mardi 7 avril 2009
Damas... Un rêve qui caressa longtemps l’imaginaire des Musulmans depuis le jour où les premières troupes croyantes étaient sorties de la Péninsule arabe pour lancer l’Islam à la conquête du monde. Damas, que Dieu avait doté d’une beauté attirante et d’une nature envoûtante, se distinguait par sa verdure, ses pâturages, ses terres fertiles, ses vergers pleins de fruits, ses eaux douces, et ses jardins fleuris. Pour les Arabes du désert aride, Damas était un avant-goût des jardins d’Eden.
Mais animés avant tout par leur foi qui passait avant toute considération d’ordre matériel, les Musulmans se lancèrent en 635 à la conquête de cette cité ultra-fortifiée dont la gloire se perdait dans la nuit des temps. Ville millénaire, de nombreuses civilisations et de nombreux peuples se succédèrent à Damas. Sa muraille s’élevait à près de onze mètres de hauteur et atteignait trois mètres d’épaisseur. Elle était par ailleurs entourée d’un profonde douve de trois mètres de largeur. Elle était enfin protégée de l’intérieur par de nombreux châteaux-forts. Bref, ses fortifications étaient de nature à décourager les conquérants les plus intrépides.
Mais pour les Musulmans de la première heure, l’appel de la foi était si impérieux que tous les obstacles qui se dressaient devant eux devenaient vains. Ainsi, après avoir vaincu les Byzantins à la grande bataille d’Ajnâdîn, Abû ʿUbaydah Ibn Al-Jarrâh, le général en chef de l’armée musulmane, apprit qu’Héraclius, Empereur de Byzance, dépêcha à Damas des renforts provenant de Homs, dans l’éventualité d’une attaque musulmane contre la ville. Abû ʿUbaydah envoya une lettre au Commandeur des Croyants ʿUmar Ibn Al-Khattâb dans laquelle il lui exposa les derniers développements sur le terrain et lui demanda ses instructions pour la suite des événements. ʿUmar lui ordonna alors de marcher sur Damas qui était la citadelle de la Syrie et le cœur de la puissance byzantine dans la région. Fin stratège, ʿUmar ordonna également à Abû ʿUbaydah d’envoyer simultanément des troupes livrer des escarmouches aux gens de Fahl, puissante cité située à l’est du Jourdain, à ceux de Palestine et à ceux de Homs, ce afin d’entretenir le trouble sur les intentions des Musulmans et de prévenir tout renfort susceptible d’en provenir au bénéfice de Damas.
L’armée de Abû ʿUbaydah Ibn Al-Jarrâh marcha ainsi en direction de Damas, sans rencontrer de grande résistance. Elle prit La Ghouta, localité située en périphérie de la ville, qui avait été abandonnée par ses habitants. Les Damascènes se réfugièrent en effet derrière les remparts de leur cité et refermèrent les portes. Le siège commençait. Chacune des portes de la cité fut assiégée. A la tête de cinq mille hommes, le commandant Khâlid Ibn Al-Walîd campa face à la Porte de l’Est ; Shurahbîl Ibn Hasanah campa avec ses troupes de fantassins face à la Porte de Saint Thomas, ʿAmr Ibn Al-ʿÂs face à la Porte des Paradis, Abû ʿUbaydah face à la Porte de Jâbiyah et Yazîd Ibn Muʿâwiyah face à la Porte de Kaysân.
Les Musulmans disposèrent des mangonneaux et des chars de combat et commencèrent à pilonner les murailles de la cité, l’objectif à court terme étant de démoraliser ses habitants, déjà atteints par la défaite de Yarmouk quelques mois plus tôt.
Au fil des jours, les Byzantins assiégés commençaient à désespérer, les renforts successivement envoyés par Héraclius pour briser le siège étant systématiquement mis en déroute. Les notables damascènes se rendirent alors auprès de Thomas, le gouverneur militaire de Damas qui était également gendre d’Héraclius, et lui firent part de leurs craintes que la ville ne tînt plus longtemps. Ils lui proposèrent de capituler et de signer la paix avec les Musulmans. Thomas refusa, leur assurant qu’il était en son pouvoir de défendre la cité et de chasser l’ennemi.
Associant les paroles à l’action, le gouverneur leva une armée qui se rassembla derrière la Porte de Saint-Thomas. Il donna l’ordre aux archers de se positionner sur la muraille et de faire pleuvoir leurs flèches sur les troupes de Shurahbîl, afin de les éloigner de la Porte. Après quoi, cinq mille cavaliers déferlèrent hors de Damas et chargèrent l’armée musulmane à laquelle ils causèrent de sérieux dégâts. Néanmoins, l’armée de Shurahbîl supporta l’assaut et ne fut pas mise en déroute.
Nullement découragé, Thomas organisa une deuxième sortie nocturne de grande envergure contre les Musulmans. Cette fois-ci, la garnison byzantine lança une attaque simultanée par plusieurs portes. Thomas plaça d’ailleurs le gros de ses troupes du côté de la Porte de l’Est, celle assiégée par Khâlid, afin de l’empêcher d’aller au secours de Shurahbîl. L’assaut fut lancé à minuit, et les combats se poursuivirent jusqu’au petit matin. Mise en déroute, l’armée byzantine fut appelée par Thomas à se retirer à nouveau derrière les murs.
C’est par cette formule que les chroniqueurs musulmans décrivent l’attitude de Khâlid lors du siège de Damas. Guettant le moindre mouvement ennemi, de jour comme de nuit, Khâlid ne s’accordait et n’accordait à ses troupes que très peu de repos. Il voulait un éveil permanent au cas où se dessinerait une brèche dans la défense byzantine. Ses espions, véritable service de renseignement, lui rapportaient tout ce qui se déroulait à Damas, et ce, d’autant plus facilement qu’une partie de la population, opprimée par les autorités byzantines, était favorable à une prise du pouvoir par les Musulmans. Il apprit ainsi que la garnison byzantine était conviée à une fête donnée par le Patriarche de Damas, en l’honneur de la naissance de son fils. Les soldats byzantins, profitant de l’aubaine, burent beaucoup de vin jusqu’à s’enivrer. Nombre d’entre eux quittèrent leurs positions. Prévoyant, Khâlid se fit livrer par un monastère conquis à sa cause, près duquel il campait, des échelles et des cordes pour grimper sur les murailles de la cité. La nuit tombée, le commandant musulman et ses hommes traversèrent à la nage la douve qui entourait les murs. Un petit nombre d’entre eux grimpa ensuite en haut de la muraille puis ouvrit la Porte de l’Est au reste des troupes de Khâlid.
S’écriant "Dieu est le plus Grand !" à plusieurs reprises, les soldats musulmans attirèrent l’attention des Byzantins qui ne purent que constater la présence de l’armée musulmane au cœur même de la ville. Ils s’empressèrent alors d’ouvrir les autres portes et de signer la paix avec Abû ʿUbaydah, qui n’était pas encore au courant que Khâlid avait réussi à pénétrer dans Damas. Il octroya donc sa protection aux Damascènes. Lorsqu’il apprit l’exploit de Khâlid, il lui demanda de mettre fin aux hostilités, afin que les conditions de paix qu’il avait négociées avec les Damascènes pour les parties de la ville non conquises par la force s’appliquassent également à la partie conquise par Khâlid. Le 5 septembre 635, Damas, la perle de la Syrie, devint ainsi partie intégrante du jeune État islamique.
Damas acquit le statut de cité conquise par traité, bien que Khâlid avait pris certains quartiers par la force. Cela avait des incidences notamment sur le butin, une ville conquise par traité ne pouvant donner lieu à du butin, mais à un juste partage des richesses avec les conquérants. Ainsi, sur les quinze églises que comptait la cité, sept revinrent aux musulmans, tandis que la plus grande d’entre elles, la cathédrale Saint Jean le Baptiste, fut divisée en deux parties égales, la partie musulmane allant devenir la future Mosquée Omeyyade. Le traité de paix imposait aux Damascènes de payer une capitation que Abû ʿUbaydah avait fixé à un dinar par tête d’habitant et par an, auquel s’ajoutait une certaine quantité de blé, d’huile et de vinaigre, pour l’alimentation de l’armée musulmane. Après la signature du traité, Abû ʿUbaydah écrivit à ʿUmar Ibn Al-Khattâb pour l’en informer. Ce dernier remit en cause les conditions acceptées par les Damascènes, les jugeant pas assez équilibrées socialement. Il ordonna ainsi à ses généraux d’indexer le montant de la capitation en fonction des revenus de chacun, et de ne l’imposer qu’aux hommes capables de la supporter financièrement. Cette décision permettait ainsi de réaffirmer l’objectif de la capitation qui était, pour les non-Musulmans vivant sous autorité musulmane, l’équivalent du service militaire pour les Musulmans. Le service militaire n’étant obligatoire que pour les hommes musulmans aptes à prendre les armes, la capitation ne devait être obligatoire que pour les hommes non-musulmans capables de la payer. ʿUmar demanda ainsi à ses généraux d’imposer les seuls hommes adultes les plus aisés à hauteur de 40 dirhams d’argent ou quatre dinars d’or par an, auxquels s’ajoutaient 2 mudd (soit environ 1 kg) de blé et 3 qist (soit environ 2,2 litres) d’huile, ainsi qu’une certaine quantité de graisse et de miel.
Après cette conquête, qui fut suivie ensuite de celle de Homs puis de Qinnasrîn, c’en fut fini de la présence byzantine en Syrie. L’Empereur Héraclius dut se résoudre à rentrer dans sa capitale Constantinople.
Sources : Islammemo.cc, Islamonline.net et le site de l’Université Islamique de Médine.
© islamophile.org 1998 - 2024. Tous droits réservés.
Toute reproduction interdite (y compris sur internet), sauf avec notre accord explicite. Usage personnel autorisé.
Les opinions exprimées sur le site islamophile.org sont celles de leurs auteurs. Exprimées dans diverses langues étrangères, ces opinions sont mises à la portée des lecteurs francophones par nos soins, à des fins d'information, de connaissance et de respect mutuels entre les différentes cultures et religions du monde.