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La zakât, sa philosophie et ses conditions

Sanction pénale

jeudi 11 mai 2006

Quiconque lit le Coran remarquera que l’ordre d’accomplir la prière va toujours de pair avec celui de pratiquer la zakât. Il en est de même dans les textes de la Sunnah.

Quand le Prophète nomma Muʿâdh Ibn Jabal juge et gouverneur du Yémen, il lui dit : « Tu trouveras au Yémen des scripturaires. Appelle-les à témoigner que Dieu est Un et que je suis Son Prophète. S’ils t’obéissent, informe-les que Dieu a ordonné la zakât — l’aumône obligatoire — que les riches d’entre eux doivent aux pauvres. Et crains la plainte de l’opprimé car Dieu l’entend. » [1]

« Dieu vous a ordonné la prière et la zakât. », dit Ibn Masʿûd, « Quiconque d’entre vous ne verse pas la zakât, sa prière n’aura aucun poids ».

Ainsi, la zakât est une obligation. Quiconque ne la remplit pas se trouve jugé d’après les trois critères suivants :

— Si son refus procède du reniement, il sera considéré comme apostat, et subira la peine réservée à l’apostasie.

— Si son refus procède de l’avarice, on le forcera à l’acquittement. Certains jurisconsultes vont même jusqu’à lui confisquer une part de ses biens, en guise de sanction pénale, en surplus du montant de la zakât dû initialement.

— Si son refus est par caprice, et appuyé par la force, on lui déclarera la guerre. C’est d’ailleurs ce que fit Abû Bakr à l’encontre des chefs arabes qui refusèrent de verser la zakât après la mort du Prophète. La conduite de ces insoumis étaient, en effet, un exemple dangereux. Ils furent ainsi battus par Abû Bakr et obligés de verser la zakât, grâce à la force des armes.

Rappelons, qu’appuyé par certains Compagnons du Prophète, ʿUmar déconseillait cette guerre. Mais Abû Bakr fut ferme : « Par Dieu, dit-il, je combattrai quiconque distingue la prière de la zakât », faisant allusion à la parole suivante de l’Envoyé de Dieu : « Dieu m’a ordonné de combattre ceux qui ne font pas la prière et ne s’acquittent pas de la zakât ». Puis Abû Bakr apostropha ʿUmar en ces termes : « Eh bien quoi ʿUmar, fils d’Al-Khattâb, te sied-il de te montrer vaillant durant le paganisme, et craintif au sein de l’Islam ?! »

Les juristes sont en désaccord à propos de cette guerre déclenchée par Abû Bakr. D’aucuns donnent raison au premier Calife alléguant que le refus de ces chefs arabes était un acte d’apostasie, se basant sur deux versets cités dans la sourate intitulée Le repentir. Le premier dit : « À l’expiration des mois sacrés, combattez les païens où vous les trouverez, capturez-les et coupez-leur toute retraite. S’ils se repentent, observent la prière et versent la zakât, laisse-les en paix, Dieu est Clément et Miséricordieux » [2].

Ainsi, trois conditions sont requises pour accepter leur islam : le repentir du paganisme en témoignant que Dieu est Un et que Mohammad est Son Prophète, l’accomplissement de la prière et l’acquittement de la zakât. Manquer à l’une de ces conditions, c’est manquer à l’Islam.

Le second verset dit : « S’ils se repentent, observent la prière et versent la zakât, ils seront vos frères en religion » [3].

Cette fraternité requiert toujours les mêmes trois conditions précitées.

D’autres juristes assurent que le Musulman qui refuse le versement de la zakât par pure avarice, n’est pas apostat ; ainsi, les arabes combattus par Abû Bakr ne devaient pas être considérés comme apostats, car ils refusèrent le versement de la zakât soutenant l’idée que le Prophète était, selon l’expression du Coran « une paix » faisant allusion à ce fragment de verset : « Prie pour eux, car ta prière est une paix pour eux » [4] alors qu’Abû Bakr ne l’était pas.

On rapporte même que leur poète déclama ces vers en réponse aux réclamations du premier Calife.

Nous avons obéi au Prophète tant qu’il vivait parmi nous.
Pourquoi obéirons-nous à Abû Bakr ?
Abû Bakr est-il l’héritier de la Prophétie ?
C’est là une lourde charge qui brise le dos.

Il parait donc qu’ils avaient refusé le versement de la zakât par ostentation. C’est cette seconde opinion qui prévaut chez la majorité des savants.

Ajoutons que si celui qui refuse l’acquittement de cette obligation est un nouveau prosélyte ignorant encore les dogmes de l’islam, en raison de son éloignement du territoire islamique, il ne sera pas considéré comme apostat et il est du devoir des Croyants qui le fréquentent de les lui enseigner. Mais s’il vit dans un territoire islamique [5] et renie la zakât, dans ce cas, il sera considéré comme apostat, car il n’est pas permis à un tel prosélyte d’enfreindre l’un des commandements de Dieu.

P.-S.

Ouvrage publié par le Conseil Supérieur des Affaires Islamiques d’Égypte, Al-Ahram Commercial Presses, 1993. Revu et adapté par Islamophile.org.

Notes

[1Conférer Sahîh Al-Bukhârî.

[2Sourate 9, At-Tawbah, Le repentir, verset 5. NdT.

[3Sourate 9, At-Tawbah, Le repentir, verset 11. NdT.

[4Sourate 9, At-Tawbah, Le repentir, verset 103. NdT.

[5Dans un territoire islamique, les connaissances élémentaires de l’islam, à l’instar des piliers de l’islam, sont de notoriété publique et nul musulman n’est censé les ignorer. Ce socle de connaissances élémentaires est aussi désigné dans la littérature islamique par l’expression « ce qui est nécessairement connu de la religion » (en arabe : al-maʿlûm min ad-dîn bid-darûrah). NdT.

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