Français | عربي | English

Accueil > Banque de Fatwâ > Culte > Le dhikr et les invocations > Sheikh ʿAtiyyah Saqr > Le dhikr collectif et ses règles

Le dhikr collectif et ses règles

vendredi 23 septembre 2005

Question

Est-il vrai que l’évocation collective de Dieu et les prières surérogatoires accomplies collectivement sont des innovations, comme certains l’affirment ?

Réponse de Sheikh ʿAtiyyah Saqr

De nombreux textes consacrent le mérite du dhikr, et plus généralement le mérite des invocations, à voix basse, à l’instar du verset : « Et invoque ton Seigneur en toi-même, en humilité et crainte, à mi-voix, le matin et le soir, et ne sois pas du nombre des insouciants. » [1] et le verset : « Invoquez votre Seigneur en toute humilité et recueillement et avec discrétion. Certes, Il n’aime pas les transgresseurs. » Muslim rapporta qu’Abû Mûsâ dit : « Alors que nous étions en voyage — et dans une variante, dans une campagne — en compagnie du Prophète — paix et bénédictions sur lui —, les gens haussèrent la voix en répétant le takbîr [2] — et dans une variante, chaque fois qu’ils passaient une colline — ils disaient “lâ ilâha illâ Allâh” (Il n’y a de divinité sauf Dieu). Le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — leur dit : “ Ne vous fatiguez pas outre mesure. Celui que vous invoquez n’est ni sourd ni éloigné. Celui que vous invoquez est audient, proche et Il est avec vous. ” » De plus, le Messager — paix et bénédictions sur lui — dit : « Le meilleur dhikr est celui qui est dit secrètement. » Il dit aussi : « Réciter le Coran discrètement est comparable à l’aumône donnée discrètement. »

Par ailleurs, de nombreux textes consacrent le mérite du dhikr à haute voix de manière générale, dont le hadîth transcendant rapporté par Al-Bukhârî : « Je suis Tel que mon Serviteur l’espère. Je suis avec lui lorsqu’il M’évoque. S’il M’évoque en son for intérieur, Je l’évoque en Mon for intérieur. S’il M’évoque dans une assemblée, Je l’évoque dans une meilleure assemblée. » Selon toute vraisemblance, l’évocation dans une assemblée ne se fait qu’à voix haute. Muslim et d’autres rapportèrent de manière authentique que les anges entourent les assemblées de dhikr, et particulièrement dans les mosquées, et que Dieu absout ceux qui s’assoient avec ceux qui Le mentionnent. Al-Bayhaqî rapporta « qu’un homme élevait la voix en faisant le dhikr, si bien qu’un autre se plaignit disant : “Si seulement celui-ci baissait la voix !” Le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — lui dit : “Laisse-le, il est très implorant !” » Al-Hâkim rapporta d’après ʿUmar — qu’Allâh l’agrée — une parole attribuée au Prophète — paix et bénédictions sur lui — : « Quiconque va au marché et dit “lâ ilâha illâ Allâh wahdahu lâ sharîka lahu, lahu al-mulku wa lahu al-hamdu yuhyî wa yumîtu wa huwa ʿalâ kulli shay’in qadîr” — Il n’y a de divinité que Dieu, le Seul sans associé. À Lui appartient la royauté et à Lui revient la gloire. Il donne la vie et donne la mort et Il est Tout Puissant —, Dieu lui inscrira mille milliers de bonnes actions, lui pardonnera mille milliers de péchés, élèvera son rang de mille milliers de degrés, et lui construira une maison dans le Paradis. »

An-Nawawî concilia les textes consacrant le dhikr à voix haute et ceux consacrant le dhikr à voix basse disant : « La discrétion est préférable lorsque l’on craint l’hypocrisie et lorsque l’on est susceptible de déranger les orants ou les dormeurs. Sinon, le dhikr à voix haute est préférable car l’implication y est plus forte et il profite à l’entourage ; il éveille le cœur du récitateur, lui permet de se focaliser sur la méditation, il n’entend plus que cela, il n’est pas en proie à la somnolence et s’emplit d’énergie. Certains dirent : “Il convient de hausser la voix par moments et de la baisser par moments. Car celui qui récite à voix basse peut se lasser et retrouvera un peu d’allant en haussant la voix. Et, inversement, celui qui récite à haute voix peut se fatiguer et trouvera un peu de repos dans la discrétion.” » Fin de citation.

Ce raisonnement s’applique sauf dans le contexte de l’enseignement et lorsque les invocations sont collectives par nature à l’instar de la prière de l’istisqâ’ [3] et lors du qunût. En effet, dans ces situations, hausser la voix est préférable.

Les considérations précédentes concernent le dhikr et les invocations de manière générale. En ce qui concerne les invocations formulées à l’issue des prières en particulier, certains textes consacrent le dhikr à voix haute, dont cette parole d’Ibn ʿAbbâs — que Dieu l’agrée ainsi que son père — , rapportée par Al-Bukhârî et Muslim : « Je savais que le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — avait conclu la prière grâce au takbîr. » Dans une variante rapportée par Muslim, le propos est au pluriel : « Nous savions... » Et dans une variante commune à Al-Bukhârî et Muslim : « La pratique consistant à hausser la voix en faisant le dhikr à l’issue des prières prescrites avait cours du temps du Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui —. » Ibn ʿAbbâs précisa : « Je savais que les gens avaient terminé de prier lorsque je l’entendais. » Ceci signifie que les gens qui priaient dans les dernières rangées n’entendaient pas le salâm final par lequel le Messager concluait la prière et patientaient jusqu’à ce qu’il eut fini la prière et commencé le dhikr qui suit la prière comme le takbîr, le tasbîh et le tahlîl c’est-à-dire que sa voix était élevée à ce moment là et leur parvenait.

Concernant la discrétion pendant la conclusion de la prière, Ahmad rapporta d’après Abû Saʿîd Al-Khudrî que : « Pendant qu’il était en retraite, le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — les entendit réciter à voix haute alors qu’ils étaient dans une tente à eux. Il écarta les rideaux et leur dit : “Chacun d’entre vous s’adresse à son Seigneur, ne vous gênez pas les uns les autres, et ne faîtes pas de surenchère dans la récitation” ou dit-il “dans la prière” ».

Face à ces textes, les savants divergèrent sur l’appréciation de l’accomplissement du dhikr à voix haute à l’issue des prières. Certains n’y virent aucun mal sur la base du récit d’Ibn ʿAbbâs alors que d’autres le jugèrent détestable eu égard au récit d’Abû Saʿîd Al-Khudrî.

Commentant le hadîth d’Ibn ʿAbbâs, l’Imâm An-Nawawî dit dans son commentaire du Sahîh de Muslim (volume 5, page 84) : « Ceci appuie la sentence de certains de nos prédécesseurs selon qui il est recommandable de hausser la voix en faisant le takbîr et en faisant le dhikr à l’issue des prières prescrites. » Parmi les générations ultérieures, Ibn Hazm le dhâhirite jugea cela recommandable également.

Ibn Battâl et d’autres rapportèrent que les fondateurs des écoles juridiques les plus suivies jugèrent de manière unanime que le dhikr et le takbîr à voix haute ne sont pas recommandés. Ash-Shâfiʿî — qu’Allâh l’agrée — interpréta le hadîth d’Ibn ʿAbbâs disant que le Prophète avait haussé la voix un temps à titre pédagogique pour leur enseigner la manière de faire le dhikr, et que les Compagnons ne haussaient pas la voix en permanence. Il dit : « Je préfère donc que, à l’issue de la prière, l’Imâm et l’orant qui prie derrière lui mentionnent Dieu — Exalté soit-Il — discrètement. À moins que l’Imâm veuille hausser la voix pour enseigner la manière de faire le dhikr. Puis, il rebaisse la voix par la suite. » Telle fut son interprétation du hadîth.

Pour ma part, après avoir passé en revue diverses opinions fondées sur des textes généraux et spécifiques, j’opte pour le dhikr à voix basse car il est plus favorable au plan de la sincérité, et présente l’avantage de ne pas déranger les autres orants et ce, dans les milieux islamiques où l’on sait comment la prière se conclut [4]. Dans les sociétés où l’islam est apparu récemment, il est préférable de hausser la voix à des fins pédagogiques, et ce provisoirement. Ensuite, la discrétion devient préférable. La discrétion ne signifie pas de chuchoter au point que l’on ne s’entende pas soi-même, mais plutôt de faire en sorte de ne pas déranger autrui.

P.-S.

Traduit de l’arabe du site islamonline.net. La version originale est consultable sur archive.org.

Notes

[1Sourate 7, Al-Aʿrâf, Les Limbes, verset 205.

[2Le takbîr c’est le fait de dire “Allâhu Akbar” (Dieu est le plus Grand). NdT.

[3Prière effectuée en cas de sécheresse pour demander à Dieu d’envoyer la pluie. NdT.

[4Pour de plus amples informations sur la manière de conclure la prière, conférer notre article intitulé « La conclusion de la prière » de Sheikh Ash-Shaʿrâwî.

Répondre à cet article



 RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé | SPIP |
© islamophile.org 1998 - 2024. Tous droits réservés.

Toute reproduction interdite (y compris sur internet), sauf avec notre accord explicite. Usage personnel autorisé.
Les opinions exprimées sur le site islamophile.org sont celles de leurs auteurs. Exprimées dans diverses langues étrangères, ces opinions sont mises à la portée des lecteurs francophones par nos soins, à des fins d'information, de connaissance et de respect mutuels entre les différentes cultures et religions du monde.