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Le rôle réformateur des Soufis en Inde et leur influence sur la société

Le renoncement aux apparats de la vie présente et le mépris du prestige

vendredi 6 février 2004

Les Soufis et les Sheikhs refusèrent les postes gouvernementaux et les cadeaux - terres, territoires féodaux, libéralités et rations - que leur proposaient les rois et les princes. Ils s’en abstinrent en permanence. Ils édifièrent ainsi un phare monumental du contentement, de l’ascétisme, de l’abandon confiant à Dieu, de la dignité et de l’honneur, grâce auquel la générosité, l’énergie, l’ambition et la fermeté sur la voie de la vérité vécurent au sein de la société indienne. Ils préservèrent l’honneur de l’humanité et protégèrent sa dignité dans ce marché noir où les êtres et les âmes sont vendus, comme des marchandises - un marché où l’on entend parfois des appels de vente et où l’on trouve même des surenchères.

Leur devise, en toute situation et en permanence, fut ce que le poète écrivit en langue persane : « Je ne troquerais point ma modeste cape et mes vêtements usés contre les étendards des rois. Je n’accepte pas de quitter ma pauvreté pour le royaume de Salomon. Ce trésor que j’ai trouvé dans mon coeur, par l’effort assidu, je ne l’échangerais guère contre le confort, l’aisance et le luxe des rois. »

De magnifiques exemples d’ascétisme, de contentement, de dignité, d’honneur, d’ambition et d’altruisme foisonnent dans l’histoire du Tasawwuf en Inde. Chaque tarîqah [1] soufie dans ce pays ne manque pas de ces exemples.

Nous présentons ici quelques illustrations des treizième et quatorzième siècles, une ère où l’attachement aux biens matériels eut une emprise sur l’Inde.

Le roi d’Inde dit à Sheikh Shams Ad-Dîn Habîb Allâh, l’un des Sheiks de la tarîqah Naqshabandiyyah Mujaddidiyyah, connu sous le nom de "Mîrzâ Jan Janan Ad-Dahlawî" (m. 1195 A.H.) : « Dieu m’a accordé un vaste royaume et je vous prie d’en accepter une part. » Le Sheikh lui répondit : « Dieu affirme la futilité de la vie présente : "Dis : La jouissance de la vie présente n’est que peu de chose." [2]. Votre royaume n’est qu’une petite province des terres de ce bas-monde et je ne voudrais pas partager cette petite part avec vous. » A une autre occasion, l’Émir Âsif Jâh, Vizir du royaume moghol en Inde, lui offrit vint mille roupies, mais le Sheikh les refusa. Alors l’Émir lui dit de les prendre et de les distribuer aux nécessiteux. Mais le Sheikh lui dit : « Je ne saurais accomplir cette tâche correctement. Prenez donc en charge sa distribution. Vous partagerez cette somme et la distribuerez sur votre chemin, et s’il en reste quelque chose, cela sera dépensé plus tard. »

Mir Khân, gouverneur de la province de Tunk, voulut fixer un salaire annuel pour la zaouia de Sheikh Ghulâm ʿAlî Ad-Dahlawî. Le Sheikh lui écrivit alors un vers qui signifiait : « Nous n’humilions pas la pauvreté et le contentement. Nous ne blessons pas leur honneur. Dis à Mir Khân : La subsistance est décidée par Dieu - Exalté soit-Il. »

Un gouverneur britannique distingué rendit une fois visite au Sheikh Fadl Ar-Rahmân Al-Kinj Murâd Âbâdî. Ému par les exhortations et les paroles du Sheikh, il lui dit : "Si vous acceptez, nous vous fixerons un salaire." Mais le Sheikh lui répondit : « Qu’ai-je à faire de votre argent. Je possède par la grâce de Dieu un lit, deux cruches et deux jarres. Certains de nos compagnons apportent du maïs et nous faisons notre pain. Ma femme cuisine un peu de légumes que nous mangeons avec le pain, et cela nous suffit. »

Le Professeur Muhibb Allâh raconte que l’Émir Klab ʿAlî Khân, gouverneur de la province de Rampûr, exprima le souhait d’être honoré par la visite du Sheikh Fadl Ar-Rahmân Al-Kinj Murâd Âbâdî. Le Professeur susmentionné lui demanda ce qu’il offrirait au Sheikh s’il répondait favorablement à son invitation. L’Émir proposa cent mille roupies. Alors il partit pour la ville de Murâd Âbâd et dit au Sheikh : « L’Émir désire vivement vous voir et vous offre cent mille roupies, si vous lui rendez visite. » Le Sheikh continua à parler comme si de rien n’était, puis dit : « Écoute, tu peux ensevelir les cent mille roupies dans la poussière. Écoute-moi, et il dit un vers signifiant : "Lorsque nous voyons Sa Générosité et Son Bienfait affluant vers ce cœur, nous trouvons que ce cœur vaut plus que Jâm Jum". [3]. »

P.-S.

Traduit du ivre Rabbâniyyah lâ Rahbâniyyah (Sainteté contre Monachisme), de l’Imâm An-Nadwî, éditions Mu’assasat Ar-Risâlah, pp. 104-107.

Notes

[1Le mot tarîqah désigne ici une école soufie, une confrérie.

[2Sourate 4, les Femmes, An-Nisâ’, verset 77.

[3Jâm Jum désigne la coupe de l’ancien roi Perse, exemple même de la richesse et de la beauté. Selon la légende, il y voyait le monde.

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