lundi 27 octobre 2008
Quel est le point de vue de l’islam sur le planning familial par le biais des moyens modernes de contraception ? Est-ce que cela est considéré comme un crime contre la descendance potentielle ? Quelles sont les raisons que l’on pourrait invoquer pour justifier le planning familial ?
Il n’y a pas d’objection au planning familial s’il est décidé d’un commun accord par les époux et qu’il ne porte pas préjudice à l’épouse. Les Compagnons pratiquaient la contraception par le biais du coïtus interruptus pour diverses raisons, sans que le Messager — paix et bénédictions sur lui — ne le leur interdise, comme cela fut rapporté dans le Sahîh.
Il ne fait aucun doute que la préservation de l’espèce humaine est l’un des premiers objectifs, voire le premier objectif, du mariage. Or cela n’est possible que par le biais de la procréation. L’islam valorise les descendances nombreuses ; il bénit les enfants, autant les garçons que les filles. Mais il autorise les musulmans à planifier les naissances pour des motifs raisonnables et valides. Le moyen le plus répandu auquel on avait recours au temps du Messager — paix et bénédictions sur lui — était l’onanisme, c’est-à-dire l’éjaculation en dehors du vagin. Les Compagnons recouraient à cette pratique au temps de la prophétie et de la révélation ; on rapporta dans les deux Sahîh selon Jâbir : « Nous interrompions (le coït) au temps du Messager — paix et bénédictions sur lui — tandis que le Coran continuait d’être révélé ». Dans le Sahîh de Muslim : « Nous interrompions (le coït) au temps du Messager — paix et bénédictions sur lui —. Lorsqu’il en fut informé, il ne nous l’interdit point. »
« Un homme se rendit auprès du Prophète — paix et bénédictions sur lui — et lui dit : “Ô Messager de Dieu, j’ai une esclave et j’interromps le coït avec elle, car je n’aimerais pas qu’elle tombe enceinte. En même temps, je recherche ce que les hommes recherchent. Mais les Juifs disent que le l’interruption du coït c’est pour les enfants un petit meurtre.” Il répondit — paix et bénédictions sur lui — : “Les Juifs n’ont pas dit vrai. Si Dieu voulait le créer (l’enfant), tu ne pourrais pas t’y opposer.” » [1] Le Prophète voulait dire que, malgré la prudence de l’époux, une goutte de sperme peut s’échapper et provoquer une grossesse à son insu.
Dans l’assemblée de ʿUmar, alors qu’on discutait de la question de l’interruption du coït, un homme dit : « On prétend que c’est un petit meurtre d’enfant. » ʿAlî répondit : « Ca ne devient un meurtre d’enfant qu’après que le fœtus est passé par les sept phases : l’extrait d’argile, puis la goutte de sperme, puis l’adhérence, puis les os, puis les os sont recouverts de chair, puis cela devient une autre création. » ʿUmar acquiesça : « Tu as dit vrai... Que Dieu prolonge ta vie. »
Le planning familial peut devenir nécessaire pour diverses raisons au premier rang desquelles il y a la crainte pour la vie ou la santé de la mère à cause de la grossesse ou de l’accouchement, si cela est déterminé par l’expérience ou selon l’avis d’un médecin fiable. Le Très-Haut dit : « Et ne vous exposez pas au péril par vos propres mains » [2] et aussi : « Et ne vous tuez pas vous-mêmes. Allah, en vérité, est Miséricordieux envers vous. » [3]
On peut aussi invoquer la crainte de difficultés matérielles qui mettraient en péril la religiosité par l’acceptation de l’argent illicite et l’accomplissement des interdits pensant réaliser l’intérêt des enfants. Le Très-Haut dit : « Allah veut pour vous la facilité, Il ne veut pas la difficulté pour vous » [4] et « Allah ne veut pas vous imposer quelque gêne » [5]
On peut également invoquer la crainte pour la santé ou l’éducation des enfants. On rapporta dans le Sahîh de Muslim d’après Usâmah Ibn Zayd que : « Un homme se rendit auprès du Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — et lui dit : “Ô Messager de Dieu, j’interromps le coït avec mon épouse.” Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — s’enquit : “Pourquoi agis-tu de la sorte ?” L’homme dit : “Par pitié pour son enfant.” — ou dans une variante (au pluriel) : “pour ses enfants” —. Le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — dit : “Si cela était mauvais, cela le serait pour la Perse et Byzance.” » [6] C’est comme si le Prophète — paix et bénédictions sur lui — pensait que les cas individuels ne nuisent pas à la nation dans son ensemble, vu que cette pratique n’avait pas nui aux empires perse et byzantin, les deux empires les plus puissants au monde à cette époque.
Un autre motif juridiquement valide réside en la crainte pour le nourrisson de l’effet d’une nouvelle grossesse ou de l’arrivée d’un nouveau-né. Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — qualifia le coït en période d’allaitement de « coït perfide » en raison des effets nocifs que cela a sur la qualité du lait et la santé du nourrisson. Il le qualifia de perfide car il s’agit d’un crime caché contre le nourrisson, qui serait comparable à un meurtre sournois.
Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — s’efforçait de servir l’intérêt général de sa communauté et la dissuadait de ce qui pouvait lui porter préjudice. Dans cet état d’esprit, il dit : « Ne tuez pas vos enfants secrètement ; la perfidie est capable de toucher le chevalier et de le désarçonner. » [7] Toutefois, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — n’a pas confirmé l’interdiction au point de rendre (la procréation en période d’allaitement) illicite. Vu que les grandes nations de l’époque ne semblaient pas pâtir de cette pratique — le préjudice n’est donc pas assuré —, et vu que l’interdiction du coït en période d’allaitement, si elle était catégorique, serait trop difficile à supporter pour les époux étant donné qu’un allaitement complet dure deux ans, pour toutes ces raisons il dit : « J’ai failli interdire la grossesse en période d’allaitement, mais j’ai vu que cette pratique était répandue chez les Perses et les Byzantins et que cela ne nuisait pas à leurs enfants. » [6]
Ibn Al-Qayyim — que Dieu lui fasse miséricorde — expliqua le lien entre ce hadith et le hadith précédent disant : « D’une part, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — indiqua que l’allaitement en période de grossesse produisait sur le nourrisson le même effet que le fait pour un chevalier d’être désarçonné et terrassé. Ceci implique donc une forme de préjudice pour le nourrisson mais cela ne revient pas à le tuer. Vu le préjudice que subit le nourrisson, il leur recommanda de ne pas provoquer une grossesse en période d’allaitement mais il n’a pas rendu cela illicite — c’est-à-dire que l’ordre donné ne dénote pas le caractère illicite. Puis au moment où il songea à interdire absolument cette pratique par obstruction aux prétextes causant tout préjudice au nourrisson, il vit que cette obstruction aux prétextes ne contrebalance pas les conséquences néfastes de l’abstention de tout rapport sexuel avec les femmes allaitantes, notamment en ce qui concerne les jeunes gens et ceux qui ont une libido qui ne peut être modérée que par les rapports sexuels avec leurs épouses. Il considéra que la réalisation de cet intérêt était prioritaire à l’obstruction aux prétextes conduisant au préjudice en question. Car en réfléchissant à la situation des deux nations, les deux nations les plus puissantes de l’époque, et comment elles ne cherchaient pas à éviter cette pratique malgré leur puissance, il s’abstint de l’interdire. » [8]
Enfin, il existe de nos jours des moyens de contraception modernes permettant de réaliser l’intérêt visé par le Messager — paix et bénédictions sur lui —, à savoir la protection du nourrisson contre tout préjudice, tout en évitant l’autre préjudice découlant de l’abstinence sexuelle pendant la période d’allaitement et ce que cela comporte comme difficultés.
À la lumière de ces éléments, nous établissons que la durée idéale de l’allaitement se situe du point de vue islamique entre trente et trente-trois mois pour quiconque souhaiterait faire un allaitement complet. L’Imâm Ahmad établit que la contraception [9] est permise sous réserve d’autorisation de l’épouse car elle a droit à la progéniture et elle a droit à la jouissance. On rapporta que ʿUmar interdit le coïtus interruptus, sauf avec la permission de l’épouse. Or cette délicate attention fait partie de l’attention que l’islam accordait déjà aux droits de la femme à une époque où l’on ne reconnaissait à celle-ci aucun droit.
Et Dieu est le plus savant.
Traduit de l’arabe du site islamonline.net. La version originale est consultable sur archive.org.
[1] Rapporté par les auteurs des Sunan.
[2] Sourate 2, Al-Baqarah, La génisse, verset 195.
[3] Sourate 4, An-Nisâ’, Les femmes, verset 29.
[4] Sourate 2, Al-Baqarah, La génisse, verset 185.
[5] Sourate 5, Al-Mâ’idah, La table servie, verset 6.
[6] Rapporté par Muslim.
[7] Rapporté par Abû Dâwûd.
[8] Conférer Miftâh Dâr As-Saʿâdah d’Ibn Al-Qayyim, p. 620 et Zâd Al-Maʿâd, vol. IV, page 16 et suivantes, éditions Subayh.
[9] Notamment le coïtus interruptus. NdT.
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