samedi 1er avril 2006
L’Imâm ʿAbd Al-Wahhâb Ash-Shaʿrânî expliquait que, pour être un Sheikh soufi, il fallait maîtriser au préalable le fiqh (la jurisprudence islamique). Le soufi serait ainsi un juriste qui ne s’arrête pas à la seule forme apparente des œuvres ; il y insuffle leur dimension spirituelle et les couronne de l’observance permanente de Dieu. Le sieur connaisseur de Dieu, l’Imâm Ahmad Ar-Rifâʿî ne disait-il pas à cet égard : « La tarîqah, c’est la sharîʿah » ?
Juriste malékite, éducateur spirituel accompli, l’Imâm Ahmad Ibn ʿAtâ’illâh As-Sakandarî est incontestablement une figure importante de la spiritualité islamique et son ouvrage Al-Hikam (Les Aphorismes) continue à inspirer les auteurs et les itinérants sur la voie de la purification du cœur. Maillon essentiel de la tarîqah Shâdhiliyyah, il fut un porte-parole des gnostiques de son temps. Par sa vie et par son œuvre littéraire, il fournit une parfaite illustration de cette définition du Soufi.
Les Banû ʿAtâ’illâh, issus de la tribu arabe de Judhâm, s’installèrent en Égypte avec les premières conquêtes islamiques. Au sein de cette famille, l’Imâm Ahmad Abû Al-Fadl Tâj Ad-Dîn Ibn Muhammad Ibn ʿAbd Al-Karîm Ibn ʿAtâ’illâh As-Sakandarî naquit en Égypte au milieu du VIIe siècle hégirien (XIIIe siècle E.C.) à Alexandrie. L’incertitude plane sur sa date de naissance exacte, mais on s’accorde à la situer entre 1250 et 1260 E.C. À cette époque, les Mamelouks s’étaient installés au pouvoir, après avoir combattu les Mongols, les forces croisées venues au Moyen-Orient et les Chiites Ismaélites. Sous leur règne, l’Égypte était devenue le centre politique et religieux du Moyen-Orient, après la chute du Califat à Bagdad en 656 A.H. (1258 E.C.). Les Mamelouks s’engagèrent dans un magnifique renouveau artistique et architectural, accompagné d’un essor remarquable des confréries soufies dans l’ensemble du monde musulman et, en particulier en Égypte. Ils se concurrencèrent dans la construction des mosquées, des écoles, des asiles, des hospices, et des centres de dévotion au service des maîtres soufis.
C’est le début de l’âge d’or des ordres soufis. Plusieurs siècles auparavant, la discipline du tasawwuf avait bénéficié de l’effort de formalisation qui toucha l’ensemble des sciences islamiques. De remarquables savants comme Abû Tâlib Al-Makkî, Al-Muhâsibî, Al-Qushayrî, l’Argument de l’Islam Abû Hâmid Al-Ghazâlî, pour ne citer qu’eux, contribuèrent à l’enrichissement littéraire associé à cette discipline. Ddivers foyers de dévotion existaient déjà aussi bien au Maghreb que dans les pays du Levant. Au VIe siècle hégirien, deux figures primordiales du soufisme virent le jour en Irak, Sheikh ʿAbd Al-Qâdir Al-Jilânî et l’Imâm Ahmad Ar-Rifâʿî. Deux grandes écoles de purification de l’âme se développèrent autour de ces deux hommes et de leurs nombreux disciples. L’Égypte, ce carrefour entre le Maghreb et le Levant, devint un foyer d’accueil des influences soufies issues de l’Irak et du Maghreb, qui s’ajoutèrent harmonieusement au développement de la discipline du soufisme en Égypte. Cette confluence de ces deux tendances spirituelles en Égypte fut non seulement favorisée par la position stratégique et médiane du pays, mais aussi par le développement du réseau de madrasas et de khanqahs sous le règne ayyoubide, puis sous la dynastie des Mamelouks.
Quatre soufis maghrébins majeurs s’installèrent en Égypte et furent chaleureusement accueillis par le peuple égyptien : Sheikh ʿAbd Ar-Rahîm Al-Qinâwî (475-592 A.H.), Sheikh Abû Al-Hajjâj Al-Aqsorî (d. 624 A.H.), Sheikh Abû Al-Hasan Ash-Shâdhilî (d. 656 A.H.), Sheikh Ahmad Al-Badawî (596-675 A.H.). Suite à un séjour de sept ans à la Mecque Honorée, Sheikh ʿAbd Ar-Rahîm Al-Qinâwî (475-592 A.H.) s’installa en Haute-Égypte, dans la ville de Qina dont il porta le nom et où il fut enterré. Par ailleurs, Sheikh Abû Al-Hajjâj Al-Aqsorî habita la ville de Louxor dont les habitants continuent à chanter son amour jusqu’à nos jours. Sheikh Abû Al-Hasan Ash-Shâdhilî rencontra le célèbre disciple de l’Imâm Ahmad Ar-Rifâʿî — Sheikh Abû Al-Fath Al-Wâsitî (d. 580 A.H.) — en Irak, et bénéficia de sa compagnie. Plus tard, les deux hommes s’installèrent définitivement en Égypte et y participèrent à l’essor du soufisme. Par les efforts de Sheikh Abû Al-Fath Al-Wâsitî, la voie Rifâʿiyyah connut une grande activité, notamment dans le delta du Nil et à Alexandrie, et un nombre conséquent de savants s’initièrent au soufisme auprès de lui, à l’instar de Sheikh ʿAbd As-Salâm Al-Qeleibî, Sheikh ʿAbd Allâh Al-Beltâgî, Sheikh Jâmiʿ Al-Fadlayn Ad-Donosharî, Sheikh ʿAlî Al-Malîgî, Sheikh ʿAbd Al-ʿAzîz Ad-Deireinî. Sheikh Abû Al-Hasan Ash-Shâdhilî, accompagné de son fidèle disciple Sheikh Abû Al-ʿAbbâs Al-Mursî, élut domicile à Alexandrie qui devint ainsi le centre de la Shâdhliyyah. Le sieur connaisseur de Dieu Sheikh Ahmad Al-Badawî, quant à lui, s’installa à Tantâ, capitale du gouvernorat de Gharbiyyah dans le delta égyptien, entouré de ses disciples.
En dressant ce tableau coloré qui caractérise l’époque de Sheikh Ahmad Ibn ʿAtâ’illâh As-Sakandarî, on ne manquera pas de mentionner l’avènement de la tarîqah Burhâmiyyah, qui se cristallisa autour du soufi égyptien Sheikh Ibrahîm Ad-Dusûqî (644-687 A.H.), dont le grand-père maternel n’est autre que l’Imâm Abû Al-Fath Al-Wâsitî.
Cette époque prospère témoigna ainsi de l’enracinement des ordres soufis au plus profond du tissu social égyptien et de l’influence croissante des maîtres de l’éducation spirituelle, vénérés par les hommes du pouvoir. Pour apprécier l’importance historique de cette période et l’envergure de ces hommes, il suffit de rappeler que les « Quatre Pôles du Soufisme » désignent communément dans la littérature arabe Al-Jilânî, Ar-Rifâʿî, Al-Badawî et Ad-Dusûqî ; les principales sensibilités soufies en Égypte dérivent des ordres spirituels de ces quatre hommes.
Bien que le paysage de l’époque y était favorable, l’Imâm Ahmad Ibn ʿAtâ’illâh ne s’engagea dans la voie du soufisme que dans la seconde phase de sa vie. De son enfance, nous ne disposons pratiquement d’aucun élément biographique. Cependant, il est certain que dans sa jeunesse il s’engagea dans l’étude des sciences islamiques et se distingua par sa connaissance du credo sunnite selon l’école ashʿarite, la grammaire, le Hadith, l’exégèse coranique et la jurisprudence islamique. En particulier, son excellence en jurisprudence islamique selon l’école malékite lui valut le titre de faqîh à Alexandrie, et bientôt, on le compara à son grand-père, Sheikh ʿAbd Al-Karîm Ibn ʿAtâ’illâh (d. 612 A.H.), un savant et un auteur de renom spécialisé en fiqh.
À ses débuts, Ibn ʿAtâ’illâh avait peu d’affinité pour la discipline du soufisme et fut même hostile envers certains prétendants à cette voie, notamment certains disciples d’Abû Al-ʿAbbâs Al-Mursî. Mais la présence d’Abû Al-ʿAbbâs Al-Mursî et d’Ibn ʿAtâ’illâh à Alexandrie rendait leur rencontre inévitable. Un jour, Ibn ʿAtâ’illâh se rendit à une exhortation délivrée par Abû Al-ʿAbbâs Al-Mursî, le successeur de Sheikh Abû Al-Hasan Ash-Shâdhilî et l’éducateur de l’ordre Shâdhilite en pleine expansion. Ce fut le tournant de sa vie. Le juriste malékite goutta à la saveur des vérités prononcées par Al-Mursî et fut séduit par le soufisme, pour le reste de ses jours. Ibn ʿAtâ’illâh suivit les enseignements d’Al-Mursî et ne cessa de cheminer auprès de son maître dont il devint en peu de temps le disciple le plus intime. On dit à cet égard qu’Ibn ʿAtâ’illâh fut pour Al-Mursî ce que ce dernier fut pour Ash-Shâdhilî, à savoir le dépositaire de son savoir et l’héritier de sa gnose. Du vivant de son maître, Ibn ʿAtâ’illâh devint une autorité respectée dans le soufisme. En témoigne son célèbre ouvrage Al-Hikam composé avant la mort d’Al-Mursî. Alors que les deux premiers Sheikhs de la Shâdhiliyyah restèrent à Alexandrie, Ibn ʿAtâ’illâh se déplaça entre le Caire et Alexandrie. Juriste et soufi de renom, il enseigna à diverses institutions religieuses de la capitale, comme Al-Azhar ou l’École Al-Mansuriyyah, sans compter ses nombreuses exhortations publiques.
Rien ne semble perturber la vie de l’Imâm Ibn ʿAtâ’illâh au Caire. Son enseignement de la jurisprudence malékite et ses exhortations soufies font vibrer les cœurs et lui valent une grande popularité. Seulement certaines positions controversées d’Ibn Taymiyyah, accusé d’anthropomorphisme et emprisonné à la Citadelle du Caire, parvinrent à Ibn ʿAtâ’illâh. Il s’y opposa fermement et il aurait décidé de se rendre dans une grande congrégation de savants et de soufis à la Citadelle pour discuter avec Ibn Taymiyyah. Cependant, aucune trace de ces débats présumés ne semble exister dans les sources biographiques anciennces qui se contentent de faire allusion à la farouche opposition d’Ibn ʿAtâ’illâh à Ibn Taymiyyah.
Comme son propre maître, Ibn ʿAtâ’illâh se charga personnellement de l’éducation de ses disciples sur la voie de la purification de l’être et du cheminement vers Dieu. En sa qualité de troisième Sheikh de la confrérie Shâdhilite, son héritage spirituel s’étend jusqu’à nos jours dans les chaînes initiatiques de cet ordre. Parmi ses disciples, certains devinrent des éducateurs accomplis et prolongèrent cette chaîne spirituelle vivante. Son successeur immédiat fut Sheikh Sharaf Ad-Dîn Dâwûd Al-Bâkhilî (d. 732 A.H), l’auteur de ʿUyûn Al-Haqâ’iq. Ses disciples comptèrent aussi le prédicateur et savant du Hadîth Sheikh Shihâb Ad-Dîn Ahmad Ibn Maylaq (d. 749 A.H.). Parmi les illustres savants qui s’initièrent auprès de lui, figure le Sheikh de l’Islam Taqiyy Ad-Dîn As-Subkî. Ce dernier fut un grand admirateur de son Sheikh et lui dédia une poème élogieux que son fils, l’Imâm Tâj Ad-Dîn As-Subkî, rapporta dans Tabaqât Ash-Shâfiʿiyyah.
De nombreux soufis s’abstinrent d’écrire, pensant que leur mission essentielle était d’éduquer leurs disciples, de les guider vers la Porte du Miséricordieux. Ils n’écrivirent pas de livres, ils formèrent des gnostiques. Ibn ʿAtâ’illâh échappa à cette pratique que les deux premiers Sheikhs de la Shâdhiliyyah observèrent. Écrivain talentueux, savant au pied ferme, porte-parole des soufis, il est le premier auteur de la Shâdhiliyyah. Bien que ses ouvrages soient peu nombreux, ils témoignent de l’abondance de sa sagesse, de la richesse de ses enseignements et de son talent immense.
Nous dressons ci-dessous l’inventaire de ses ouvrages.
Ce joyau de la spiritualité islamique est son œuvre maîtresse que nous aborderons avec de plus amples détails dans cette biographie.
Cet ouvrage traite du dhikr chez les soufis, s’appuyant sur le Noble Coran, les hadiths prophétiques, et des paroles des premiers soufis. Il fut composé pendant la dernière décennie de sa vie.
Cet ouvrage traite de nombreuses vertus que l’itinérant doit faire siennes, comme la patience, la sincérité, l’espérance, l’amour ou la crainte. Le fil conducteur de cet ouvrage est la réalisation parfaite de la soumission à Dieu, au point que toute volonté propre s’annule et que la volonté de l’itinérant s’aligne sur la Volonté de Dieu.
Ouvrage biographique compilant quelques vertus et dires d’Abû Al-ʿAbbâs Al-Mursî et de son Sheikh Abû Al-Hasan Ash-Shâdhilî. Cet ouvrage retrace par la même occasion le paysage religieux de l’époque de l’Imâm Ibn ʿAtâ’illâh.
Cet ouvrage traite du Nom Suprême et des relations entre les différents Noms et Attributs divins.
Il s’agit essentiellement d’une compilation de passages extraits de quelques-uns de ses autres ouvrages.
Il s’agit d’un commentaire du précieux poème du Sheikh Abû Madyan où il retrace l’éthique que l’itinérant doit observer avec son Sheikh et ses compagnons [1].
L’Imâm As-Suyûtî cita parmi les ouvrages d’Ibn ʿAtâ’illâh Al-Marqâ Ilâ Al-Quds Al-Abqâ et un ouvrage de fiqh intitulé Mukhtasar Tahdhîb Al-Mudawwanah d’Al-Barâdiʿî.
Le livre des Hikam est l’œuvre la plus connue de l’Imâm Ibn ʿAtâ’illâh. Il est consacré au savoir spirituel par excellence, décliné selon trois thèmes dominants : la perfection de la compréhension du Monothéisme, l’éthique et les nobles manières, le cheminement vers Dieu et ses principes [2]. Il y déversa la quintessence de sa gnose et des vérités subtiles qu’il acquit pendant son cheminement. Son influence dépassa les cercles de la Shâdhiliyyah et ne cessa de motiver des commentaires de nombreux savants musulmans au fil des siècles.
Le mot Hikam est le pluriel de Hikmah qui signifie sagesse, ou encore, maxime ou aphorisme, selon le contexte. Trois styles se succèdent dans ce petit ouvrage : les aphorismes à proprement parler, quatre courtes épîtres, et une série de suppliques émouvantes. Les aphorismes sont énoncés dans un style concis, incisif, élégant, rythmé et appelant à la méditation profonde. Chaque aphorisme énoncé vise à raffiner la foi ou l’éthique, à élever l’énergie spirituelle de l’aspirant, à parfaire sa connaissance de Dieu, ou à défaire certaines pratiques. Dans leur succession, les aphorismes s’apparentent aux perles d’un collier spirituel précieux. Il dit par exemple dans ses aphorismes :
« Parmi les signes montrant que tu comptes sur tes œuvres, figure l’affaiblissement de ton espérance lorsqu’un faux-pas survient. »
Ou encore : « Tes efforts pour ce qu’Il t’a garanti et ta négligence à l’égard de ce qu’Il t’a demandé sont des signes de l’aveuglement de ta clairvoyance (basîrah). »
Les quatre épîtres qui succèdent aux aphorismes apportent des réponses à des questions soulevées par ses disciples. Dans un style plus contracté, mais toujours élégant, ces épîtres constituent une agréable transition entre les aphorismes et les suppliques qui clôturent l’ouvrage. Dans ses suppliques ou entretiens intimes, Ibn ʿAtâ’illâh fait montre d’une soumission totale et d’une pauvreté en Dieu. Il pleure ses manquements et l’insignifiance de son être devant la Suprême Magnificence du Créateur. Par ses questions rhétoriques, Ibn ʿAtâ’illâh appelle son lecteur et ses disciples à mieux connaître Dieu, l’Initiateur. Dans cette pauvreté envers Lui, dans cette réalisation de notre faiblesse, dans ce brisement de l’ego dénudé, l’aspirant trouvera sa sérénité et sa paix intérieure.
Ce livre inspira de nombreux commentaires et continue, de nos jours, à motiver maintes analyses. Le premier commentaire des Hikam serait Tathbît Al-Himam bi-Tabyîn Maʿânî Al-Hikam, composé par le grammairien, Shams Ad-Dîn Ibn ʿAbd Ar-Rahmân Ibn As-Sâ’igh (708-776 A.H., 1375-1308 E.C.).
Parmi les commentaires d’Al-Hikam, il y a aussi :
On peut également écouter l’énconcé des Hikam en ligne, au grand profit de nos visiteurs non-voyants.
L’Imâm Tâj Ad-Dîn As-Subkî, le fils du Sheikh de l’Islam Taqiyy Ad-Dîn As-Subkî, dit dans Tabaqât Ash-Shâfiʿiyyah Al-Kubrâ : « Sheikh Tâj Ad-Dîn Abû Al-Fadl, Ahmad Ibn Muhammad Ibn ʿAbd Al-Karîm Ibn ʿAtâ’illâh, le résident d’Alexandrie. J’estime qu’il fut shaféite, mais on dit qu’il était malékite [5]. Il fut le maître du Sheikh, l’Imâm, mon père, en matière de soufisme. Il fut un gnostique, aux signes subtils. Il accomplit de nombreux prodiges et avait un pied ferme dans la discipline du soufisme. Il accompagna Sheikh Abû Al-ʿAbbâs Al-Mursî, le disciple du Sheikh Abû Al-Hasan Ash-Shâdhilî, et s’initia auprès de lui. Sheikh Tâj Ad-Dîn s’installa au Caire pour éduquer et exhorter les gens. On lui doit des expressions sublimes que ses disciples consignèrent dans des ouvrages. »
As-Safadî dit dans Aʿyân Al-ʿAsr wa Aʿwân An-Nasr : « Le Sheikh, le gnostique, Tâj Ad-Dîn Abû Al-Fadl d’Alexandrie. Ce fut un homme pieux, ayant une gustation spirituelle raffinée. Ses paroles apaisaient les cœurs et ravivaient la flamme des Amoureux. Il s’installait sur une chaire d’enseignement dans les mosquées et muselait les déviants. Il avait une grande connaissance des paroles des pieux prédécesseurs et celles des soufies. La brise parfumée de ses discours éveillait la nostalgie amoureuse (shawq) dans de nombreux cœurs et effaçait par les larmes des péchés abondants. Ce fut un homme de vertu, manifestant les signes de la droiture. Il fut un disciple du Sheikh Abû Al-ʿAbbâs Al-Mursî, le compagnon d’Ash-Shâdhilî. Il fut aussi un grand opposant du Sheikh Taqiyy Ad-Dîn Ibn Taymiyyah, et inspirait beaucoup de respect par la force de son caractère. Il demeura ainsi jusqu’au jour où cette expression éloquente se tut et les étoiles de ces signes s’éteignirent. Il décéda, puisse Dieu lui faire miséricorde le 11 Jumadah II 709 A.H., à l’École Mansûriyyah au Caire. »
L’Imam As-Suyûtî dit de lui dans Husn Al-Muhâdarah fî Akhbâr Misr wal-Qâhirah : « Sheikh Tâj Ad-Dîn Ibn ʿAtâ’illâh, Abû Al-ʿAbbâs Ahmad Ibn Muhammad Ibn ʿAbd Al-Karîm Al-Judhamî d’Alexandrie, l’Imâm et l’orateur selon la voie d’Ash-Shâdhilî. Il réunit toutes sortes de sciences, comme l’exégèse, le Hadîth, la grammaire, les fondements, la jurisprudence selon l’école malékite. Il accompagna en matière de soufisme Sheikh Abû Al-ʿAbbâs Al-Mursî, qui fut la merveille de son temps. At-Taqiyy As-Subkî s’initia auprès de lui. »
En rapportant les événements qui survinrent en 709 A.H., Ibn At-Taghrî Bardî dit : « Le Sheikh, le modèle, le sieur connaisseur de Dieu — Exalté soit-Il —, Abû Al-Fadl Ahmad Ibn Muhammad Ibn ʿAbd Al-Karîm d’Alexandrie, le malékite, le soufi, le prédicateur, l’éducateur, décéda cette année, pendant le mois de Jumadah II, et fut enterré dans la Qarâfah. Sa tombe est connue et les gens lui rendent visite. Ce fut un homme pieux et un savant. Il s’installait sur une chaire et une foule nombreuse assistait à ses prêches. Son exhortation avait un grand impact sur les cœurs et il avait une parfaite connaissance des paroles des gens versés dans les vérités spirituelles et les maîtres de la voie. On lui doit une poésie agréable, dans le style des soufis, et son cortège funéraire fut très imposant. L’un de ses poèmes commence par ces vers :
Mon ami ! La caravane partit à grande allure, alors que nous sommes assis là, que feras-tu donc ?
Acceptes-tu de rester après eux, tourmenté par tes espoirs et ton amour ardent ?
Voici la langue de l’univers affirmant tout haut que toutes les créatures sont des voiles. » [6]
Sources :
[1] Ce commentaire est disponible en ligne sur le site almoslem.net. Ce poème fut par ailleurs augmenté par Sheikh Ibn ʿArabî selon la technique du takhmîs.
[2] Voir le commentaire des Hikam par Sheikh Muhammad Saʿîd Ramadân Al-Bûtî.
[3] Hadiyyat Al-ʿÂrifîn d’Al-Bâbânî.
[5] Contrairement à l’idee répandue, l’Imâm Tâj Ad-Dîn As-Subkî semble douter de l’affiliation d’Ibn ʿAtâ’illâh à l’école malékite. C’est la raison pour laquelle il lui réserve une notice biographique dans son ouvrage dédié aux générations de savants shaféites.
[6] An-Nujûm Az-Zâhirah fi Mulûk Misr wal-Qâhirah.
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