mardi 19 novembre 2002
Quels sont les principaux enseignements que le Musulman doit tirer de l’épisode du Voyage nocturne et de l’Ascension (al-isrâ’ wal-miʿrâj) ?
Le Voyage nocturne que Dieu offrit à Son Messager — paix et bénédiction sur lui — est le voyage terrestre de La Mecque vers Jérusalem, de la Mosquée Sacrée vers la Mosquée Al-Aqsâ. Il s’agit d’un voyage terrestre qui eut lieu de nuit. L’Ascension, quant à elle, est un voyage de la Terre vers le Ciel, de Jérusalem vers les cieux les plus élevés, vers un point auquel nul homme n’avait auparavant jamais accédé, vers le Jujubier de la Limite (sidrat al-muntahâ), vers un endroit que Seul Dieu connaît. Ces deux voyages furent une étape importante de la vie du Prophète — paix et bénédiction sur lui — et du parcours suivi à la Mecque par sa nouvelle religion. Ces voyages intervinrent après que le Prophète eut goûté de la part de Quraysh toutes les formes de persécutions et de souffrances.
Dieu, le Très-Haut, offrit ce voyage à Son Messager, le Voyage nocturne et l’Ascension, en tant que soulagement et réconfort pour tout ce qu’il avait souffert, et en tant que compensation pour tout ce qu’il avait enduré. Dieu — Exalté soit-Il — lui fit ainsi savoir que si les habitants de la Terre se sont détournés de toi, alors les habitants du Ciel sont venus à toi, et si ces hommes t’ont rejeté, alors Dieu t’a accueilli et les Prophètes t’ont suivi, en te désignant comme leur Imam. Il s’agissait ainsi d’une compensation et d’un honneur faits au Messager — paix et bénédiction sur lui — de la part de Dieu — Exalté soit-Il. Il s’agissait également pour le Prophète d’une préparation à l’étape suivante de sa mission. En effet, il devrait, quelque temps plus tard (trois années selon certains et dix-huit mois selon d’autres), endurer de grandes épreuves... Ce qui est sûr, c’est que cet épisode eut lieu avant l’Hégire. Le Voyage nocturne et l’Ascension étaient une préparation à l’ère post-hégirienne, à cette ère de lutte armée au cours de laquelle le Prophète — paix et bénédiction sur lui — allait entrer en confrontation avec tous les Arabes. Tous les Arabes allaient se réunir tels un seul homme pour diriger leurs flèches contre le Prophète. De nombreux fronts allaient s’ouvrir et s’opposer à sa mission universelle.
À l’occasion de l’anniversaire du Voyage nocturne et de l’Ascension, les choses les plus importantes sur lesquelles il faut insister sont au nombre de deux. La première est la Mosquée Al-Aqsâ. Il est nécessaire de comprendre la manière dont Dieu — Exalté soit-Il — établit un lien entre la Mosquée Sacrée et la Mosquée Al-Aqsâ et la manière dont Il nous informa que le choix de la Mosquée Al-Aqsâ était intentionnel. En effet, le Prophète — paix et bénédiction sur lui — aurait très bien pu monter au Jujubier de la Limite depuis La Mecque.
Nous devons donc méditer les raisons pour lesquelles ce Voyage nocturne eut lieu de la Mosquée Sacrée à la Mosquée Al-Aqsâ ainsi que les raisons pour lesquelles le Messager de Dieu — paix et bénédiction sur lui — ne monta pas directement de la Mosquée Sacrée aux cieux les plus élevés. Ceci nous indique en effet que le passage par cette sainte étape, par Jérusalem, par cette terre que Dieu bénit pour les mondes, par la Mosquée Al-Aqsâ, était intentionnel. Par ailleurs, le fait que le Messager de Dieu — paix et bénédiction sur lui — dirigeât la prière des Prophètes à Jérusalem comporte une profonde signification. Ainsi, le commandement revenait désormais à une nouvelle communauté et à un nouveau message, à un message universel. Contrairement aux messages antérieurs pour lesquels chaque prophète fut envoyé à son peuple, celui-ci se voulait être un message général et éternel destiné à toute l’humanité.
Ce lien entre les deux Mosquées, la Mosquée Sacrée et la Mosquée Al-Aqsâ, fut établi afin que le Musulman ressente que chacune d’elles a sa sainteté propre. Ainsi, l’une fut le point de départ du Voyage nocturne, l’autre en fut le point d’arrivée. Ceci indique donc que celui qui abandonne la Mosquée Al-Aqsâ est à deux doigts d’abandonner la Mosquée Sacrée, celui qui abandonne le point d’arrivée du Voyage nocturne peut parfaitement abandonner son point de départ. Dieu — Exalté soit-Il — voulut donc établir un lien entre les deux Mosquées, la Mosquée qui fut le point de départ du Voyage nocturne et la Mosquée qui en fut le point d’arrivée, la Mosquée Sacrée et la Mosquée Al-Aqsâ. Dieu — Exalté soit-Il — voulut que ces deux Mosquées, la Mosquée Sacrée et la Mosquée Al-Aqsâ, fussent reliées entre elles dans l’âme de chaque Musulman. Dieu insista sur la Mosquée Al-Aqsâ « dont Nous avons béni l’alentour » [1]. Il fit attribut de la bénédiction pour décrire cette Mosquée, et ce, avant même la construction de la Mosquée du Messager de Dieu — paix et bénédiction sur lui. En effet, la Mosquée du Prophète ne fut édifiée qu’après l’Hégire, à Médine. Dieu voulut donc consolider cette idée et la raffermir dans les consciences et les cœurs des Musulmans, afin qu’ils n’abandonnent aucune des deux Mosquées. Car celui qui abandonne la Mosquée Al-Aqsâ est à un pas d’abandonner la Mosquée Sacrée. Cette Mosquée fut intimement reliée à l’épisode du Voyage nocturne et de l’Ascension ; c’est vers elle que, pendant une longue période, les Musulmans se tournèrent pour leur prière, après que cette dernière eut été prescrite. Les Musulmans priaient vers Jérusalem : Jérusalem fut leur direction de prière (qiblah) pendant trois ans à la Mecque et pendant seize mois à Médine. Ils prièrent vers cette Mosquée de Jérusalem qui était alors la première direction des Musulmans. Cette Mosquée est donc la première direction de prière des Musulmans, la terre du Voyage nocturne et de l’Ascension, et la Mosquée vers laquelle les Musulmans voyagent exclusivement, conjointement avec la Mosquée Sacrée et la Mosquée du Prophète. Jérusalem devient ainsi la troisième ville sainte de l’Islam, après La Mecque et Médine.
C’est de cette manière que les Musulmans doivent saisir l’importance de Jérusalem dans leur histoire et l’importance de la Mosquée Al-Aqsâ dans leur religion, dans leur foi et dans leur vie. C’est pour cette raison que les Musulmans, tout au long de l’histoire, ont toujours œuvré pour que cette Mosquée reste entre leurs mains.
Dieu — Exalté soit-Il — voulut établir un lien entre cette Mosquée et l’anniversaire du Voyage nocturne et de l’Ascension, et ce, afin que chaque année, à l’approche de cet anniversaire à la fin du mois de Rajab [2], lorsque les Musulmans, où qu’ils soient, célèbrent cet épisode, ils se rappellent cette grave question, cette cause sacrée... Nous ne pouvons pas, chers frères, l’abandonner. Si les Juifs ont rêvé d’établir un État et qu’ils sont parvenus à réaliser leur rêve, nous devons, nous aussi, rêver qu’il nous est impossible d’abandonner notre Mosquée. Même si la réalité amère qui nous fait face se rend dans toute l’ampleur de sa reddition et est vaincue dans toute l’ampleur de sa défaite, nous ne devons pas nous y soumettre et accepter ainsi la déroute.
Nous devons avoir la foi que Dieu — Exalté soit-Il — est avec nous, qu’Il est notre Secours, qu’Il fera triompher Sa religion sur toutes les autres religions et qu’Il est le Secoureur de la Communauté croyante, ainsi que l’a rapporté l’Imam Ahmad et At-Tabarânî, d’après Abû Umâmah Al-Bâhilî — que Dieu l’agrée, selon qui, le Prophète — paix et bénédiction sur lui — a dit : « Il restera un groupe de ma Communauté, établissant la justice et vainquant leurs ennemis, auxquels nul, parmi ceux qui leur tiendront front, ne pourra causer du tort — sauf à être trahis — jusqu’à ce que le Commandement de Dieu (le Jour du Jugement dernier) arrive alors que leur attitude demeurera inébranlable. » On demanda : « Ô Messager de Dieu, et où sont-ils ? » Il répondit : « A Jérusalem et dans les alentours de Jérusalem. »
Tel est le premier enseignement à tirer de l’épisode du Voyage nocturne et de l’Ascension.
Le second enseignement est celui qui concerne la prière. On sait que la prière fut prescrite lors de cette nuit grandiose. Nous savons à notre époque que lorsqu’un pays souhaite une chose importante, il en fait part à son ambassadeur. En outre, il ne lui suffit pas d’envoyer à cet ambassadeur un message dans la valise diplomatique. Bien au contraire, il le convoque pour qu’il se présente en personne. Or, le Prophète — paix et bénédiction sur lui — est l’Ambassadeur de Dieu vers Sa création — à Dieu appartient cependant le meilleur exemple [3]. Ainsi, Dieu convoqua Son Ambassadeur, le fit voyager de nuit, puis le fit monter jusqu’au Jujubier de la Limite. Et c’est là que furent prescrites les cinq prières quotidiennes.
Tous les cultes furent prescrits sur Terre, excepté la prière qui fut prescrite au Ciel. Ceci constitue une preuve de l’importance capitale de ce culte, de ce devoir et de ce pilier de l’Islam. La prière est ainsi le vestige qui nous reste de ce Voyage, le seul vestige matériel qui nous reste. En effet, la prière constitue l’ascension propre de chaque Musulman, l’ascension spirituelle qui lui permet de s’élever jusqu’à Dieu — Exalté soit-Il. C’est comme si le Messager nous était revenu avec un présent de son Voyage grandiose [4]. Ce présent consiste précisément en cette prière que le Musulman doit accomplir en signe d’adoration de Dieu — Exalté soit-Il.
C’est pour cette raison que nous devons rappeler l’importance de cette prière, en particulier dans la mesure où elle est liée à la Mosquée Al-Aqsâ. En effet, lorsque la prière fut prescrite, et jusqu’à l’ère post-hégirienne, cette Mosquée fut la première direction de prière des Musulmans. Si, d’après l’hypothèse la plus probable, le Voyage nocturne eut lieu en l’an dix de la mission [5], alors les Musulmans prièrent pendant trois ans avant l’Hégire, puis encore seize mois après, tournés vers Jérusalem. Jérusalem fut la première direction de prière des Musulmans, après quoi Dieu leur ordonna de se tourner désormais vers la Mosquée Sacrée : « Où que vous soyez, tournez-y vos visages. » [6].
Les Juifs provoquèrent alors à Médine un tollé général au sujet de cette affaire. « Les faibles d’esprit parmi les gens vont dire : ‹Qui les a détournés de la direction (qiblah) vers laquelle ils s’orientaient auparavant ?› » [7] Ils répandirent la rumeur que la prière des Musulmans, avant le changement de direction, était nulle et que sa récompense était perdue. Dieu leur répondit par le verset précédent, ajoutant : « Et Nous n’avions établi la direction (qiblah) vers laquelle tu te tournais que pour savoir qui allait suivre le Messager et qui allait s’en retourner sur ses talons. C’était un changement difficile, mais pas pour ceux que Dieu a guidés. Et ce n’est pas Dieu qui vous fera perdre la récompense de votre foi, car Dieu, certes, est Compatissant et Miséricordieux pour les hommes » [8]. Ici, le mot « foi » désigne la prière : Dieu exprime la prière en parlant de foi car la prière est précisément une expression de la foi de l’individu.
La prière est ainsi donc l’ascension propre de chaque Musulman. Si le Prophète — paix et bénédiction sur lui — monta vers les cieux les plus élevés, sache que tu as à ta disposition, cher frère Musulman, une ascension spirituelle par laquelle tu peux monter indéfiniment vers Dieu — Exalté soit-Il -, et ce, grâce à la prière, au sujet de laquelle, le Très Haut dit dans un hadith sacré : « J’ai partagé la prière en deux parts, l’une pour Moi, l’autre pour Mon Serviteur, et à Mon Serviteur ce qu’il demande. Si Mon Serviteur dit : « Louanges à Dieu, Seigneur des Mondes. » [9], Je dis : Mon Serviteur M’a loué. S’il dit : « Le Clément, le Miséricordieux. » [9], Je dis : Mon Serviteur M’a rendu les hommages. S’il dit : « Le Maître du Jour de la Rétribution. » [9], Je dis : Mon Serviteur M’a glorifié. S’il dit : « C’est Toi que nous adorons et c’est Toi que nous implorons. » [9], Je dis : Cela Nous concerne Moi et Mon Serviteur, et à Mon Serviteur ce qu’il demande. S’il dit : « Guide-nous vers le droit chemin. Le chemin de ceux que Tu as comblés par Tes bienfaits, non le chemin de ceux qui ont encouru Ta colère ni de ceux qui se sont égarés. » [9], Je dis : Cela est pour Mon Serviteur, et à Mon Serviteur ce qu’il demande. »
Traduit de l’arabe du site Islamonline.net. La version originale est consultable sur archive.org.
[1] Sourate 17 intitulée le Voyage nocturne, Al-Isrâ’, verset 1.
[2] Rajab est le septième mois du calendrier musulman.
[3] Expression prononcée par les Musulmans lorsqu’ils comparent le divin à des exemples matériels, pour mieux faire comprendre leurs propos. Cette expression est une sorte d’excuse signifiant que Dieu est certes incomparable, mais qu’on peut utiliser tel ou tel exemple pour mieux faire ressortir telle ou telle idée.
[4] Nous recommandons la lecture de ces lignes de l’Imâm exégète Muhammad Mitwallî Ash-Shaʿrâwî : "Le cadeau de la Proximité pour la proximité".
[5] L’an -3 du calendrier musulman.
[6] Sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, verset 144.
[7] Sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, verset 142.
[8] Sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, verset 143.
[9] Il s’agit des versets de la sourate 1 intitulée le Prologue, Al-Fâtihah, que le Musulman doit réciter à chaque cycle de prière (rakʿah).
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