vendredi 1er septembre 2006
Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — s’installa à Médine après treize ans de mission à la Mecque durant lesquelles il fit face, avec les musulmans qui le suivirent, à toutes sortes de persécution et de préjudice, sans autre choix que l’endurance.
À cette époque, Médine était habitée par des Musulmans — les Ansâr et les Muhâjirûn (les Auxilières et les Émigrés) — de même que des Païens parmi les tribus d’Al-Aws et d’Al-Khazraj. Les Juifs de la tribu de Banû Qaynuqâʿ habitaient également au sein de la ville, ceux de Banû Quraydhah habitaient Fadak, les Juifs de Banû An-Nadîr habitaient non loin de là tandis que les Juifs de Khaybar se trouvaient au Nord.
Le Messager — paix et bénédictions sur lui — scella entre les Muhâjirûn et les Ansâr une fraternité ayant la même valeur que la fraternité du sang et de la famille. Les Ansâr firent montre de tellement de sincérité et d’altruisme dans cette fraternité qu’ils partagèrent leurs biens et leurs logements avec les Émigrés. Ces derniers avaient abandonné fortunes et biens derrière eux à la Mecque.
Certains, parmi les Muhâjirûn qui avaient quelques connaissances en matière de commerce, exercèrent cette activité alors que d’autres participèrent aux travaux des champs dans les terres cultivées par les Ansâr. Certains Émigrés, d’une extrême pauvreté, restèrent en permanence à la Mosquée où le Prophète — paix et bénédictions sur lui — leur fit aménager un endroit couvert où ils pouvaient dormir et s’abriter. Il s’agit des gens de la Suffah [1] (Ahl As-Suffah) ; ils se consacraient à la mémorisation du Coran et à sa récitation à toute heure du jour et de la nuit.
Les bonnes manières du Prophète, son humilité, sa douceur, sa fidélité et sa bonté envers le pauvre, le misérable et l’indigent eurent un grand effet sur la conduite des musulmans qui l’aimèrent et le prirent comme modèle. C’est ainsi que les valeurs de l’amour, de la concorde et de l’abnégation régnèrent entre eux, ce qui contribua à la propagation de l’islam.
En vue de garantir la sécurité et la paix dans les quartiers de Médine, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — conclut avec les Juifs un accord en vertu duquel il approuvait leur religion et reconnaissait leurs possessions. Cet accord stipulait, qu’il incombait aux juifs de se prendre en charge financièrement comme il incombait aux musulmans de se prendre en charge financièrement. D’après l’accord, Juifs et Musulmans étaient tenus de se porter conseil mutuellement, d’être bienveillants les uns envers les autres et d’exclure tout préjudice. L’accord affirmait également que quiconque quittait Médine était en sécurité et quiconque y demeurait était en sécurité, ainsi que d’autres principes ayant tous pour objectif de garantir la liberté de conscience et d’expression, et de proclamer l’inviolabilité du sang, de l’argent et la prohibition du crime.
Ainsi, tous les habitants de Médine étaient rassurés au sujet de leurs personnes, de leur honneur et de leur liberté de conscience. Les musulmans pouvaient désormais accomplir les rites de leur religion individuellement ou en congrégation sans avoir à craindre quelque préjudice ou persécution. Au début, les Musulmans se rassemblaient aux heures de la prière sans y être appelés. Ensuite, ils commencèrent à réfléchir à une manière d’appeler à la prière. À ce propos, ʿAbd Allâh Ibn Zayd rapporta : « Quand le Messager d’Allâh ordonna aux gens d’utiliser les cloches comme moyen d’appel à la prière en congrégation [2], je vis en songe un homme portant une cloche. Je lui demandai : “Ô serviteur d’Allâh vendrais-tu cette cloche ?” Il me demanda : “Que voudrais-tu en faire ?” Je répondis : “Appeler à la prière”. Il dit : “Aimerais-tu que je t’indique une meilleure façon ?” Je répondis par l’affirmative. L’homme me dit alors : “Dis : Allâhu Akbar Allâhu Akbar (Allâh est le plus Grand, Allâh est le plus Grand), Allâhu Akbar Allâhu Akbar, Ashhadu An Lâ Ilâha Illâ Allâh (J’atteste qu’il n’y a point de divinité sauf Allâh), Ashhadu An Lâ Ilâha Illâ Allâh, Ashhadu Anna Muhammadan Rasûl Allâh (J’atteste que Muhammad est le Messager d’Allâh), Ashhadu Anna Muhammadan Rasûl Allâh, Hayy ʿAlâ As-Salâh (Hâtez-vous à la prière), Hayy ʿAlâ As-Salâh, Hayy ʿAlâ Al-Falâh (Hâtez-vous à la réussite), Hayy ʿAlâ Al-Falâh, Allâhu Akbar Allâhu Akbar (Allâh est le plus Grand, Allâh est le plus Grand), Lâ Ilâha Illâ Allâh (Il n’y a point de divinité sauf Allâh)”. Puis il recula un peu et dit : Lorsque la prière est sur le point de se tenir, dis : “Allâhu Akbar Allâhu Akbar (Allâh est le plus Grand, Allâh est le plus Grand), Ashhadu An Lâ Ilâha Illâ Allâh (J’atteste qu’il n’y a point de divinité sauf Allâh), Ashhadu Anna Muhammadan Rasûl Allâh (J’atteste que Muhammad est le Messager d’Allâh), Hayy ʿAlâ As-Salâh (Hâtez-vous à la prière), Hayy ʿAlâ Al-Falâh (Hâtez-vous à la réussite), Qad Qâmat As-Salâh (L’heure de la prière est arrivée), Qad Qâmat As-Salâh, Allâhu Akbar Allâhu Akbar (Allâh est le plus Grand, Allâh est le plus Grand), Lâ Ilâha Illâ Allâh (Il n’y a point de divinité sauf Allâh)” Aussitôt que je me fus réveillé, j’allai informer le Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — de ce que j’ai vu. Il dit : “C’est une vision véridique, par la volonté d’Allâh. Va avec Bilâl et souffle lui ce que tu as vu en songe afin qu’il appelle à la prière car il a une voix plus mélodieuse que la tienne”. ʿAbd Allâh Ibn Zayd dit : “Je me levai alors avec Bilâl afin de lui souffler cette formule et qu’il appelle à la prière”. Il poursuit : “Entendant cet appel de chez lui, ʿUmar Ibn Al-Khattâb se hâta de sortir et dit : "Par Celui Qui t’a envoyé avec la Vérité, j’ai vu ce qu’il a vu (en songe)". ʿAbd Allâh Ibn Zayd dit : "Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — dit : Louanges à Allâh !" ». [3]
Ensuite, la révélation coranique reçue par le Prophète — paix et bénédictions sur lui — visa à clarifier le licite et l’illicite ; les sanctions pénales furent instaurées, le jeûne et la zakât furent prescrits, et ce, au cours de la deuxième année de l’hégire.
On eut l’impression que le vent avait tourné et que la situation s’était arrangée pour les Musulmans qui se sentirent tranquilles pour les choses de leur religion et de leur vie. Ils commencèrent à récolter le fruit de l’endurance, à jouir de la liberté de conscience et de la servitude vis-à-vis d’Allâh et Lui seul. Les gens devinrent tous égaux : « Nul Arabe n’a de mérite par rapport à un non-Arabe et nul Blanc n’a de mérite par rapport à un Noir sauf par la piété ». Ils virent comment le Prophète se refusait à tout apparat de royauté et à toute manifestation de puissance et comment il défendait à ses compagnons de se lever à son arrivée comme le faisaient les étrangers à l’arrivée de leurs rois. Il s’asseyait entre ses compagnons là où il trouvait une place vide, si bien que l’étranger avait du mal à le distinguer des autres. Il disait à ses compagnons : « N’exagérez pas dans mon éloge comme le firent les chrétiens avec le fils de Marie car je ne suis que le serviteur d’Allâh. Dîtes donc : (il est) le serviteur d’Allâh et son messager » [4]. Il plaisantait avec ses compagnons et les fréquentait. Il jouait avec leurs enfants et les portait dans ses bras. Il répondait aux demandes des hommes libres, comme à celles des esclaves, des servantes et des indigents. Il rendait visite aux malades aux confins de Médine, saluait en premier ceux qu’il croisait et quand il serrait la main à quelqu’un, il ne la retirait pas avant que l’autre retire la sienne.
De même, il était au service de sa famille, il rapiéçait ses vêtements, réparait ses chaussures, nourrissait son cheval, trayait sa brebis et se servait lui-même. Sa fidélité à Dame Khadîjah — qu’Allâh l’agrée — fut telle que, à chaque fois qu’elle était mentionnée devant lui, il ne manquait pas de lui rendre le plus bel hommage. Il honorait également ses amies et disait : « La loyauté est une partie intégrante de la foi ». Sa douceur se manifestait aussi lorsqu’il permettait à ses petits-enfants de jouer avec lui, y compris pendant la prière. Il lui arriva même un jour de présider à la prière en portant sur ses épaules la fille de sa fille Zaynab : il la posait par terre lorsqu’il se prosternait et la portait de nouveau lorsqu’il se relevait.
Sa douceur et sa bonté ne se limitèrent pas aux humains, elles s’étendirent aux animaux. Ainsi ordonnait-il au sacrificateur d’aiguiser son couteau, d’installer confortablement sa bête, tout comme il défendait qu’on surchargeât les bêtes de somme. Il faisait don de tout ce qu’on lui demandait si bien qu’on dit à son sujet : Il dépense à la manière de celui qui ne craint pas la pauvreté. En même temps, il menait une vie d’austérité et d’ascétisme et pouvait ne manger que du pain d’orge, deux jours à suivre. Son lit était fait de cuir et bourré de fibres. À plusieurs reprises, il souffrit de la faim au point d’attacher une pierre contre son ventre tellement il avait faim. Cependant, son ascétisme ne l’empêchait pas de goûter parfois aux bons mets tels que la viande ou le miel. Son austérité était la même en matière d’habillement qu’en matière de nourriture. Un jour, une femme lui offrit une belle tenue qu’il mit. Voyant qu’elle plaisait à l’un de ses compagnons, le Prophète rentra dans sa chambre, l’enleva et la lui donna.
En tout cela, le Prophète faisait figure de modèle pour ses compagnons et pour les fidèles croyant en lui, leur montrant que rien dans ce monde ne devrait subjuguer le croyant : c’est au contraire le croyant qui doit avoir la haute main sur toute chose. Il ne doit se soumettre ni au pouvoir, ni au prestige, ni à l’argent, ni à quoi que ce soit susceptible de le subjuguer hormis Allâh.
Tous ces facteurs eurent un grand effet sur la propagation de l’islam. Cela irrita les Juifs qui commencèrent à complotter contre l’islam et les Musulmans. Ainsi essayèrent-ils de semer la discorde entre les Aws et les Khazraj dont l’islam avait réconcilié les cœurs après une forte animosité et de longues guerres. Ils incitèrent donc un Juif à profiter de leur rassemblement pour évoquer la bataille de Buʿâth [5]. À la mention de cette bataille, les uns et les autres se vantèrent, puis se disputèrent, se querellèrent et faillirent recourir aux armes avant que le Messager — paix et bénédictions sur lui — ne sorte les voir. Il leur demanda de se rappeler Allâh et comment Il avait réconcilié leurs cœurs. Il prêcha tant et si bien qu’ils pleurèrent, s’embrassèrent les uns les autres et demandèrent pardon à Allâh. La discorde fut tuée dans l’œuf, mais les Juifs n’avaient pas dit leur dernier mot...
Traduit de l’arabe du livre de Sheikh Yâsîn Rushdî, Fî Rihâb Al-Mustafâ (En Compagnie de l’Élu), disponible en format PDF sur le site Mouassa.org.
[1] Endroit qui, dans la Mosquée du Prophète, est toujours connu sous ce nom.
[2] Dans une autre variante : « alors qu’il lui déplaisait que cet appel ressemble à celui des chrétiens ».
[3] Narré par Ahmad, Abû Dawûd, Ibn Mâjah, Ibn Khuzaymah et At-Tirmidhî.
[4] Narré par Al-Bukhârî dans le livre des récits des prophètes.
[5] Une bataille sanglante qui opposa jadis les Aws et les Khazraj et fut remportée par les Aws. Cette victoire poussa les Khazraj à dépêcher une délégation vers la Mecque afin de nouer une alliance avec Quraysh. C’est alors que le Prophète — paix et bénédictions sur lui — s’entretint avec cette délégation et la guida vers l’Islam.
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