jeudi 22 juin 2006
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Doyen des maîtres-récitateurs d’Égypte, Sheikh ʿAbd Al-Motaʿâl Mansûr ʿArafah fut une autorité contemporaine dans la discipline de la récitation et des lectionnaires coraniques.
Le 8 Dhû Al-Hijjah 1345 A.H. (8 Juin 1927), Sheikh ʿAbd Al-Motaʿâl naquit dans le village de Banî ʿAdiyy au gouvernorat d’Assiout. Ce village de Haute-Égypte est aussi appelé le “village des oulémas” en raison du nombre de savants vertueux qui y naquirent, dont notamment Sheikh Ahmad Ad-Dardîr (d. 1786 E.C.), Sheikh Muhammad Hasanein Makhlûf (1861-1936 E.C.), le père du Mufti d’Égypte Sheikh Hasanein Makhlûf (1890-1990 E.C.), ainsi que le gnostique Sheikh Ismâʿîl Sâdiq Al-ʿAdawî (1934-1998 E.C.), l’imam et prédicateur de la mosquée d’Al-Azhar.
À l’âge de cinq ans, il suivit les enseignements d’une école coranique (Kuttâb) de son village. Âgé de neuf ans (en septembre 1936), il acheva la mémorisation du Coran et excella dans l’art de sa récitation. La même année, il alla à la seule école existant dans son village avant de suivre, plus tard, les cours de l’Institut Azharite de Banî ʿAdiyy. C’est dans cet institut non gouvernemental qu’il étudia à l’époque le tajwîd, les sept lectionnaires coraniques, la jurisprudence islamique, le hadîth, le credo, la grammaire, la rhétorique et la prosodie. Il y fut également initié à de nombreux chefs d’œuvres du patrimoine islamique comme :
En 1945 E.C. et pour la première fois dans l’histoire d’Al-Azhar, un département d’études des lectionnaires fut créé au sein de la Faculté de la Langue Arabe. Sheikh ʿAbd Al-Motaʿâl ne tarda pas à partir pour le Caire pour rejoindre ce département et s’initier auprès de ses savants. Il suivit en parallèle les cours du Cursus Général à Al-Azhar afin d’acquérir les sciences non-enseignées au département des lectionnaires.
En 1949 E.C., il obtint sa Maitrise des lectionnaires avant d’obtenir en 1953 E.C. le diplôme de spécialisation des lectionnaires attribué à la première promotion de ce département où il fut désigné en tant qu’enseignant. En 1954, il obtint le prestigieux diplôme d’Al-ʿÂlamiyyah d’Al-Azhar, ce qui lui permit ensuite de devenir membre du Comité des Grands Savants d’Al-Azhar. De 1954 à 1957, il fut détaché par Al-Azhar au Soudan où il se consacra à répandre les sciences de la religion avant de rejoindre le corps enseignant de l’Institut Azharite d’Al-Minyâ en Égypte.
En 1957, un concours fut organisé par Al-Azhar pour recruter des inspecteurs dans son haut cadre technique. Sheikh ʿAbd Al-Motaʿâl réussit ce concours avec brio et devint inspecteur à Al-Azhar avant d’être détaché en Algérie où il vécut de 1963 à 1967 E.C. Il enseigna notamment dans les instituts religieux créés après l’indépendance de l’Algérie.
Il retourna ensuite au Caire pour enseigner le tajwîd dans les différentes facultés de l’Université d’Al-Azhar, en qualité de membre du corps enseignant et du comité de direction. Il progressa dans sa hiérarchie et, après avoir assumé depuis 1969 les fonctions de doyen de l’Institut des Lectionnaires à Shubrâ, il devint son recteur en 1975 avant d’être nommé Doyen des maîtres-récitateurs d’Égypte (Sheikh Al-Maqâri’ Al-Misriyyah).
Lorsque la direction des affaires du Noble Coran fut créée à Al-Azhar, Sheikh ʿAbd Al-Motaʿâl fut choisi en tant que directeur adjoint en 1977 tout en gardant son poste de recteur de l’Institut des Lectionnaires. Il fut ensuite nommé à la tête cette direction jusqu’en 1985, quand — Allâh Exalté soit-Il — voulut l’honorer par son travail dans la ville du Prophète — paix et bénédictions sur lui —. Il poursuivit son itinéraire au service du Noble Coran et ce, à travers son poste de conseiller et de directeur d’inspection du noble texte coranique au Complexe du Roi Fahd pour l’impression du Noble Coran. Ce poste fut occupé auparavant par le Doyen des maîtres-récitateurs d’Égypte, Sheikh ʿÂmir ʿUthmân, avant son retour au Caire pour des raisons de santé. Sheikh ʿÂmir ʿUthmân recommanda Sheikh ʿAbd Al-Motaʿâl pour sa succession. Il assuma donc ses responsabilités au Complexe de Médine, qu’Allâh accorde Sa paix et Ses bénédictions à son habitant (le Prophète).
Celle-ci ne fut cependant pas la première fois que Sheikh ʿAbd Al-Motaʿâl révise le Mushaf puisqu’il participa auparavant à la révision du premier Mushaf imprimé par Al-Azhar Ash-Sharîf et ce, sous l’égide du Grand Imâm d’Al-Azhar Sheikh ʿAbd Al-Halîm Mahmûd. C’est une charge que l’académie de recherches islamiques lui attribua avec d’autres savants érudits comme notamment Sheikh ʿAbd Al-Fattâh Al-Qâdî, Sheikh Sulaymân As-Saghîr, Sheikh Muhammad Rashâd et Sheikh Muhammad As-Sayyid Wafâ. Compte tenu de la proximité des Imprimeries Princières (Al-Matâbiʿ Al-Amîriyyah) de la maison du Sheikh, sa demeure eut à maintes reprises l’honneur d’accueillir les réunions de ce comité d’experts.
Quant à la révision du Noble Coran selon la transmission de Warsh du lectionnaire de l’Imâm Nâfiʿ, Sheikh ʿAbd Al-Motaʿâl présida au Qatar un comité pour la supervision et la révision du Mushaf selon cette transmission, et ce, avec un groupe de savants érudits de la direction de la revivification du patrimoine islamique.
Outre son travail professionnel, Sheikh ʿAbd Al-Motaʿâl contribua à nombre d’activités extra-académiques. Il présida — qu’Allâh lui fasse miséricorde — l’Association de la Conservation du Noble Coran grâce à laquelle de nombreuses mosquées furent inaugurées au gouvernorat de Gizah afin d’œuvrer dans le domaine de l’enseignement du Coran, vers la fin des années 1970. Il joua également un rôle important dans la construction de l’institut azharite situé dans la rue Fikrî Zâhir à Madînat At-Tahrîr dans le quartier d’Imbâbah. Il contribua aussi à la fondation de l’institut primaire azharite de Banî ʿAdiyy à Assiout ; les habitants du village insistèrent pour l’appeler « l’Institut Azharite de Sheikh ʿAbd Al-Motaʿâl Mansûr ʿArafah ».
Par ailleurs, Sheikh ʿAbd Al-Motaʿâl contribua à la construction de nombre de mosquées dont notamment la mosquée An-Nûr à Imbâbah qu’il veilla plus tard à développer et à élargir. Allâh voulut également le combler de Ses bienfaits en l’honorant par la construction de la Mosquée Ar-Ridwân à Banî ʿAdiyy, son village natal.
Quant à ses efforts dans le domaine de la prédication islamique, ils débutèrent dès son obtention du diplôme Al-ʿÂlamiyyah et ce, à travers les sermons qu’il donnait dans les mosquées. Il prononçait de même les quatre sermons mensuels du vendredi dans quatre mosquées différentes au Caire et le cas échéant, prononçait le prêche du cinquième vendredi dans une mosquée à l’extérieur du Caire.
Ses sermons et leçons furent profitables pour de nombreuses personnes, jeunes et seniors, et eurent un rôle bénéfique dans l’exposition de divers concepts islamiques, loin de l’extrémisme, de l’attachement aux petits détails et des vaines controverses. Il était souvent guidé par la parole du Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — : « Annoncez la bonne nouvelle et ne rebutez pas [les gens] ! Facilitez et ne compliquez pas [les choses] ! » et aussi : « Cette religion est ardue, avancez-y donc doucement. Quiconque se mesure à cette religion, elle le vaincra ». Le principe directeur de sa prédication se trouvait dans la Parole d’Allâh — Exalté soit-Il — : « Appelle au sentier de ton Seigneur par la sagesse et la bonne exhortation ». [1]
Bien qu’étant simple et tolérant dans le domaine de la prédication, il n’admettait aucun manquement dans la sphère du travail et cherchait exclusivement la Satisfaction de son Seigneur, selon la parole du Prophète stipulant : « Ne satisfais personne contre la colère d’Allâh. » Pour lui, la proche parenté et le népotisme n’avaient pas de place surtout lorsqu’il s’agissait d’un travail au service du Livre d’Allâh. Pour obtenir un poste, l’engagement, la compétence et le succès sont des critères clés ; pour être promu, la persévérance, la productivité et la sincérité sont des facteurs indispensables.
Après la prière de l’aube et jusqu’au lever du soleil, Sheikh ʿAbd Al-Motaʿâl enseignait le Coran quotidiennement aux jeunes gens et aux personnes âgées de son quartier. Il organisait également chaque jeudi à la mosquée An-Nûr d’Imbâbah un cercle de dhikr en congrégation après la prière d’al-ʿishâ’, à moins qu’il soit en déplacement à l’étranger. Ce cercle était souvent fréquenté par un grand nombre d’habitants du quartier.
Ses prêches ne se limitèrent cependant pas aux mosquées : il eut des apparitions dans les medias audiovisuels. À la radio, il contribua au programme « Min Buyût Allâh » (Des Maisons d’Allâh). Outre ses discours religieux à la télévision, il contribua aux programmes « Al-Musâbaqât Al-Qur’âniyyah » (Les concours coraniques) et « Masjid At-Tilifiziûn » (La mosquée de la télévision). Il fut également, pendant trois années consécutives, membre du comité d’arbitrage du concours coranique annuel en Malaisie.
Sheikh ʿAbd Al-Motaʿâl — qu’Allâh lui fasse miséricorde — enregistra le Coran sur cassettes de sa voix suave selon la transmission de Hafs du lectionnaire de ʿÂsim. Il interdit l’usage de ses enregistrements à des fins commerciales et souhaita qu’ils soient reproduits et distribués gratuitetement. À ce titre, le site islamophile.org obtint une copie de ces enregistrements rares par l’aimable famille du Sheikh et a le plaisir de les diffuser en exclusivité.
Il commença également à enregistrer le Coran selon d’autres lectionnaires sans avoir l’occasion de mener ce noble effort à son terme. Enfin, il rédigea un ouvrage intitulé Kitâb Ar-Rayâhîn Al-ʿAtirah Sharh Mukhtasar Al-Fawâ’id Al-Muʿtabarah Fil-Qirâ’ât Ash-Shâdhdhah Lil-Arbaʿah Baʿda Al-ʿAsharah (Livre des basilics parfumés : glose des "Instructions judicieuses dans les quatre lectionnaires singuliers parmi les quatorze").
Le Coran était son âme ; Sheikh ʿAbd Al-Motaʿâl le récitait sans cesse, de jour comme de nuit. Il achevait chaque semaine la lecture intégrale du Noble Coran selon l’une des vingt transmissions. Quand en 1992, Allâh voulut le purifier par l’épreuve de la maladie durant les derniers mois de sa vie, il ne cessa de réciter le Noble Coran même pendant les moments les plus douloureux. Pendant ses derniers jours, ses proches s’étonnèrent de voir qu’il récitait le Coran en permanence, malgré les comas dans lesquels il tombait souvent, perdant ainsi tout rapport avec le monde extérieur. Il se taisait puis récitait quelques versets de sourate Al-Baqarah... Il se taisait encore puis récitait quelques versets de sourate Yâsîn. On écoutait parfois quelques versets de sourate Ar-Rahmân et des fois quelques versets de sourate Al-Wâqiʿah... Inconscient de la présence de ses disciples autour de lui, il avait entrepris son voyage vers l’Au-delà avec le Noble Coran. Dans ces moments d’adieu, on l’entendait répéter fréquemment la parole d’Allâh « Et quel Meilleur Exauceur » [2] ainsi que Sa parole « Et toute chose a auprès de Lui sa juste mesure » [3].
Effectivement toute chose a auprès de Lui sa juste mesure. Qu’Allâh fasse miséricorde à Sheikh ʿAbd Al-Motaʿâl, qu’Il l’agrée, et qu’Il fasse du Noble Coran son intercesseur le Jour du Jugement et une lumière pour lui dans le paradis.
Biographie communiquée à islamophile.org par la famille de Sheikh ʿAbd Al-Motaʿâl Mansûr ʿArafah en Égypte.
[1] Sourate 15, An-Nahl, Les abeilles, verset 125.
[2] Sourate 37, As-Sâffât, Les rangées, verset 75.
[3] Sourate 13, Ar-Raʿd, Le tonnerre, verset 8.
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