vendredi 25 janvier 2013
Notre histoire musulmane est la meilleure histoire que le monde ait connu, à travers toute l’étendue de l’histoire écrite.
Cette vérité se manifeste lorsqu’elle est observée au travers du caractère humain de cette histoire (car il s’agit d’une histoire humaine), et lorsqu’elle est observée dans sa globalité, non en se focalisant de manière sournoise et haineuse sur un point précis. Car dans la vie de tout homme – grand ou banal -, il y a des erreurs. Or l’histoire est la vie d’une somme d’humains et d’êtres bien vivants ; ce n’est pas la chronique de mythes légendaires, mais l’histoire de gens réels, qui ont vécu sur terre, qui avaient des passions spirituelles, ainsi que des instincts humains.
Lorsque nous observons l’histoire à partir de ce constat objectif, nous remarquerons que l’époque du Prophète et des califes bien-guidés (622 – 661) a été la meilleure période de l’histoire humaine, à tous points de vue, n’étant égalée que par les époques des prophètes – paix sur eux -, et dans une moindre mesure, de celles de leurs apôtres.
Aucun prophète n’a eu droit à cette quantité extraordinaire de disciples que le Messager de Dieu – paix et bénédictions sur lui – a éduqués et pris sous son aile, et qui a représenté l’idéal à atteindre pour la culture islamique.
Sous les Omeyyades (661 – 750), cette histoire ne s’est pas interrompue, car l’année de leur avènement en 661 ne signifie nullement la disparition de tous les Compagnons du Prophète. La période omeyyade est restée marquée par la présence importante de ces grands hommes. Les dérives de cette période sont restées circonscrites à certains aspects politiques et de préférence nationale, tandis que la vie religieuse et sociale est restée au sommet. C’est d’ailleurs à cette période que le peuple musulman a mené, de son plein gré, les plus grandes conquêtes sous la bannière omeyyade.
Sous les Abbassides (750 – 1258), la vie sociale, économique et législative a poursuivi son cours naturel, avec le leadership du peuple musulman.
Le puissant fleuve de la civilisation n’est pas soumis en effet aux changements politiques qui font et défont les dynasties.
Les Abbassides ont commis deux erreurs. La première est le mouvement de traduction vers l’arabe de la pensée étrangère, qui a été mené sans précautions suffisantes, et sans être accompagné d’un mouvement de traduction inverse vers les langues étrangères de la doctrine islamique. La seconde est d’avoir détourné la nation vers la question séditieuse de la création du Coran, en utilisant la violence et la répression contre les opposants au calife, et en lâchant complètement la bride aux Muʿtazilites, qui ont consommé leur défaite face aux thèses philosophiques.
Mais d’autre part, ce sont les Abbassides qui ont diffusé la civilisation islamique. C’est sous leur règne que s’est répandu un mouvement pacifique de prédication à l’islam. Les conquêtes militaires et politiques des Omeyyades n’ont en effet pas immédiatement été accompagnées de conversions massives à l’islam, car l’islam ne s’acquiert pas par la contrainte. C’est donc sous l’ère abbasside que l’islam s’est propagé, par le biais d’une nation prédicatrice, non d’un État gardien de la foi.
En outre, le pouvoir abbasside s’est fermement dressé contre les mouvements ésotéristes, tels que les Barmécides et les Khurramites, et a endigué, à plus grande échelle, l’extension des Fatimides, qui se sont emparés du Maghreb et de l’Égypte. Il a enfin réussi à contenir la domination chiito-bouyide, exercée par les vizirs du calife, de sorte que cette domination est restée purement politique et ne s’est pas manifestée par une diffusion des théories ésotéristes au sein de la population.
Puis sont arrivés au pouvoir les Zengides, les Ayyoubides, les Mamelouks, et enfin les Ottomans, dont la dynastie a duré cinq cents ans, jusqu’à leur chute en 1924. Tous ont des points négatifs, mais tous ont rendu à l’islam les plus grands services, et l’ont défendu contre les pires dangers.
C’est grâce à ces générations d’hommes qui nous ont précédés que l’islam est toujours là, luttant contre les épreuves, déjouant les complots perfides, et réchappant, avec les musulmans réunis sous sa bannière flottante, de l’époque du colonialisme militaire et politique européen, pour se confronter à l’offensive intellectuelle siono-croisée, avant d’arriver dans l’ère du réveil islamique, aujourd’hui accablé par les difficultés et les menées internationales.
Mais l’islam s’étend sur tous les continents, grâce à sa nation prédicatrice, et sort victorieux en toutes circonstances, y compris lors des défaites politiques et militaires, comme cela a été le cas avec les Mongols. Si Dieu le permet, les musulmans poursuivront leur chemin, et le drapeau de l’islam flottera très haut, malgré les nuages qui obscurcissent l’horizon. Car l’islam est l’unique solution, non seulement pour les musulmans, mais pour l’humanité entière. C’est l’irrésistible destin divin, et le seul espoir de salut de l’humanité.
Voilà une histoire résistante, un islam conquérant, une civilisation idéale qui a fondu dans un seul moule des dimensions mystiques, intellectuelles, spirituelles, individuelles et collectives, qui a parfait l’humanité de l’homme, se présentant comme source de lumière, lumière de l’âme et de l’intellect, ayant rayonné sur le monde entier pendant plus de dix siècles !
Nous est-il dès lors permis de vendre, pour des sommes dérisoires, cette histoire et cette culture, à une époque où des nations s’inventent une histoire et s’imaginent être les dépositaires d’une civilisation ?
Peut-on encore admettre que cette histoire et cette culture continuent à être la cible des flèches tirées par les tenants de thèses infondées et d’idéologies déviantes, d’auteurs momifiés dans les cavernes que constituent des événements ponctuels, refusant de s’en écarter pour prendre du recul et avoir une vision plus large, leur permettant de traiter l’humanité selon des critères adaptés à la condition humaine ?
Sans cette histoire, comment allons-nous prendre notre essor ? Comment allons-nous nous positionner sur le terrain du choc des civilisations et du dialogue des cultures ?
Nos prédécesseurs sont nos aïeux. Nous ne pouvons en aucun cas les renier, sauf si nous choisissons d’abandonner notre identité. La consonance de nos noms ne saurait à elle seul dire qui nous sommes, et ne saurait être prise en considération dans les registres de l’histoire.
Notre civilisation constitue les traits culturels qui nous distinguent alors que nous bâtissons notre civilisation contemporaine, technologique et humaniste. C’est elle qui indique qui nous sommes, et qui souligne notre particularité au sein du genre humain. Car nous ne sommes pas des esclaves suiveurs, ayant perdu leur identité et singeant les autres nations.
Tout comme Abû Bakr, ʿUmar, ʿUthmân et ʿAlî, sont, après l’imâm de la mission, et le messager de l’humanité – paix et bénédictions sur lui -, nos modèles et nos leaders, de même nous inspirons-nous de leurs successeurs. Car bien qu’ils soient en-deçà des premiers en termes de mérite, ils demeurent plus valeureux que nous, et constituent par conséquent eux aussi des exemples. Ils font en effet partie de la meilleure génération, de la génération des Compagnons, des Successeurs et des Imâms les plus dévoués, et ce, qu’ils aient vu juste ou qu’ils se soient trompés. C’est ainsi que nous devons éduquer notre communauté à cultiver son appartenance à sa civilisation et aux bâtisseurs de sa culture et à en tirer fierté, sans pour autant sacraliser ces hommes ni les élever au rang d’êtres infaillibles. Car nul n’est infaillible, après le Messager de Dieu, le Sceau des prophètes, paix et bénédictions sur lui.
Malheur à une nation qui renie son histoire, qui la déforme, qui amplifie les moments de faiblesse ou qui poursuit son chemin sans se donner des repères historiques dont elle s’inspire !
Car elle devient alors une nation perdue, errante, marchant sans but.
Notre histoire et notre culture ne sont pas à vendre. Nos historiens et nos penseurs, conscients de leur appartenance à cette civilisation et des lois divines du progrès, doivent se mobiliser pour défendre cette histoire et cette culture, pour les mettre au service de la renaissance civilisationnelle moderne que nous appelons de nos vœux.
Traduit de l’arabe d’un article de ʿAbd Al-Halîm ʿUways, disponible en ligne sur le site de la revue Al-Waʿy Al-Islâmî (Conscience islamique), n°463 (avril/mai 2004).
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