vendredi 29 mars 2002
C’est au cours de la sixième année de l’Hégire que le Prophète — paix et bénédictions sur lui — décida d’élargir le champ de sa mission. Il envoya huit lettres aux dirigeants de la Péninsule arabe et ses environs, les appelant à embrasser l’islam. L’un d’eux s’appelait Thumâmah Ibn Uthâl.
Thumâmah était un des plus puissants gouverneurs arabes de l’époque préislamique. Cela n’est pas surprenant puisqu’il était chef de tribu des Banu Hanifah et dirigeant d’Al-Yamâmah ; on osait ni lui désobéir, ni le défier.
Quand Thumâmah reçut la lettre du Prophète — paix et bénédictions sur lui —, il se consuma de colère et rejeta l’appel. Il refusa d’écouter l’invitation à la Vérité et au bien. Plus encore, il sentit le désir impérieux d’aller tuer le Prophète — paix et bénédictions sur lui — et de l’enterrer avec sa mission.
Thumâmah attendit que le bon moment se présente pour réaliser son plan contre le Prophète — paix et bénédictions sur lui —, jusqu’à ce qu’en fin de compte, l’oubli lui fit perdre tout intérêt. Un de ses oncles, cependant, le lui rappela, en louant ses ses intentions.
Poursuivant ses plans maléfiques contre le Prophète — paix et bénédictions sur lui —, Thumâmah rencontra et tua un groupe de Compagnons. C’est alors que le Prophète demanda qu’on le capture, ou qu’on le tue à vue.
Peu de temps s’écoula avant que Thumâmah ne décide de partir pour la ’omrah. Il désirait faire le tawaf autour de la Ka’bah et offrir un sacrifice aux idoles. Il quitta ainsi Al-Yamâmah pour Makkah. Sur son chemin, il passa près de Médine. Un événement qu’il n’avait pas prévu survint.
Des groupes de musulmans patrouillaient dans les quartiers de Madinah et ses alentours à la recherche d’étrangers ou d’éléments dangereux. Un de ces groupes croisa Thumâmah et l’appréhenda, sans connaître son identité réelle. Emporté à Madinah, ils l’enchaînèrent à l’une des colonnes de la mosquée. En attendant que le Prophète lui même l’interroge et décide de son sort.
Alors que le Prophète — paix et bénédictions sur lui — allait entrer dans la mosquée, il vit Thumâmah et demanda à ses Compagnons, " Savez vous qui avez vous fait prisonnier ? "
" Non, Messager de Dieu ", fut leur réponse.
" C’est Thumâmah Ibn Uthâl Al-Hanafi ", dit-il. " Vous avez bien fait de le capturer ".
Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — retourna alors chez lui et dit à sa famille : " Prenez ce que vous pouvez de nourriture et envoyez le à Thumâmah Ibn Uthâl. " Il fit alors traire sa chamelle. Tout ceci fut accompli avant même de rencontrer Thumâmah ou de lui parler.
Le Prophète s’approcha alors de Thumâmah, espérant l’encourager à embrasser l’islam.
" Qu’as-tu à dire pour toi ? ", demanda-t-il.
" Si tu cherches à tuer par représailles ", répondit Thumâmah, " tu as une personne de sang noble à tuer. Si, par bonté, tu veux pardonner, je te serai reconnaissant. Si tu préfères une compensation en argent, je te donnerai quelque quantité que tu demandes. "
Sur ce, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — le laissa deux jours, mais il se chargea de lui envoyer de la nourriture, de l’eau et du lait de sa chamelle. Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — revint vers lui et lui demanda " Qu’as-tu à dire pour toi ? " et Thumâmah de répéter ce qu’il avait dit à leur dernière rencontre. Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — s’en retourna et revint le jour suivant. " Qu’as-tu à dire pour toi ? " répéta-t-il, et Thumâmah ne changea pas de réponse. Alors, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — se tourna vers ses Compagnons, et dit : " Libérez-le. "
Thumâmah quitta la mosquée du Prophète — paix et bénédictions sur lui — et voyagea jusqu’à une palmeraie en périphérie de Madinah, près d’al Baqi’ — lieu de végétation luxuriante, qui deviendra plus tard le cimetière de nombreux Compagnons du Prophète — paix et bénédictions sur lui —. Il abreuva sa chamelle et pris un bain consciencieusement. Puis il rebroussa chemin vers la mosquée du Prophète. Là, face à un rassemblement de musulmans, il annonça :
" Je témoigne qu’il n’y a de dieu qu’Allah, et je témoigne que Muhammad est son Prophète. " Il alla ensuite au Prophète — paix et bénédictions sur lui — et dit :
" Ô Muhammad, par Dieu, aucune face sur cette terre ne m’était plus détestable que la tienne. Maintenant, elle est devenue la plus chère de toutes à mes yeux. "
" J’ai tué certains de tes hommes " , continua-t-il, " je suis à ta merci. que feras tu de moi ? "
" Aucun reproche ne te sera fait, Thumâmah ", répondit le Prophète. " Devenir musulman annihile toutes actions passées et marque un nouveau départ. "
Thumâmah se trouva grandement soulagé. Son visage reflétait sa joie et sa surprise. Il jura alors : " Par Dieu, je place ma propre personne, mon épée, et tous mes fidèles à ton service et au service de ta religion. "
" Ô Messager d’Allah ", poursuivit-il, " quand tes cavaliers m’interceptèrent, j’étais sur le chemin de la ’omrah. Que penses-tu que je dois faire maintenant ? "
"Continue et accomplis ta ’omrah ", répondit le Prophète, " mais accomplis la selon les lois de Dieu et de Son Messager. " Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — lui enseigna alors les rites de la ’omrah selon les règles islamiques.
Thumâmah partit pour atteindre son objectif. Dès qu’il atteignit la vallée de Makkah, il commença à réciter de sa voix forte et résonnante : " Labbayk Allâhumma Labbayk. Labbayka lâ Sharîka Laka Labbayk. Inna Al-Hamda wan-Niʿmata Laka wal-Mulk lâ Sharîka Lak. "
(Me voilà à Tes ordres Ô Seigneur, Me voilà. Me voilà à Tes ordres, aucun associé à Toi, Me voilà. La louange entière, les bienfaits, et la Royauté Te reviennent entièrement. Aucun associé à Toi)
Il fut ainsi le premier musulman sur terre à entrer à Makkah en récitant la talbiyah.
Les Qurayshites entendirent le son de la talbiya et ressentirent colère et inquiétude. Toutes épées dehors, ils partirent vers la voix pour punir celui qui avait agressé leur domaine personnel. A leur approche, Thumâmah entonna plus fort la talbiya et les jaugea d’un regard de fierté et de défiance. Un des jeunes Qurayshites particulièrement exaspéré allait toucher Thumâmah d’une flèche quand les autres le retinrent par la main et lui crièrent :
" Malheur à toi ! Sais-tu qui et-ce ? C’est Thumâmah Ibn Uthâl, gouverneur d’Al-Yamâmah. Par Dieu, si tu le blessais, ses gens nous couperaient les vivres, avec de terribles conséquences pour nous. "
Les épées au fourreau, les Qurayshites s’approchèrent de Thumâmah et lui dirent :
" Que t’arrive-t-il, Thumâmah ? As-tu abandonné et délaissé ta religion et la religion de tes ancêtres ? "
" Je n’ai pas abandonné ", répondit-il. " Au contraire, j’ai décidé de suivre la meilleure religion. Je suis la religion de Muhammad."
Il poursuivit alors :
" Je vous jure par le Seigneur de cette Maison qu’après mon retour à Al-Yamâmah, pas un grain de blé ni aucun produit ne vous parviendront jusqu’à ce que vous suiviez Muhammad. "
C’est donc sous les yeux attentifs des Qurayshites que Thumâmah accomplit la ʿUmrah ainsi que le Prophète — paix et bénédictions sur lui — le lui avait enseigné. Il dédia son sacrifice à Dieu seul.
Puis il retourna à son pays et ordonna à ses gens de priver les Qurayshites de leurs vivres. Le boycott commença graduellement à faire son effet et leur devint de plus en plus rigoureux. Les prix augmentèrent au fur et à mesure. La faim se faisait de plus en plus pressante, au point que la mort planait parmi les Qurayshites.
C’est alors que les Qurayshites écrivirent au Prophète — paix et bénédictions sur lui —, lui disant :
" Notre accord avec toi (le traité de Al-Hudaybiyah) stipulait que tu devais conserver des liens d’appartenance à la tribu, mais tu as agi à l’opposé. Tu as coupé les liens de proximité. Tu as tué et causé la mort par la famine. Thumâmah Ibn Uthâl nous a coupé nos ressources et infligé beaucoup de souffrances. Peut-être trouveras-tu adéquat de lui demander de recommencer à nous envoyer ce dont nous avons besoin. "
Le Prophète envoya immédiatement un messager ordonnant à Thumâmah la levée du boycott et le retour des ressources à Quraysh. Ce que fit Thumâmah.
Thumâmah passa le reste de sa vie au service de sa religion, loyal à l’allégeance prêtée au Prophète — paix et bénédictions sur lui —. Quand le Prophète — paix et bénédictions sur lui — mourut, les arabes commencèrent à quitter la religion de Dieu en masse. Musaylama, l’imposteur, appela les Banû Hanifah à croire en sa prophétie. Thumâmah l’affronta et avertit son peuple :
" Ô Banû Hanîfah, prenez garde à cette grave affaire. Elle n’a ni lumière ni guidée. Par Dieu, elle n’apportera que détresse et souffrance à qui acceptera ce mouvement, et la tragédie touchera même ceux qui ne le rejoindront pas. "
" Ô Banû Hanîfah, deux prophètes ne peuvent se lever en même temps, nul prophète ne se lèvera après Muhammad et nul prophète ne partagera sa mission. "
Puis il leur récita les versets suivants du Noble Coran :
" Hâ, Mîm. La révélation du livre vient d’Allah, le Puissant, l’Omniscient. Le Pardonneur des péchés, l’Accueillant au repentir, le Dur en punition, le Détenteur des faveurs. Point de divinité à part Lui et vers Lui est la destination. " (Sourate 40 Ghafir ; versets 1-3) Peut-on encore comparer ces mots de Dieu avec les éructations de Musaylamah ? ", ajouta-t-il ?
Il rassembla alors tous ceux qui étaient restés en islam et débuta un djihad contre les apostats pour que la parole de Dieu soit la plus haute. Les musulmans loyaux de Banû Hanîfah eurent besoin de renforts pour résister aux armés de Musaylamah. Leur tâche ardue fut soutenue et réalisée par les forces dépêchées par Abû Bakr, mais au prix de nombreuses vies musulmanes.
Traduit de "Companions of The Prophet", volume 1, de Abdul Wâhid Hâmid.
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