faisait partie.

"D’où venez-vous ? interrogea ʿUmar.

— D’une vallée très profonde (fadj ʿamîq), répondit la caravane. ("fadj ʿamîq" est une expression coranique).

— Et où allez-vous comme ça ? demanda ʿUmar.

— A l’Ancienne Demeure (bayt ʿatîq)", fit de nouveau écho la caravane ("al-bayt al-ʿatiq" est une expression coranique).

— Une personne savante (’âlim) doit très certainement vous accompagner, dit ʿUmar qui chargea un homme de demander à la caravane : Quelle partie du Coran est la plus majestueuse ?

—  Dieu, point de divinité à part Lui, le Vivant, Celui Qui Subsiste par Lui-même. Ni sommeil et ni somnolence ne Le saisissent,, répondit l’interrogé, citant par-là le verset du Trône. [Coran, 2 : 255).

— Quelle partie du Coran est la plus limpide en terme de justice ?

— Certes, Allah commande l’équité, la bienfaisance et l’assistance aux proches..., répliqua toujours l’interrogé. [Coran 16 : 90]

— Quel est l’un des principaux enseignements du Coran ?

— Quiconque fait un bien fût-ce du poids d’un atome, le verra, * et quiconque fait un mal fût-ce du poids d’un atome, le verra.[Coran, 99 : 7-8]

— Quelle partie du Coran met en exergue un formidable espoir ?

— Dis : "O Mes serviteurs qui avez commis des excès à votre propre détriment, ne désespérez pas de la miséricorde d’Allah. Car Allah pardonne tous les péchés. Oui, c’est Lui le Pardonneur, le Très Miséricordieux. [Coran 39 : 53]

C’est là que ʿUmar demanda : ʿAbd Allâh Ibn Masʿûd ne serait-il pas parmi vous ?

— Par Dieu, oui, répliqua l’homme de la caravane."

En fait, ʿAbd Allâh Ibn Masʿûd n’était pas seulement un spécialiste du Coran. Au-delà de son érudition et de sa grande dévotion, il fut un combattant fort, courageux, redoutable sur le champ de bataille.

Un jour alors que les compagnons du Prophète - Que la Paix et les bénédictions d’Allah soient sur lui - étaient rassemblés à La Mecque en nombre limité, affaiblis et opprimés, ils dissertaient sur le fait que les Quraïshites n’avaient toujours pas eu l’occasion d’écouter la récitation du Coran d’une façon publique et à haute voix.

— J’irai le leur réciter ! dit ʿAbd Allâh Ibn Masʿûd alors volontaire.

— Mais nous craignons qu’il ne t’arrive quelque chose ! lui dirent-ils. Nous préférerons une personne appartenant à un clan susceptible de le défendre contre leurs attaques.

— Accordez-le-moi, insista ʿAbd Allâh Ibn Masʿûd qui invoqua Allah en ces termes : Allah protége-moi et garde-moi de leur mal."

De ce pas, il se dirigea vers la Mosquée jusqu’au niveau du Maqâm d’Ibrahim soit à quelques mètres de la Kaʿbah.

Pendant que le disque solaire commençait à illuminer la Kaʿbah autour de laquelle les Quraïshites s’étaient dispersés, ʿAbd Allâh alla se placer à hauteur du Maqâm et commença alors sa récitation de sourate Ar-Rahmân :

"Bismillâhi’r-Rahmâni’r-Rahîm * Ar-Rahmân * ʿAllama’l-Qur’an * Khalaqa’l-Insân * ʿAllamahu’l-bayân...".

Pendant qu’il enchaînait les versets les Quraïshites tendirent l’oreille attentivement, puis s’interrogèrent :
"Qu’est-ce que Ibn Umm Abd est en train de raconter ?

— Malheur à lui ! Il est en train de réciter ce que Muhammad a apporté !"

Ils venaient de comprendre...

Ils se jetèrent alors sur lui et une pluie de coups s’abattit sur son visage. Cependant, cette agression ne l’empêcha pas dans sa constante récitation jusqu’à ce qu’il retourna auprès de ses compagnons, le visage tout ensanglanté.

"C’est ce que nous craignions pour toi ! dirent-ils.

— Par Dieu, dit ʿAbd Allâh, les ennemis de Dieu n’étaient pas plus à l’aise que je ne l’étais à ce moment précis. Si vous le souhaitez, je recommence demain.

— Tu en as déjà fait assez, répondirent-ils, tu leur as fait écouter ce qu’ils détestent."

ʿAbd Allâh Ibn Masʿûd vécut jusqu’au Califat de notre maître ʿUthmân - Qu’Allah soit satisfait de lui - Lorsque la maladie s’était emparée de lui, ʿUthmân lui rendit visite :

"De quel mal souffres-tu ?

— Mes pêchés.

— Que désires-tu maintenant ?

— La Miséricorde de mon Créateur.

— Puis-je maintenant te remettre le bien qui te revient et que tu n’as cessé de refuser depuis des années ?

— Je n’en ai guère besoin.

— Laisse-le au moins à tes filles.

— Crains-tu que mes filles connaissent la pauvreté ? Je les ai toutes exhortées à lire la sourate Al-Waqiʿah (l’Evénement) chaque nuit parce que j’ai entendu le Prophète dire : Quiconque lit al-Waqiʿah chaque nuit sera immunisé contre la pauvreté pour toujours."

En cette nuit, ʿAbd Allâh retourna auprès de son Créateur, avec dans son esprit le souvenir de Dieu et la récitation des versets de Son Livre.

P.-S.

Traduit de "Companions of The Prophet", Vol. 1, de Abdul Wâhid Hâmid.

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