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Réponse à l’équivoque pesant sur le témoignage de la femme

lundi 30 septembre 2002

Question

Comment répondre à ceux qui soulèvent la question du témoignage de la femme, le considérant comme une preuve que les lois du Coran ne sont plus d’actualité ?

Réponse du Professeur, Dr. Muhammad ʿImârah

Dans les affaires et les domaines où la compétence de la femme est inférieure à celle de l’homme, le témoignage de celle-ci vaudra moins que le témoignage de celui-là. Mais, afin que son témoignage ne soit pas complètement discrédité dans de tels domaines, le Coran a permis qu’elle témoigne, à condition que son témoignage soit supporté par le témoignage d’une autre femme, qui lui rappellerait ce qu’elle oublierait des circonstances de l’affaire au sujet de laquelle elle est venue témoigner.

En revanche, dans les domaines où se spécialise la femme, où sa compétence y est plus élevée, la valeur de son témoignage y est plus importante, et peut parfois devenir le double du témoignage de l’homme.

En outre, le témoignage de la femme peut être pris en compte là où le témoignage de l’homme ne l’est pas, dans des domaines tels ceux que nous évoquions.

Ceux qui croient que le verset de la sourate 2 :

« Ô les croyants ! Quand vous contractez une dette à échéance déterminée, mettez-la en écrit ; et qu’un scribe l’écrive, entre vous, en toute justice ; un scribe n’a pas à refuser d’écrire selon ce que Dieu lui a enseigné ; qu’il écrive donc, et que dicte le débiteur : qu’il craigne Dieu son Seigneur, et se garde d’en rien diminuer. Si le débiteur est gaspilleur ou faible, ou incapable de dicter lui-même, que son représentant dicte alors en toute justice. Faites-en témoigner par deux témoins d’entre vos hommes ; et à défaut de deux hommes, un homme et deux femmes d’entre ceux que vous agréez comme témoins, en sorte que si l’une d’elles s’égare, l’autre puisse lui rappeler. Et que les témoins ne refusent pas quand ils sont appelés. Ne vous lassez pas d’écrire la dette, ainsi que son terme, qu’elle soit petite ou grande : c’est plus équitable auprès de Dieu, et plus droit pour le témoignage, et plus susceptible d’écarter les doutes. Mais s’il s’agit d’une marchandise présente que vous négociez entre vous : dans ce cas, il n’y a pas de péché à ne pas l’écrire. Mais prenez des témoins lorsque vous faites une transaction entre vous ; et qu’on ne fasse aucun tort à aucun scribe ni à aucun témoin. Si vous le faisiez, cela serait une perversité en vous. Et craignez Dieu. Alors Dieu vous enseigne et Dieu est Omniscient.

Mais si vous êtes en voyage et ne trouvez pas de scribe, un gage reçu suffit. S’il y a entre vous une confiance réciproque, que celui à qui on a confié quelque chose la restitue ; et qu’il craigne Dieu son Seigneur. Et ne cachez pas le témoignage : quiconque le cache a, certes, un cœur pécheur. Dieu, de ce que vous faites, est Omniscient. » (sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, versets 282 et 283).

Ceux qui croient que ce verset 282 fait du témoignage de la femme la moitié du témoignage de l’homme, dans l’absolu et dans toutes les situations, se trompent et se font des illusions. En effet, ce verset parle d’une dette particulière, à un moment particulier, nécessitant un scribe particulier, une dictée particulière et un témoignage particulier.

Ce verset est en soi une exception : « Mais s’il s’agit d’une marchandise présente que vous négociez entre vous : dans ce cas, il n’y a pas de péché à ne pas l’écrire. » Mise à part cette situation précise décrite dans le verset, la prise de témoins elle-même pour la transaction commerciale n’est pas nécessaire. Nous ne devons donc pas restreindre le cas général à cette affaire particulière de dettes.

De plus, ce verset s’adresse au créancier qui désire s’assurer son dû de la manière la plus solide qui soit. Ce verset ne s’adresse pas au juge qui peut juger suivant les preuves ou les serments, sans considération du sexe ni du nombre des témoins grâce auxquels les preuves s’établissent. Le juge peut ainsi prononcer son verdict en fonction du témoignage de deux hommes, de deux femmes, d’un homme et d’une femme, d’un homme seul ou d’une femme seule, du moment que la preuve est établie à partir de ces témoignages.

Quiconque veut en savoir plus, à partir de la jurisprudence islamique, au sujet de cette question — ignorée par un grand nombre — peut se référer aux avis du Cheikh de l’Islam Ibn Taymiyah [1] et de son élève l’Imam Ibn Qayyim Al-Jawziyyah [2] dans son livre At-Turuq Al-Hukmiyyah fî As-Siyâsah Ash-Sharʿiyyah, pages 103-104, édition du Caire, 1977. Dans ce livre, on trouve — d’après le texte d’Ibn Taymiyah — que ce qui a été dit au sujet du témoignage de la femme dans la sourate 2 n’est pas restrictif à tous les témoignages « ni à tous les verdicts que doit rendre le juge. En réalité, il s’agit d’une mention de deux types de preuves grâce auxquelles l’individu peut s’assurer de ses droits. Le verset constitue donc un conseil, un enseignement et une indication quant à la manière dont les droits doivent être préservés. Or, la manière dont sont préservés les droits est une chose et la manière dont juge le juge en est une autre. Ainsi, les méthodes de jugement sont bien plus larges que le seul recours à deux témoins ou à deux femmes. »

L’Imam Ahmad Ibn Hanbal a dit que le témoignage de l’homme vaut le témoignage de deux femmes dans les domaines où celui-ci est plus compétent que celles-là, et que le témoignage de la femme vaut le témoignage de deux hommes dans les domaines où celle-ci est plus compétente que ceux-là.

Ainsi, la porte est ouverte devant la compétence qui constitue le critère mesurant la valeur du témoignage. De sorte que, si la compétence de l’homme est plus faible dans un domaine donné, la valeur de son témoignage en sera automatiquement diminuée. Parallèlement, si la compétence de la femme est plus importante dans un domaine donné, la valeur de son témoignage en sera automatiquement relevée. Il n’existe pas dans la jurisprudence islamique de généralisation ni de critère absolu sur la question. En effet, le témoignage est un moyen pour établir la preuve grâce à laquelle le juge peut se prononcer, indifféremment du sexe et du nombre de témoins.

Si ceux qui appellent à l’historicité et à l’historisme des versets constituant des lois coraniques avaient compris la signification réelle de ces versets, dont ils se font des illusions quant à la possibilité de ne plus en tenir compte — affirmant que l’esprit et la lettre du Coran sont à considérer d’un point de vue historique et contextuel —, ils auraient saisi que c’est le Coran, en se contentant de généralités, de philosophies, de règles et de théories, tout en s’effaçant devant les détails de la législation au profit des efforts individuels d’appréciation des juristes, qui a fait de ses lois internes concernant les relations inter-humaines — sans parler des actes cultuels, des vertus et de la morale — des lois valables à toute époque et en tout lieu. Ainsi, la législation du Coran est la dernière des législations divines : elle est leur sceau. Elle n’a pas besoin de cette « historicité » ni de cet « historisme », notions que ceux qui soulèvent cet équivoque ont empruntées à la pensée occidentale, sans avoir pris en compte la spécificité du texte coranique ni la distinction que s’est donné le parcours de la jurisprudence et de la civilisation islamiques. Si ceux qui appellent à l’historicité du Coran avaient compris les questions au sujet desquelles ils se font des illusions — comme l’héritage de la femme ou son témoignage —, ils nous auraient épargné ces efforts que nous accomplissons pour réfuter ces fausses allégations.

P.-S.

Source : la Banque de Fatâwâ du site Islamonline.net. La version originale est consultable sur archive.org.

Notes

[1661-728 A.H. ; 1263-1358 ap. J.-C.

[2691-751 A.H. ; 1292-1350 ap. J.-C.

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