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Au tout début, l’Hégire

lundi 23 février 2004

Le premier jour du nouvel an musulman, le 1er Muharram 1425, tombe cette année le samedi 21 février 2004. Bien que les musulmans ne fêtent pas le nouvel an, ce jour est férié dans de nombreux pays musulmans.

Il s’est passé 1425 années à compter de l’émigration du Prophète Muhammad de la Mecque vers Médine, en septembre 622 E.C., événement désigné par le terme hijrah (ou hégire en français). Ce voyage est l’un des événements majeurs de l’histoire musulmane.

Les premiers musulmans étaient très durement persécutés et torturés à la Mecque par la puissante tribu de Quraysh. Les musulmans étaient alors peu nombreux et une grande partie d’entre eux étaient des esclaves. Incapables de repousser la main de leurs persécuteurs, tout ce qu’ils pouvaient faire était de patienter jusqu’à ce que Dieu leur donne une autre issue.

Une fragile toile d’araignée se tient entre le Prophète et ses pousuivants.

La douzième année de la mission prophétique, douze hommes de la ville de Yathrib (l’ancien nom de Médine) se rendirent à la Mecque pendant la saison du pèlerinage et rencontrèrent Muhammad à Al-ʿAqabah. Ayant entendu son message, ils embrassèrent l’islam et déclarèrent leur foi lors du Premier Serment d’Al-ʿAqabah. Le Prophète envoya Musʿab Ibn ʿUmayr avec eux à Yathrib pour leur enseigner la religion. Musʿab réussit à convertir beaucoup de gens à l’islam. L’année suivante, en juin 622 E.C., soixante-treize hommes et deux femmes de Yathrib se rendirent auprès du Prophète pendant le pèlerinage et lui prêtèrent allégeance, ce fut le Deuxième Serment d’Al-ʿAqabah. Ils promirent de le protéger et d’aider les musulmans de la Mecque à se réinstaller dans leur ville.

Cette délégation constituait le noyau de musulmans qui reçurent par la suite le nom de Ansâr, littéralement les Auxiliaires ou les Secoureurs, des musulmans originaires de Yathrib, ville rebaptisée Al-Madînah Al-Munawwarah - la Cité Illuminée - ou Médine. Les musulmans quittèrent progressivement la Mecque, par petits groupes, pour ne pas attirer l’attention des Qurayshites. Finalement, les Qurayshites se rendirent compte de ce qui se passait et essayèrent d’empêcher nombre d’entre eux de partir. L’histoire relate de nombreux récits à propos de ces hommes et de ces femmes qui abandonnèrent leurs maisons, leurs biens, et leurs familles pour avoir la possibilité de pratiquer librement leur religion à Médine.

Ce fut seulement quelques mois plus tard que Dieu autorisa le Prophète - paix et bénédictions sur lui - à quitter la Mecque. Peu de temps avant son départ, Jibrîl (l’Ange Gabriel) informa Muhammad que Quraysh complotait pour le poignarder dans son sommeil. La nuit où l’assassinat devait avoir lieu, son cousin ʿAlî Ibn Abî Tâlib se coucha dans le lit du Prophète tandis que celui-ci se réfugia avec son Compagnon Abû Bakr dans une caverne au Sud de la Mecque, à l’opposé de la direction de Médine. Heureusement pour ʿAlî, les meurtriers découvrirent son visage avant de le poignarder ; ils le laissèrent alors lorsqu’ils réalisèrent que leur intrigue avait été déjouée.

Muhammad et Abû Bakr se cachèrent dans une grotte pendant trois jours tandis que les Qurayshites ratissaient les alentours de la Mecque. A un moment, leurs ennemis se tenaient à quelques mètres d’eux à l’extérieur de la grotte, mais Dieu les protégea par des "miracles ordinaires". Une araignée venait en effet de tisser sa toile à l’entrée de la grotte et des colombes y avaient fait leur nid et pondu leurs œufs [1]. Les poursuivants se dirent que personne n’était entré dans cette grotte récemment et ne la fouillèrent pas.

Les deux compagnons poursuivirent donc leur route, conduits par un guide païen, et empruntèrent une route côtière de manière à fausser compagnie avec leurs poursuivants. Lorsqu’ils arrivèrent enfin à Médine, Muhammad lâcha les rênes de sa chamelle et la laissa avancer comme bon lui semblait jusqu’à se qu’elle se posât. Le Prophète acheta la terre où sa chamelle s’était arrêtée. Puis, en attendant que la Mosquée du Prophète et ses appartements y fussent bâtis, le Prophète et Abû Bakr bénéficièrent de l’hospitalité des Ansâr.

L’Hégire donna enfin aux musulmans un lieu où ils pouvaient déclarer ouvertement leur religion et la pratiquer en paix. Ce fut la naissance de l’État islamique. Les versets du Coran révélés à la Mecque avaient traité essentiellement de la nature de Dieu et de la relation de l’homme avec Lui. A la Mecque, il y avait peu de foyers dont tous les membres étaient musulmans. En ces temps, l’islam semblait se focaliser sur l’individu et son devenir dans l’au-delà. A l’opposé, les versets révélés à Médine portèrent davantage sur la relation de l’homme avec autrui - les dimensions sociale, politique et économique de l’islam qui ne pouvaient pas être développées auparavant, sous la persécution.

L’Hégire était aussi remarquable par la fraternité et l’altruisme manifestés par les Ansâr à l’égard des Muhâjirûn (les émigrés venus de la Mecque). Les Ansâr n’étaient pas riches. Néanmoins, ils accueillirent les Muhâjirûn, partagèrent leur nourriture et leurs habitats avec eux, et les aidèrent à s’installer et à trouver du travail. De plus, les Ansâr étaient conscients que ce faisant ils défiaient les Qurayshites et toutes les tribus païennes de la péninsule arabique. Les païens lancèrent, en effet, plusieurs campagnes militaires pour exterminer l’État musulman naissant. Mais les Ansâr demeurèrent fidèles au Prophète - paix et bénédictions sur lui - qui n’eut de cesse de les aimer et de les louer.

Ce fut le deuxième calife, ʿUmar Ibn Al-Khattâb qui choisit l’année de la hijrah comme point de départ du calendrier musulman. Auparavant, les provinces se repéraient dans le temps par rapport à certains événements comme la n-ième année du règne d’untel ou l’année où tel ou tel événement se produisit. ʿUmar standardisa donc la chronologie ; il est important de noter qu’il choisit l’Hégire comme point de départ, et non pas la naissance ou le décès du Prophète, ni la première révélation du Coran. L’Hégire marquait la naissance de l’islam en tant que mode de vie complet touchant tous les aspects de l’existence de l’Homme.

P.-S.

Traduit de l’anglais du site Islamonline.net.

Notes

[1L’authenticité de ces miracles fait l’objet de certaines réserves de la part de certains savants. On pourra consulter à cet effet l’article de Sheikh Yûsuf Al-Qaradâwî : "Les miracles du Prophète entre les outranciers et les incrédules". Ndlr

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