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At-Tufayl Ibn ʿAmr Ad-Dawsî

vendredi 29 mars 2002

At-Tufayl Ibn Amr — que Dieu l’agrée — était le chef de la tribu de Daws avant la Révélation. Il faisait partie des notables arabes et se distinguait par son courage et ses qualités humaines. Il nourrissait l’affamé, soulageait les gens dans le besoin et accordait l’asile aux
réfugiés. Il appréciait énormément la littérature et était lui-même un grand poète capable d’exprimer avec sensibilité les émotions les plus délicates.

At-Tufayl quitta son village à Tihama, dans le sud de la péninsule arabique pour s’installer à La Mecque. La lutte qui opposait le noble Prophète — paix et bénédictions sur lui — et les mécréants Qurayshites était alors à son apogée. Chaque parti cherchait à sa manière un soutien à sa cause. Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — recherchait de l’aide auprès de son Seigneur — Exalté soit-Il. Ses armes étaient la foi et la vérité. Les mécréants Qurayshites, quant à eux, opposaient à son message toutes sortes d’armes et tentaient de maintenir les gens hors de sa portée par tous les moyens possibles.

At-Tufayl se retrouva au milieu de cette bataille sans avoir bénéficié d’aucune préparation ni d’aucun avertissement. Il n’avait, en effet, pas connaissance du conflit et ne comptait par conséquent nullement y prendre part.

Laissons At-Tufayl — que Dieu l’agrée — poursuivre lui-même l’histoire :

J’approchai de La Mecque. Dès que les chefs Qurayshites me virent, ils vinrent à ma rencontre. Ils me réservèrent le plus chaleureux des accueils et m’installèrent dans une grande maison. Puis leurs chefs et leurs notables se rassemblèrent et me dirent :

" Ô At-Tufayl, tu es venu dans notre ville. Cet homme qui prétend être un prophète a ruiné notre autorité et a brisé en éclats notre communauté. Nous craignons qu’il ne parvienne à vous ébranler toi et l’autorité que tu as sur ton peuple tout comme il l’a fait avec nous. Ne parle pas à cet homme. Ne l’écoute en aucun cas, quoiqu’il puisse te dire. Son discours enchanteur provoque la division entre le père et le fils, entre le frère et le frère et entre le mari et sa femme. "

Ils continuèrent à me raconter d’étranges histoires et à m’effrayer en me rapportant le récit de ses faits hors du commun. Aussi pris-je la décision de ne pas m’approcher de cet homme, ni de lui parler ou encore de l’écouter.

Le lendemain matin, je me rendis à la Mosquée Sacrée pour faire la circumambulation (tawâf) autour de la Ka’bah en hommage aux idoles. J’introduisis un morceau de coton dans mes oreilles de crainte que des bribes du discours de Muhammad — paix et bénédictions sur lui — n’atteignent mes oreilles. Dès que j’entrai dans la Mosquée Sacrée, je le vis se tenant près de la Ka’bah. Il priait d’une façon différente de la nôtre. Son attitude d’adoration toute entière était différente. Cette scène me captiva littéralement. Je tremblais devant sa vénération. Malgré moi, je me sentis attiré jusqu’à me retrouver tout près de lui.

En dépit des précautions que je pris, Dieu — Exalté soit-Il — voulut qu’une partie de son discours parvienne à mes oreilles. J’entendis un discours si beau que je m’exclamais : " Que fais-tu At-Tufayl ? Tu es poète. Tu es capable de distinguer la beauté de la médiocrité en poésie. Qu’est-ce qui t’empêche d’écouter les paroles de cet homme ? Si ce qu’il dit est bon, accepte-le et si c’est mauvais, rejette-le. "

Je demeurai à ma place jusqu’à ce que le Prophète — paix et bénédictions sur lui — retourna chez lui. Je le suivis et alors qu’il entrait chez lui, j’entrai également et lui dit : " O Muhammad, les gens de ton peuple m’ont rapporté certaines choses sur toi. Par Dieu, ils n’ont cessé de m’alarmer en me conseillant de me préserver de tes paroles à tel point que je bouchais mes oreilles pour ne pas les entendre. Malgré cela, Dieu me fit entendre quelques-unes de tes paroles et je les ai trouvées belles. C’est pourquoi j’aimerais que tu m’en dises plus sur ta mission".

Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — me parla de sa mission et me récita les sourates Al-Ikhlâs (La foi pure et exclusive) et Al-Falaq (L’aurore éclatante). Je jure devant Dieu — Exalté soit-Il — que jamais je n’entendis quelque chose d’aussi beau. Jamais mission plus noble et plus juste ne me fut décrite. C’est pourquoi je lui tendis sur le champ la main en signe d’allégeance et je témoignai qu’il n’y a de Dieu que Dieu et que Muhammad est Son Prophète. Voilà comment j’ai embrassé l’Islam.

Je demeurai pendant un certain temps à La Mecque afin d’apprendre les enseignements de l’Islam et de mémoriser une partie du Coran. Comme je décidai de rentrer auprès des miens, je dis au Prophète : " O Messager de Dieu, les membres de mon clan m’obéissent. Je m’en retourne auprès d’eux et je les inviterai à l’Islam. "

Alors que j’arrivai chez moi, mon père, qui était déjà bien âgé, vint à ma rencontre et je lui dis : " Père, laisse-moi te parler de ce que j’ai vécu. Je ne fais plus partie des tiens et tu ne fais plus partie des miens. "
" Pourquoi cela mon fils ? demanda-t-il.

— J’ai accepté l’Islam et j’observe désormais les préceptes de la religion de Muhammad — paix et bénédictions sur lui — , lui répondis-je.

— Mon fils, dit-il, ta religion est ma religion.

— Va, lave-toi et purifie tes vêtements, lui ai-je dit. Puis, je t’enseignerai ce que j’ai appris. "
Le vieil homme s’exécuta et je lui présentai l’Islam suite à quoi il devint musulman.

Ensuite, je dis à mon épouse :

" Laisse-moi te relater ce qui est advenu. Dorénavant je ne fais plus partie des tiens et tu ne fais plus partie des miens. "
" Ciel ! Pourquoi donc ? s’exclama-t-elle.

— L’Islam nous sépare, lui ai-je expliqué. Je suis devenu musulman et j’ai embrassé la religion de Muhammad — paix et bénédictions sur lui —.

— Ta religion est ma religion, répliqua-t-elle.

— Alors va te purifier, pas avec l’eau de Dhu Shara, l’idole de Daws, mais avec de l’eau pure provenant de la montagne.

— Ciel ! Crains-tu quelque chose de Dhu Shara ?

— Maudit soit Dhu Shara. Je t’ai dit d’aller te laver à l’écart des gens. Je te garantis que tu n’as rien à craindre de ce banal morceau de pierre. "

Elle s’en alla et se lava. Puis, je lui expliquai l’Islam suite à quoi elle devint musulmane.

Je poursuivai mon effort et invitai l’ensemble des Daws à se convertir. À l’exception d’Abu Hurayrah — que Dieu l’agrée — qui fut le plus prompt à se soumettre à l’Islam, ils furent tous très lents à répondre à l’appel.

La fois suivante où je me rendis à La Mecque, Abu Hurayrah — que Dieu l’agrée — m’accompagnait." Qu’as-tu laissé derrière toi ? me demanda le Prophète — sur lui la paix et la bénédiction d’Allah. ". Je répondis : " Des cœurs recouverts d’un voile leur occultant la Vérité, et une mécréance tenace. Le pêché et la désobéissance ont gagné les Daws. "

Le Prophète — sur lui la paix et la bénédiction — se leva, fit ses ablutions rituelles et pria les mains tendues vers le ciel. Abu Hurayrah fit cette observation : " Lorsque je vis le Prophète — sur lui la
paix et la bénédiction d’Allah — ainsi, je craignis qu’il priât pour la destruction de mon peuple. "
Mais le Prophète — paix et bénédictions sur lui — pria : " O Seigneur, guide les Daws, guide les Daws, guide les Daws. " Après cette invocation, il se tourna vers moi et me dit :
" Retourne vers ton peuple, sois bienveillant envers eux, traite-les avec égard et invite-les à l’Islam. "

Je restai avec les Daws afin de les appeler à l’Islam jusqu’à l’émigration du Prophète — paix et bénédictions sur lui — vers Médine (Hijrah) et encore après les batailles de Badr, Uhud et Khandaq. Je finis par rejoindre le Prophète — paix et bénédictions sur lui — en compagnie de quatre-vingts familles qui s’étaient converties à l’Islam et s’y étaient fermement attachées. Satisfait, le Prophète nous donna une partie du butin après la bataille de Khaybar. Nous lui dîmes : " O Rasulullah, fais de nous l’aile droite de ton armée à chaque bataille et accepte nos efforts. "

At-Tufayl — que Dieu l’agrée — demeura auprès du Prophète — sur lui la paix et la bénédiction — jusqu’à la libération de La Mecque. Après la destruction des idoles, At-Tufayl demanda au Prophète — paix et bénédictions sur lui — de l’envoyer mettre un terme à l’adoration de Dhu-l-kafayn, la principale idole de son peuple. Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — lui accorda sa permission.

À son arrivée à Tihama parmi les Daws, les hommes, les femmes et les enfants de la tribu se rassemblèrent ; une grande agitation régnait avec la rumeur selon laquelle l’idole allait être brûlée. Ils attendirent de voir quel mal allait s’abattre sur At-Tufayl qui voulait nuire ainsi à Dhu-l-Kafayn.At-Tufayls’approcha des idoles et de leurs adorateurs qui se trouvaient autour d’elles. Comme il mettait le feu aux idoles, il proclama :

" O Dhu-l-Kafayn, je ne suis certainement pas du nombre de tes adorateurs. J’ai mis le feu à ton cœur. "

L’idolâtrie qui subsistait encore dans le cœur des Daws disparut avec les flammes qui embrasaient l’idole. La tribu toute entière abandonna ses croyances pour l’Islam.

At-Tufayl demeura le lieutenant du Prophète — paix et bénédictions sur lui — jusqu’à la mort du noble Messager. At-Tufayl se mit ensuite au service du calife Abû Bakr — que Dieu l’agrée —, le successeur du Prophète — sur lui la paix et la bénédiction d’Allah.

Durant les guerres d’Apostasie (Riddah), il dirigea un contingent d’hommes de son peuple contre l’imposteur Musaylamah. Au cours de la bataille de Al-Yamamah qui s’ensuivit, le cher compagnon du Prophète, At-Tufayl Ibn Amr — que Dieu l’agrée — se battit courageusement mais tomba finalement en martyr sur le champ de bataille.

P.-S.

Traduit de "Companions of The Prophet", volume1, de Abdul Wâhid Hâmid.

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