mardi 10 décembre 2002
Nous étions dans une réunion en train de discuter du Prophète — paix et bénédiction sur lui — et de ses miracles, à l’occasion de son anniversaire. Nous parlions également des signes annonciateurs de sa naissance, recensés par les livres qui racontent la naissance du Prophète, et qui sont généralement lus dans un grand nombre de pays au début du mois de Rabîʿ Al-Awwal [1]. Cependant, l’un des participants à cette réunion nia l’existence de tous ces miracles. Il nia également ce que tout le monde et que certains livres racontent, en termes de miracles matériels et concrets attribués au Prophète — paix et bénédiction sur lui — comme par exemple la colombe qui pondit un œuf à l’entrée de la grotte dans laquelle il se réfugia pendant l’Hégire, ou bien l’araignée qui tissa sa toile sur l’entrée de la grotte, ou encore la gazelle qui lui adressa la parole, le tronc d’arbre qui se mit à gémir, et autres miracles du même genre qui se sont répandus et se sont transmis parmi les Musulmans.
L’argument de ce frère qui nia toutes ces choses était que le Prophète — paix et bénédiction sur lui — n’avait reçu qu’un seul miracle qui était le Noble Coran, par lequel il défia tout l’univers. Selon lui, le Coran est un miracle rationnel qui se distingue des miracles des Messagers antérieurs. Nous voudrions que vous nous donniez votre avis sur la question, lequel avis sera appuyé par des arguments convaincants, pour que, sur preuve, pérît celui qui devait périr, et que, sur preuve, vécût celui qui devait vivre.
Que Dieu vous garde pour l’Islam et les Musulmans.
Louanges à Dieu et paix et bénédiction sur le Messager de Dieu.
Ce que dit ce frère, auteur de la question, au sujet de l’un des participants à la réunion, comporte une part de vérité et une part d’erreur. En effet, tout ce qui s’est répandu parmi les gens au sujet des miracles concrets du Prophète — paix et bénédiction sur lui — n’est pas entièrement vrai et n’est pas entièrement faux non plus.
La vérité et l’erreur à cet égard reviennent non pas à une simple opinion, à une passion, ou à des sentiments mais bel et bien aux chaînes de narration (Asânîd). A propos de cette question des miracles muhammadiens concrets, les gens se divisent en trois catégories.
La première catégorie exagère ces miracles en essayant de prouver coûte que coûte leur réalité. Ces personnes s’appuient sur ce qui a été rapporté dans les livres, quels que soient ces livres : qu’ils soient les livres des prédécesseurs ou les livres des successeurs, que ces livres s’attachent à examiner les narrations ou qu’ils ne s’y attachent pas, que les récits de ces miracles soient conformes aux fondements de la religion ou qu’ils ne le soient pas, que les investigateurs parmi les savants aient accepté ces récits ou pas. L’important pour ce genre de personnes est que tel ou tel miracle est mentionné dans tel ou tel livre — même si l’auteur de ce livre est un anonyme -, dans tel ou tel poème louant la gloire du Prophète ou dans tel ou tel récit — comme ceux qui sont lus chaque année au mois de Rabîʿ Al-Awwal — racontant la naissance du Prophète, etc. Ce comportement relève d’une mentalité populaire qui ne mérite pas d’être discutée. En effet, les livres contiennent du bon et du mauvais, de l’acceptable et du refusable, de l’authentique et du controuvé.
Notre culture religieuse a été éprouvée par ces auteurs qui partent à la recherche de récits abracadabrants pour en remplir leurs livres, même si les événements qu’ils évoquent contredisent l’authentique transmission et l’incontestable raison.
Certains auteurs, quant à eux, ne s’attachent pas à vérifier l’authenticité de ce qu’ils rapportent, partant du principe que ce qu’ils font ne va pas à l’encontre d’une disposition juridique, en terme de licéité, d’interdiction, etc. Ainsi, s’ils rapportent des choses touchant au licite et à l’illicite, ils se font stricts pour vérifier les chaînes de narration, ils critiquent les narrateurs et ils examinent scrupuleusement les récits qu’ils rapportent. Néanmoins, lorsqu’ils rapportent des choses concernant les vertus, l’exhortation au bien ou l’intimidation contre le mal, ou alors concernant les miracles, ils se relâchent et deviennent plus conciliants.
D’autres auteurs, enfin, mentionnent les récits avec les chaînes de narration correspondantes (untel, d’après untel, d’après untel...) mais ne mentionnent pas la valeur de ces chaînes de narration ni ne se posent des questions telles que : « Ces chaînes sont-elles authentiques ou non ? Quel est le degré de fiabilité des narrateurs constituant les maillons de la chaîne ? Sont-ils des hommes de confiance à accepter ou bien des maillons faibles à récuser, ou encore des menteurs à refouler ? » Ces auteurs croient qu’en ayant mentionné les chaînes de narration, ils auront la conscience tranquille et auront rempli leur devoir.
Néanmoins, cette méthodologie était valide et suffisante pour les savants des premiers siècles de l’Islam. Quant aux époques ultérieures — et en particulier à notre époque — la mention de la chaîne de narration n’a plus aucune signification. En effet, les gens s’appuient désormais sur ce que les livres rapportent, sans porter attention à la chaîne de narration.
Ce changement d’attitude actuel s’explique par la vulgarisation du livre et des auteurs, qui peuvent se référer par exemple au Târîkh d’At-Tabarî, aux Tabaqât d’Ibn Saʿd ou autres.
La deuxième catégorie, opposée à la première, est celle qui cherche à tout prix à nier et à réfuter les miracles et les signes concrets attribués au Prophète. Son argument est que le miracle de Muhammad — paix et bénédiction sur lui — est le Noble Coran, qui a lancé son éternel défi : que ceux qui n’y croient pas composent un Coran semblable, ou alors dix sourates semblables, ou alors une seule sourate semblable. Par ailleurs, lorsque les idolâtres demandèrent au Messager de leur produire quelque signe attestant de la véracité de son Message, des versets coraniques furent révélés, refusant catégoriquement de répondre à cette demande. Ce fut à ce propos que Dieu dit : « Et ils dirent : ‹Nous ne croirons pas en toi, jusqu’à ce que tu aies fait jaillir de terre, pour nous, une source ; ou que tu aies un jardin de palmiers et de vignes, entre lesquels tu feras jaillir des ruisseaux en abondance ; ou que tu fasses tomber sur nous, comme tu le prétends, le ciel en morceaux, ou que tu fasses venir Dieu et les Anges en face de nous ; ou que tu aies une maison [garnie] d’ornements ; ou que tu sois monté au ciel. Encore ne croirons-nous pas à ta montée au ciel, jusqu’à ce que tu fasses descendre sur nous un Livre que nous puissions lire›. Dis-[leur] : ‹Gloire à mon Seigneur ! Ne suis-je qu’un être humain Messager ?› » (sourate 17 intitulée le Voyage nocturne, Al-Isrâ’, versets 90 à 93).
A un autre endroit, Dieu mentionne la raison de ce refus d’envoyer des signes concrets en réponse aux attentes des idolâtres : « Rien ne Nous empêche d’envoyer les miracles, si ce n’est que les Anciens les avaient traités de mensonges. Nous avions apporté aux Thamûd la chamelle qui était un [miracle] visible : mais ils lui firent du tort. En outre, nous n’envoyons de miracles qu’à titre de menace. » (sourate 17 intitulée le Voyage nocturne, Al-Isrâ’, verset 59). Dans une autre sourate, Dieu répond à la demande de miracles en affirmant que le Coran suffit à lui seul à constituer le miracle de Muhammad — paix et bénédiction sur lui : « Ne leur suffit-il donc point que Nous ayons fait descendre sur toi le Livre et qu’il leur soit récité ? Il y a assurément là une miséricorde et un rappel pour des gens qui croient. » (sourate 29 intitulée l’Araignée, Al-ʿAnkabût, verset 51).
La Sagesse divine a ainsi voulu que le miracle de Muhammad — paix et bénédiction sur lui — soit un miracle littéraire et rationnel, et non un miracle sensible et matériel, et ce, afin que ce miracle soit plus seyant à l’humanité qui a dépassé le stade de son enfance, et afin qu’il soit plus seyant à la nature de l’éternel sceau des Messages. En effet, les miracles sensibles prennent fin aussitôt qu’ils ont lieu. Quant aux miracles rationnels, ils demeurent... Cette explication est par ailleurs soutenue par ce qui est rapporté dans le Sahîh d’Al-Bukhârî au sujet du Prophète — paix et bénédiction sur lui — qui dit : « Nul Prophète auquel il n’ait pas été fait don de miracles qui convainquent les hommes. Quant à moi, j’ai reçu une révélation de la part de Dieu. Je souhaiterais donc que parmi tous les Prophètes, je sois celui qui ai le plus de fidèles le Jour de la Résurrection. »
Il me semble que ce qui a poussé cette deuxième catégorie de personnes — dont je viens de recenser les arguments — à adopter cette position se résume à deux choses :
C’est ici qu’apparaît l’opinion médiane entre ceux qui exagèrent la réalité de ces miracles et ceux qui exagèrent leur réfutation. C’est cette opinion que je préfère et que j’adopte. Elle se résume à ce qui suit.
Dhannul-hamâma wa dhannul-ʿankabûta ʿalâ khayril-bariyyati lam tansuj wa lam tahumi
Wiqâyatul-lâhi aghnat ʿam-mudâʿafatim-minad-durûʿi wa ʿan ʿâlim-minal-utumi
Traduction
Ils ont cru que les colombes et l’araignée, pour la meilleure des créatures, n’avaient ni pondu ni tissé
La protection de Dieu a permis de se passer des cottes de mailles et d’un amoncellement de boucliers
Voilà notre position vis-à-vis des prodiges et des miracles prophétiques attribués au Prophète — paix et bénédiction sur lui.
Et Dieu est le plus Savant.
Traduit de la Banque de Fatâwâ du site Islamonline.net. La version originale est consultable sur archive.org.
On pourra également consulter la rubrique suivante : « Les miracles du Prophète ».
[1] Rabîʿ Al-Awwal est le troisième mois du calendrier musulman. Le Prophète naquit le douze de ce mois.
[2] Il s’agit de la grotte de Thawr, située au Sud de la Mecque. Cette grotte constitue la première étape de l’Hégire.
[3] La bataille des Coalisés dite aussi bataille du Fossé (An 5 du calendrier musulman) a opposé les Musulmans de Médine à une coalition judéo-idolâtre de plus de dix mille combattants. Cette bataille a pris la forme d’un siège de plusieurs semaines mené contre Médine. Elle s’est soldée par un retrait des troupes arabes idolâtres et donc d’une victoire musulmane.
[4] La bataille de Tabûk (An 9 du calendrier musulman) a opposé Médine à Byzance et Muhammad, Messager de Dieu, à Héraclius, Empereur romain. Cette bataille s’est soldée par une retentissante victoire musulmane.
[5] La rencontre de Hudaybiyah (An 6 du calendrier musulman) s’est scellée par un accord de trêve de dix ans entre les idolâtres mecquois et le Prophète. Cette trêve sera violée par la suite par les idolâtres et aboutira à la conquête de la Mecque.
[6] On désigne par cette expression les deux plus grands compilateurs de hadiths de l’Islam, à savoir Al-Bukhârî et Muslim.
[8] Sourate 9 intitulée le Repentir, At-Tawbah, verset 40.
© islamophile.org 1998 - 2024. Tous droits réservés.
Toute reproduction interdite (y compris sur internet), sauf avec notre accord explicite. Usage personnel autorisé.
Les opinions exprimées sur le site islamophile.org sont celles de leurs auteurs. Exprimées dans diverses langues étrangères, ces opinions sont mises à la portée des lecteurs francophones par nos soins, à des fins d'information, de connaissance et de respect mutuels entre les différentes cultures et religions du monde.