samedi 28 décembre 2002
Il y a deux hadiths qui me laissent un peu perplexe. L’un dit qu’une femme peut réclamer le khulʿ (divorce demandé par la femme) pour autant qu’elle restitue sa dot, tandis que le second affirme que si elle demande le divorce sans raison apparente, elle ne sentira pas l’odeur du Paradis. Le premier hadith se rapporte au cas d’une femme qui ne supportait pas la vue de son mari. Est-ce là une raison suffisante pour divorcer ? Si une femme ne s’entend pas avec son mari et veut divorcer, cela signifie-t-il qu’elle ne sentira jamais l’odeur du Paradis ? Que Dieu vous rétribue pour votre aide !
Le premier hadith, qui concerne la femme de Thâbit Ibn Qays, est authentique : il a été rapporté par Al-Bukhârî et d’autres. Il fournit la preuve juridique octroyant à la femme le droit de demander le khulʿ, comme symétrique au droit de répudiation (talâq) dont dispose l’homme. Ibn Rushd Al-Qurtubî (Averroès), dit dans son ouvrage Bidâyat Al-Mujtahid, volume 2, dans le chapitre du divorce : « Tout comme un homme peut avoir recours au talâq lorsqu’il n’aime pas sa femme, la Législation islamique (sharîʿah) donne à la femme le droit de mettre fin à son mariage si elle n’aime pas son mari. Cependant, elle devra lui rembourser la dot qu’il lui a versée à moins qu’il n’y ait des circonstances en raison desquelles un juge pourrait forcer le mari à prononcer le talâq sans exiger de compensation de la part de sa femme. » Il est même fort possible que le mari soit condamné à lui verser tout arriéré de dot, lorsque la femme a des motifs valables pour prononcer le khulʿ, tels que des sévices corporels ou moraux qu’il lui aurait infligés, ou tout autre abus ou négligence dans l’accomplissement de ses devoirs envers elle.
Il y a un hadith concernant la femme de Thâbit Ibn Qays, où l’on rapporte qu’elle vint trouver le Prophète — paix et bénédiction sur lui — et se plaignit à lui de son mari. Elle dit qu’elle n’avait rien de spécial à lui reprocher mais qu’elle ne voulait plus continuer à vivre avec lui. Le Prophète — paix et bénédiction sur lui — ne mena aucune investigation auprès d’elle ou de son mari pour savoir la raison de sa requête. Il lui demanda simplement si elle lui rendrait la dot ; il s’agissait d’un verger. Elle répondit que oui. Le Prophète — paix et bénédiction sur lui — enjoignit à l’époux de reprendre le verger et d’accepter le divorce. La majorité des écoles de jurisprudence disent que le juge devrait approuver la requête de la femme. L’école hanafite est la plus restrictive en matière de khulʿ. Le juge doit considérer la requête de l’épouse comme recevable et alors l’affaire est traitée comme une affaire de talâq. Certaines écoles disent que si le mari et la femme s’arrangent à l’amiable, il n’est pas besoin de recourir au juge ou à un tribunal. Bien sûr, la différence est que le khulʿ est un contrat, alors que le talâq n’en est pas un. Si une femme demande le khulʿ et persiste dans sa requête pendant un mois ou plus, alors je ne vois aucune raison valable pour le mari de ne pas l’accepter. Son refus s’apparenterait à un abus.
Le mariage a pour objectif de permettre aux conjoints de bien pratiquer l’islam, notamment dans leur vie matrimoniale. Si l’un d’eux n’arrive pas à mener cette vie de couple dans de bonnes conditions, alors le Coran apporte son verdict dans le verset 229 de la sourate 2 : "Si donc vous craignez que tous deux ne puissent se conformer aux ordres d’Allah, alors nul grief contre eux si la femme se libère de son mariage en versant quelque somme." Pour certaines écoles, ce khulʿ ne se distingue pas du talâq, et la femme doit alors observer un délai de viduité (ʿiddah), mais Ibn Qayyim Al-Jawziyyah [1], dans Zâd Al-Maʿâd, s’est penché sur l’institution du khulʿ et a dit qu’il n’y avait pas besoin d’observer un délai de viduité dans ce cas. Mais une femme désireuse de se remarier devra attendre d’avoir ses menstrues pour s’assurer qu’elle n’est pas enceinte.
Quant au second hadith que vous avez mentionné, il n’est pas authentique. Certaines écoles le jugent bon (hasan), mais je pense que c’est un hadith faible.
Traduit de la Banque de Fatâwâ du site Islamonline.net.
[1] Il s’agit d’Ibn Al-Qayyim.
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